Dossier d’œuvre architecture IA69006830 | Réalisé par ;
Delavenne Magali (Contributeur)
Delavenne Magali

Conservatrice du patrimoine, chercheure au Service de l'Inventaire (2014- ).

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  • inventaire topographique, Inventaire de la Ville de Lyon
Place des Squares, actuellement place Raspail et place Jutard
Œuvre repérée
Copyright
  • © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
  • © Ville de Lyon

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lyon Saint-André
  • Commune Lyon 7e
  • Lieu-dit Guillotière
  • Cadastre 1999 AB NC
  • Dénominations
    place
  • Appellations
    Squares, Raspail, Jutard

La question du traitement urbain du débouché du pont de la Guillotière sur la rive gauche du Rhône se pose depuis le comblement des dernières arches du pont par le promoteur et ingénieur André Combalot en 1825. Ces travaux ont eu pour effet de déplacer le point de contact entre le pont et la rive au sud de la place du pont (place Gabriel-Péri).

La place du Port-au-Bois (2e quart 19e siècle ?)

En 1830, le cours de Brosses est construit sur l'emplacement des sept arches occidentales Amorce de l'actuel cours Gambetta, il forme un prolongement monumental à la chaussée du pont. La digue de la Vitriolerie construite à partir de 1825 délimite un bas-port appelé port Combalot. Vite colonisé par les chantiers de tailleurs de pierres, il est appelé Port-aux-Pierres et forme pendant au Port-au-Bois, situé en amont du pont.

Un plan daté de 1842 fait apparaître, au nord du pont, un espace réservé pour une place publique dite place du Port-au-Bois. Elle est implantée perpendiculairement au Rhône, à l'emplacement actuel de la place Jutard.Projet de nivellement du cours de Brosses, montrant la place du Port-au-Bois en 1842 (AC Lyon 3 S 72)Projet de nivellement du cours de Brosses, montrant la place du Port-au-Bois en 1842 (AC Lyon 3 S 72)

Quelques années plus tard, le second plan d'alignement de la commune de la Guillotière, le plan Van Doren, prévoit au même endroit une place beaucoup plus vaste, implantée parallèlement au Rhône, dont l'emprise court du cours Gambetta à la rue Chaponnay. D'abord appelée place Napoléon, elle deviendra la place de la Victoire en 1854.

La place de la Victoire a totalement disparu aujourd'hui. Une partie de cette place est distraite de l'ensemble pour créer les squares de la Guillotière et est devenue l'actuelle place Antonin-Jutard. Le reste de la place est encore fortement réduit par la construction d'immeubles en bordure du quai de Joinville et sur la rue Basse-du-Port-au-Bois. Le dernier espace public subsistant est supprimé avec l'édification du Palais de la Mutualité en 1910.

Le projet Rey (1854)

En 1854, l'esthète Étienne Rey, peintre et ancien conservateur du musée de Vienne domicilié rue Passet, publie un fascicule proposant la création d'un parc public à l'emplacement des trois arches du pont surplombant le bas-port, qu'il décrit comme un foyer d'infection.

« Dans ce lieu, à vingt mètres de riches habitations, l’on entasse journellement des débris de végétaux et d’animaux, qui se convertissent en boue infecte. L’absence de latrines publiques dans ce quartier conduit aussi sous ces arcades tous ceux qui ont des besoins à satisfaire. Il n’est pas une personne qui, en traversant le pont de la Guillotière ou en passant sous l’arcade qui communique du marché au quai Combalot, ne soit offusquée d’un spectacle où la décence, la vue et l’odorat sont justement blessés par tout ce qu’il y a d’ailleurs de contraire aux lois de l’hygiène la plus vulgaire. Enfin, si les eaux de pluie viennent se mêler à ces ordures de tout genre, comme elles y sont sans écoulement, elles donnent lieu aux émanations les plus fétides dont il est facile de comprendre tout le danger. »

Il suggère la création d'une promenade sur toute la profondeur des trois arches, de part et d'autre du pont soit de la rue Montebello au nord à la rue d'Aguesseau au sud. La dernière arche serait transformée en passage cocher joignant la place Napoléon au nord et une promenade plantée d'arbres au sud (dotée d'un hémicycle de verdure, d'un bassin avec statue et d'une buvette), la seconde arche abriterait deux cafés ouvrant de part et d'autre, la plus proche du fleuve serait conservée comme pré d'étendage du linge ou jeu de boules. Rey envisage deux modes opératoires possibles, la maîtrise d'ouvrage publique assurée par l’État ou la Ville de Lyon, ou sa concession à « une compagnie de propriétaires riverains concessionnaires d’un bail longue durée, bénéficiant de la plus-value pour leurs immeubles et des produits de location et revenus de la promenade, avec fourniture des eaux par la ville ».

Avec la construction du quai du Prince-impérial à partir de 1859, une pétition des habitants du quai reprenant sensiblement les arguments du mémoire Rey est soumise au préfet en 1860. En effet, la ville et l’État avaient l'intention de vendre à des investisseurs les délaissés de terrains qu'ils avaient acquis pour la construction du quai, et ainsi compenser une partie des dépenses engagées. Les pétitionnaires sont alors suspectés de vouloir empêcher la construction d'immeubles sur l'ancien bas-port et préserver les vues de leurs propres immeubles sur le fleuve.

Les squares du pont de la Guillotière (1866)

Le projet aboutit cependant en 1865-1866 et les deux parcs dits squares de la Guillotière ou squares du Prince-impérial sont aménagés sur les plans de l'ingénieur municipal L. G. Delerue. La maçonnerie est assurée par l'entrepreneur Charles Esculape, les grilles fournies par les Hauts fourneaux de Givors et posés par le serrurier Jean-Baptiste Pitrat. Aménagement de la place des squares. Plan des lieux, 30 décembre 1865 (AC Lyon, 1923 W 12)Aménagement de la place des squares. Plan des lieux, 30 décembre 1865 (AC Lyon, 1923 W 12)

Quoique souvent signalés comme trop exigus et inadaptés pour accueillir des rassemblements, les squares accueillent des concerts : prestation de la musique militaire du 4e corps d'armée tous les dimanches à partir de 1866, proposition de la société des artistes civils de Lyon refusée en 1871, puis suppression d'une corbeille de fleurs pour l'installation de la fanfare "La Laborieuse" en 1885.

Les places Raspail et Jutard sont implantées sur des terrains gagnés sur les lônes et le lit du Rhône après la construction du quai Claude-Bernard. A la suite d'une pétition des habitants et propriétaires riverains, la Ville et l’État décident de convertir en jardins publics les délaissés de terrains qu'ils avaient acquis pour la construction du quai. Deux squares de taille et de forme différentes, séparés par le cours de Brosses (Gambetta), sont aménagés en 1866 sur les plans de l'ingénieur au service des Travaux et Contrôle des eaux de la ville, L. G. Delerue. La maçonnerie est assurée par l'entrepreneur Charles Esculape, les grilles fournies par les Hauts fourneaux de Givors et posées par le serrurier Jean-Baptiste Pitrat. L'ensemble est d'abord appelé "place des Squares du pont de la Guillotière". Il est renommé place Raspail en 1884, en hommage au chimiste et homme politique François-Vincent Raspail (Carpentras 1794 - Arcueil 1878), grande figure des luttes républicaines et doyen de la première assemblée républicaine en 1876. Un monument commémoratif orné d'un buste (IA69006831 disparu) est alors mis en place.

En 1944, le square nord est détourné de l'ensemble et prend le nom d'Antonin Jutard, assassiné par la Milice le 17 novembre 1943. La séparation des deux parties est accentuée par l'aménagement du carrefour du pont de la Guillotière en rond-point surnommé la Fosse-aux-ours (IA69005184), à la suite de la reconstruction du pont en 1954. En 2007, à la suite du programme de mise en valeur des berges du Rhône et de la construction du parking Fosse aux ours, les deux places ont fait l'objet d'un réaménagement par l'agence AABD Architectes (Bruno Dumetier).

L'ensemble comprend aujourd'hui deux places différentes, séparées par le cours Gambetta. La place Jutard est un terre-plein de petites dimensions, occupé par un manège : elle est limitée par la quai Augagneur, le cours Gambetta, la rue Larrivé et la rue Montebello. La place Raspail occupe une parcelle allongée, dont l'extrémité sud est en biseau. Elle possède un terre-plein nord minéralisé faisant écho à la place Jutard. La partie centrale, en contrebas d'une demi-douzaine de marches, comprend une promenade dallée encadrée de deux massifs végétaux (arbres et pelouses).

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • AC Lyon. 1923 W 12. Promenades et jardins de la ville (registre factice) : registre 58, vol. 4, dossiers n°20 à 24.

    AC Lyon : 1923 W 12
    Dossier n°21 : Création des squares du Prince-impérial, 1860-1866.
  • AC Lyon. 1923 W 013. Promenades et jardins de la ville : registre n° 58, vol. 6, dossiers n° 1 à 45.

    AC Lyon : 1923 W 013
    Dossier n°4 : demande d'organisation de concerts par la société des artistes civils de Lyon. Dossier n°17 : mauvais état du square de la Guillotière. Dossier n°27 : ouverture au public du square de la Guillotière nord.
  • AC Lyon. 1923 W 014. Promenades et jardins de la ville, registre factice n°58, vol. 7, dossiers n°1 à 30.

    AC Lyon : 1923 W 014
    Dossier n°26 : érection du monument Raspail. Dossier n°27 : concerts gratuits donnés par l'association "La Laborieuse". Dossier n°28 : érection du monument Thiers.
  • Grand Lyon Séance publique 12 juillet 2004. Délibération n° 2004-2024. [en ligne] http://www.grandlyon.com/delibs/pdf/ConseildeCommunaute/2004/07/12/DELIBERATION/2004-2024.pdf

  • Ville de Lyon. Délibération du conseil municipal. Séance du 13 février 2006.

Bibliographie

  • REY, Étienne. Projet de promenades au Bas-port Combalot et à la place Napoléon, ancien faubourg de la Guillotière. Lyon : impr. De Fonville-Brunet et Bonnaviat, 1854, 16 p., 1 plan.

  • EBERHARD, Pierrick. Lyon et ses parcs et jardins. Lyon : Editions lyonnaises d'art et d'histoire, 2010

    p. 74
  • VANARIO, Maurice. HOURS, Henri (sous la direction de). Les rues de Lyon à travers les siècles (XIVe au XXe). Lyon : Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 1990. 283 p. ; 24 cm.

    p. 221
  • PELLETIER, Jean, DELFANTE, Charles. Places de Lyon. Portraits d'une ville. Lyon : Stéphane Bachès, 2009, 160p.

Périodiques

  • La renaissance des places Jutard et Raspail. Le Progrès du Rhône, 3 février 2006

  • GUILLOT, Catherine. « Heurs et malheurs de quelques monuments lyonnais de la Guillotière », Les carnets de l’Inventaire : études sur le patrimoine – Région Rhône-Alpes [en ligne], 1er mai 2012. URL : <http://inventaire-rra.hypotheses.org/784>

Date(s) d'enquête : 2012; Date(s) de rédaction : 2019
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
© Ville de Lyon
Delavenne Magali
Delavenne Magali

Conservatrice du patrimoine, chercheure au Service de l'Inventaire (2014- ).

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