II existe à six kilomètres de Montmélian, près du hameau de Coise, une source qui sourd au-dessous de la colline de Villard-d'Héry, et qui est désignée par les habitants sous le nom d'eau de la Sauce. Notre compatriote Grillet parle de cette source et lui donne le nom d'eau acidulée de Coise. Elle est en grande vénération auprès des cultivateurs, qui l'emploient dans une foule de maladies et principalement contre le goitre. Il paraît que, dans les dernières années du gouvernement français, sous l'administration de M. Finol, préfet du département du Mont-Blanc, on avait commencé des études sur l'eau de Coise et formé le projet d'un établissement ; le changement de gouvernement qui survint à cette époque, mit fin à toutes recherches scientifiques. Quoi qu'il en soit, si les propriétés de cette eau minérale furent, pour ainsi dire, aussi vite oubliées qu'entrevues par les hommes de l'art, elles ne survécurent pas moins dans l'esprit des populations environnantes, qui les regardent comme merveilleuses. Désireux de connaître par moi-même ce qu'il pouvait y avoir de fondé dans une pareille croyance, j'ai recueilli sur les lieux des renseignements qui m'ont été fournis par des agriculteurs et que je livre ici dans toute leur simplicité : L'eau de Coise cuit rapidement les légumes secs et vieux, et, chose qui surprend beaucoup les habitants de la campagne, c'est qu'elle ne vaut rien pour cuire les gruaux, qui deviennent violets ; elle dégraisse les vases qui ont servi à contenir de l'huile ; les bestiaux en sont très avides, mais elle diminue considérablement le lait des vaches ; les poissons que l'on met dans la fontaine y périssent en peu de minutes. Les habitants de cette localité emploient celle eau en boisson contre le goitre, dans les maladies de la vessie, dans les irritations du canal intestinal, dans la convalescence des fièvres intermittentes, dans l'aménorrhée, la chlorose ; ils ont remarqué que l'on ne rencontre nicrélins ni goitreux dans le village de Longemale, qui use de l'eau de cette source, tandis que les autres villages de la commune de Coise en sont infestés. Cette observation, qui est d'une haute importance, a été consignée, par mon honorable ami, M. le docteur Duclos, médecin de l'hospice des aliénés, dans les renseignements qu'il a fournis à la commission fondée à Turin, pour l'étude du goitre et du crétinisme. Ce fait est d'ailleurs de notoriété publique.
Comme on doit le croire, quelques-unes de ces simples données furent pour moi un véritable trait de lumière ; ainsi la propriété qu'a cette eau de cuire rapidement les légumes secs et de dégraisser les bouteilles, ne pouvait être attribuée qu'à la présence d'un principe alcalin ; celle de colorer les soupes amidonnées en violet,qu'à la présence de l'iode. Successivement mon attention fut vivement excitée par les succès que j'ai obtenus dans différentes maladies, par l'administration en boisson des eaux de Coise ; et par simple induction, il me fut permis de conclure que cette eau était éminemment alcaline, et qu'elle jouissait à un haut degré de toutes les propriétés attribuées aux eaux de Vichy, si renommées à juste titre ; qu'elle devait contenir une notable proportion d'iode, puisqu'elle fait disparaître le goitre. Des essais répétés m'ont prouvé qu'elle était vraiment héroïque contre les affections scrofuleuses, et j'espère dans quelque temps en fournir des témoignages irrécusables. En face de pareils faits, il me restait le devoir impérieux de livrer une observation au public, et de faire constater par la science quels étaient les principes minéralisateurs de cette eau. N'ayant ni le temps, ni les connaissances chimiques nécessaires pour entreprendre ces recherches, je me suis adressé à M. Saluce, pharmacien à Chambéry et chimiste distingué, qui a bien voulu en entreprendre l'analyse. Je suis heureux de pouvoir annoncer que ses premiers essais ont dépassé mes espérances et confirmé toutes mes prévisions. Selon ce chimiste, un litre d'eau de Coise contiendrait un volume et demi d'acide carbonique libre, un gramme de bi-carbonate de soude, cinq centigrammes d'un sel iodique, des traces de fer, de magnésie et de carbonate de chaux. L'Académie de médecine de Paris sera bientôt appelée à prononcer en dernier ressort sur la valeur de l'eau de Coise et nous attendrons son jugement. Ce simple aperçu doit laisser entrevoir que cette eau destinée à devenir d'une application très fréquente en médecine, car rien de plus heureux que l'association de l'iode à une eau surchargée d'acide carbonique, et qui a pour base minéralisatrice une si grande quantité de bi-carbonale de soude. Je prie donc tous mes confrères et principalement ceux des États Sardes de vouloir essayer ce nouveau moyen de guérison, dans tous les cas qui exigent les eaux de Vichy, dans toutes les affections atoniques en général, dans les maladies scrofuleuses les plus désespérées ; quant aux goitres peu avancés, ils disparaissent en peu de jours. Cette eau n'ayant ni goût, ni odeur désagréables, on peut l'administrer sous toutes formes aux enfants et aux personnes les plus délicates, sans même qu'ils s'en doutent ; c'est une excellente eau de table que l'on peut boire pure ou coupée avec du vin, elle stimule puissamment les forces digestives, augmente l'appétit ; on peut en prendre des doses énormes sans en être incommodé, et elle a une action diurétique très marquée.
Je termine cette notice, déjà trop longue pour un article destiné aux journaux et à appeler l'attention de mes confrères ; heureux si par leur concours je puis espérer d'avoir rencontré pour l'humanité un moyen actif de guérison, et pour le pays un élément de prospérité de plus. Les médecins qui désireront essayer les eaux de Coise, pourront s'adresser à M. Saluce, pharmacien à Chambéry. Sous peu, des dépôts seront établis dans les principales villes du royaume. DUBOULOZ, doct.-méd.