I/ Une haute vallée dominée par la vie monastique

Une tête de bassin-versant

La vallée du Giffre se caractérise par son implantation monastique. Pendant plus de six siècles, l’abbaye de Sixt ou encore la Chartreuse de Mélan constituent les poumons économiques dans la partie amont. Depuis le Moyen-âge, les religieux perçoivent des contributions en nature au titre de la dîme, des redevances seigneuriales et des banalités. Les moulins hydrauliques sont des instruments banaux. À cette époque, la culture céréalière et l’élevage tiennent une place importante. Les propriétaires terriens possèdent de nombreuses terres, forêts, alpages, maisons, moulins… Ainsi que des troupeaux d’ovins et de bovins.

Coincée entre les massifs cristallins du Mont-Blanc et préalpins du Chablais, cette rivière torrentielle draine les eaux du bassin-versant du même nom. Ce torrent est délimité au nord par le massif préalpin du Chablais avec la pointe d’Angolon (alt. 2090 m), le Roc d’Enfer (alt. 2244 m), le massif des Aiguilles Rouges et du Mont-Blanc à l’est, sud-est avec le Mont Ruan (alt. 3047m), le Buet (alt. 3099 m). Il est aussi bordé dans sa partie sud par la vallée de l’Arve au sud et les Alpes Penninens au nord-est.

Cette zone s’étend sur une superficie de 452 km². Principal émissaire de l’Arve, ce torrent de montagne prend sa source au « Bout du Monde » à plus de 3 000 mètres d’altitude. Les eaux helvétiques filtrées par le versant des Dents Blanches, les glaciers du Ruan et du Prazon sont à l’origine des émergences du Fer-à-Cheval.

Sur une traversée de 31 km, les principaux affluents sont : le Giffre des Fonts, le Clévieux, la Valentine, le Foron de Taninges, le Foron de Mieussy et le Risse. Le Giffre est le plus important tributaire de l’Arve qu’il rejoint sur sa rive droite dans la commune de Marignier.

Les Aiguilles Rouges avec le Mont Buet, le Pic de Tenneverge et le Ruan dominent le Haut-Giffre isolé du reste de la vallée par les gorges de Tines. Dans ce territoire, le torrent représente le principal axe d'écoulement. En fond de vallée, le cours d’eau structure les villages et les espaces agricoles.

L’Abbaye de Sixt

L’abbaye de Sixt, de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin, est fondée vers 1140 et rayonne au cœur des montagnes du haut Giffre jusqu’à la Révolution française. À partir de 1808-1809, les bâtiments sont transformés en logements et en bâtiments d’administration accolés à une usine de traitement du minerai de fer jusqu’en 1864. Cette usine, composée de plusieurs artifices, est située sur l'autre rive, elle disparaîtra et sa prise d'eau sera réutilisée par la forge Magnenet. L’abbaye devient ensuite un hôtel jusqu’à la fin du XXe siècle. Le logis abbatial est devenu une propriété départementale.

Une grande propriété foncière

En 1318, le Dauphin confirme le don d’Aymon de Faucigny en accordant aux religieux de l’abbaye de Sixt la concession de la haute-vallée du Giffre, et entre autres, il donne le privilège de l’exploitation des mines de métaux. Au lieu de Boray, au fond de la combe de Sixt, un filon de fer est semble-t-il exploité. Le chanoine Guillaume François de Castagneri le valorise à partir de 1655. De 1713 à 1718, l’exploitation fut reprise par les Rouge de Samoëns. Progressivement cette exploitation tombe dans l’oubli. Près du lieu de Nambride, un autre filon est exploité et des bâtiments consacrés à cette exploitation.

II/ Une activité stimulée par des capitaux étrangers

La redécouverte des mines par un ingénieur

L’ingénieur Albanis Beaumont obtient sous le premier empire, la concession des mines du Giffre par décret du 4 juin 1809 et par décret du 28 février 1810, l’autorisation d’établir un haut fourneau et des forges pour le traitement du minerai. Il meurt en 1811. Son épouse en reprend la gestion, mais faute de moyens financiers, l’usine est rachetée par différents propriétaires.

La rationalisation d’une activité

En 1820, Jacques Déjean ajoute à cette industrie la fabrication de vis à bois. Il reçoit un privilège du Roi pour cette fabrication. Les autorités sardes s’efforcent à cette époque de pousser au développement de l’industrie du fer, car les provinces du Faucigny et du Chablais importent ces produits de l’étranger.

Vers une concentration des activités : l’intégration des usines de Sixt aux mines de Servoz

Malgré l’abondance du charbon de bois, provenant essentiellement de la commune de Samoëns, M. Déjean vend son activité. La société PRIOR, PARR ET GLOVER rachète le site en 1837. En 1841, cette entreprise abandonne ses privilèges. Le site est progressivement abandonné. En 1845, Guillaume Phelps Prior en est toujours propriétaire puis Joseph Moccand en achète une partie dans les années 1850.

III/ Abandon et réutilisation de la prise d’eau

Le barrage de la prise d’eau de la fabrique de Sixt cède en 1848 puis en 1851. Dans certains documents d’archives, il est indiqué qu’une partie du site est loué à un forgeron. On est en droit de penser si le bâtiment occupé par ce dernier est une annexe ayant survécu à l’usine et construite tardivement ou tout simplement un bâtiment construit après la cession de cette activité.

En 1859, Paul François Magnenet, forgeron, devient propriétaire de la prise d’eau de l’ancienne fabrique. Il l’a racheté à Mme Etchart, veuve de M. François-Joseph Moccand. Il possède alors une forge dont les artifices, martinet et soufflet sont actionnés par les eaux dérivées du Giffre amenées dans l’ancien bief. Il semblerait qu’une scierie soit adjointe à cette exploitation.

En 1905, Paul François Magnenet s’associe à M. Joseph Ramond pour transformer cette forge en micro-centrale hydroélectrique. Les installations sont alors modernisées. L’ancien barrage en rondins de bois est remplacé par un barrage maçonné de pierres. Le bief de 350 mètres est entièrement rénové.