HISTORIQUE
Les bâtiments du Lycée Gabriel-Faure de Tournon
Dès sa fondation, le collège a connu plusieurs implantations au sein de la ville de Tournon.
La tradition veut que, dans l'attente de sa construction, les cours se soient déroulés dans des maisons de la ville aussi bien que dans les locaux du couvent des Carmes, non loin du bâtiment actuel.
Plusieurs annexes étaient nécessaires au fonctionnement de l'institution : écuries, pressoir, menuiserie, forge, sans parler des cuisines et des dortoirs du personnel et des élève. Des jardins destinés à satisfaire les besoins de la communauté des enseignants, élèves, administrateurs et l'ensemble du personnel de service, s'étendaient au sud, au-delà des fortifications (en 1714, cette communauté ne comptait pas moins d'une soixantaine de religieux et presque autant d'élèves. A.D. Ardèche, C 1538).
Au temps du cardinal de Tournon (1548-1562)
François de Tournon (1489-1562) a 47 ans lorsqu'il décide la fondation du collège. Cardinal en 1530, archevêque de Lyon l'année suivante, il s'était distingué lors de la négociation de la paix de Madrid en 1526, marquant une trêve des conflits entre François 1er et Charles Quint, ainsi que sur ses positions marquées contre la religion réformée. Habile homme politique et fin diplomate, il oeuvre aux côtés de François 1er jusqu'à la mort de celui-ci en 1547. Attaché à sa ville natale, le cardinal de Tournon la dote d'un collège dans lequel l'enseignement serait dispensé gratuitement.
Dès l'origine de sa fondation, le cardinal de Tournon place le collège sous l'appartenance de sa famille, ainsi que de celle de ses successeurs, les seigneurs de Tournon auxquels appartint le prince de Soubise (A.D. Ardèche, D14), dont le nom apparaît dans la dédicace rapportée sur la façade principale du collège. Fondé en 1536, reconnu officiellement par François Ier en 1542, le collège est bâti à partir de 1548 (date portée sur le soffite de l'entablement du registre supérieur du portail d'entrée ; voir IM07001412, fig.9). Le plan et les élévations sont sans doute l'oeuvre de l'architecte italien Sebastiano Serlio (Bologne, vers 1480 - Fontainebleau, vers 1554), qui a auparavant travaillé pour François 1er à Fontainebleau (voir Frommel, S., 2002) . François de Tournon l'a peut-être rencontré lors de l'inauguration de l'hôtel particulier d'Hippolyte d´Este à Fontainebleau, le Grand Ferrare, en 1546. Il y découvre une magnifique réalisation de Serlio, "architecteur du Roi" (François 1er), construite rapidement et à peu de frais.
A l'avènement de Henri II en 1547, François de Tournon est pour un temps exilé de la cour et revient à Tournon. C'est à cette date que se décide la construction du collège et qu'il fait appel à Serlio, lequel séjournait alors à Lyon où il avait suivi Hippolyte d'Este. Serlio travaillera également pour le cardinal au château de Roussillon, et organisera son entrée solennelle à Lyon en 1552.
Une partie de l'édifice est achevée en 1554. Entre temps, le collège avait été érigé en université de philosophie et des sept arts par bulles papales de Jules III et par lettres patentes de Henri II en 1552.
Au temps des jésuites (1562-1763)
Devant la montée en puissance de la religion réformée, le cardinal de Tournon fait appel à la Compagnie de Jésus pour prendre la tête de son collège et assurer un bastion efficace contre les idées luthériennes.
Placés à la tête du collège par convention avec le cardinal de Tournon en 1561, renouvelée et complétée en 1562, quelques mois avant le décès de ce dernier, les jésuites vont opérer des transformations dès leur arrivée : extensions au sud, construction à partir du dernier tiers du 17e siècle, de l'église que l'on connaît encore aujourd´hui.
La cour est pavée de larges dalles en pierre de mollasse organisées autour d'une aire centrale plus restreinte couverte de petits cailloux de rivière : "L´aire de cette cour est sablée tout autour, en cadette de pierre dure, et le milieu en petits cailloux de rivière" (A.D. Ardèche, D 72, article 5). Le beffroi de l'entrée reçoit en 1583 une cloche destinée à sonner les heures, tant pour les élèves que pour les habitants du quartier, installée grâce à la contribution de plusieurs habitants de Tournon. (A.D. Ardèche, D 37).
Un plan établi avant les travaux d'extension vers le sud permet de connaître exactement la distribution des quatre corps de bâtiments (BnF, Est., "Topographie de France" / II, Ardèche." HD-4(9) FOL M 133681). A l'ouest, à gauche du grand portail : la conciergerie et le four, puis une salle de classe, à droite du grand portail : deux salles de classe ; à l'est, cinq salles de classe, dont celle de Physique et celle de Théologie, Logique, Physique et Mathématiques. Au sud : le réfectoire et la cuisine, au-dessus desquels se trouvent, au 1er étage : une "sartorie" (garde-robe?) et l'infirmerie, au 2e des chambres pour les malades qui peuvent servir à loger des étrangers de passage. Au nord du collège se trouve l'église.
Entre 1673 et 1714, les jésuites font édifier l'actuelle chapelle et agrandissent l'établissement par la création d'une seconde cour au sud, autour de laquelle s'organisent trois ailes à un étage. L'aile occidentale est entièrement dédiée à la desserte de l'église, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage ; elle bute contre la façade sud du bâtiment de Serlio. L'aile orientale, qui s'appuie sur la façade sud du bâtiment en équerre abritant les latrines, accueille au rez-de-chaussée la cuisine, l'office et au 1er étage, l'infirmerie ; elle court le long du Rhône ; c'est elle que l'on observe sur l'estampe de 1706, à gauche de la tour circulaire. Enfin l'aile sud, qui ferme la cour, est occupée au rez-de-chaussée par la sacristie, la pharmacie, la boulangerie et le 1er étage par des chambres destinées aux étrangers (A.D. Ardèche, D 121. Plans des bâtiments cours et jardins du collège de Tournon : 1ère feuille).
Les travaux entrepris entre 1673 et 1714 concernent aussi bien l'église que ces corps de bâtiments, même si l'on n'a que des bribes d'archives à propos de ces derniers.
L'incendie de Pâques 1714
En 1714, le collège est frappé par un incendie qui en détruit une grande partie.
C'est le 3 avril, veille de Pâques, que le feu éclate dans l'une des chambres des combles du logis construit le long du Rhône. Ce soir-là, à 21 heures, les témoins voient les flammes s'élever de la toiture et très vite se propager à cause du vent qui soufflait fort. Le sens du vent devait être sud-nord, car il embrase la toiture de l'ancienne église, construite au nord à l'extérieur de l´enceinte du collège, sur une place. L'église est proche de celle du couvent des Carmes, c'est dans celle-ci que les instruments du culte et autres objets précieux sont rapidement transférés, à défaut de pouvoir sauver les combles du bâtiment en flammes.
Nous avons vu que ce toit à croupes, dit 'à la française', abritait directement des chambres éclairées par des lucarnes. C'est de ces lucarnes que les flammes ont dû s'échapper, avant de venir à bout des tuiles et des poutres qui s'écrasaient dans la cour intérieure et sur la place à l'ouest. L'incendie saute´ de toit en toit ; les étages inférieurs résistent, permettant aux sauveteurs de s'aventurer dans les pièces du rez-de-chaussée et du 1er étage pour jeter par les fenêtres ce qui peut être sauvé. En effet, l'incendie gagnant en puissance et en rapidité (selon les témoignages, il lui fallut moins d'une heure pour embraser toutes les toitures, y compris celle de l'ancienne église), des coupe-feux furent impossibles à ménager dans la toiture, qui s'avéra - du fait de sa conception - inaccessible.
Las, croyant sauver meubles et ouvrages insignes de la bibliothèque cardinalice, les bénévoles constatèrent impuissants la débâcle. Ce temps de Pâques était le temps de foire du Vivarais ; nombreux étaient les forains et marchands venus installer leurs étals à proximité du collège, puisqu'il semble, d'après un témoignage, que la foire devait se dérouler le lendemain 4 avril 1714, sur la place toute proche (actuelle place Stéphane-Mallarmé). Toutes sortes d´individus étaient attirés par ces manifestations tant commerciales que festives, aussi quelques-uns virent comme une aubaine tous ces 'trésors' jetés à bas du bâtiment sans ménagement ; ils prirent ce qu'il y avait à prendre, sans autre forme de procès. Ce que voyant, les jésuites publièrent quelques jours plus tard un monitoire afin de récupérer autant que faire se peut quelques biens ainsi dérobés.
Si l'ancienne église brûla, la nouvelle en cours de construction et pratiquement terminée, dressée au sud ouest du bâtiment, fut épargnée. On peut supposer qu'il en fut de même de tous les bâtiments entourant la seconde cour, ainsi qu'une bonne partie du bâtiment 16e, particulièrement son logis sud-est. Touchés par la toiture (qui était 'd´une hauteur prodigieuse', comme en témoigne le père Benoît de Saint Joseph, provincial du couvent des Carmes, A.D. Ardèche, C 1538), les bâtiments semblent avoir résisté par les plafonds intermédiaires. En effet, les témoins indiquent que neuf planchers (soit plafonds) étaient encore en place à l'extinction des flammes, mais qu'il fallut les mettre à bas pour éviter leur pourrissement par la pluie. On peut supposer qu'avec ces planchers, dont on ignore l'implantation, subsistèrent une bonne hauteur de murs, peut-être au-dessus du 1er étage, voire du 2e. Toujours est-il que les murs furent remontés sur près de 6 mètres de hauteur (A.D. Ardèche, D121, pièce 53/627).
Une gravure du 19e siècle montre le parti pris pour son couvrement. Au-dessus du 3e étage, la partie supérieure des murs correspondant aux combles ouvre sur des œils-de-bœuf ; le toit offre une pente plus douce, permettant un meilleur accès. La chapelle au nord n'a pas été remontée, seul subsiste la partie basse de ses murs. Une autre gravure d´avant 1840 (d´après le dessin de Max Monier de la Sizeranne, Médiathèque de Valence), montre une vue du collège prise le long de la berge du fleuve, depuis l'abreuvoir, au sud du collège. On y voit clairement le bâtiment sud fermant la seconde cour, au fond le haut mur sud du bâtiment 16e reconstruit après 1714 avec ses œils-de-bœuf sous la toiture, éclairant les combles. A l'ouest, se dresse le clocher de l´église, terminé en octobre 1714 et un peu plus loin la toiture du beffroi de l'entrée monumentale, reconstruit après 1714.
Au temps des oratoriens (1776-1819)
La lutte menée contre les jésuites tout au long du 18e siècle aboutit à leur expulsion du royaume en vertu de l'arrêté pris par le Parlement de Paris le 23 avril 1762. Le Parlement de Toulouse, dont Tournon dépendait juridiquement, ordonne la même année la saisie de leurs biens (un inventaire en est alors dressé, AD Ardèche, D 32) : ils cessent d'administrer le collège en février 1763 et quittent la ville deux mois plus tard.
Pendant une quinzaine d'années, le collège est géré par un bureau d'administration nommé par le Parlement de Toulouse. Mais son organisation administrative est loin d'être adaptée aux besoins de l'institution ; les enseignants, sous la houlette d'un principal aux pouvoirs restreints et à l'influence relative, ne donnent pas entière satisfaction, même si l'établissement entame une période de redressement à partir des années 1767, avec le renouvellement de la quasi-totalité des enseignants (Julia, 2005, p.150). Lorsque le père Laurent d'Anglade, oratorien, est nommé supérieur du collège, la nouvelle est accueillie avec soulagement (AD Ardèche, D118, Mémoire).
Outre l'accueil des élèves traditionnels, le collège reçoit désormais une section de l'Ecole royale militaire (établissement fondé par Louis XV, qui se dresse à Paris à l'extrémité est du Champ-de-Mars, bâti entre 1751 et 1780 par Jacques-Ange Gabriel. Le Collège royal militaire est fermé le 9 octobre 1787), décidée par lettres patentes de Louis XVI (AD Ardèche, C 1538). Les oratoriens héritent donc d'un établissement qui a connu de grandes heures, réputé pour la grande qualité de son enseignement. Ils prennent cependant possession d'un ensemble patrimonial dans un état médiocre, comme le montrent les procès-verbaux d'installation dressés en 1776.
Sous la direction du père d'Anglade, les oratoriens projettent un grand aménagement immobilier pour doter l'établissement des bâtiments utiles à l'accueil de plus d´une centaine d´élèves. En effet, les jésuites logeaient leurs pensionnaires en dehors du collège (Dufaud, 1980, p.46), et les bâtiments avaient été vendus en même temps que le reste de leurs biens. Les oratoriens vont faire dresser deux plans, l'un présentant l´état actuel du collège, l'autre les extensions souhaitées (AD Ardèche, D 121). Ce projet fait l'objet d'études et de contrôles avant d'être accepté et financé par les Etats du Vivarais. Les dépenses sont estimées à la somme de 100 000 livres (AD Ardèche, D 118). Toutefois, la communauté est autorisée à emprunter le double (AD Ardèche, D 72, Pièce 141).
Une série d'échanges et d'acquisition de terrains est décidée par lettres patentes, afin de libérer les tènements nécessaires aux extensions désirées (AD Ardèche, D 118, pièce 78), qui s'étendront sur le terrain appelé alors "le champ des Carmes" et appartenant à la communauté du même nom. Elles sont pensées pour pouvoir accueillir 200 élèves. Le projet, ambitieux, est rapidement considéré avec méfiance par les oratoriens eux-mêmes (AD Ardèche, D 72, pièce 141. Voir en annexe).
A la veille de la Révolution, seul le grand bâtiment à deux ailes perpendiculaires s'élève au sud de la chapelle, bien visible sur le plan projeté de 1776, lettres E et F. Les extensions prévues plus au sud ne seront jamais construites. La colonnade classique qui orne la façade sud, ouvrant sur le parc, est élevée dans les premières années du 19e siècle ; ses fondations reposent sur des pilotis, en raison de la nature sablonneuse du terrain (Dufaud, 1980, p.47). La bibliothèque historique et le corps de bâtiment est du quadrilatère d'origine, sur le Rhône, conservent des aménagements que l'on peut sans doute dater des premières années du 19e siècle.
Les oratoriens demeurent à la tête de l´établissement jusqu'en 1819, date à laquelle le collège-pensionnat devient un collège royal. Tenus en haute estime dans les milieux patriotes, les oratoriens ne sont guère inquiétés pendant la période révolutionnaire. Leurs succès pédagogiques et leur sympathie envers les idées nouvelles leur assurent une certaine sécurité et leur permettent de continuer leur enseignement, tout en ayant toutefois renoncé à leur statut et prêté serment de citoyenneté.
Du collège royal au lycée Gabriel-Faure (1819 à nos jours)
En juin 1819, le Père Verdet, directeur, démissionne, le roi Louis XVIII "adopte" le collège. L'histoire institutionnelle du collège s'inscrit par la suite dans celle des établissements d'enseignement de la République : l'établissement prend définitivement le nom de lycée en 1848. En 1855, il est rattaché à l'Académie de Grenoble. Enfin, en 1885, suite à la création du lycée de jeunes filles (actuel collège Marie Curie), le lycée prend le nom de lycée de garçons.
Il connaît encore une succession de travaux : l'actuel bâtiment B, bâti le long du Rhône en prolongement du bâtiment A de Serlio, est érigée vers 1866, et probablement par l'architecte du collège impérial de Tournon, Louis Besset ; cette construction intervient vraisemblablement en même temps que l'aménagement du quai Gambetta (actuel quai Charles-de-Gaulle). Une carte postale du début du 20e siècle sans doute (Givors, maison du Fleuve Rhône, Fonds Dürenmatt n°1454) le montre couvert d'un toit à longs pans brisés avec lucarnes à fronton ; il a été remplacé ultérieurement par un toit à deux pans). Ce n´est qu´en 1848 qu'est bâti un pont suspendu, grâce à la technologie de l'ingénieur tournonais Seguin. L'emprise de ce pont, décidé à l´emplacement de l'ancien bac à traille qui relia durant des siècles les villes de Tain et de Tournon, arrive au droit des bâtiments construits au nord du bâtiment du 16e siècle. On a vu qu'en cet endroit se dressaient dès le 16e siècle chapelle et édicules ; au 19e siècle, s'élèvent proche de la rive le bâtiment de l´économe (qui n´est autre que le bâtiment visible sur l´estampe de 1706) et une chapelle protestante, qui occupe le rez-de-chaussée de l'ancienne chapelle du collège, ou du moins son emplacement primitif. Ces deux édicules doivent être rasés pour laisser passer la route et faciliter l´accès au pont (A.D. Ardèche, 2 S 30_12 : projet de pont suspendu : affaire du collège de Tournon, 1846-1848, descriptif avec plans). La route, alors Route nationale No 86 allant de Lyon à Beaucaire, passe à l'ouest du bâtiment ; c´est l'actuelle rue Thiers.
La destruction de ces édicules entraîne la révision de la façade nord, qui depuis la construction du collège dans le 2ème quart du 16e siècle avait été constamment masquée par des bâtiments accolés. Le devis des ouvrages à faire pour régulariser la façade nord-ouest du bâtiment principal ainsi que la description des travaux à faire et mode de construction sont dressés par l´architecte du lycée, Tevenet, le 12 juin 1849, qui constate : avant la construction du nouveau pont suspendu sur le Rhône, la façade nord-ouest du bâtiment principal du lycée était masquée en partie par l'oratoire protestant et par le bâtiment comprenant le logement de M. l'économe et en partie par un haut mur de clôture, depuis la suppression de ces constructions cette façade est devenue la partie la plus apparente des bâtiments, soit que l'on descende par le Rhône, soit que l'on passe sur la route nationale de Lyon à Beaucaire qui se présente perpendiculairement à cette face au pied de laquelle elle tourne en s'inclinant à l'ouest, soit enfin que l'on arrive par le nouveau pont suspendu. L'irrégularité de cette façade, l'état de dégradation qu'elle présente (dont peut donner une idée le dessin ci-joint) frappent péniblement la vue : aussi a-t-on reconnu la nécessité de faire disparaître ces inconvénients qui ne doivent pas paraître sans importance pour un établissement du genre de celui dont il s'agit ici. Les travaux sont confiés par adjudication à l´entrepreneur Enard (A.D. Ardèche, T 4195, travaux 1849-1924).
L'aménagement du quai entre le pont suspendu et celui construit plus au sud entraîne de nouvelles destructions le long des façades orientales du collège. Sur les plans de 1847 s'observait clairement un mur de clôture bâti le long du fleuve, conforme aux aménagements d'origine. Toutes les constructions subsistantes le long du Rhône sont rasées après 1861 pour laisser place au quai architecturé (quai Gambetta puis quai Charles-de-Gaulle) et faciliter l'accès au pont routier. Ce dernier est l'actuel pont Gustave-Toursier, pont à câble suspendu inauguré en 1958.
Quelques modifications intérieures sont également réalisées dans les années 1840, afin de mettre les locaux d'enseignement en conformité avec les nouveaux programmes. Des cabinets d'histoire naturelle, de physique et de chimie, ainsi qu'un laboratoire et amphithéâtre, sont installés au 1er étage de l'aile ouest de la cour d'honneur, perpendiculairement à l'actuelle bibliothèque historique (AD Ardèche, T 3497 ; voir ill. IVR84_20160700019NUCA)
Côté parc, deux nouveaux bâtiments (bâtiment D et E) s'ajoutent au lycée en 1963-65 : construits en béton armé par Georges Bovet (1903-1980, Premier Second Grand Prix de Rome en 1931), peints de blanc et de bleu ciel, ils accueillent l'un l'internat, l'autre les laboratoires de sciences. Ce sont, avec le gymnase, les dernières constructions. L'établissement aura connu près de quatre siècles de constructions, tout en conservant et maintenant au gré des bouleversements de l'Histoire, sa vocation d´enseignement.
Un projet est en cours pour la construction d'un nouveau bâtiment, plus adapté à l'enseignement technique, en lieu et place du bâtiment D et qui fera une meilleure liaison avec le bâtiment B.
Ce n'est qu'en 1967 que le lycée de garçons prend sa dénomination actuelle : lycée Gabriel-Faure, en hommage à l'homme de lettres tournonais, lui-même ancien élève. Bien que résidant à Paris, passionné de l´Italie, Gabriel Faure (1877-1962) ne manque pas une occasion de servir le lycée. Ses interventions facilitent la protection de certaines parties de l´établissement au titre des Monuments historiques : classement le 23 mars 1925 du portail d'entrée avec fronton et façade de la chapelle ; inscription du lycée le 27 septembre 1937. Gabriel Faure obtient que le projet du troisième pont sur le Rhône soit décalé un peu plus au sud, épargnant ainsi le parc d'une amputation drastique : le pont Gustave-Toursier sera bâti en 1958 à l'emplacement actuel. C'est encore Gabriel Faure qui demande l'érection d'un monument en l'honneur du Cardinal de Tournon. La statue sera inaugurée en 1924 (A.D. Ardèche, T 4195).
Situation
François de Tournon fait construire son collège sur l'emplacement d'un ancien marché situé dans l'enceinte de la ville, au sud, au bord du Rhône et à proximité immédiate du couvent des Carmes ainsi que du bac à traille permettant la traversée du Rhône pour se rendre à Tain.
Inscriptions
Sur le portail, trois inscriptions :
Devise de François de Tournon : NON QUAE SUPER TERRAM (non aux biens de ce monde)
Armoiries de François de Tournon : parti, d´argent semé de fleurs-de-lys, de gueules au lion d´argent.
Dédicace latine apposée par le prince de Soubise en 1767 : COLLEGIUM TURONENSE / FRANC. TURNO CO RE CAR. / CONFIRM. AN. MDCCLXVII / SUBAUSBIDII ET STUDELA / CAROLI DE ROHAN / FUN AN MDXLVIII / SERENISSIMI PRINCIPIS / SOUBISE TURNON. COMITIS
Appellation du lycée posée en 1967 : LYCEE GABRIEL FAURE
DESCRIPTION
L'imposant bâtiment est constitué d'un vaste rectangle de 174 pieds sur 111 (56,51 m sur 36,05). Les caractéristiques italiennes se révèlent dans la disposition de la cour et l'aménagement du portail triomphal. Quatre ailes entourent une grande cour rectangulaire aux petits côtés rythmés par un portique voûté en arêtes reposant sur de puissants piliers. Un vestibule d'entrée conduit à un long couloir étroit ouvrant sur les pièces de l'aile d'entrée ; l'aile surplombant le Rhône est distribuée de même (cette disposition a totalement disparu, le rez-de-chaussée des deux ailes ayant subi un fort remaniement ; par contre à l'étage on retrouve le principe du couloir éclairé sur la cour desservant les pièces donnant sur la rue ou sur le Rhône). Les deux escaliers à rampe droite sont dans une disposition typiquement italienne, car situés aux angles de l'édifice.
Le portail d'entrée révèle la main de Serlio, particulièrement dans le mélange des ordres dorique et rustique du registre inférieur, avec des colonnes en bossage un-sur-deux, qui se manifeste également dans la composition impeccable et un art consommé du détail.
L'arc en plein cintre repose sur des piédroits massifs traités à la rustique ; il s'inscrit entre deux colonnes engagées au quart portant un entablement à corniche saillante, au-dessus de laquelle s'élèvent le registre supérieur, d'ordre ionique, et le fronton. L'arc lui-même est traité en puissant bossage rustique dont la surface se caractérise par un relief accusé. Un tambour sur deux des colonnes est traité en bague de bossage. Les éléments se succèdent dans un rythme important, induit par la hauteur relativement modeste du portail. Le chapiteau dorique est coincé entre le dernier tambour rustique et l'entablement ; les claveaux de l'arc soulignent les lignes horizontales de la composition. Un entablement dorique couronne le premier registre du portail.
Les chapiteaux doriques sont rehaussés d'un gorgerin à feuilles d'acanthe et une échine garnie d'oves en fort relief ; le tailloir est sculpté de fins méandres et sur les angles de sa face inférieure éclosent des fleurs circulaires. Dans son Ottavio Libro, Serlio décore les échines et les gorgerins de petites cannelures, d'oves et dards et de motifs végétaux. Les modèles antiques sont largement cités, dans une grande liberté.
Piédroits et colonnes s'élèvent à partir d'un socle lisse, indice révélant encore la main de Serlio. La clef et la contreclef de l´arc sont prolongées par trois claveaux qui interrompent l'architrave de la frise pour monter jusqu´au niveau de la corniche. Les claveaux, plus décoratifs que fonctionnels, forment un motif en éventail qui équilibre les ressauts des côtés, au-dessus des colonnes.
Sur l'architrave ornée de deux fasces, Serlio est fidèle au vocabulaire de l'ordre dorique : frises et métopes ornées de bucranes et de patères à rosette centrale. Le soffite est divisé en compartiments carrés, décorés de gouttes, de pointes de diamant et de roses. Au centre, le carré est timbré de la date 1548.
Le portail du collège de Tournon est l'exemple le plus précoce connu du style tardif de Serlio, dont les modèles sont publiés dans le Libro Straordinario en 1551.
Au-dessus, se dresse sur une haute plinthe un édicule architecturé constitué d'un fronton supporté par deux colonnes ioniques. (Sur la face de la corniche a été fixée l'inscription en lettres capitales portant le titre du lycée.) L'espace entre les colonnes présente un rythme ternaire marqué par deux niches étroites dont le cul-de-four est orné d'une coquille peinte en trompe l'oeil accueillant autrefois une statue flanquant une plaque rectangulaire ornée d'un bas-relief sculpté et polychrome. De nuées desquelles dardent des rayons tombe une manne célébrée par deux mains ; un phylactère rouge porte la devise de François de Tournon avec en dessous le chapeau de cardinal partiellement bûché au niveau des pompons surmonte un cuir découpé timbré des armoiries du fondateur du collège.
Ni les proportions ni les détails ne sont compatibles avec le style de Serlio, laissant supposer que cette partie du portail est l'oeuvre d'une autre main.
Il est fort possible que Serlio ait livré le plan général et le dessin des élévations du collège au cardinal de Tournon, qui l'a approuvé, puis ait présidé au lancement de la construction, la supervisant au moins jusqu´à l'élévation complète de la partie inférieure du portail. Il est possible qu'il ait ensuite laissé le chantier sous la direction d'un maître d´oeuvre, avec ordre de suivre ses plan et recommandations à la lettre, se fondant sur des maquettes à grande échelle et des dessins de détail (Frommel, S., 2002, p. 310 et svtes).
Selon le plan du 16e siècle, le bâtiment de Serlio était unique (c'est l'actuel bâtiment A), et accompagné sur sa façade nord de jardins qui faisaient la liaison avec une chapelle ; la façade le long du Rhône, sur laquelle ouvre un portail au nord-ouest, donne sur une cour intérieure fermée d'un haut mur et par un bâtiment à 5 pièces ; s'ensuit plus au sud la tour des latrines donnant sur l'eau, et un peu plus au sud un fort éperon construit sur l'eau pour contrer les crues du fleuve.
On retrouve ces bâtiments en élévation sur l'estampe de 1706 : le long bâtiment qui se dresse en forte saillie sur la face orientale de la cour desservie par le portail oriental est à un niveau, éclairé par cinq fenêtres à l'est et une fenêtre sur la façade nord et butte contre une tour circulaire (tour des latrines), reliée à un retour du bâtiment en équerre au sud. Les bâtiments visibles sur 'estampe, au nord et à l'est, sont couverts d'un toit à croupes, éclairé par des lucarnes en pavillon, cinq à l'est, deux au nord, deux au sud sur le bâtiment en retour à l'arrière de la tour. Trois cheminées coupent l'arrête faîtière du toit occidental. Noues et pignons sont surmontés d'épis de faîtage.
Au nord se trouve un bâtiment à deux étages immédiatement accolé à la façade nord du collège. Il est adossé à une chapelle identifiable par la croix en épi de faîtage couronnant son toit à deux versants au-dessus du pignon oriental.
Le bâtiment en retour d'équerre, terminé par une tour semi-circulaire bâtie à fleur d´eau, contenait les latrines. Un peu plus en aval existait un édicule doté d´un limnimètre permettant de mesurer les crues du fleuve.
Le bâtiment de Serlio était couvert par une haute toiture faisant l'admiration de nombre de ses contemporain, notamment d'anciens élèves qui avaient pu la visiter : on en devine un aperçu dans le témoignage de Joseph Lermet, maire de Tournon, et Antoine Rivoire, de 1714, qui décrivent une charpente foisonnante, faite de bois anciennement coupé et bien sec, ce qui a favorisé son embrasement rapide et irrémédiable (A.D. Ardèche, C1538). Cette charpente supportait un toit à croupes, éclairé par des lucarnes en pavillon.
Les jésuites construisent au sud du collège de Serlio une cour carrée cernée par trois corps de bâtiments à un étage, celui à l'ouest longeant et desservant la chapelle nouvellement bâtie, unique structure existante de cette période.
Les oratoriens engagent, à partir de 1777-1778 des agrandissements vers le sud. Une première tranche est construite, achevée dans les premières années du 19e siècle par une façade en portique dorique ouvrant sur le parc. Le projet prévoyait deux autres corps de bâtiments disposés en U avec celui existant, mais par mesure de prudence les oratoriens eux-mêmes décidèrent de ne pas aller au-delà du bâtiment visible aujourd´hui. Construit en prolongement du corridor longeant la chapelle au rez-de-chaussée comme à l'étage, ce bâtiment comprend un long corps rectangulaire articulé à l'ouest par une extension quadrangulaire et buttant au sud sur la colonnade dorique reliant deux édicules jumeaux en rez-de-chaussée couverts en terrasse. Au-dessus de la terrasse s'élèvent encore deux niveaux ; les plans relevés avant les transformations de 2002 montrent un accès au premier étage par un escalier noble et n´allant pas au-delà de ce niveau. Le second et dernier étage, abritant des appartements de fonction, n´était accessible que par un escalier dérobé construit à l´arrière de l´escalier principal. Les rénovations ont constitué dans la création de l´administration au second étage, du prolongement de l´escalier principal par la construction de nouvelles volées de marches et l´installation d'un ascenseur ; au premier étage, la réorganisation complète des espaces par la création de 'plateaux' pour accueillir de nouvelles salles de cours et la documentation du lycée.
Le long bâtiment quadrangulaire construit le long du Rhône en 1866 par Louis Besset, architecte du lycée impérial, est scandé par des murs de refends régulièrement disposés, garantissant une isolation phonique et une stabilité efficiente au bâtiment. Elevé sur un vide sanitaire voûté, il comprend un seul niveau de salles de cours ; on accède aux combles par deux escaliers à noyau central ; la toiture est à deux pentes et à croupe. Un escalier de secours en hélice a été disposé dans les années 60 sur la façade sud. Une longue marquise habille la façade côté cour tout en garantissant façade, élèves et professeurs des intempéries.