1. HISTORIQUE
À partir de 1558, la Ville de Lyon décide de supprimer le pont en bois franchissant la lône côté rive gauche, et d'établir un pont en pierre homogène d´une rive à l´autre (DARA 1991, p. 89 et suiv.).
En octobre 1558, le maître maçon Benoît Simon est chargé de remplacer vingt-sept chevalets de bois verticaux par des piles de maçonnerie. Ces travaux coûtent 779 livres 14 sols 8 deniers (AM Lyon, BB 81, fol. 99 v° ; DARA 1991, p. 139). Puis, le 20 décembre 1558, la Ville passe prix-fait au maître maçon Pierre Gaban et au maître charpentier Claude Collet dit Delègre, pour construire vingt-huit arcs en maçonnerie au-dessus des piles déjà construites, pour le prix de 4.300 livres. Un pont provisoire en bois permettra d´assurer le trafic pendant la durée des travaux. Pierre Gaban meurt en mars 1559, sans avoir commencé la construction (AM Lyon, idem, 14 mars 1559).
Olivier Roland, maître ingénieur du Roi et de Lyon, présente un nouveau projet aux échevins en mai 1559. Lors de l´assemblée consulaire du 5 juin 1559, plusieurs échevins avancent l´idée de faire non seulement un pont solide et fiable, mais également une décoration pour l´entrée de la ville depuis l´Italie ; le projet d´Olivier Roland est adopté (AM Lyon, idem, fol. 172 v° et suiv. ; DARA 1991, p. 141-143).
Le prix-fait de l´ouvrage est adjugé le 27 août 1559 au maître-maçon Pierre Faure et aux charpentiers Estienne Genyn et Claude Collet dit Lègre, pour un coût de 13 000 livres, à charge d´achever les travaux en deux ans. Ces derniers sont terminés en octobre 1560.
Du côté de la Guillotière, deux descentes sont aménagées de part et d´autre du pont vers la Part-Dieu au nord et Béchevelin au sud, et une place pavée est créée au débouché du pont (AM Lyon, BB 81, CC 1078 ; DARA 1991, p. 187).
Les travaux, d´un coût de 14 300 livres tournois, sont reçus le 2 décembre 1561 (AM Lyon, CC 1102, pièce 5 ; DARA 1991, p. 97).
Dix ans plus tard, entre les 2 et 4 décembre 1570, trois arches et deux piles sont emportées lors d´une violente crue du Rhône. Une passerelle est mise en place dès le 11 janvier suivant. Les travaux de reconstruction donnés au maître-maçon Robert Danvin, de Mâcon, vont durer de mai 1579 à mai 1582 (AM Lyon, BB 103 ; DARA 1991, p. 98).
En 1603, de nouvelles réparations sont menées lors des basses eaux (MAYNARD, vol. 2, p. 321 ; annexe n° 2).
En 1661, on achève la construction en pierre du pont. À cette occasion, le Consulat fait graver une médaille aux armes de la Ville et à celles des Villeroy (idem, p. 326).
En 1727, un ouragan détruit la machine hydraulique installée par François Snabel sous le pont, pour fournir de l'eau dans tous les quartiers de la ville et alimenter les jets d'eau de la place Bellecour (AM Lyon, BB 291). Le lyonnais Petitot reprend le projet en 1729.
En 1767, on décide de détruire la chapelle du Saint-Esprit, édifiée à l´entrée du pont, à l'extrémité ouest (MAYNARD, vol. 2, p. 327). La chapelle est démolie en 1771, suite à un arrêt du Conseil d'État (DAGIER, t. 2, p. 257).
Avec la construction du quai Monsieur en 1772, la pente de la chaussée entre le pont et la rue de la Barre est adoucie, par la suppression de deux arches.
La physionomie du pont est considérablement modifiée tout au long du 19e siècle, par le comblement des bras du Rhône et par la construction des quais qui vont rétrécir le lit du fleuve. Les arches 9 à 20 sont progressivement remblayées au cours du siècle. Les arches 19 et 20 sont enterrées en 1801, l'arche 18 entre 1825 et 1837, les arches 12 à 17 en 1837 et 1842, et enfin les arches 9 à 11 en 1860. Quoiqu'enterrées, elles sont conservées en élévation jusqu'au tablier (DARA 1991, p. 15).
Les travaux réalisés rive gauche par Combalot et Cavenne entraînent l´ensevelissement des arches (une arche en 1815, puis six en 1833) sur lesquelles on établit le début du cours de Brosses, actuel cours Gambetta (PELLETIER 2002, p. 87).
D'autres modifications atteignent le pont de la Guillotière. En 1818, on démolit la tour carrée et son pont-levis.
On élargit le pont en établissant des arcs en fonte supportant des trottoirs.
En 1844, le pont n´a plus que dix arches, 310 m de long et une largeur de 11,50 m avec deux trottoirs de 4,50 m. En 1859, en raison de la construction des quais de la rive gauche, on réduit encore la longueur du pont à 252 m, par la suppression de deux arches.
En 1944, lors du dynamitage du pont par l'armée allemande, pour protéger sa retraite, une seule arche est détruite.
Le 4 septembre 1944, le Génie Américain lance un pont Bailey de 30 m sur cette arche effondrée et permet le passage des véhicules de 30 tonnes suivant un sens unique. Le 23 septembre, un second pont Bailey est mis en place, permettant dès lors le passage des véhicules de 30 tonnes dans les deux sens.
Le 26 novembre, l'arche est complètement remise en état (RENAUD, p. 27 et 28).
Peu après, la solidité du pont est mise en question et sa démolition décidée en 1952 (son remplacement pour cause de vétusté avait été envisagé dès 1924). Le pont est démoli l'année suivante, en 1953 (DARA 1991, p. 16). À l'époque, huit des vingt arches du pont de pierre du 16e siècle sont encore visibles mais appelées à être détruites.
2. DESCRIPTION
Le plan réalisé par l´ingénieur Jacques Gabriel en 1734 permet de connaître la physionomie du pont (AD Rhône, 2 pl. 187).
Le pont, d´une longueur de 510 m pour 5 à 6 m de large seulement, est construit en pierre de grand appareil ; il comprend vingt arcs en plein cintre à claveaux saillants supportés par des piles carrées flanquées à l´amont et à l´aval de becs à angles vifs, de forme et de hauteurs différentes. Ces piles sont supportées par un platelage de planches de 15 mm d´épaisseur entrecroisées reposant sur des pieux très rapprochés (500 par piles en moyenne), et liés entre eux ; ces fondations sont entourées de maçonnerie protégées par des enrochements. Les pieux sont en chêne, provenant du nord Dauphiné, les pierres sont du choin ou de la pierre de Saint-Cyr, et la chaux vient de Saint-Germain-au-Mont-d´Or. Le pont, sans trottoir, est bordé d´un parapet plein et quatre édicules annexes sont élevés sur les piles et les culées : la chapelle du Saint-Esprit, la porte de ville flanquée de deux tours rondes et une tour carrée et son pont-levis entre la septième arche et la huitième de 33 m d´ouverture, dite la grande arcade. Cette tour marque la limite entre le Lyonnais et le Dauphiné. L´île qu´enjambe le pont se situe sous les arches 9 à 14, le bras du Rhône entre l´île et la rive gauche est très réduit (AM Lyon, 3S 313 ; AD Rhône, 2 pl 187 ; PELLETIER 2002, p. 86).
La largeur des arches est comprise entre 22 et 26 m pour les huit premières, entre 19 et 11 m pour les dix suivantes ; les piles, bâties sur un module de base de 7,50 m à 8 m de côté, avec des becs de 8 à 10 m, montrent également des variations importantes. La hauteur sous clef varie de 8 à 12 m. La construction semble plus fruste à l´est (DARA 1991, p. 102).
À partir de 1720, les piles, sauf la 9, sont entourées d´une crèche, enceinte de pieux remplie de maçonnerie, procédé adopté depuis le 17e siècle pour éviter les affouillements. L´arc 17 est pratiquement obturé par la construction d´un mur-radier (AD Rhône, 1C 159).