"Monument de la République et monument pour la place Carnot", dans L´Œuvre de Gaspard André. Introduction par Édouard Aynard. Lyon : A. Storck et Cie, imprimeurs-éditeurs, 1898, p. 105-106.

Le concours demandait le projet d'un monument à élever en l'honneur de la République, sur la place Perrache, la première que les étrangers rencontrent, à Lyon, au sortir de la gare, en se rendant en ville.

Les concurrents devaient utiliser la fontaine existante. Cette fontaine est, à proprement parler, une plate-forme circulaire surélevée de quelques marches au-dessus de la place, et que décorent quatre petites fontaines peu monumentales. Elle ornait primitivement la place des Jacobins ; elle en fut exilée et remplacée par la fontaine d'André (voir nos pl. 18, 19, 20) [fontaine des Jacobins], et transportée sur la place Perrache (aujourd'hui place Carnot) qui faisait un cadre plus proportionné à sa superficie.

Au lieu d'un projet, G. André en fit deux : l'un destiné à la place Perrache, l'autre à la cour d'honneur de l'hôtel de ville. Voici les raisons qu'il donna de sa détermination.

"Il a paru à l'auteur de ces esquisses qu'un monument en l'honneur de la République ne pouvait, à Lyon, être mieux placé que dans notre hôtel de ville où, avant que Paris ne se fût prononcé, la République était acclamée le 4 septembre 1870.

"De même que les Athéniens plaçaient dans leur Acropole une Minerve colossale, les Lyonnais pourraient placer la statue projetée dans l'hémicycle de notre édifice municipal que ses dispositions préparent admirablement à la recevoir.

"Il reste trop peu de temps avant 1889 pour construire de toutes pièces un monument digne de durée. Ici le monument est prêt et ce cadre superbe n'attend que sa statue.

"On ferait d'une pierre deux coups, en la plaçant dans la grande niche à arcades qui termine la cour d'honneur ; car, grâce à la prochaine installation de la préfecture dans les nouveaux bâtiments qu'on lui prépare, on pourrait débarrasser l'hémicycle des vitrages et de la serre qu'à son grand regret M. Desjardins dut installer (M. Vaïsse exigeant une communication à couvert entre ses appartements et ceux de l'empereur). Or, malgré le talent dépensé, cette malheureuse applique dénature l'édifice et masque les perspectives, rivales de celles des palais de Gênes et autrefois célèbres ; vues de l'un et de l'autre côté, les deux cours superposées à des niveaux différents, les deux rangées d'arcades, le beffroi et le théâtre.

"Dans l'esquisse présentée les niches de l'hémicycle sont garnies de statues représentant les révolutions successives, 1789, 1830, 1848, 1870. La devise "liberté, égalité, fraternité" est rappelée dans la statue colossale par les chaînes brisées de la main, l'inscription du bouclier et les deux enfants assis sur la plinthe du socle. Sur la frise de l'hémicycle une inscription signale les bienfaits de la République. Les acclamations dont elle fut saluée à Lyon, au matin du 4 septembre, sont mentionnées sur le soubassement du piédestal.

"L'entourage de la place Perrache pourrait alors être réservé à un monument en l'honneur de la ville de Lyon.

"Le lion symbolique, dressé sur deux colonnes, terminerait la longue perspective de la rue Victor-Hugo. Sur l'une des faces du socle, ornée de la statue de la Saône et sous un écusson portant "l'autel de Rome et d'Auguste", seraient rappelés les souvenirs du Lyon antique. Sur l'autre face, ornée de la statue du Rhône, les noms glorieux du Lyon moderne seraient inscrits sous un écusson portant la façade de l'hôtel de ville (les statues et ornements seraient en plomb doré, comme l'étaient les sculptures de la pièce d'eau de Neptune à Versailles). L'étranger, dès ses premiers pas à Lyon, se trouverait en présence d'un monument célébrant les fastes de la cité et ce souvenir de ce que notre ville fit dans le cours des siècles s'arrangerait bien avec les représentations des saisons que répètent deux fois les statues et les mascarons de l'entourage. Statues et mascarons qui n'ont certainement aucune raison d'être autour d'un monument de la République."

Les planches [53 et 54] suppléent à toute description des deux projets.

M. Aynard, dans la préface de cet ouvrage, a dit, en quelques mots incisifs, l'impression que laissent ces conceptions, restées malheureusement à l'état de projets.

GARDES, Gilbert. Lyon, l'art et la ville. Urbanisme - Architecture. Paris : Éditions du CNRS, 1988

Le monument de Vaïsse

Tome II, p. 196-197 : L'histoire du monument de Vaïsse (1868, T. Desjardins) est un feuilleton politique. Lorsque Vaïsse quitte la Préfecture en 1864, l'administration décide de commémorer son action par deux monuments : une colonne surmontée d'un buste au parc de la Tête d'Or, un monument sur la nouvelle place de l’Impératrice (pl. des Jacobins) devenue rectangulaire à la suite de l'ouverture de la rue du même nom. C'est un terre-plein circulaire de c.42m de diamètre entouré d'une balustrade de pierre à laquelle s'adossent quatre fontaines ornées de statues des Saisons, situées sur les diagonales de la place afin de dissimuler le défaut des axes principaux. Quatre perrons introduisent le promeneur au centre de l'esplanade où s'élève le piédestal de la statue de Vaïsse.

Mais l'architecte est inquiet : "le monument n'est pas complètement populaire ... son principe, le choix de l'emplacement, le temps nécessaire aux travaux, tout celà [sic] a fait l'objet de nombreuses critiques". L'exécution en marbre (H = 1,53m)) des statues des saisons : Le Printemps (1868, P. Fabisch), l'Eté (1868, P. Fabisch), l'Hiver (1872, L.-A. Roubaud), l'Automne (1879, exécuté par Pagny sur un modèle de L.-A. Roubaud). La statue en bronze de Vaïsse (G. Bonnet, H = 3m) fondue le 24 juin 1868 n'est pas posée. Abandonnée dans l'entrepôt des Douanes, en 1891 elle est en passe d'être fondue pour fournir le bronze de la statue de C. Bernard. La famille Vaïsse la rachète in extremis mais le transport est trop cher et les héritiers la vendent à la fonte en juin 1902.

Transféré place Carnot en 1877 le cercle des fontaines constitue l'enceinte extérieure du monument de la République jusqu'à sa destruction en 1875. Les statues des Saisons existent toujours, posées dans les niches de l'orangerie du parc de la Tête d'Or.

GARDES, Gilbert. Lyon, l'art et la ville. Urbanisme - Architecture. Paris : Éditions du CNRS, 1988, 2 vol. 188-253 p. : ill., plans, cartes

Le monument du centenaire de la République

Extraits, t. II :

P. 140 : Au monument de la République, les fleuves, détruits sans discernement en 1975, ont des dieux la taille surhumaine. Unissant leurs forces, ils emportent sur leur dos la nef de la République pilotée par la Ville de Lyon. Leur regard dit leur quête, leurs mains leur rencontre. Saisissant la main de sa compagne, selon une habile transposition du jeu de mains de la chapelle Sixtine, le Rhône l'entraîne, dans une métaphore pleine de convenance.

P 189-190 : Le monument du centenaire de la République (1894/+1975, V. Blavette, E. Peynot) est l'un des maillons d'une chaîne de monuments commémoratifs érigés en 1889 dans la plupart des villes françaises. Il succède au monument équestre de Napoléon 1er et occupe l'emplacement circulaire délimité par les fontaines reconstruites du monument de Vaïsse. Classé premier parmi 18 projets présentés au concours de 1887, il n'est pas inauguré comme prévu, le 14 juillet 1894, car S. Carnot est assassiné en juin. Sa signification procède de son titre, En avant. Il se compose d'un fût conique (H = c.11m), coiffé d'un chapiteau monumental dont l'intérieur creux constitue un puits de visite. Au sommet, la statue en bronze de la République (1890, Peynot, Thibaut Frères) qui tend l'olivier de la paix d'une main tandis que de l'autre elle flatte un lion symbole de combativité. L'ensemble repose sur une base en forme de navire, porté par les fleuves lyonnais, gouverné par la Ville de Lyon, figure de proue de la République, tandis qu'à bâbord et tribord et à la poupe, les groupes de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité proclament sévèrement les vertus de la République, fluctuat nec mergitur. Un peu raide mais de belle venue, l'ensemble constituait une variation nouvelle sur le thème de la colonne rostrale. Démonté en 1975, il a été partiellement reconstruit et totalement mutilé.