1. Du constat au projet
2. L’implantation du bâtiment
3. Le bâtiment dans son état d’origine
4. Un équipement entre « aérisme » et « pasteurisme »
5. Surélévation puis extension de la maternité
Du point de vue de l’architecture, l’hôtel-Dieu entra dans « l’ère de la modernité » au début des années 1890. Deux nouveaux bâtiments concrétisèrent ce basculement : le « pavillon des accouchements » (maternité) et « l’école départementale d’accouchement » (école de sages-femmes). Pensés comme des équipements spécialisés et complémentaires, ils mirent en œuvre des dispositions architecturales novatrices. Ils contribuèrent aussi à l’extension de l’hôpital au sein de son enclos, et par là même à l’accroissement de sa présence urbaine.
Du constat au projet
Encore à cette époque, la quasi-totalité des accouchements se déroulait à domicile, souvent avec l’assistance de sages-femmes. En cas de complication et si l’on en avait les moyens, un médecin pouvait être appelé. Dans ce contexte, le « service des accouchements » de l’hôtel-Dieu servait d’ultime recours pour les femmes pauvres de Clermont-Ferrand et des alentours. Il était voué à l’assistance des « femmes et les filles enceintes indigentes »1 présentant « des rétrécissements du bassin, des grossesses anormales ou compliquées ». Il accueillait aussi « en urgence » des femmes « arrivées après un long voyage », certaines ayant déjà subi « des opérations faites par des médecins peu exercés ».
Partout en France, la mortalité périnatale et la mortalité maternelle restaient très élevées. Puisqu’il prenait en charge des grossesses « à problèmes », le service des accouchements de l’hôtel-Dieu était inéluctablement confronté à de nombreux décès de femmes en couches. Mais à la maternité de Paris, entre 1878 et 1887 (dix ans), le taux de mortalité des « accouchées » avait été de 1,37 % en moyenne, alors qu’il atteignait 4,28 % dans le service des accouchements de l’hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand (26 décès sur 607 accouchées).
Ce dramatique constat fut exposé en 1890 par les médecins clermontois Eugène Ledru (1829-1893) et Vincent Nivet (1809-1893), respectivement directeur et directeur honoraire de l’école départementale d’accouchement. Selon eux, trois raisons principales expliquaient le surcroît de mortalité dans le service de l’hôtel-Dieu. Le personnel se résumait à une seule personne qui remplissait les fonctions de sage-femme et d’infirmière, la lutte contre les infections s’avérait insuffisante et les locaux étaient insalubres. Le service d’accouchement se trouvait dans le corps de bâtiment oriental de l’ancien Refuge. Il comprenait notamment « une salle humide » contenant douze lits, dans laquelle étaient réunies les femmes qui allaient accoucher, celles dont les suites de couche étaient « naturelles » et celles atteintes de « maladies puerpérales contagieuses ». « Non moins humide », la salle d’accouchement disposait de deux lits. Un cabinet d’aisances « tout à fait primitif [et] ordinairement infect » se déversait dans une fosse. Le trop-plein de la fosse rejoignait un petit égout en mauvais état qui passait sous une cour contigüe. Les fenêtres des salles, dépourvues de volets, ouvraient à l’est sur cette cour. L’été, les accouchées étaient « tourmentées par les ardeurs du soleil et par des quantités considérables de mouches ».
De 1860 à 1886, Vincent Nivet avait eu la charge de la clinique obstétricale de l’école de médecine et de pharmacie, clinique établie dans le service des accouchements2. Il en connaissait donc bien les insuffisances. Dès 1880, à son instigation, un projet de construction d’un pavillon d’accouchement avait été en vain soumis au Conseil général du Puy-de-Dôme. Ces messieurs les élus ne considéraient pas l’affaire urgente. Mais par la suite, lorsque le maire de Clermont-Ferrand et « le directeur de l’école de médecine et de pharmacie demandèrent la réorganisation de ladite école, l’Inspecteur général et le Directeur de l’enseignement supérieur au ministère de l’Instruction publique [refusèrent] de procéder à cette réorganisation, parce que la clinique obstétricale de l’école était installée dans des salles malsaines et insuffisantes »3. En d’autres termes, la réforme de l’école de médecine dépendait de la construction d’une nouvelle maternité4. Le projet fut donc relancé.
Vincent Nivet réitéra ses demandes auprès du préfet du Puy-de-Dôme, du maire de Clermont-Ferrand et des administrateurs des hospices. En août 1888, il proposa de donner aux hospices 24 000 francs afin de contribuer au financement des travaux. Désireux de balayer les ultimes résistances, le généreux donateur offrit à la commune de Clermont-Ferrand 20 000 francs. Son action fut décisive : enfin, les 22 et 27 août 1889, les conseillers municipaux allouèrent au projet une subvention de 30 000 francs, et les conseillers généraux une subvention de 45 000 francs. En dernier lieu, pour couvrir des dépenses supplémentaires, Vincent Nivet gratifia les hospices d’une nouvelle donation de 12 600 francs. Sa contribution s’éleva ainsi à plus du tiers du montant du devis total (estimé à 142 212,99 francs)5.
Jean Teillard (1854-1915), architecte de la ville et des hospices de Clermont-Ferrand, se vit commander les plans. De l’été 1889 à l’été 1890, il dessina successivement deux projets. L’adjudication définitive eut lieu le 11 juillet 1890. Le chantier débuta au mois d’août suivant6. La maternité entra en service en février 1892 et fut officiellement inaugurée le 27 avril 18927.
L’implantation du bâtiment
Dans la continuité de la vocation première de l’ancien Refuge8, le secteur oriental de l’enclos de l’hôtel-Dieu était essentiellement dédié aux femmes. Outre le service des accouchements, le bâtiment du Refuge abritait des salles pour l’hospitalisation des femmes et des enfants. La cour intérieure du Refuge était appelée « Cour des enfants », celle qui s’étendait à l’est du Refuge « Cour des femmes »9. Depuis l’angle nord-est de la cour des femmes, l’on pouvait accéder à deux cours de moindre importance et à une maison10. Ces espaces servaient de prison pour les « femmes pélagiennes »11, c’est-à-dire des prostituées qui, « galeuses et vénériennes », étaient retenues contre leur gré. Enfin, une « maison de santé » s’élevait entre l’angle sud-est de la cour des femmes et de l’avenue Vercingétorix12. Elle accueillait les femmes atteintes de maladies vénériennes.
Assez logiquement, le choix du secteur oriental s’imposa. La nouvelle maternité, de plan rectangulaire, fut implantée au sud de la maison de santé et parallèlement à l’avenue Vercingétorix. Son orientation nord-sud apporta un ensoleillement maximal à ses deux élévations longitudinales. Placée entre le vaste jardin municipal Henri-Lecoq (situé de l’autre côté de l’avenue) et le jardin de l’hôtel-Dieu, la maternité bénéficia d’amples dégagements propices à son isolement. Sa belle position favorisa le renouvellement et la salubrité de l’air.Précédée par une cour d’une douzaine de mètres de largeur, sa façade principale donna sur l’avenue Vercingétorix (ancienne rue Saint-Jacques qui venait d’être alignée et élargie). Elle contribua ainsi à la perspective monumentale de l’avenue. Elle put affirmer au sein de la ville l’importance du nouvel équipement, et plus généralement celle de l’hôtel-Dieu et de ses médecins. Ce dernier critère n’était pas le moindre puisque, un peu plus haut sur le trottoir opposé, se trouvait le nouveau palais des facultés de Sciences et de Lettres13. L’établissement hospitalier (doublé d’une école de médecine) revendiquait sa place dans la hiérarchie institutionnelle.
En prélude aux travaux, les commanditaires de la maternité se préoccupèrent des risques d’épidémie. Vincent Nivet avait mis au point un plan général d’assainissement de l’hôtel-Dieu14. Il préconisait la création d’un réseau de « tout-à-l’égout », mais il demandait également que l’on ne répandît plus les excréments des malades sur les jardins de l’hôpital ! En 1890-1891, de nouveaux égouts évacuèrent les eaux usées du secteur oriental vers le bras sud du ruisseau de la Tiretaine (situé en contrebas de l’hôtel-Dieu)15.
Le bâtiment dans son état d’origine
Le rapport rédigé à la fin de 1890 par Eugène Ledru et Vincent Nivet donnait une description très détaillée de la maternité. Fort de leur expérience, les deux médecins – et principalement Vincent Nivet – déterminèrent les principales caractéristiques du bâtiment. Indéniablement, les deux médecins empiétèrent sur les prérogatives de l’architecte. Jean Teillard dut dresser les plans de l’édifice en se conformant scrupuleusement à leurs indications précises.
La maternité était ceinte de hauts murs qui l’isolaient de l’espace public mais aussi du reste de l’hôtel-Dieu. L’enclos ouvrait sur l’avenue par une porte piétonne. Une autre porte piétonne permettait d’accéder à la cour de la maison de santé. La séparation du bâtiment et de son environnement était une précaution supplémentaire contre les risques infectieux, mais elle permettait aussi de veiller à la moralité et aux bonnes mœurs des femmes hospitalisées.
Dans son état d’origine, la maternité possédait un plan rectangulaire (44 x 11,65 mètres), augmenté à l’ouest (en façade arrière) par une cage d’escalier hors œuvre, à l’est (en façade principale) par deux avant-corps latéraux en léger ressaut. Elle comportait un sous-sol voûté partiellement dégagé au sud, un rez-de-chaussée surélevé et un étage. Son toit à croupes était couvert d’ardoises. Des lucarnes éclairaient un vaste comble. Les façades antérieure et postérieure comptaient chacune douze travées, les façades latérales chacune trois travées.
Eugène Ledru et Vincent Nivet, dans leur rapport, se firent l’écho d’un débat qui avait agité la commission administrative des hospices : « Les uns demandaient que l’architecture fût simple, sévère, sans ornement de couleur, les autres préféraient le style moderne où la brique devait être mêlée à la pierre blanche »16. Le premier projet dessiné en août 1889 par Jean Teillard prévoyait l’emploi du « style moderne ». La façade principale devait comporter notamment des baies couvertes d’arcs plein-cintre ou d’arcs segmentaires en briques, ainsi que des linteaux en poutrelles métalliques17. Le projet finalement adopté (élévations et plans datés du 10 août 1890) fut « simple, sévère, sans ornement de couleur ». Ce choix engendra toutefois un surcoût, que Vincent Nivet régla par son nouveau don de 12 600 francs.
La maçonnerie des murs en moellons de pierre de Volvic fut donc dissimulée par un crépi blanc. Une pierre de couleur blanche servit pour les jambages harpés des baies, les pilastres soulignant les angles, le cordon d’impostes, la corniche, les lucarnes et les souches de cheminée. Teillard n’employa la pierre de Volvic de manière visible que pour l’appareil à assises régulières de l’empattement régnant sous les fenêtres du rez-de-chaussée, ainsi que pour le parement oriental, les bandeaux, les chambranles des baies et les chaînes d’angle du sous-sol. Les blanches façades de la maternité contrastaient donc avec la dominante gris foncé du Palais des facultés, bâti en pierre de Volvic et briques. Mais cette esthétique relevait d’un dessein plus général. Depuis les années 1860, la municipalité clermontoise tentait de lutter contre l’aspect « gris et noir » de la ville, dû au « suremploi » de la pierre de Volvic. À plusieurs reprises, les édiles voulurent imposer le blanchiment des façades des immeubles privés, voire l’interdiction de l’utilisation apparente de cette pierre. Les nouveaux édifices publics municipaux en firent un usage beaucoup plus modéré. Ainsi, par sa couleur, la maternité contribua à l’essor d’une « nouvelle image » de la capitale auvergnate.
De manière très classique, Jean Teillard composa une façade principale tripartite : un long arrière-corps central encadré par deux avant-corps latéraux. Dans un tel parti régulier, l’usage traditionnel était de placer la porte principale sur l’axe de symétrie de la façade. Mais – signe de la préséance de la fonction sur l’effet architectural – Teillard ne put le faire. Afin de répondre à la distribution intérieure, la porte fut disposée à gauche de l’avant-corps droit. L’architecte la surmonta d’un fronton pour lui redonner un peu de monumentalité. Et, pour accentuer tout de même la symétrie, il plaça sur l’axe de la façade un « contrefort » surmonté d’un conduit et d’une souche de cheminée de ventilation. Il agrémenta le haut du contrefort par une niche destinée à abriter un buste.
Le 6 mars 1891, afin de témoigner leur gratitude à Vincent Nivet, les administrateurs des hospices donnèrent son nom à la maternité. En outre, ils décidèrent d’ériger un buste du docteur sur la façade principale, dans la niche prévue par Teillard. L’artiste auvergnat Henri Gourgouillon (1858-1902) sculpta le buste dans le marbre18. L’œuvre resta en place jusqu’à la fin des années 195019.
Un équipement entre « aérisme » et « pasteurisme »
Le principal intérêt du bâtiment de la maternité ne résidait pas dans son style architectural dépouillé, mais dans son organisation générale et ses dispositions issues des concepts hygiénistes de la fin du XIXe siècle.
À cette époque, la querelle entre adeptes de « l’aérisme » et tenants du « pasteurisme » vivait ses dernières heures. Selon la théorie médicale « aériste » (qui remontait à l’Antiquité), les conditions climatiques (température, humidité, composition de l’air) avaient une influence prépondérante sur le développement et la transmission des maladies. Les médecins « aéristes » du XIXe siècle pensaient donc que l’air vicié et les agents qu’il véhiculait étaient les propagateurs primordiaux des épidémies et des infections. À partir des années 1840, le développement de la microbiologie révéla peu à peu l’origine microbienne des maladies contagieuses infectieuses. Mais, en opposition à « l’aérisme », il fallait aussi prouver que la contamination se faisait principalement par contact direct ou indirect. Louis Pasteur joua un rôle décisif dans ce processus. En 1878, il démontra l’importance de l’asepsie en chirurgie. Celle-ci devait prévenir l’infection, par exemple grâce à la stérilisation des instruments chirurgicaux et des pansements, ou encore par le lavage et la désinfection des mains du personnel soignant. L’asepsie ne faisait pas pour autant oublier l’antisepsie, c’est-à-dire la lutte contre les agents infectieux à la surface ou à l’intérieur du corps. Au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle, le milieu médical se convainquit lentement des bienfaits du « pasteurisme ».
Comme la plupart des grands médecins de leur génération, les docteurs Nivet et Ledru avaient été très marqués par « l’aérisme » tout en étant assez tôt convaincus de l’existence et du rôle des organismes microbiens. Ils avaient appliqué à partir de 1880 des méthodes antiseptiques et aseptiques, et ils avaient constaté la diminution de la mortalité des parturientes. Ils s’étaient donc convertis au « pasteurisme », mais la maternité qu’ils conçurent démontre que leur adhésion demeurait incomplète.
La maternité comprenait 26 lits répartis dans cinq salles : huit lits dans la salle des femmes enceintes et huit dans celle des « accouchées », quatre dans l’infirmerie, quatre dans une « salle supplémentaire », deux dans une « salle d’isolement ». Les salles ne communiquaient pas directement entre elles. Nivet et Ledru avaient donc pris soin de séparer les différentes catégories de patientes. Les femmes atteintes de maladies contagieuses pouvaient être confinées dans la salle d’isolement et l’infirmerie. Un couloir à accès condamnable servait alors de sas sanitaire, et le personnel devait veiller à ne pas « devenir les véhicules des micro-organismes qui déterminent les maladies puerpérales »20. D’autres salles étaient réservées aux accouchements, aux examens, à des laboratoires. Une salle de bains et des « water-closet » favorisaient l’hygiène corporelle. De l’eau potable filtrée s’écoulait de quatre robinets. Des étuves permettaient de stériliser les instruments de chirurgie et les linges de pansement. Un vestiaire phéniqué faisait de même pour les vêtements des patientes. Des carreaux de grès vitrifié très dur revêtaient la plupart des sols, les murs étaient lessivables, les encoignures arrondies évitaient les nids à poussière. Le mobilier contribuait aussi à l’hygiénisme des locaux, notamment les lits en fer pourvus de sommiers à lames d’acier (plus faciles à nettoyer que des ressorts à boudin).
Tout cela visait essentiellement à lutter contre les infections microbiennes par contact. Mais, pour Ledru et Nivet, les problématiques « aéristes » restaient primordiales. Leur rapport l’atteste : ils consacraient à ce sujet bien davantage de pages qu’à la question de l’antisepsie et de l’asepsie. Ils constataient que l’air rejeté par la respiration humaine était plus chaud, plus humide, moins riche en oxygène, et qu’en outre il se trouvait « mêlé à une proportion minime de matières organiques mal définies, mais […] nuisibles même quand elles [provenaient] de personnes saines et bien portantes »21. Nivet et Ledru affirmaient plus loin que ces matières, « mélangées avec un air incomplètement oxygéné et chargé d’une trop grande quantité de vapeur d’eau et d’acide carbonique, [créaient] chez les habitants des dortoirs et des salles la réceptivité ou prédisposition aux maladies fébriles infectieuses et contagieuses »22.
Selon ce postulat, pour qu’un local à usage d’habitation fût salubre, il fallait qu’il contînt un grand volume d’air régulièrement renouvelé. En se fondant sur l’exemple de l’Insel-Spital de Berne23, Nivet et Ledru fixèrent à 4,25 mètres la hauteur sous plafond des pièces du rez-de-chaussée et de l’étage de la maternité. Ainsi, dans les salles d’hébergement et de soin, en fonction de leur surface, le volume d’air disponible fut de 36,65 à 46,75 mètres cubes par femme hospitalisée. Pour l’aération des pièces, Nivet et Ledru trouvaient insuffisante celle produite par l’ouverture des fenêtres : elle n’était pas continue et les courants d’air froid pouvaient nuire à la santé des occupantes. De plus, comme l’air « vicié », plus chaud, stagnait près des plafonds, il fallait une ventilation de bas en haut. Les salles d’hébergement et de soins furent donc pourvues de ventouses et de cheminées d’expulsion. Les ventouses, placées au ras des planchers, introduisaient l’air de renouvellement. L’air « vicié » était expulsé par des ouvertures situées immédiatement au-dessous des plafonds, puis par des conduits qui débouchaient dans les cheminées de ventilation hérissant le toit. Le dispositif devait permettre un renouvellement lent et incessant de l’air24. En complément, Nivet et Ledru prirent une ultime précaution « aériste ». Constatant qu’à Clermont-Ferrand les vents de l’ouest et du sud dominaient, ils reléguèrent la salle d’isolement et l’infirmerie dans la partie nord de la maternité et au premier étage. Ainsi évacuées vers le nord ou vers l’est, les « vapeurs et poussières » provenant de ces pièces consacrées au traitement des « maladies puerpérales contagieuses » risquaient moins de se propager dans les autres salles25.
Surélévation puis extension de la maternité
Sans doute vers le début du XXe siècle, une passerelle en métal et verre fut construite au sud de la maternité. Elle permettait une circulation abritée entre la maternité et l’école de sages-femmes voisine. En 1922, l’on installa le chauffage central, en remplacement du calorifère à air chaud d’origine. Une salle d’opération fut créée en 1924, et l’on aménagea dans le grenier un dortoir et un réfectoire supplémentaire26.
Au début des années 1930, la maternité était devenue insuffisante. Une modernisation de ses équipements s’imposait. Les administrateurs des hospices décidèrent de remplacer les combles par un étage-carré couvert d’un toit-terrasse. L’architecte des hospices Albéric Aubert (1895-1971) dressa les plans de cette transformation. Les travaux se déroulèrent en 1934-193527. « Tout un service moderne d’accouchement comprenant consultation prénatale, service d’admission d’urgence, boxes d’accouchement, salle d’opération fut aménagé, ainsi qu’une biberonnerie modèle, une salle d’incubation pour les nouveau-nés venus avant terme, et des chambres d’isolement »28. Les modifications firent disparaître les dispositions « aéristes » d’origine. À l’emplacement des grandes salles à plusieurs lits, Albéric Aubert créa de nouveaux couloirs et des petites chambres individuelles. Un ascenseur « monte-malade » prit place dans le jour de l’escalier principal.
L’aspect extérieur de la maternité fut également remodelé, dans un style à mi-chemin entre le Modernisme tempéré et l’Art déco. Une nouvelle porte principale fut forgée par le ferronnier d’art clermontois Georges Bernardin (1894-1974)29. Afin de simplifier le dessin des chambranles des fenêtres, Aubert fit supprimer les harpes des jambages. De grandes baies horizontales éclairèrent le nouvel étage. La partie supérieure du bâtiment reçut un revêtement en briques. Les briques dessinaient en relief un réseau quadrillé, orienté à 45° par rapport à la verticale. Un fronton rectangulaire, portant le mot « maternité » en lettres de briques, réaffirma l’axe de symétrie de la façade principale. En employant la brique, Albéric Aubert voulut aussi créer une unité d’ensemble avec le pavillon des maladies sociales et la conciergerie30. Il avait édifié ces deux bâtiments peu auparavant, le premier au nord de la maternité (à l’emplacement de la maison de santé), le second devant l’entrée de la maternité, en bordure de l’avenue Vercingétorix.
En France, l’accouchement en milieu hospitalier commença à se généraliser dans les années 1950. La maternité de l’hôtel-Dieu dut à nouveau être adaptée. Les architectes clermontois Paul Lanquette (1920-1997) et Antoine Espinasse (1923-1989) furent chargés de son extension le 19 octobre 195531. Les travaux ne commencèrent qu’en 1958, pour s’achever l’année suivante. Au sud-est, une aile en retour d’équerre prolongea le bâtiment jusqu’à l’avenue Vercingétorix. Au nord-ouest et au sud-ouest, de part et d’autre de la cage d’escalier, deux extensions doublèrent la largeur de l’ancien corps de bâtiment. Les locaux purent ainsi abriter 57 lits supplémentaires et un total de sept salles « de travail », dont trois étaient équipées pour la méthode dite « sans douleur ».
Paul Lanquette et Antoine Espinasse alignèrent la hauteur des extensions sur celle du bâtiment d’origine augmenté de l’étage-carré construit par Aubert. Ils cherchèrent également à unifier les façades. Le revêtement en briques fut supprimé, un crépi blanc crème recouvrit tous les murs. Face à l’avenue, les baies des deux étages furent agrandies. Les parties neuves reçurent des fenêtres en longueur, ininterrompues même aux angles des nouvelles élévations. Des poteaux en béton armé placés en retrait, à l’intérieur du bâtiment, portaient les dalles des planchers et des toits-terrasse. Le rythme horizontal créé par les bandeaux continus de fenêtres fut renforcé par des registres de moulures en canal plat qui soulignèrent les niveaux.
La maternité ne subit plus de nouvelles modifications importantes jusqu’à sa fermeture en mars 2010. Issue de trois campagnes de travaux, son architecture s’avérait assez hétérogène. En 2004, contrairement aux bâtiments voisins, la maternité ne fut pas protégée au titre des monuments historiques.
Christophe LAURENT, historien de l'architecture, mai 2016
Historien de l'architecture.