Histoire de l'aménagement des bords de lac à travers les projets et les études d’urbanisme
Après la Première Guerre mondiale, les bords de lac ont fait l’objet de nombreuses études d’aménagement, commanditées par la municipalité, afin d’équiper et d’urbaniser ce secteur de la commune.
Le plan d’embellissement Duquesne : 1919-1929
Dans le cadre des lois Cornudet de 1919 et 1924, un premier plan général d'urbanisme d'Aix-les-Bains est mis en chantier par la municipalité Marty et confié à l’architecte parisien Joseph Armand Duquesne. Le projet, présenté en 1923 (Fig. : Plan d'embellissement Duquesne), se fonde sur le vieux rêve aixois de rapprocher le lac de la ville, regroupée autour du centre thermal (Fig. : Projet de canal du Lac à Aix). Pour cela, la voie ferrée doit être déplacée et la gare implantée à Choudy où elle côtoie une gare d’eau. Les bords du lac s'ornent d'équipements de loisirs tels qu’un stade nautique et un casino (Fig. : Aix-Plage). Duquesne dessine une nouvelle ville, composée de “cités” résidentielles, dénommée “Aix-Lac”. Une grande plage, appelée « Aix plage » et qui peut être identifiée comme une troisième ville, se développe dans la baie de Mémars. Bien que le projet soit adopté en 1925 par le conseil municipal, sa réalisation se heurte à des difficultés techniques et financières et notamment au déplacement de la voie ferrée et de la gare de chemin de fer (Fig. : Plan d’embellissement Duquesne).
Le plan Hébrard : 1932-1942
En 1932, le maire Maurice Mollard entreprend de remodeler la ville. Il confie l'élaboration d'un nouveau plan d’urbanisme à Ernest Hébrard. Ce plan doit prendre en compte les travaux programmés ou réalisés récemment et notamment la nouvelle Plage municipale et la station hydrobiologique (aquarium). Mais Ernest Hébrard décède en 1934 et son travail est repris par François Duval et Georges Meyer-Heine. Le plan présenté en 1934 est très sobre et s'organise autour d'une voirie quadrillant l'espace à l'arrière d'un boulevard préfigurant le boulevard Robert Barrier. Les terrains à l'est de cette avenue sont classés en zone résidentielle pour des constructions limitées en hauteur et en surface, dans un environnement protégé et aéré de parcs et jardins. Aucune zone n'est projetée en équipements d'hébergements touristiques ou de loisirs sportifs. Ce nouveau plan d'urbanisme est mis à mal par le changement de municipalité en 1939 et abandonné en 1942.
Les plans d’aménagement de Laurent Chappis : 1950-1963
L’architecte-urbaniste Laurent Chappis, né à Aix et installé à Chambéry, débute ses premières études et esquisses des bords de lac en 1950 (Fig. : Projet d’aménagement, 1951). La municipalité le charge, en décembre 1951, d’établir le plan de lotissement des terrains des bords de lac.
En février 1954, le conseil municipal approuve un ambitieux projet d’aménagement et d’équipement qui propose la création d’un véritable site balnéaire (Fig. : Avant-projet d’aménagement, 1954). Sur une vaste superficie, les plans montrent l’agrandissement et la spécialisation des ports, l’installation de plusieurs équipements de loisirs (sporting-club, yachting-club, piscine) et plusieurs formes d’habitat : immeubles collectifs, maisons individuelles, immeubles dits « à caractère social », zones de caravaning et de camping. D’importants aménagements paysagers complètent ces équipements : théâtre nautique, îles artificielles et cheminements piétons sinueux. A la demande du conseil municipal, Chappis réalise une nouvelle étude, recentrée sur une surface beaucoup plus modeste (terrains appartenant à la Ville) et sur leur lotissement. Les dessins, livrés en juillet 1954 (Fig. : projet d’aménagement, 1954), révèlent un projet proposant essentiellement la création d’habitations et de commerces, dépouillé d’aménagements paysagers et d’équipements de loisirs (excepté le yachting-club au Grand Port, voir Fig. : projet de club-house, 1954). Ces dessins sont accompagnés, pour chaque parcelle, des plans masses et des élévations des constructions (Fig. : aménagement des parcelles, 1954). Approuvé par la municipalité en 1955, ce projet rencontre l’opposition de la Commission départementale des Sites, jugeant la hauteur des constructions trop importante.
Afin de remédier à l’enlisement administratif, la municipalité invite ministres, parlementaires et députés savoyards en août 1956. A cette occasion, Chappis présente un projet, baptisé de son propre chef « projet canular », proposant de tailler la Dent du Chat en forme de pyramide et d’organiser l’aménagement des bords de lac autour de la création d’îles-pyramides (Fig. : projet canular, 1956).
En 1958, l’architecte élabore une nouvelle proposition qui semble prendre acte des réticences de la Commission départementale des Sites : l’espace compris entre Sierroz et Tillet est laissé quasiment vierge (Fig. : projet d’aménagement, 1958). Ce nouveau projet n’obtient pas l’assentiment du conseil municipal, le jugeant trop onéreux en raison de sa faible densité.
En 1959, la Ville décide de relancer le projet sur de nouvelles bases et commande une étude portant sur une superficie beaucoup plus importante, renouant ainsi avec les premières propositions de Laurent Chappis (Fig. : projet d’aménagement, 1959). En 1961, les plans définitifs montrent la création d’une station balnéaire, dotée de plusieurs équipements et de diverses formes d’habitat pour des clientèles différentes : la baie de Mémars, avec son camping et sa plage populaire, s’adresse à une population modeste ; la zone comprise entre le Tillet et le Sierroz, avec maisons individuelles disposées en grappes au sein d’un aménagement paysager exempt de clôture, immeubles dotés d’une vue sur le lac et deux bassins de natation situés sur les terrains municipaux (Fig. : projet de plans d’eau), est réservée à l’accueil d’une clientèle aisée. Le projet prévoit aussi une continuité urbaine avec la création d’une zone sédentaire constituée d’habitations collectives, à l’est et dans les terres. Excepté l’implantation, à l’embouchure du Sierroz et derrière la Plage, d’immeubles « chandelles », que Chappis définis comme « des immeubles en hauteur très effilés dont le découpage sur l’horizon ne gênerait en aucune manière la vue du paysage [et dont] la hauteur ne saurait dépasser 10 à 12 étages », la densité et la hauteur des constructions augmentent progressivement depuis les bords de lac jusqu’à la voie ferrée (Fig. : projet d’aménagement, 1962). Le projet se heurte cependant à une vive opposition, exprimée lors de l’enquête publique réalisée en juin 1962. La polémique entraîne le désaveu de l’équipe conduite par le maire sortant, Lucien Spycher, au profit de son adversaire Edouard Dorges, lors des élections municipales de 1963. Le projet de Chappis est par conséquent abandonné.
Les études et les plans de René Gagès et la Société Centrale d’Equipement du Territoire (SCET) : 1964-1970
En 1964, le nouveau conseil municipal fait appel à l’architecte lyonnais René Gagès, parallèlement chargé par le Syndicat intercommunal du Lac du Bourget de l’étude du plan d’aménagement de l’ensemble du lac. Malgré l’approbation des premiers travaux de Gagès par la municipalité en octobre 1964, de nouvelles études prospectives sont engagées en 1966 à la demande de la Ville, par la Société Centrale pour l’Equipement du Territoire (SCET). La vocation nautique et balnéaire est réaffirmée, dans l’acception plus large de celle de « zone de loisirs » pour attirer une clientèle locale, incluant les curistes, et régionale, pour des séjours de fin de semaine. Les propositions d’aménagement établies par René Gagès en 1967 (Fig. : projet d’aménagement, 1967) portent sur la création d’immeubles abritant 1500 résidences principales et secondaires, caractérisées par l’absence d’habitat individuel et complétées par la création d’emplacements pour le camping, le caravaning et des bungalows. Les immeubles, implantés parallèlement à la rive, s’élèvent sur des hauteurs n’excédant pas 10 étages et adoptent des formes en dents de peigne destinées à ménager des vues sur le lac. L’agrandissement et la reconfiguration des bassins portuaires et les équipements de loisirs, avec la création de terrains de sports et de zones de baignades doivent permettre la pratique de sports nautiques et de plein air. Les conclusions de l’étude menée par la SCET ainsi que le plan masse établi par René Gagès sont approuvés par le conseil municipal en 1967.
Les études et les plans de Jean-Louis Chanéac et la Société d’économie mixte d’équipement de la Savoie (SES) : 1970-1980
La nouvelle équipe municipale conduite par André Grosjean décide, en 1969, de confier « la poursuite des études et l’exécution massive ou progressive des aménagements de bords de lac » à la Société d’Economie Mixte d’Equipement de la Savoie (SES), récemment formée. La Ville choisit de s’appuyer sur un nouvel outil d’urbanisme, les Zones d’Aménagements Concertées (ZAC) et crée la ZAC des Bords de Lac, dont le périmètre et la concession d’aménagement à la SES sont votés en octobre 1970 et entérinés par l’arrêté ministériel du 30 mars 1972 (Fig. : plan de situation, périmètre et schéma, 1970). Le programme général d’aménagement et d’équipement reprend les conclusions du rapport établi par la SCET en 1966 et suggère l’établissement « d’une zone touristique de loisirs à vocation régionale ou nationale ». Une occupation mixte, à la fois saisonnière et sédentaire, est préconisée. 1800 logements sont prévus et le parc d’habitations temporaires doit être complété par des hôtels, des terrains de camping et caravaning. Pour accompagner cette orientation hybride, la construction d’équipements commerciaux, scolaires et administratifs, ainsi que celle d’aménagements touristiques légers (zones de promenade et de jeux) ou plus importants (plage, club de voile, centre nautique) sont planifiées. Les travaux doivent être conduits en trois tranches successives de 600 logements. L’élaboration du Plan d’Aménagement de la Zone (PAZ), exigé par la législation et définissant la réglementation urbaine et architecturale au sein de la ZAC, est confiée à l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture d’Aix-les-Bains (AAUA) conduit par l’architecte aixois Jean-Louis Chanéac (Fig. : esquisse, 1970). Bien qu’il soit prévu d’aménager successivement les trois zones du Petit Port, du Sierroz et du Grand Port, seules les deux premières font l’objet d’un plan de secteur accompagné d’un plan d’aménagement de zone.
La première tranche de l’opération commence en 1974 et concerne la zone du Petit Port (Fig. : secteurs, 1973). L’objectif consiste à aménager une « zone populaire ». Il s’agit de s’appuyer sur les équipements existants et de créer des installations légères, offrant des activités peu onéreuses ou gratuites, ce qui dispense ainsi la Ville d’investissements financiers importants. Plusieurs secteurs d’habitations collectives, 600 logements, ainsi qu’une zone d’hôtels sont prévus. Les formes architecturales, préconisées par Jean-Louis Chanéac et son atelier, adoptent des profils progressifs puis dégressifs pour créer une architecture mimétique, faisant référence au paysage alentour et plus précisément à la Dent du Chat (Fig. : gabarits, 1974). Une attention particulière est également portée au traitement paysager des espaces non bâtis et à la végétation existante. L’ensemble de trois immeubles, situé à l’angle des boulevards Barrier et Port-aux-Filles, construit d’après les plans de Jean-Louis Chanéac, illustre parfaitement les dispositions prises dans le PAZ (voir dossier Ensemble de trois immeubles, dits Les Cygnes, Les Mouettes et Les Roseaux). Premier bâtiment construit, il devait, à la demande de la Commission départementale des Sites, faire office de modèle. L’ensemble du projet d’aménagement du territoire du Petit Port reçoit un accueil favorable et est approuvé par arrêté préfectoral le 11 juin 1975. Alors que l’équipement du territoire du Sierroz débute en 1977, un nouveau PAZ, concernant la totalité du territoire de la ZAC, est élaboré en 1978 (Fig. : plan masse, 1978). La Ville choisit en 1980 d’abandonner l’opération conduite sous forme d’une ZAC. Les terrains concernés sont intégrés dans le Plan d’Occupation des Sols et les différents PAZ déclarés caduques.
Les études de Pierre Rault et Jean-Louis Chanéac : 1985-1986
En 1985, les architectes aixois Pierre Rault et Jean-Louis Chanéac sont chargés par la Ville de réaliser une étude préalable pour l’aménagement des bords de lac . La commande concerne une surface de 22 ha correspondant aux terrains compris dans l’ancien périmètre de la ZAC et non urbanisés. Les architectes élaborent deux propositions successives, en 1985 puis 1986, à partir des nombreuses études d’urbanisme antérieures. Comme certains de leurs prédécesseurs, ils envisagent les bords de lac comme faisant partie d’un ensemble plus large, comprenant le Revard et le centre historique thermal. Ils défendent l’idée d’une liaison entre ces espaces, reliés par voie aérienne, et envisagent les bords de lac comme un des outils du renouveau de la station. Dès l’année suivante, l’orientation générale, modifiée et affinée, préconise la création d’une nouvelle cité, pensée pourtant comme un quartier. Pierre Rault et Jean-Louis Chanéac proposent de créer une ville dans la ville. Cette orientation générale n’est déclinée ni en plan masse ni en plan de zones et s’appuie sur la définition de grands principes tels que : créer des places tournées vers le lac, éviter le front de lac, trouver l’équilibre entre habitat permanent et habitat résidentiel. La souplesse préconisée doit permettre de faire émerger des projets, privés ou publics, tandis que les grands principes proposés doivent guider leur approbation. L’ensemble de ces orientations trouvent cependant une traduction graphique dans un document intitulé « Simulation de plan masse » (Fig. : simulation de plan masse, 1986).
