Sur une terre d'élevage associé à de la polyculture, dans un paysage de semi-bocage, la ferme de Sannes présente une cour ouverte (close récemment de manière sommaire) avec principalement deux granges-étables et une maison organisées quasiment perpendiculairement. Un principe de symétrie encore plus strict organise la façade sur cour de la grange-étable située à gauche en entrant dans la cour depuis la route nationale. Située sur un terre-plein (remblai de l'ancienne maison), la maison lui fait face de façon à bénéficier d'une exposition au sud. Au fond de la cour se trouve une seconde grange-étable. Ensuite viennent, séparés par des espaces libres, la porcherie, les remises, le poulailler, un fournil et un garage (voir le schéma). Un bosquet et un jardin d'agrément sont disposés à proximité de la maison : le bosquet en façade et le jardin le long de la route. Un potager est situé à l'arrière (au sud) de la porcherie. Plus des trois-quarts de la parcelle (d'une surface supérieure à sept hectares) sont occupés par un pré.
En termes de gabarit, les deux granges-étables l'emportent sur la maison tant en longueur qu'en hauteur. Les toitures à pente forte en sont notamment la cause.
La maison, double en profondeur, présente une façade avec chaînes d'angles en brique apparente sur une base de blocs de grès. Elle est percée de quatre baies (trois fenêtres et la porte d'entrée) couvertes de plates-bandes de briques en arc segmentaire. La façade est également compartimentée en trois par deux jambes en brique avec base et sommet en grès. Un bandeau de brique situé au niveau des appuis de fenêtres en grès, et un cordon en brique la divisent horizontalement, formant avec les jambes un quadrillage régulier. Une corniche composée de trois rangs de briques la couronne. L'élévation arrière est également percée de quatre baies, la porte donnant accès à une buanderie ajoutée au 20e siècle. Dans le pignon est se trouve une baie jumelée composée de la porte d'accès au comble et d'une baie aveugle. Au-dessus se trouve la pierre gravée de la date 1875. On atteint la porte par un escalier en pierre droit, parallèle et accolé à la façade. Deux lucarnes dont les ouvertures sont situées à l'aplomb des murs gouttereaux sud et nord sont fermées de panneaux en bois pleins. Une souche de cheminée en brique permet l'évacuation des fumées des deux cheminées de la maison : une grande cheminée centrale (hauteur à la tablette : 201 cm) ouverte dans la pièce principale à laquelle on accède directement depuis l'extérieur, et une plus petite cheminée dans la pièce située dans l'angle nord-est de la maison. Aucun élément ne permet de restituer précisément la cuisine de 1875.
La grange-étable située au sud, remarquable par la symétrie, déjà signalée, de la composition de sa façade (trois baies couvertes d'arc en plein cintre et en brique, de part et d'autre d'une porte charretière centrale), présente principalement 32 mangeoires distribuées en deux étables doubles. La charpente composée de six fermes dégage des volumes tels qu'ils autorisent des récoltes de paille et de foin importantes.
La grange-étable située à l'ouest a connu différents aménagements : les percements disparates en façade en attestent. De même que le mur de refend nord, non chaîné au mur gouttereau. C'est dans ce mur de refend que sont percées cinq baies fermées de volets, coulissant sur des glissières, qui permettaient de distribuer directement le foin dans un râtelier auquel avait accès une vingtaine de bovins en étable ouverte. Cette dernière, d'après le dernier fermier et un plan conservé aux archives départementales de l'Allier, aurait remplacé un alignement de loges à cochons, au moment probablement où l'on construisait la porcherie indépendante. Dans l'angle sud-est du bâtiment se trouve la chambre de commis (15 m2) encore équipée de sa cheminée montée en brique et présentant un manteau en bois ; son sol est carrelé (carreaux en terre cuite de 14 cm par 14, à joints fins et sans mortier). Une chambre à grains recouvre la chambre et l'étable à chevaux, cette dernière occupant l'angle sud-ouest du bâtiment. Grâce à une trémie ouverte dans le plancher, les grains pouvaient être écoulés directement au rez-de-chaussée. Les trois fermes de la charpente sont composées d'entraits et faux-entraits (entrait travaillant à la compression, contrairement à l'entrait retroussé qui travaille en traction) : entre les deux, des jambes de force secondent les arbalétriers. Sur les deux versants du toit sont posées des tuiles de nature différente, tuiles plates à l'ouest et tuiles en béton à l'est : une tempête, en 1983, ayant conduit à la réfection du versant est (témoignage oral du dernier locataire de la ferme). C'est vraisemblablement au cours de cette réfection que la souche de la cheminée de la chambre de commis a été démolie.
D'après l'archéologue du bâti (voir le rapport de diagnostic lié à ce dossier), les deux granges-étables sondées auraient été construites en remployant majoritairement des matériaux qu'on peut supposer être ceux des bâtiments remplacés (les briques disposées en arêtes de poisson, à la base du mur gouttereau ouest de la grange-étable de fond de cour, semblent en attester particulièrement). En revanche la porcherie aurait été construite avec des matériaux neufs.
La maison n'a pas fait l'objet d'une analyse archéologique mais le sondage effectué dans le terre-plein situé au-devant de sa façade laisse supposer que l'ancienne maison (dont les contours sont levés sur le cadastre de 1825) se trouvait là. Des carrelages de terre cuite ont été dégagés par les archéologues mais "les murs de l'ancien bâtiment ont fait l'objet d'une récupération semble-t-il systématique" (rapport de diagnostic, p. 44).
Nombre de ces caractères ont été repérés de façon récurrente par Jean-Paul Leclercq dans les années 1970 : "ferme à cour ouverte qui correspondent généralement à de plus grandes exploitations [que les maisons-blocs] dont les bâtiments, souvent de grandes dimensions, échappent, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à l'architecture vernaculaire tant par leur ampleur, leurs élévations, que par leur implantation, tendant à la symétrie, autour d'une vaste cour", "en général, la façade principale [du logis] est à l'est ou au sud", "[le logis" est souvent double, et non simple, en profondeur, d'où la présence fréquente d'ouvertures au mur goutterot postérieur", "des cloisons séparent les différentes pièces et il n'y a ni couloir ni escalier : l'accès au comble est au pignon, par une porte haute que l'on atteint grâce à une échelle, ou à un escalier extérieur en pierre, ou en bois [...]" (Habitat rural en Bourbonnais, p. 45-46). De même, le fournil est souvent indépendant, les loges à porcs sont peu distinctes des poulaillers (ces dernières circulant librement dans les espaces libres). J-P. Leclercq signalait deux types d'étables à bovins : avec ouvertures dans mur de refend qui sépare la remise de l'étable permettant d'alimenter le bétail sans avoir à pénétrer dans l'étable, ou bien avec bêtes alignées le long d'un couloir longitudinal et mangeoires bordant le couloir, "les bêtes passant alors la tête par des ouvertures de forme ovale, triangulaire ou rectangulaire, pour se nourrir". Ici les deux types d'étables sont représentés sur le même fonds, dans deux bâtiments distincts ; les ouvertures par lesquelles les bovins passent la tête sont de forme triangulaire.
La ferme de Sannes se révèle également représentative d'une observation faite par Antoine Paillet, conservateur des musées de l'Allier et spécialiste de l'architecture du Bourbonnais : "L'opposition entre cour ouverte et cour fermée n'est pas pertinente. La question essentielle est celle de l'agencement des bâtiments par rapport à la cour. On assiste [au XIXe siècle] à une géométrisation et une mise en symétrie des bâtiments qui correspond à un souci de rationalité dans la fonctionnalité (productivité des déplacements dans le travail), mais aussi à une préoccupation esthétique" (Compte-rendu en ligne du séminaire "Bâtir dans l'espace rural [...]" tenu le 18 avril 2006 à la Maison de la recherche en sciences humaines de l'Université Caen Normandie).
Chercheure à l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes.