Dossier d’œuvre architecture IA63002455 | Réalisé par
Laurent Christophe (Contributeur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération d'urgence, hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand
Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand : l'école de sages-femmes
Œuvre monographiée
Copyright
  • © Région Auvergne - Inventaire général du Patrimoine culturel, ADAGP

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Clermont-Ferrand
  • Commune Clermont-Ferrand
  • Adresse avenue Vercingétorix

1. Former des sages-femmes en Auvergne

2. L’utilité d’un nouveau bâtiment spécialisé

3. Implantation et architecture

L’école de sages-femmes se trouve dans la partie sud-est de l’enclos de l’hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand. Elle s’élève en bordure de l’avenue Vercingétorix, à quelques mètres en contrebas de la maternité. La proximité immédiate de ces deux bâtiments ne doit rien au hasard. Leurs commanditaires les conçurent comme des équipements distincts mais complémentaires1.

Former des sages-femmes en Auvergne

En 1765, l’Intendant d’Auvergne Ballainvilliers écrivait : « j’ai établi dans la province des écoles pour la démonstration des accouchements, et c’est le premier établissement en ce genre qui ait été fait dans le royaume. Pour juger de son importance, il ne faut que réfléchir aux malheurs infinis que cause dans les campagnes l’ignorance meurtrière des matrones qui se mêlent d’accouchements. Elles font périr par leur routine nombre de femmes et d’enfants ; un plus grand nombre encore sont mutilés ou estropiés, et traînent des jours tristes et languissants. Les mères perdent leur fécondité et l’État une infinité de sujets. C’est pour remédier à de si grands maux que je me suis empressé de l’invention de madame Ducoudray »2. L’Intendant avait fait distribuer dans les principales villes d’Auvergne la « machine » mise au point par Angélique-Marguerite Le Boursier du Coudray3. Il s’agissait d’un mannequin en tissu représentant le tronc, le bassin et les cuisses d’une parturiente, ainsi que le nouveau-né. À l’aide du mannequin, des chirurgiens devaient instruire des femmes dans « l’art des accouchements ».

De 1757 à 1759, à Clermont-Ferrand, madame Du Coudray donna des cours à des élèves sages-femmes. La formation durait trois mois. Le chirurgien Blancheton poursuivit cet enseignement de 1761 à janvier 17904. Le 1er décembre suivant, les administrateurs du département du Puy-de-Dôme établirent un nouveau cours. Toutefois, il périclita rapidement. Les administrateurs le relancèrent au moins à deux reprises, en décembre 1794 et février 17965.

En octobre 1805, le préfet du Puy-de-Dôme projeta à nouveau d’organiser des cours et une école d’accouchement. La commission administrative des hospices de Clermont-Ferrand donna son assentiment, mais elle fit valoir que l’hôtel-Dieu ne disposait pas de locaux pour accueillir des élèves sages-femmes6. L’affaire en resta là.

Deux ans plus tard, la nouvelle école secondaire de médecine de Clermont-Ferrand ouvrit. L’un des professeurs titulaires, le docteur Chomet, fut chargé d’enseigner les accouchements, les opérations, les maladies des femmes et des enfants. Mais aucune femme ne put suivre son enseignement. En avril 1813, le préfet du Puy-de-Dôme chercha un lieu pour abriter des cours spécialement dispensés à des élèves sages-femmes. Les administrateurs des hospices lui répondirent qu’il fallait prévoir la création d’une salle de douze lits destinés à recevoir les « filles en couches », et une pièce d’amphithéâtre pour les leçons7. Enfin, le 29 octobre 1816, le préfet établit un cours d’accouchement « près l’hôtel-Dieu ». Il avait obtenu du Conseil général un crédit de 2 000 francs pour subvenir aux besoins de dix élèves boursières logées et nourries à l’hôtel-Dieu. Le docteur Chomet se vit confier les cours8.

Mais cette organisation ne donna pas satisfaction aux autorités administratives et médicales. Les élèves « n’étaient soumises à aucune surveillance, elles n’avaient aucune salle où elles pussent travailler en commun »9. Leur instruction souffrait souvent d’un « relâchement » dans leurs « mœurs et conduite ». Et, comme les cours se déroulaient dans la période où les travaux des campagnes battaient leur plein, bien des élèves n’étaient pas assez assidues. Pour remédier à cette situation, un nouveau règlement portant réorganisation de l’école d’accouchement fut adopté en août 182110. L’école fut installée dans une maison louée aux frais du département11. Le bâtiment servit pour l’enseignement et l’internat des élèves, ainsi que pour recevoir les femmes désireuses d’enfanter dans l’établissement. Le département prit en charge tous les frais d’instruction et de pension (y compris les frais d’accouchement). Deux sœurs hospitalières avaient la charge de « l’administration économique » et de la « police intérieure ». Les internes ne pouvaient sortir de l’école, même temporairement, sans une autorisation écrite de l’une des sœurs. Les cours se déroulaient sur deux années, du 15 novembre au 15 mars. Afin de compléter leurs connaissances pratiques, les élèves assistaient aux parturitions.

Au moins dès 1830, l’école d’accouchement occupa un bâtiment situé rue Dallet (à l’époque dans le faubourg nord de Clermont-Ferrand). En septembre 1849, ce local était dans « l’état le plus déplorable de vétusté, de malpropreté et d’insalubrité »12. Le 30 août 1850, le conseil général vota un crédit de 10 000 francs pour les dépenses de l’école et son transfert13. L’école aménagea le 1er octobre 1851 dans une partie de l’ancien couvent Sainte-Claire, vers la petite place Sidoine-Apollinaire (à une centaine de mètres du précédent local)14.

L’utilité d’un nouveau bâtiment spécialisé

Le 9 mars 1852, le docteur Vincent Nivet (1809-1893) fut nommé professeur titulaire de la chaire d’accouchement de l’école de médecine de Clermont-Ferrand15. Très logiquement, il enseigna également à l’école départementale d’accouchement, école dont il devint le sous-directeur en 1860 puis le directeur en 1865. Sous son impulsion, la qualité de la formation s’améliora. Les cours de première et de seconde année se déroulaient du 15 novembre au 25 mars. En moyenne, une quarantaine d’élèves les suivaient16. Le 25 août 1880, les conseillers généraux du Puy-de-Dôme prirent connaissance d’un rapport rédigé par le docteur Antoine Blatin. Selon l’auteur, les locaux de l’école départementale d’accouchement étaient insuffisants. Il proposait de construire un bâtiment « d’après les règles de l’hygiène et du confort moderne »17, et de l’implanter sur les terrains de l’hôtel-Dieu, par exemple en bordure de l’avenue Vercingétorix. Il estimait qu’une telle installation, « en cet endroit, aurait pour avantage de permettre l’établissement, à l’Hôtel-Dieu même, d’un beau service d’accouchement commun à l’école des sages-femmes et à l’école de médecine ». Une commission fut créée pour concrétiser la proposition. Antoine Blatin et Vincent Nivet rédigèrent un rapport qui fut soumis au conseil général le 21 août 1881. La dépense prévue s’élevait à 300 000 francs, somme très importante. En mars 1882, l’État refusa d’accorder une subvention. De leur côté, les administrateurs de l’hôtel-Dieu ne voulurent pas céder les terrains nécessaires. En conséquence, le projet échoua18.

Trois ans plus tard, une dramatique épidémie de « maladie puerpérale » se déclara dans l’école d’accouchement : sur quinze accouchées, huit décédèrent19. Pourtant, depuis 1880, les antiseptiques étaient employés pendant et après l’enfantement. L’on incrimina donc l’insalubrité des salles et la vétusté du bâtiment. Le conseil général finança des travaux d’amélioration et d’assainissement. Mais les maladies puerpérales reparurent en novembre 1889, en février et en décembre 1890, alors même que les dortoirs et les salles avaient été désinfectés, comme chaque année avant le commencement des cours, par des lavages chlorurés et des fumigations d’acide sulfureux. De toute évidence, les médecins-professeurs de l’école d’accouchement n’avaient pas pris conscience de l’importance primordiale de la contamination par contact direct ou indirect. Ils n’accordaient quasiment aucune place aux mesures d’asepsie (désinfection des mains du personnel soignant avant toute intervention, stérilisation des instruments médicaux, de l’eau, des éponges, des bandelettes, etc.).

Vincent Nivet, hygiéniste militant, dénonçait depuis plusieurs années l’insalubrité des locaux de l’école ainsi que des salles du service des accouchements de l’hôtel-Dieu. Il imagina de construire côte à côte une nouvelle école et une maternité. Outre l’hospitalisation des femmes enceintes indigentes, la maternité devait servir à l’instruction clinique des élèves sages-femmes et des étudiants de l’école de médecine. Puisque, pour des raisons « de morale et de mœurs », la cohabitation entre les élèves et les étudiants n’était pas autorisée, les premières accéderaient à la maternité de novembre à mars, les seconds de mars à novembre.

Grâce à l’opiniâtreté et à la générosité de Vincent Nivet, la maternité fut construite d’août 1890 à février 1892 dans l’enclos de l’hôtel-Dieu, en bordure de l’avenue Vercingétorix20. Il restait toutefois à trouver les fonds pour édifier l’école.

La question fut plusieurs fois examinée par l’assemblée départementale, non sans polémiques. En février 1892, pour nourrir le dossier, le préfet du Puy-de-Dôme envoya une lettre circulaire à ses collègues enfin de savoir si une école d’accouchement existait dans leur département, et comment elle fonctionnait. Deux avant-projets très ambitieux furent successivement dessinés en août 1891 et avril 1892 par l’architecte des hospices Jean Teillard (1854-1915). Les ressources étant limitées, le coût prévisionnel posait problème. Des conseillers généraux proposèrent tout simplement de remplacer les élèves internes par des élèves externes boursières. Pour les cours pratiques, les élèves se rendraient à la maternité afin d’assister aux accouchements et de soigner les patientes. Ledru et Nivet s’opposèrent à cette idée : l’internat leur paraissait plus favorable à l’instruction, à l’hygiène et à la morale21. Ils craignaient notamment que les « promenades nocturnes » des élèves venant voir devant la maternité si un accouchement s’y déroulait ne se transformassent en rendez-vous, à la suite desquels certaines élèves risquaient de devenir « indignes d’exercer la profession honorable de sage-femme ».

Finalement, il fut décidé que les hospices de Clermont-Ferrand apporteraient le terrain et financeraient les travaux grâce à un emprunt. Le département prendrait ensuite le bâtiment en location, le loyer devant servir au remboursement de la dette. Mais cette formule limitait l’investissement car il ne fallait pas que le loyer fût trop élevé. Afin de diminuer la dépense, Nivet et Ledru imaginèrent une répartition des cours sur deux semestres : les élèves de première année occuperaient l’école du 25 mars au 5 août, celles de seconde année du 15 novembre au 15 mars. Cela permettait de réduire de moitié la capacité de l’internat (soit 20 lits à la place de quarante), et donc de bâtir un édifice moins grand. Un troisième avant-projet répondant à cette organisation fut dessiné22. Cependant, cette occupation alternée présentait un gros inconvénient : les élèves de première année ne pouvaient plus accéder à la maternité puisque celle-ci servait de mars à novembre à l’enseignement clinique des étudiants de l’école de médecine. Ledru et Nivet prévirent donc de recevoir dans l’école quelques femmes enceintes afin que les élèves de première année puissent tout de même suivre une formation pratique.

Vincent Nivet décéda le 13 juin 1893, et Eugène Ledru le 20 juin suivant. Le docteur Eugène Gautrez (1858-1922) fut nommé directeur de l’école en remplacement de ce dernier. Il convainquit l’assemblée départementale de réduire l’effectif du personnel logé dans l’école. Puisque l’établissement n’hébergerait plus de femmes enceintes, les sœurs hospitalières n’auraient plus à prodiguer des soins. Par ailleurs, une réforme de l’enseignement permettait de supprimer le poste d’une religieuse qui enseignait la grammaire et le calcul23. Ces mesures libérèrent les deux tiers de l’étage où les sœurs hospitalières devaient loger24. Ainsi, le petit bâtiment mis au point pour le troisième avant-projet fut en capacité d’abriter 40 lits. Les élèves de première et de deuxième année pourraient donc être accueillies en même temps, du 15 novembre au 15 mars, ce qui réduirait de moitié les frais de fonctionnement.

Jean Teillard dessina le projet définitif25. Les plans, les devis et le bail furent approuvés par le Conseil général les 30 janvier et 4 avril 1894. L’adjudication « au rabais » des travaux eut lieu le 17 août suivant, pour un montant total évalué à 83 803,18 francs. Le chantier ne débuta pas avant novembre 1894 et connut par la suite quelques retards. Le bâtiment fut achevé à la fin de juin 1896. Il entra en service le 15 novembre 1896, pour la rentrée inaugurale des élèves dans la nouvelle école départementale d’accouchement.

Implantation et architecture

Le bâtiment fut implanté à moins d’une dizaine de mètres au sud de la maternité, un peu plus bas en raison de la pente du terrain orientée nord-sud26. Ainsi placé en bordure de l’avenue Vercingétorix, il prolongea l’alignement urbain. Grâce à son orientation nord-sud et aux vastes espaces qui l’entourèrent (jardin Lecoq, avenue, jardins de l’hôtel-Dieu), il bénéficia d’une situation très dégagée favorable à la ventilation et à l’ensoleillement.

Comme pour la maternité, Vincent Nivet et Eugène Ledru argumentèrent longuement dans leurs rapports en faveur des dispositions « aéristes » des locaux de l’école27. Ils préconisaient notamment de renouveler en continu l’air par des ventouses d’admission et des conduits d’évacuation. Pour que le volume d’air disponible par occupant soit suffisant, une hauteur sous plafond de 4,25 mètres leur paraissait nécessaire dans les pièces d’habitation. Toutefois, en raison des contraintes budgétaires, l’édifice fut construit sans ventouses ni conduits, et avec une hauteur des salles limitée à 3,70 mètres.

Le bâtiment, de plan rectangulaire, mesure 24,5 mètres de longueur et 12 mètres de largeur. Au centre de l’élévation postérieure (ouest) se trouve la cage à pans coupés de l’escalier principal, laquelle est confortée à gauche par une tour dans l’angle de plan carré. Ces deux éléments hors œuvre forment une importante saillie. L’édifice compte cinq niveaux : un étage de soubassement (dégagé au sud), deux étages-carrés, un étage de comble et un comble. Les quatre premiers niveaux sont semi-double en profondeur : des couloirs situés à l’ouest distribuent les pièces. Au rez-de-chaussée, un long vestibule est aligné sur l’axe transversal. L’escalier principal (de type tournant suspendu à trois volées droites) monte du rez-de-chaussée à l’étage de comble (4e niveau). Un escalier de service à une volée à moitiés-tournantes, placé au dernier niveau de la tour dans l’angle, relie l’étage de comble et le comble. Sous l’escalier principal, un second escalier de service dessert l’étage de soubassement.

Sur le dessin de l’élévation principale28, Jean Teillard avait représenté une galerie qui réunissait le rez-de-chaussée de l’école et le sous-sol de la maternité. Il ne semble pas que cette galerie ait été construite. En revanche, une passerelle en pente légère, couverte et vitrée, raccorda jusqu’à la fin des années 1950 le premier étage de l’école et le rez-de-chaussée de la maternité29.

L’intérieur du bâtiment a fait l’objet de plusieurs remaniements. Les plans datés de 1894 témoignent de l’affectation initiale des pièces. Le rez-de-chaussée comportait un cabinet d’accueil, un parloir, la cuisine, le réfectoire et la salle principale d’étude. Au 1er étage se trouvaient une chambre et un cabinet pour la surveillante, l’infirmerie, la lingerie et la salle de repassage, enfin un dortoir de 14 lits. Deux dortoirs de 13 lits chacun et une chambre individuelle occupaient l’étage de comble. Les sanitaires se composaient de salles de lavabos jouxtant les dortoirs et de six cabinets d’aisance (deux par niveau habité).

Pour la façade principale et les élévations latérales, Jean Teillard choisit un parti régulier et symétrique. La façade principale compte sept travées. La travée centrale est soulignée par un avant-corps peu saillant surmonté d’un fronton cintré30. Elle est percée par la porte principale qui ouvre en haut d’un perron. Les façades latérales possèdent chacune trois travées. Grâce à l’accent introduit par la cage d’escalier et la tour dans l’angle, la façade postérieure s’avère plus variée. Cinq travées sont visibles : une à gauche et deux à droite de la cage d’escalier et de la tour, ces deux éléments ayant chacun une travée. Pour enrichir la volumétrie, Jean Teillard surmonta les deux pans coupés de la cage d’escalier par des surplombs en biais, ce qui permit d’obtenir au niveau du comble une petite pièce de plan rectangulaire.

La toiture est revêtue d’ardoises. Un toit à croupes couvre le corps de logis, au-dessus de la cage d’escalier se trouve un toit à deux longs-pans et une croupe, enfin la tour est coiffée d’un haut toit en pavillon. Pour alléger la silhouette du bâtiment et éclairer l’étage de comble, l’architecte a disposé des lucarnes en façade interrompant l’avant-toit.

Les façades de la maternité voisine, dans leurs dispositions d’origine, étaient essentiellement blanches. En contraste, Jean Teillard donna à l’école départementale un aspect polychrome. Un crépi rouge-brun recouvre la maçonnerie de moellons. Une pierre calcaire est largement employée, par exemple pour les bandeaux soulignant la séparation entre les niveaux supérieurs, pour les chaînes d’angles harpées, pour les chaînages et le fronton de l’avant-corps. Elle a permis l’exécution d’ornements sculptés, notamment au niveau du fronton. Souvent dissimulée par le crépi, la grise pierre de Volvic constitue tout de même des bandeaux, des encadrements de baies, des clés et des sommiers d’arcs segmentaires. La brique apparaît sous trois couleurs, rouge, noir et blanc crème. La brique rouge forme des cordons au niveau de l’étage de comble. Posée en biais et en débord, elle compose une corniche sous les avant-toits. Des briques rouges alternent avec des pierres calcaires pour les jambages des baies du premier étage. Sous ces mêmes baies, les pleins de travées possèdent un décor géométrique dessiné par les trois couleurs des briques. Jean Teillard a également utilisé un autre matériau coloré, la céramique architecturale. Des « fleurs » en terre cuite émaillée ornent les frontons-pignons des lucarnes. Enfin, l’architecte aeu recours à des poutrelles métalliques pour les linteaux des larges fenêtres du rez-de-chaussée.

Alors que la gestation du projet fut marquée par une recherche de réduction des coûts, il est étonnant de voir que Teillard créa des « fantaisies architecturales » entraînant des surcroîts de dépense. Par exemple, les lucarnes interrompant l’avant-toit l’obligèrent à multiplier les tuyaux de descente d’eau pluviale. Certes, il en résulta un effet de quadrillage des élévations, mais le dispositif n’économisa ni le zinc ni la main d’œuvre !

Un tel langage formel, où l’élément utile sert à l’expression architecturale, relève nettement du rationalisme, ici dans sa variante « colorée ». Cette variante fut fréquemment employée en France dans le dernier quart du XIXe siècle, en particulier pour des édifices publics à dominante utilitaire qui n’avaient pas besoin d’un caractère très ostentatoire. Ce courant est bien illustré, dans le domaine de l’architecture scolaire, par des œuvres d’Émile Vaudremer ou d’Anatole de Baudot. L’architecture hospitalière l’utilisa également, comme le montre l’exemple de l’hôpital Boucicaut (Paris, 1892-1897), par les architectes Alphonse et Georges Legros. L’école normale d’institutrices, bâtie à Clermont-Ferrand en 1886-1888 par l’architecte Émile Camut (1849-1905), relevait aussi de ce courant. Elle fut sans doute une source d’inspiration pour Jean Teillard. Enfin, l’école départementale d’accouchement doit être rapprochée de l’œuvre majeure de Teillard, le lycée clermontois Jeanne-d’Arc (1894-1899). Les deux réalisations utilisèrent un langage similaire, même si pour le lycée, qui disposa d’un budget beaucoup moins limité, Teillard en développa toutes les ressources et lui adjoignit des formes pittoresques et historicistes.

Christophe LAURENT, historien de l'architecture, mai 2016

1Pour une bonne compréhension de cette relation, lire en premier, dans notre étude, le dossier consacré à la maternité.2Maxime Simon Charles Sébastien Bernard de Ballainvilliers, État de l’Auvergne en 1765, présenté à M. de L’Averdy, Tablettes historiques de l’Auvergne, tome VII, Clermont-Ferrand, éd. De Perol, 192 p., p. 92 à 94. En réalité, la première école d’accouchement française fut créée à Strasbourg en 1728.3Angélique-Marguerite Le Boursier du Coudray, née à Clermont-Ferrand vers 1712-1715, décédée à Bordeaux en 1794. Elle exerça comme sage-femme à Paris puis revint en Auvergne en septembre 1751. Elle fabriqua le premier mannequin en 1756, mannequin qui allait être par la suite reproduit à de nombreux exemplaires. Avec sa « machine » et le manuel qu’elle avait rédigé, madame Du Coudray forma jusqu’en 1783 plus de 5 000 sages-femmes dans tout le royaume. Sur l’activité de madame du Coudray en Auvergne, voir Brigitte Degiorgis, L’art des accouchements en Auvergne de Du Coudray à Nivet, université de Clermont-Ferrand, thèse de médecine, 1984, 149 p. Voir aussi Nathalie Sage-Pranchère, L’École des sages-femmes, naissance d’un corps professionnel, 1786-1917, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2017, 420 p.4Idem, p. 36, 91 et 131. Voir aux archives départementales du Puy-de-Dôme les documents sous la cote L 2207.5Délibérations de l’Administration départementale du Puy-de-Dôme, séances du 14 frimaire an III (arch. dép. Puy-de-Dôme, L 2207) et du 22 pluviôse an IV (arch. dép. Puy-de-Dôme, 30 Fi 1009), organisant un cours d’accouchement. En 1796 (et sans doute aussi précédemment), le chirurgien Blancheton, fils du précédent, fut le « démonstrateur » (c’est-à-dire l’enseignant).6Brigitte Degiorgis, op. cit. note 3, p. 131 à 133.7Idem, p. 134.8Eugène Ledru, Vincent Nivet, Rapport sur la construction d’une école départementale d’accouchement dans les jardins de l’hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand, Clermont-Ferrand, impr. Mont-Louis, juillet 1892, 32 p., p. 4 et 5.9Idem, p. 5. Les citations à la suite proviennent également de ce rapport.10Arrêté préfectoral du 28 août 1821, Règlement portant réorganisation de l’école d’accouchement établie à Clermont-Ferrand, Bibliothèque du patrimoine, Clermont communauté, A 70206 II.11Sur le Plan figuratif de la ville de Clermont-Ferrand composé et dessiné en 1825 par Morange-Albarède (archives départementales du Puy-de-Dôme, 33 Fi 113 / 646, issu de 2 O 3337), la mention « école de la maternité » figure sur la « Maison de la Chasse », bâtiment situé rue Fontgiève qui était une propriété des hospices de Clermont-Ferrand (détruit vers 1983).12Georges Bonnefoy, Histoire de l’administration civile dans la province d’Auvergne, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Paris, Émile Lechevalier, 1895-1897, 4 vol., 684, 640, 1000 et 952 p., vol. III, p. 92.13Idem, p. 99.14Idem, p. 119, et Eugène Ledru, Vincent Nivet, Rapport […], op. cit. note 8, p. 8.15Brigitte Degiorgis, op. cit. note 3, p. 112.16Séverine Prudhomme, Les sages-femmes de Clermont-Ferrand et de son canton au XIXe siècle, 1849-1911, université de Clermont-Ferrand, mémoire de Maîtrise, 1995, 120 p.17Extrait du rapport publié dans Le Moniteur du Puy-de-Dôme, 25e année, n° 247, 17 octobre 1880, p. 2. La citation suivante provient de la même source.18Archives départementales du Puy-de-Dôme, N 469, nombreux documents sur les projets et la construction de l’école départementale d’accouchement.19Analyse du rapport des docteurs Ledru et Nivet sur la construction d’une école d’accouchement dans les jardins de l’Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand, Clermont-Ferrand, impr. Mont-Louis, juillet 1892, 10 p., p. 3. Les informations présentées à la suite proviennent de ce document.20Voir le dossier de notre étude consacré à la maternité.21Eugène Ledru, Vincent Nivet, Rapport […], op. cit. note 8, p. 20 à 22.22Plans publiés dans le Nouveau rapport sur la construction économique et la réorganisation de l’école départementale d’accouchement dans les jardins de l’Hôtel-Dieu, par Eugène Ledru et Vincent Nivet, Clermont-Ferrand, impr. Mont-Louis, 12 août 1892, 10 p.23Le décret ministériel du 26 juillet 1893 modifia les conditions d’accès à l’école des aspirantes sages-femmes : désormais, pour être recrutées, elles devaient être titulaires du certificat d’études primaires.24Indéniablement, Eugène Gautrez voulut réduire l’influence des soeurs hospitalières sur les élèves sages-femmes. Il proposa notamment de recruter pour le poste de surveillante une « institutrice à la veille de la retraite ou une veuve peu fortunée » (voir son rapport au préfet du 17 juin 1896, arch. dép. du Puy-de-Dôme, N 469). Le journal conservateur Le Moniteur du Puy-de-Dôme (n° 223, 12 octobre 1896, p. 2) publia un article sur la laïcisation « forcée » du personnel d’encadrement de l’école.25Archives départementales du Puy-de-Dôme, plans numérisés 757 Fi 32, 20 janvier 1894 ; voir les documents conservés sous les cotes N 469, 5 ETP 841, ainsi que le Registre des délibérations de la commission administrative des hospices de Clermont-Ferrand, 5 ETP 95, 1894-1897, séances des 29 juin, 17 août et 2 novembre 1894, 14 juin, 15 et 29 novembre 1895, 26 juin et 13 novembre 1896.26Voir dans notre étude, au sujet des caractéristiques du site, le dossier consacré à la maternité.27Voir les rapports cités note 8 et note 22. Sur « l’aérisme », voir également dans notre étude le dossier consacré à la maternité.28Archives départementales du Puy-de-Dôme, plans numérisés 757 Fi 32, 20 janvier 1894.29Cette passerelle, construite à une date indéterminée, est visible sur des photographies antérieures à 1960.30Le tympan rectangulaire devait recevoir une enseigne en briques émaillées, portant l’inscription « École départementale d’accouchement » (voir le dessin conservé aux archives départementales du Puy-de-Dôme, 757 Fi 32). La commission administrative des hospices refusa le projet présenté par Jean Teillard (5 ETP 95, séance du 15 novembre 1895).

Bâtiment construit en 1894-1895 par l'architecte Jean TEILLARD.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
  • Dates
    • 1894, daté par source
    • 1896, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Teillard Jean
      Teillard Jean

      Jean Teillard est à l’hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand l’architecte de la maternité (1889-1892) et de l’école de sages femmes (1891-1896), bâtiments implantés le long de l’avenue Vercingétorix. En mars 1895, il dessina également les plans de la courte aile ajoutée à l’est du corps de bâtiment sud du Refuge. Toujours pour les hospices de Clermont-Ferrand, il construisit l’hôpital thermal Lacoste de La Bourboule (1898-1900).

      Jean Teillard (Rive-de-Gier, 1er octobre 1854, Clermont-Ferrand, 29 mars 1915) fut à l’école nationale supérieure des Beaux-arts de Paris l’élève d’Ernest Coquart et de Gustave Adolphe Gerhardt. Diplômé en 1885, il fut nommé le 1er août 1885 architecte de la ville de Clermont-Ferrand et, le 18 septembre de la même année, architecte des hospices de Clermont-Ferrand. Au début de 1901, il démissionna de son premier poste mais conserva le second, sans doute jusqu’en 1911.

      Il est l’auteur de plusieurs bâtiments et monuments publics clermontois, notamment le théâtre-opéra (boulevard Desaix, 1892-1894), le lycée Jeanne-d’Arc (avenue Carnot, 1894-1899), la salle Gaillard (rue Saint-Pierre, 1894-1895), l’agrandissement de l’église Saint-Pierre-des-Minimes (place de Jaude, 1895-1897), le monument aux croisades (place de la Victoire, 1895-1898).

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      architecte attribution par source

Bâtiment de plan rectangulaire.

  • Murs
    • pierre maçonnerie enduit partiel
    • brique brique et pierre
    • fer
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Escaliers
    • escalier demi-hors-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour suspendu
  • Techniques
    • céramique
  • Mesures
    • l : 24,5 m
    • la : 12 m
  • Précision dimensions

    Dimensions sans la cage d'escalier en façade arrière.

  • Protections
    inscrit MH, 2004
Date(s) d'enquête : 2014; Date(s) de rédaction : 2015
© Région Auvergne - Inventaire général du Patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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