Dossier d’œuvre architecture IA73004654 | Réalisé par
Guégan Catherine (Rédacteur)
Guégan Catherine

Chercheuse au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel (2006-...)

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  • enquête thématique régionale, Patrimoine des lycées
Collège des jésuites de Chambéry, puis Grand séminaire (détruit)
Œuvre étudiée
Copyright
  • © Archives départementales de la Savoie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Auvergne-Rhône-Alpes - Chambéry
  • Commune Chambéry
  • Adresse rue Saint-Antoine
  • Cadastre 2018 CI 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
  • Dénominations
    collège, séminaire
  • Genre
    de clercs réguliers de la compagnie de Jésus
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, jardin

HISTORIQUE

Afin de contrer le calvinisme actif qui se développe à Genève, les jésuites entament dès 1562 des négociations avec le duc de Savoie Emmanuel-Philibert pour la fondation d'un collège à Chambéry, actée par lettres patentes du 30 octobre 1564. Le duc les autorise à s’installer dans le couvent des franciscains (actuel Musée savoisien), où ils commencent leur enseignement en 1565. Ils s’établissent par la suite dans la maison Saint-Pierre, rue Saint-Antoine, en 1571, avant d’acquérir grâce à un legs d'un gentilhomme milanais résidant à Chambéry, Jean Fabio de Trivulce, la propriété de Georges de Chalant, près de la porte du Reclus, entre les murailles et la rue Macornet, en 1577. Avec le collège chappuisien d’Annecy (voir IA74002207), il constitue dès lors l’un des lieux les plus importants de l’instruction des jeunes gens dans les territoires de la Maison de Savoie. L'enseignement, essentiellement gratuit, est financé par des donations, des subventions de la ville et du duché (commutation de la gabelle du sel), et par les revenus des trois prieurés qui leur étaient affectés (prieurés du Bourget, Saint-Jean à Megève, Saint-Philippe à Saint-Jean de la Porte, dont Etienne Martellange a laissé des dessins (B.n.F., Est., Rés. UB-9-Boîte FT 5) ; voir COMPERE, M.-M., JULIA, D., 1984, p. 220). L'établissement est placé sous la direction d’un recteur assisté d’un préfet des études et contrôlé par un provincial, qui pour Chambéry est d’abord celui d’Aquitaine, puis celui de Lyon. Dès leur installation, les jésuites aménagent une chapelle dans l'une des tours de la maison (SOLDO, 1997, p. 6).

Plan de situation et projet des futurs bâtiments, att. à E. Martellange, v. 1598-1599 (B.n.F., Est., FOL-HD-4 (8))Plan de situation et projet des futurs bâtiments, att. à E. Martellange, v. 1598-1599 (B.n.F., Est., FOL-HD-4 (8))

Le 2 novembre 1599, le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier pose la première pierre du nouveau collège, sur un terrain acquis le long du rempart, à proximité de la porte du Reclus (JUTTET, F., 2005, p. 149). Ce terrain était propriété de la famille de Gallier, seigneurs de Bressieux à Bassens et fut vendu aux jésuites en 1577 par Georges de Chalant, qui en avait hérité en 1565 (SOLDO, 1997, p. 6). Il était composé d'un pré et d'un verger et comportait une maison dans laquelle l'enseignement sera dispensé jusqu'à l'achèvement du nouveau collège. Les travaux, commandités et supervisés par le Père François Bonald, recteur, commencent par l'église. Le Frère Étienne Martellange, qui a été chargé de « dresser l’architecture du bâtiment », l’assiste dans cette tâche (SOLDO, 1997, p. 7 ; SENARD-KIERNAN, A., 2015, p. 59 et note 258). Le premier des trois plans conservés à la Bibliothèque nationale de France (voir ill. ci-dessus) correspond sans doute au premier projet de Martellange (Ibid., p. 47) : il définit l'implantation future des bâtiments sur une parcelle tout en longueur, où se succèdent église, bâtiment pour les frères et bâtiments pour les classes ; au nord-ouest de la parcelle figurent deux maisons (domus aliena) dont les jésuites ont acquis la propriété et appelées à être démolies pour la construction du collège, dont l'une était auparavant propriété de César Corps (SOLDO, 1997, p. 506 note 2) et l'autre l'hôtel de Chalant (SENARD-KIERNAN, vol. 3, p. 88). La guerre franco-savoyarde (1600-1601) provoque l'interruption des travaux jusqu’en 1601 ; en 1602, l’architecte réside de nouveau à Chambéry en tant que praefectus opera, et remplace le père Bonald à la tête du chantier de 1603 à 1604 (Ibid., p. 64). Devenu architecte de la province de Lyon en 1604, et de ce fait itinérant, Martellange ne revient à Chambéry qu'en 1618, date à laquelle une grande partie du collège est achevée, comme en atteste le plan d'état des lieux qu'il en dresse alors (voir plans ci-dessous, ill. IVR84_20187301515 et 1516NUCA) : les parties lavées en bleu correspondent à celles achevées, les parties en jaune, celles restant à édifier. Le chantier, vraisemblablement poursuivi sous la conduite du père Edmond Moreau, arrivé à Chambéry en 1625 et désigné comme architectus dès 1626 (MOISY, 1958, p. 130), est définitivement clos en 1678 (SOLDO, 1997, p. 8)

La construction du collège entraine une augmentation substantielle du nombre d'élèves, ce qui permet l’ouverture de deux classes de philosophie grâce à une fondation du duc de Savoie en 1606-1607, puis de deux chaires de théologie en 1664, attestant sa très large audience auprès de la notabilité locale dans la première moitié du siècle. C’est la période d’apogée de la puissance jésuite dans les États de Savoie, dont l’emprise irrite l’évêque de Grenoble, Étienne Le Camus, en conflit ouvert avec la Compagnie (COMPERE, M.-M., JULIA, D., 1984, p. 220 ; voir dossier IA38001001). Ces querelles doctrinales s'accentuent au 18e siècle, entrainant le déclin de l’influence des jésuites. On leur reproche l’importance donnée au latin, au détriment du français langue officielle des États sardes, et à la philosophie, ainsi que l’encadrement strictement religieux. La constitution Unigenitus et la concurrence du collège dominicain ouvert en 1716 précipitent leur chute : en 1719, le Sénat ordonne la fermeture des classes de théologie (COMPERE, M.-M., JULIA, D., 1984, p. 200). Victor-Amédée II (1675-1730) affiche par ailleurs clairement sa volonté de centraliser l’enseignement et de le reprendre en main, notamment par la création d’un collège des provinces à l’Université de Turin. En 1729, il retire aux jésuites le droit d’enseigner et remplace leur collège par un collège royal dont les enseignants sont des laïcs et des clercs séculiers (STEFANINI, 2007, p.17). Les jésuites continuent cependant à occuper une partie des bâtiments jusqu'en 1773, date à laquelle ils sont expulsés des États de Savoie. Quant au collège, il est transféré en 1731 dans les locaux de l'ancien hôpital Saint-François, proche de la cathédrale (SOLDO, 1997, p. 8). Quelques classes du collège royal sont cependant rouvertes à partir de 1750 dans celles de l'ancien collège jésuite jusqu'à 1771, date à laquelle la totalité du collège royal est à nouveau implanté sur les lieux (SOLDO, 1997, p. 9). Lors de la création du diocèse de Chambéry en 1779, les franciscains s'installent à leur tour dans une partie des bâtiments, ayant dû céder leur couvent et leur église Saint-François, affectés à l'évêché. Ils y demeurent jusqu'en 1792 (sur le plan des canaux de Chambéry (1760-1792 ; ill. IVR84_20187301606NUCA), le clos des jésuites est désigné comme étant occupé par les pères de saint François, dits cordeliers). Le couvent devient par la suite hôpital militaire, avant d'être remis par le ministère de la guerre à la mairie de Chambéry en 1801 (AD Savoie, 43 F 182 : Procès-verbal de remise à la mairie des bâtiments des ci-devant Cordeliers, 1er nivôse an X).

Implantation du collège dans l'espace urbain

17e et 18e siècles

Comme tous les collèges jésuites édifiés au 17e siècle, celui de Chambéry est situé à l'intérieur des murs de la ville, en bordure du rempart que longe ici la rivière Leysse, et jouxte la porte du Reclus, entrée nord de la cité ducale.

Vue du collège [n°10], 1675 ("Theatrum Sabaudiae", AD Haute-Savoie)Vue du collège [n°10], 1675 ("Theatrum Sabaudiae", AD Haute-Savoie)

L'ensemble se développe sur une vaste emprise, immédiatement derrière l'hôtel de ville, ce qui en fait l'un des édifices publics les plus imposants de Chambéry aux 17e et 18e siècle avec l'hôpital de la Charité, édifié à partir de 1645 au faubourg du Reclus, sur l'autre rive de la Leysse. Il est borné au nord-ouest par la rue Saint-Antoine, au sud-ouest par la rue de Macornet, au sud-est par le canal des moulins (voir ci-dessous le plan des canaux de Chambéry, 1762-1790) ; le canal a été couvert depuis, mais les voies ont conservé leur nom jusqu'à nos jours 1.

Le clos des jésuites entre 1760 et 1792 (extrait du plan des canaux de Chambéry, AD Savoie, 1 FIC 130)Le clos des jésuites entre 1760 et 1792 (extrait du plan des canaux de Chambéry, AD Savoie, 1 FIC 130)

Dans la partie sud-est, un tiers de l'espace total est dévolu aux jardins. De fait, les bâtiments du collège se déploient dans un secteur où la densité du bâti alterne avec de plus grandes emprises occupées par les couvents et leurs jardins : celui des dominicains à l'ouest, des antonins au sud, ainsi que par quelques demeures nobles.

Dans les années 1770, le Conseil de ville se préoccupe de moderniser et embellir la ville, et établit un projet d'alignement des façades, dont témoignent les plans des canaux et réverbères dressés dans la seconde moitié du 18e siècle, ainsi que le Plan général de la commune de Chambéry dessiné par Joseph Massotti en 1794. S'y manifeste l'ambition non seulement de redessiner, mais aussi d'étendre la ville, en proposant un percement depuis le Verney jusqu'au faubourg Montmélian en passant par la place Saint-Léger, afin de relier le centre à ses faubourgs (PRAX, M., ROBIN, A.-S., GIORGETTI, C., 2017, p. 6), et la démolition du rempart, remplacé par un large boulevard (voir ill. ci-dessous).

Emprise du collège en 1794 (extrait du Plan général de la commune de Chambéry par J. Massotti ; BM Chambéry, PLAN CHY G B 000.010)Emprise du collège en 1794 (extrait du Plan général de la commune de Chambéry par J. Massotti ; BM Chambéry, PLAN CHY G B 000.010)

Devenir des bâtiments au 19e siècle

Avec la démolition du rempart à partir de 1794, et notamment celle de la porte de reclus et de sa poterne en 1796 (GILLIO, 1946, p. 290), l'ancien collège est englobé dans la ville nouvelle qui s'étend au-delà. Il est désormais bordé par le boulevard de la Colonne, large voie pourvue d'une plate-bande centrale à double rangée d'arbres occupant l'emplacement du rempart et de son fossé.

Le collège, devenu Grand séminaire, le long du boulevard de la Colonne (AD Savoie, 1 FI 324)Le collège, devenu Grand séminaire, le long du boulevard de la Colonne (AD Savoie, 1 FI 324)

Le lycée s'étant installé en 1803 dans l'ancien couvent de la Visitation, agrandi (voir dossier IA73003802), les bâtiments de l'ancien collège jésuite sont affectés au diocèse qui y installe son grand séminaire la même année.

En effet, le Grand séminaire d'Annecy, devenu bien national sous la Révolution et ayant été affecté aux Hospices civils et transformé en hôpital, il n'était pas envisageable d'y réinstaller le séminaire. Après le Concordat et la création d'un seul diocèse comprenant Genève, Annecy et Chambéry, c'est dans cette dernière ville que l'évêque René des Monstiers de Mérinville choisit d’implanter le nouveau Grand séminaire : de toutes les maisons devenues nationales pouvant lui être mises à disposition, l'ancien collège des jésuites semblait le plus approprié pour être affecté à cet usage.

La municipalité renâcle à céder la totalité de ces bâtiments. Les sources du début du 19e siècle (AD Savoie, 43 F 182, et notamment extrait des délibérations du conseil municipal, séance du 23 floréal an XI et ampliation de l'arrêté préfectoral du du 24 prairial an XI) attestent que la ville considère les considère comme sa propriété, et non comme celle de l'Etat, et elle ne consent à céder pour le séminaire que la partie anciennement occupée par les cordeliers. Dans ses revendications, soumises au préfet du département du Mont-Blanc, elle établit une distinction entre trois parties du site, décrites comme indépendantes les unes des autres : celle anciennement occupée par les cordeliers, ouvrant à l'est sur le jardin, celle anciennement occupée par le collège jésuite, dans la partie ouest, et l'ancienne chapelle des Messieurs, jouxtant l'église et ayant son entrée sur la rue Macornet.

Elle fait en conséquence lever trois plans de division par l’architecte communal Bernard Trivelli, destinés à établir les limites de ces trois espaces et leurs affectations envisagées : la première pour le séminaire, la seconde pour le collège et pensionnat qu'elle envisage d'y installer, la troisième devant être aménagée en presbytère pour le curé de la paroisse Notre-Dame, ancienne église du collège (ces plans ne semblent pas avoir été conservés).

Ces documents confirment que le corps de bâtiment occupé par les classes du collège jésuite a par la suite continué à servir de lieu d'enseignement après leur départ, et que les cordeliers n'ont succédé aux jésuites que dans une partie des bâtiments, celle qui n'était pas affectée à l'enseignement.

L'évêché ne prend possession de la totalité des bâtiments revendiqués pour son séminaire que grâce à l'intervention du conseiller d’État Portalis, le 12 décembre 1803 (REBORD, C.-M., 1924, p. 123 ; AD Savoie, 43 F 182). Tenace, la municipalité tentera une nouvelle fois en 1812-1813 de récupérer l'édifice pour y installer le lycée (AD Savoie, 43 F 182, pièces 5 et 6).

Les travaux de remise en état sont financés par le Département du Mont-Blanc et effectués en 1803 par Berthet Père pour les toitures, Pirod pour les menuiseries et Pellegrini entrepreneur pour les maçonneries, le tout étant supervisé par l'architecte Trivelli, devenu architecte du diocèse, et réceptionné par l'ingénieur en chef du département E. Mongenet (AD Savoie, L 636). Le séminaire ouvre ses portes en octobre 1804 (DEPOMMIER, 1844, p. 56). Désaffecté en 1901 après le départ du Grand séminaire (GILLIO, 1946, p. 290), il est démoli en 1906 (JUTTET, F., 2005, p. 149). Il ne reste aujourd’hui de l'ancien collège des jésuites que son église, devenue église Notre-Dame, et une travée de l'un des corps de bâtiment, accolée au chevet de l'église, côté sud (rue Macornet). A son emplacement a été édifié en 1924-1925 le grand magasin Aux Dames de France, actuellement Galeries Lafayette.

DESCRIPTION

En l'absence de plans d'état des lieux, la description des bâtiments peut être établie à partir des plans de situation (vers 1598) et d'état des niveaux (portant la date de janvier 1618) dressés par Etienne Martellange et conservés à la Bibliothèque nationale de France, de la vue de Chambéry publiée en 1675 dans le Theatrum Sabaudiae, recueil des possessions de la maison de Savoie (voir WEIGEL, Anne, 2016), d'un dessin réalisé au 19e siècle par le peintre chambérien Bouchage (Musée savoisien), et de quelques cartes postales éditées au début du 20e siècle, avant la démolition du Grand séminaire (AD Savoie, Chambéry). Encore la vue du Theatrum Sabaudiae n'est-elle pas tout à fait conforme, pour ce qui est de l'emprise et de la disposition des bâtiments, aux différents plans existants, aussi convient-il de s'y référer avec circonspection.

Le collège en 1675, détail de la Vue de Chambéry, in "Theatrum Sabaudiae" (AD Haute-Savoie)Le collège en 1675, détail de la Vue de Chambéry, in "Theatrum Sabaudiae" (AD Haute-Savoie)

L'emprise de la parcelle sur laquelle doit être érigé le collège est définie dès 1598 : un terrain de forme rectangulaire se terminant par une pointe, bordé au sud-est par un canal alimentant un bassin situé à l'intérieur du terrain, et au nord-ouest par deux maisons qui à cette date n'ont pas encore été acquises par les jésuites. Les emplacements de l'église, des logements et du collège sont ébauchés, la disposition des classes, de la salle des déclamations et d'une salle pour les congrégations étant précisée sur un 2e dessin situé dans l'angle inférieur de la feuille. Les deux plans de 1618 sont établis alors que la construction est presque achevée. On distingue nettement les bâtiments du collège sur l'une des deux vues de la ville de Chambéry que Martellange réalise à la même date, placés entre le rempart et le château à l'arrière plan ; l'église en cours de construction, n'est pas visible sur le dessin.

Vue de la ville de Chambéry en 1618, par E. Martellange (B.n.F., Est., RESERVE UB-9-BOITE FT 4)Vue de la ville de Chambéry en 1618, par E. Martellange (B.n.F., Est., RESERVE UB-9-BOITE FT 4)

Les bâtiments incluaient deux cours : la cour des classes, fermée au sud-ouest par l'église que longeait une galerie probablement à arcades, comme aux collèges de Lyon et Roanne, laquelle se prolongeait dans la deuxième cour, le passage de l'une à l'autre contenant le cabinet du préfet et celui du portier. Cette deuxième cour était bordée d'arcades sur deux côtés, composant une galerie s'élevant sur un étage et portant un toit en appentis. Elle constituait ainsi une sorte de cloître réservé aux pères : elle est désignée sur le plan de Martellange comme area nostrorum. Un mur la séparait d'une troisième cour dans laquelle était édifié un dernier corps de bâtiment au sud, comprenant une chapelle de congrégation sur chacun de ses niveaux (congregatio maior au rez-de-chaussée, congregatio minor au-dessus, vraisemblablement desservies par une seule sacristie située à l'étage), dont les murs étaient percés de hautes baies en plein cintre ainsi que l'indique le dessin de F. Bouchage. Delattre (1949, t. 1, col. 1250) recense trois congrégations mariales à Chambéry, auxquelles les élèves pouvaient s'affilier dès les basses classes, placées sous les vocables de la Nativité, de la Purification et de l'Annonciation, cette dernière ayant un oratoire au sein du collège qui correspond sans doute à la chapelle du 1er étage sur le plan de 1618. La seconde figurant sur le plan, celle du rez-de-chaussée, a été financée par la congrégation des Messieurs, fondée en 1611 : la première pierre en est posée par Antoine Favre le 20 août 1614 (DELATTRE, op. cit.). L'existence de cette chapelle est encore attestée au 19e siècle, où elle est désignée sous le nom de chapelle de Macornet (AD Savoie, L 636) ou chapelle des Messieurs (AD Savoie, 43 F 182 : lettre du préfet du département du Mont-Blanc Verneilh à l'évêque de Chambéry, 17 messidor an XI), distincte de l'église devenue paroissiale.

Vue du collège au début du 20 siècle, dessin de A.-F. Bouchage (Chambéry, Musée Savoisien)Vue du collège au début du 20 siècle, dessin de A.-F. Bouchage (Chambéry, Musée Savoisien)

Derrière cet ensemble de bâtiments s'étendait un vaste jardin organisé en parterres quadrangulaires, accessible soit par un passage depuis la troisième cour, soit en longeant le mur de clôture du collège parallèle au rempart côté nord-est et fermant le jardin sur tous ses autres côtés. Le collège avait deux entrées, la principale ouvrant sur la rue Saint-Antoine, proche de l'église du collège et de la porte de Reclus, l'autre, probablement un passage cocher, dans une allée longeant le rempart, ce qui permettait de desservir la cour où se trouvaient les celliers, le réfectoire et la cuisine. A l'extrémité de ce corps de bâtiment et en retour d'équerre sur le jardin, un petit corps de bâtiment de un étage comprenant un four à pain, un bûcher, une salle à affectation indéterminé (une lingerie ?, hypothèse qui pourrait être étayée par le fait qu'au dessus se trouvent la couturerie (officina sartoris) et la garde-robe) et peut-être un atelier de menuiserie. S'y trouvait également une pièce faisant office de parloir, destinée aux personnes extérieures et aux familles ; sur le plan des canaux de 1762, on observe la présence d'une porte y donnant accès.

Plan du rez-de-chaussée, par E. Martellange, 1618 (B.n.F., Est. FOL-HD-4 (8))Plan du rez-de-chaussée, par E. Martellange, 1618 (B.n.F., Est. FOL-HD-4 (8))

Le plan de 1618 nous renseigne également sur la distribution : au rez-de-chaussée de la cour des classes se trouvaient une grande classe de physique, à droite de l’entrée du collège, une de logique, une d'humanités et trois de grammaire ; toutes sont conçues à partir d´une trame unique dont le coefficient multiplicateur varie : 7 pour la première classe de grammaire, 5 pour la seconde, 4 pour la troisième. A gauche de l'entrée se trouvait la salle des déclamations, qui s'élevait sur deux niveaux. Prenant son entrée dans le passage couvert donnant sur la rue Saint-Antoine, elle était d'accès facile à ceux qui venaient assister aux exercices publics des élèves ou aux représentations théâtrales qui s'y tenaient. Un autre accès depuis la rue permettait permettait également de se rendre au 1er étage par un escalier en vis, où une galerie était réservée aux auditeurs-spectateurs. Accolée à cette dernière et ouvrant sur la rue par deux arcades, on relève la présence d'une officine (ou apothicairerie) : il est très probable que les jésuites faisaient commerce de préparation médicinales, sans doute à partir de plantes cultivées dans leur jardin. La pratique est courante ; elle est attestée pour le collège de la Trinité à Lyon, qui possédait sa propre pharmacie.

Projet : plan des 1er et 2e étages, par Etienne Martellange (B.n.F., Est. FOL-HD-4 (8))Projet : plan des 1er et 2e étages, par Etienne Martellange (B.n.F., Est. FOL-HD-4 (8))

Un large escalier rampe sur rampe prenait son départ dans le passage cocher de la deuxième cour, desservant les étages des corps de bâtiments donnant sur les deux cours principales. C'est là que se trouvaient les chambres des pères et la bibliothèque (dans le corps de bâtiment nord-est, au-dessus de la grande classe de grammaire). A l'étage du corps de bâtiment nord-est de la seconde cour se trouvait le cabinet du procureur, responsable de la gestion matérielle du collège, pourvu d'une salle des archives attenant, tandis que la plus grande pièce de l'étage était réservée au recteur, dans l'aile ouest. L'infirmerie, dotée d'un petit oratoire, était isolée dans l'angle est, tandis qu'à l'autre extrémité de la même aile se trouvait la salle des récréations, destinée aux pères.

En élévation, les bâtiments comprenaient des rez-de-chaussée percés de hautes baies en plein cintre et deux étages carrés séparés par bandeaux en pierre. Les toits, pour la plupart à deux pans, étaient couverts en ardoise de Maurienne (AD Savoie, L 636 : Devis et détail des ouvrages à faire pour nettoyer les toits du bâtiment des cordeliers servant au séminaire de Chambéry, an 11). Au centre de la cour des classes se trouvait une fontaine, et le tout était clos de murs. L'escalier rampe sur rampe du corps de bâtiment ouest se développait dans une tour (qui n'est pas représentée sur la gravure du Theatrum Sabaudiae) éclairée par deux baies à chaque repos, couverte d’un toit à deux pans et croupe. Il est possible que des boutiques en rez-de-chaussée ait été présentes dès l'origine dans cette partie du collège, du côté des anciens remparts : un garage y figure sur une carte postale du début du 20e siècle (voir ci-dessous) ; leur présence est par ailleurs attestée dans la première moitié du 19e siècle (AD Savoie, 43 F 206 : demande d'autorisation de travaux dans la boutique occupée par le voiturier Ganet, 17 juin 1834 ; idem pour l'épicier Deymonnaz en 1891). Cette dernière montre que le collège était pourvu d'un clocher couvert à l'impériale, distinct de celui de l'église et ne se confondant pas avec le toit de la tour de l'escalier principal.

Façade sur le boulevard de la Colonne, début du 20e siècle (carte postale, AD Savoie, 2 FI 185)Façade sur le boulevard de la Colonne, début du 20e siècle (carte postale, AD Savoie, 2 FI 185)

Une deuxième carte postale, représentant la façade sur jardin, montre un toit percé de lucarnes, qui existait déjà au début du 19e siècle (AD Savoie, L 636). Au-devant de ce corps de bâtiment se déploie un vaste jardin, planté de saules (AD Savoie, 43 F 206 : plan extrait de la mappe des Molettes, 1840), situé à l'est de la parcelle et bien identifiable sur les plans anciens.

Façade sur jardin, début du 20e siècle (carte postale, AD Savoie, 2 FI 2170)Façade sur jardin, début du 20e siècle (carte postale, AD Savoie, 2 FI 2170)

1Juttet, 2005, p. 328-29 : les travaux mettent au jour des substructions : fondations de l'ancien collège des jésuites + nbx arcs maçonnés qui semblent indiquer que plusieurs canaux sillonnaient cet emplacement quand on a construit le collège à la fin du 16e siècle : voir relevé de Martellange qui en indique emplacement.

Construit entre 1599 et 1618, sur des plans du Frère Etienne Martellange.

Bâtiments cédés aux franciscains en 1776 puis transformés en hôpital militaire sous la Révolution. Grand séminaire de 1803 à 1906, démoli en 1910. A son emplacement est construit le grand magasin Aux Dames de France, actuellement Galeries Lafayette.

Ensemble de bâtiments s'articulant autour deux grandes cours principales, la première de plan rectangulaire, bornée au sud-ouest par l'église, la deuxième de plan carré ; jardin clos de murs au sud-est de la parcelle.

  • Murs
    • pierre moellon sans chaîne en pierre de taille enduit (incertitude)
  • Toits
    ardoise (incertitude)
  • Plans
    plan régulier
  • Étages
    2 étages carrés
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
  • État de conservation
    détruit, vestiges
  • Statut de la propriété
    propriété d'une association diocésaine, Propriété du diocèse à la date de sa démolition

Documents d'archives

  • AD Savoie : L 636. Dépenses de premier établissement de l'évêché de Chambéry, an XI-XII (1802-1803)

    AD Savoie : L 636
  • AD Savoie : 43 F 182. Grand Séminaire de Chambéry : acquisition, organisation, correspondance, plans, 1803-1884

    AD Savoie : 43 F 182
  • AD Savoie : 4 F 206. Travaux effectués dans les séminaires (grands et petits), 19e siècle

    AD Savoie : 4 F 206

Bibliographie

  • BRUNIER, Cédric. L’église Notre-Dame de Chambéry, In La Vie nouvelle, Les Affiches de Savoie [en ligne]. Accès Internet : URL <http://www.la-vie-nouvelle.fr/leglise-notre-dame-de-chambery/>, publié le 10 octobre 2014

  • CHARVET, Léon. Etienne Martellange, 1569-1641. Lyon : Glairon-Mondet, 1874. 236 p., ill., 28 cm.

  • COMPERE Marie-Madeleine, JULIA Dominique. Les collèges français, 16e-18e siècles. Répertoire 1 - France du Midi. Paris : I.n.r.p., 1984. (Bibliothèque de l'Histoire de l'Education, 10). [en ligne] URL <www.persee.fr/doc/inrp_0000-0000_1984_ant_10_1_7003>

    p. 219-224
  • DELATTRE, Pierre. Les établissements des Jésuites en France depuis quatre siècles ; répertoire topo-bibliographique publié à l’occasion du 4e centenaire de la compagnie de Jésus, 1540-1940. Enghien : Institut supérieur de théologie, 1949

    t. 1, col. 1235-1236
  • DEPOMMIER, Jean Marie. Vie de M. Benoit Guillet, premier supérieur du séminaire de Chambéry, auteur des projets pour un cours complet d'instructions familières. Chambéry : éd. Puthod, 1844

    BnF : 8-LN27-29685
  • GILLIO, Jean. Chambéry, capitale régionale (suite). In : Revue de géographie alpine, t. 34, n°2, 1946, pp. 267-311 [en ligne]. URL : <https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1946_num_34_2_5215>

    p. 290
  • JUTTET, François. Chambéry. Lecture d'une ville. Chambéry : éd. Compa'act, 2005

    p. 149
  • MOISY, Pierre. Les églises de l'ancienne assistance de France. Rome : 1958

    p. 130 ; p. 189-190
  • PERRIN, A., BOUVIER, C. Le premier collège de Chambéry, Mémoires de l'académmie des sciences, belles lettres et arts de Savoie, 1909, 4e série, t. 11, p. 479-512

    L'article repose sur le dépouillement du fonds des AC de Chambéry.

    AD Savoie : PER 747-49
  • PRAX, Michèle, ROBIN, Anne-Sophie, GIORGETTI, Caroline. Ville de Chambéry (Savoie). Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine - A.V.A.P. Site Patrimonial Remarquable - S.P.R. Diagnostic, oct. 2017 [en ligne]. Accès internet : URL <https://www.google.com/search?q=avap+chamb%C3%A9ry+diagnostic&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b

  • REBORD, C.-M. Grand séminaire du diocèse de Genève, Chambéry, Annecy, 1564-1914. Annecy : Impr. commerciale, 1924 ; 472 p., gravures et plans

    p. 123-132
  • SÉNARD-KIERNAN, Adriana. Étienne Martellange (1569-1641) : un architecte visiteur de la Compagnie de Jésus à travers la France au temps de Henri IV et de Louis XIII. Thèse de doctorat de l'Université de Toulouse, Université Toulouse-II-Jean-Jaurès, 2015 (5 vol.)

    vol. 1, p. 46-50 ; vol. 3, p. 87-92
  • SOLDO, Robert. L'église Notre-Dame de Chambéry. De l'église des Jésuites à l'église paroissiale : histoire, architecture et ornementation. Chambéry : Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, 1997

    p. 499-512
  • STEFANINI, Francis. Histoire de l’enseignement secondaire à Chambéry : 1564-2006. Chambéry, 2007.

  • VALLERY-RADOT, Jean : Recueil de plans d'édifices de la Compagnie de Jésus conservé à la Bibliothèque nationale de Paris. Paris : 1960.

    BnF, Est.
    T. VIII, n° 640, 641, 642

Documents figurés

  • [Collège de Chambéry, France : plan de situation du troisième domicile et projet des futurs bâtiments] / 1599. 1 dess. : plume et encre brune ; 39,5 x 27 cm. In Vallery-Radot, 1960, T. VIII, n° 640

    BnF, Est. : FOL-HD-4 (8)
  • [Collège de Chambéry, France : plan de situation et état des travaux : plan du rez-de-chaussée] / Martellange, Étienne, 1618. 1 dess. : plume, encre brune, aquarelle grise, bleue et jaune ; 66,5 x 27,5 cm. In Vallery-Radot, t. VIII, 1960, n°641 (B.n.F., Est., FT 4-HD-4 (16))

    BnF, Est. : FT 4-HD-4 (16)
  • [Collège de Chambéry, France : plan de situation et état des travaux - plan des premier et second étages] / [Fr. Étienne Martellange], 1618. 1 dess. : plume, encre brune et aquarelle ; 52,2 x 26,4 cm. In Vallery-Radot, 1960, t. VIII, n° 642 (B.n.F., Est., FOL-HD-4 (8))

  • La ville de Chambery // en Savoie : Veüe de la Ville de Chambéry en Savoie, le 24 Janv.er 1618 / [Etienne Martellange]. 1 dess. : plume et encre brune, lavis d'encre de Chine ; 38,3 x 53,5 cm (B.n.F., Est., RESERVE UB-9-BOITE FT 4)

    BnF, Est. : RESERVE UB-9-BOITE FT 4
  • Camberium / Chambéry. [Theatrum Sabaudiae] / [G.T. Borgonio]. Amsterdam : C. Decker, 1675 ca. 1 Est. : gravure (AD Haute-Savoie)

    AD Haute-Savoie
  • Plan de la ville de Chambéry en Savoye / Constantin [1718-1793]. 1 plan : en coul. ; 68 x 73,5 cm (BM Chambéry, PLAN CHY G B 000.007)

    BM Chambéry : PLAN CHY G B 000.007
  • Chambéry : plan des canaux. Dizaine de Saint Antoine. Secteur de Sainte Claire. Délimitation : Fossés nord - Rue Saint-Réal - Rue Macornet Sainte Claire - Jésuites - Pénitents blancs / 1760-1792. 1 Plan : encre, aquarelle, papier beige ; 103 x 41 cm (AD Savoie, 1 FIC 130)

    AD Savoie : 1 FIC 130
  • Plan général de la commune de Chambéry sur lequel on a figuré en jaune les démolitions projettées [sic] et en noir les constructions à faire / Massotti Jh, architecte, [1794]. 1 Plan : en coul., ms. ; 51 x 72 cm, sur feuille 54 x 75 cm (BM Chambéry, PLAN CHY G B 000.010)

    BM Chambéry : PLAN CHY G B 000.010
  • Plan de la ville de Chambéry en 1885 / 1 Plan : papier. lithographie. 59x44 cm. Ech. : 1/4000 (AD Savoie, 1 FI 324)

    AD Savoie : 1 FI 324
  • Plan de Chambéry, quartier de l'hôtel de ville : levé fait en septembre 1895, octobre 1895-1896, juillet 1896 / J. Boiton [géomètre], 15 juin 1899. 1 Plan : papier, encre, lavis. Ech. 1:200 (BM Chambéry, PLAN CHY G C 000.003-015)

    BM Chambéry : PLAN CHY G C 000.003-015
  • Ancien Grand séminaire de Chambéry (1610-1911) / Bouchage, Amédée-François, [déb. 20e siècle]. 1 Dess. plume et encre de chine, papier beige (Chambéry, Musée Savoisien)

    Musée Savoisien Chambéry
  • CHAMBÉRY - Place du Centenaire et Grand Séminaire / Reynaud, E. (éd.), Chambéry, [début 20e siècle]. 1 Impr. photoméc. (carte postale), n. et b., 9 x 14 cm. (AD Savoie, 2 FI 183)

    AD Savoie : 2 FI 183
  • GRAND SÉMINAIRE de CHAMBÉRY - Façade au levant - Côté des jardins / Grimal, Louis, Chambéry (éd.) [début 20e siècle]. 1 Impr. photoméc (carte postale), colorisée, 9 x 14 cm. (AD Savoie, 2 FI 2170)

    AD Savoie : 2 FI 2170
  • 1144. CHAMBÉRY - Place du Centenaire et boulevard de la Colonne / Chambéry : E. Reynaud (éditeur), [début 20e siècle]. 1 impr. photoméc. (carte postale) (AD Savoie, 2 FI 185)

    AD Savoie : 2 FI 185

Annexes

  • Le Frère Etienne Martellange à Chambéry
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2018
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Guégan Catherine
Guégan Catherine

Chercheuse au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel (2006-...)

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