Dossier d’œuvre architecture IA63002685 | Réalisé par
Laurent Christophe (Rédacteur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération ponctuelle, Patrimoine XXe siècle
La cité HLM de la route de Marsat à Riom
Œuvre monographiée
Auteur
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
  • © Droits réservés

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton aire d'étude de la région Auvergne-Rhône-Alpes
  • Commune Riom
  • Adresse route de Marsat , rue de Toulon
  • Cadastre 2021 BS 167

Au début des années 1950, comme de nombreuses villes françaises, Riom connaissait une pénurie de logements. De toute évidence, cette crise ne résultait pas d’un essor démographique, la population riomoise étant relativement stable avec 11 425 habitants en 1936 et 12 664 en 1954. Mais les limites quantitatives et qualitatives du parc locatif riomois, accentuées par le nombre réduit de constructions neuves dans la précédente décennie, se faisaient durement ressentir. Les familles des ouvriers et des employés en pâtissaient spécialement. Diverses entreprises riomoises (par exemple la manufacture de tabacs) réunissaient en effet une main d’œuvre assez nombreuse et en hausse. La proximité de Clermont-Ferrand influait également. Les besoins en logements salubres, équipés des éléments essentiels de confort (eau potable sous pression, sanitaires, chauffage) ‑ et à des niveaux de loyers adaptés – étaient donc élevés.

Depuis 1930, la ville de Riom disposait d’un organisme public pour la construction et l’exploitation de logements « sociaux ». Créé le 4 décembre 1930 sous le nom d’Office public municipal d’habitations à bon marché de Riom (appellation transformée en « habitations à loyer modéré » suivant les termes de la loi du 21 juillet 1950), cet organisme avait principalement construit de 1932 à 1934 la cité-jardin HBM de La Varenne[1]. Mais, en 1950, les six immeubles d’habitation de cette cité ne permettaient pas de répondre aux nombreuses demandes de logements HLM.

L’office public riomois manquait-il de moyens ? Ou bien l’opportunité de profiter de l’existence d’un autre organisme HLM fut-elle saisie ? Quoi qu’il en soit, le maire de Riom, Antoine Caux, adressa le 24 juillet 1951 une demande de réalisation d’une nouvelle cité à l’Office public départemental d’HLM du Puy-de-Dôme. Cette demande était assortie d’une proposition de mise à disposition d’un terrain communal pour implanter les bâtiments. Situé au sud-ouest et un peu à l’écart du centre-ville de Riom, au lieu-dit « La Beaumette », le terrain avait été acquis par la commune en 1949 afin d’y construire des équipements scolaires. Ce projet n’avait pas abouti et le foncier était donc disponible.

Créé depuis peu (en mars 1951), l’Office public départemental d’HLM du Puy-de-Dôme dépendait du Conseil général du Puy-de-Dôme. Il bénéficiait ainsi d’un solide soutien institutionnel qui lui permettait notamment de garantir ses emprunts. Dès sa première décennie d’existence, il fut le maître d’ouvrage de plusieurs petites cités HLM, notamment dans des villes d’importance secondaire telles Ambert, Chamalières, Gerzat et Thiers[2].

Le 17 mai 1954, le président de l’Office public départemental d’HLM du Puy-de-Dôme informa le nouveau maire de Riom (Jean Reynouard) qu’il allait pouvoir répondre favorablement à la demande formulée trois ans plus tôt. Cette prise en charge du projet était toutefois assortie de conditions. D’une part, les communes qui sollicitaient le concours de l’office départemental devaient faire l’apport du terrain mis en état de viabilité. D’autre part, elles devaient prendre en charge les dépenses de construction qui n’étaient pas couvertes par un prêt à taux réduit accordé par l’État (soit 15 % des dépenses moins la valeur du terrain aménagé).

Ces conditions furent acceptées par le conseil municipal de Riom le 21 juin 1954. Dans la même délibération, les conseillers municipaux désignèrent messieurs Galinat et Gourgouillon, architectes à Riom, pour procéder aux études techniques. Georges Galinat, actif à Riom depuis 1928, était depuis 1937 l’architecte de la commune de Riom. Jean Gourgouillon, natif de Riom, venait de terminer ses études d’architecte (il avait obtenu son diplôme le 26 juin 1951). Selon les pratiques de l’époque, leur désignation directe était parfaitement normale[3].

La procédure administrative suivit son cours et les arrêtés préfectoraux en validèrent les principales étapes : l’arrêté du 25 septembre 1954 autorisa l’utilisation du terrain pour le projet HLM, celui du 22 janvier 1955 la cession du terrain à l’office départemental, celui du 8 novembre 1955 la construction du groupe d’habitations.

Georges Galinat et Jean Gourgouillon conçurent l’implantation et l’architecture des immeubles. Le projet définitif fixa la capacité totale de la cité à 125 logements. Le permis de construire fut accordé le 2 avril 1957 (la série de plans annexée porte la date du 12 mars 1956, avec des corrections apportées en juillet et octobre 1956). Les travaux débutèrent sans plus tarder. À la fin de septembre 1959 eut lieu la réception partielle et provisoire des premiers appartements terminés. Les bénéficiaires des logements furent désignés lors de réunions organisées en mai et septembre 1959 : il s’agissait essentiellement de familles d’ouvriers de la Seita[4] et de l’entreprise Michelin, mais aussi de familles d’employés, d’instituteurs, de militaires. Tous ces heureux bénéficiaires purent emménagés à partir de l’automne 1959.

La cité HLM de la route de Marsat, aujourd’hui appelée « Résidence route de Marsat », est toujours occupée. Elle a fait l’objet en 2018-2019 d’une campagne de rénovation dirigée par l’architecte riomois Michel Mouraire. Les travaux ont consisté principalement au ravalement des façades avec isolation thermique par l’extérieur, à la création d’un ascenseur et à l’amélioration du confort des appartements.

Notes

[1] Cité située avenue de Clermont et allée Auguste-Veillard, composée de six immeubles et trois pavillons individuels conçus par l’architecte parisien Ulysse Gaillot ; le projet est autorisé le 35 avril 1931, les travaux débutent en 1932, la réception des bâtiments a lieu le 12 juillet 1934.

[2] Par exemple, entre 1951 et 1963, la cité Dufour à Thiers (Marcel Vidal architecte), les immeubles « Les Chabesses » et « Les Condamines » à Gerzat (Henri Parquet et Louis Galland architectes), la cité « La Masse » à Ambert (Paul Lanquette architecte), la cité « Les Galoubies » à Chamalières (Georges Lescher et Valentin Vigneron architectes). Voir Le Puy-de-Dôme construit, recueil édité par le Comité départemental d’HLM du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand, imprimerie Mont-Louis, 4e trimestre 1963, 98 pages.

[3] La mère de Jean Gourgouillon était en 1954 conseillère municipale de Riom ; elle ne prit pas part au vote.

[4] Service d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes, devenu en 1980 Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (privatisée en 1995).

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1951, daté par source
    • 1959, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Galinat Georges
      Galinat Georges

      Georges Galinat (Combronde, 22 mai 1904, Riom, 14 mai 1976), architecte patenté à partir de 1928, inscrit à l’Ordre des architectes (Auvergne) le 13 mai 1943. Établi à Riom, 7 avenue de Châtel-Guyon.

      Le père de Georges Galinat, Pierre-Isidore Galinat (1866-1940) était ingénieur et architecte-voyer (notamment à Châtel-Guyon). Georges Galinat suivit des études secondaires mais il ne passa pas le baccalauréat. Il paya à partir du 1er janvier 1928 (à l’âge de 24 ans) la patente en tant qu’architecte. Il exerça toute sa vie à Riom. Il occupa un premier cabinet situé place de la Fédération, puis, à partir de 1935 environ, il s’installa au n° 7 avenue de Châtel-Guyon. Il remporta rapidement un franc succès à Riom et à proximité. Il devint en 1937 architecte de la ville de Riom, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite prise le 1er janvier 1973. Il fut aussi l’architecte de 23 communes de l’arrondissement de Riom. Il fut admis par l’Ordre des architectes le 13 mai 1943.

      Les œuvres de Georges Galinat sont très nombreuses. Un sondage effectué dans les permis de construire riomois des années 1945 à 1963 a mis au jour une forte proportion de projets conçus par Georges Galinat. Les projets de maisons individuelles dominèrent la première partie de sa carrière, beaucoup d’entre eux se conformant au style « régionaliste » assez courant à cette époque. Parmi d’autres, citons la maison située à Riom, n° 3 ter avenue du Champ d’Ojardias (vers 1932). Dans un style proche du Classicisme moderne, citons par exemple les maisons n° 27 route de Marsat (1951) et n° 14 rue du Général Chapsal (1954).

      Georges Galinat fut également l’architecte d’immeubles d’habitation (par exemple à Clermont-Ferrand le n° 13 rue Georges-Onslow, vers 1950), de bâtiments publics (mairie de Saint-Hippolyte, 1956-1957, mairie de Saint-Georges de Mons, 1962-1967, piscine La Riomoise à Riom, 1956, etc.), de bâtiments scolaires (école d’Effiat, vers 1930, collège de Manzat, vers 1960, etc.), et autres édifices d'enseignement tel que le centre de formation professionnelle agricole de Pontaumur dont l'avant-projet est daté du 2 octobre 1967 (associé à F. Jaffeux ; archives communales de Pontaumur).

      À Riom, dans le domaine du logement social, Georges Galinat dessina seul ou en collaboration les lotissements de Macuolles et de Millieras (urbanisme et plans des maisons-types construites en série). Outre les bâtiments de la cité HLM de la route de Marsat, il conçut avec Jean Gourgouillon les immeubles HLM du n° 18 rue Amiral Gourbeyre (1962) et, avec l’architecte Georges Lescher, la cité HLM « La Beaumette » rue Gabriel-Labrousse et route de Marsat (1965-1967).

      En matière d'urbanisme, il était certes architecte voyer de la ville de Riom mais aussi l'auteur, avec Sarrou, ingénieur-géomètre, du Plan d'aménagement et d'extension de Châtel-Guyon, daté de 1929 (plan élaboré en application de la loi dite Cornudet de 1919, complétée et modifiée en 1924).

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      architecte
    • Auteur :
      GOURGOUILLON Henri
      GOURGOUILLON Henri

      Jean Gourgouillon (Riom, 26 novembre 1927, idem, 10 ? septembre 2017, également appelé Jean-Paul Gourgouillon), architecte Dplg le 26 juin 1951.

      Jean Gourgouillon commença ses études d’architecte dans l’atelier d’architecture de l’École des beaux-arts de Clermont-Ferrand. Il les acheva dans l’atelier Gromort-Arretche de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il obtint le diplôme d’architecte Dplg le 26 juin 1951. Installé à Riom (cabinet au n° 54 boulevard Étienne-Clémentel), il œuvra essentiellement dans le département du Puy-de-Dôme. Il enseigna l’architecture à l’École des beaux-arts de Clermont-Ferrand de 1956 à 1969. Parmi ses premières réalisations se trouvent l’immeuble en accession à la propriété des n° 2 à 4 ter avenue Pasteur à Chamalières, ainsi que le groupe HLM « La Glacière » à Clermont-Ferrand (n° 151-161 rue Abbé-Prévost).

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      architecte

La parcelle du groupe HLM couvre près de 15 800 m2. De plan rectangulaire (les sommets du triangle sont dirigés vers le nord, l’est et l’ouest), elle mesure environ 170 x 178 x 230 mètres. Elle est délimitée au nord-est par la voie ferrée Riom-Volvic, au nord-ouest par la route de Marsat, au sud par la rue de Toulon. En position dominante à flanc de coteau, elle se trouve quasiment à la même altitude (348 à 355 m) que le cœur historique de Riom. Une pente d’environ 7 % l’incline vers le sud-est. La route de Marsat est l’accès le plus court (environ 400 mètres) depuis le centre-ville de Riom.

En 1956, le terrain de la future cité était vierge de toute construction. Le secteur de la Beaumette demeurait encore essentiellement occupé par des champs, des vignes et des vergers. Cependant, le long de la route de Marsat, en face du terrain réservé, huit maisons individuelles assez opulentes venaient d’être construites. Commandées par un seul propriétaire (une famille riomoise) pour être louées, elles avaient été conçues par Georges Galinat[1]. Depuis 1960, l’urbanisation s’est poursuivie : de nos jours, la Résidence de la route de Marsat est englobée par l’agglomération riomoise (Riom et Mozac).

Relancée en France par la loi d’investissements du 21 juillet 1950[2], la politique en faveur de la création de logements HLM fit l’objet par la suite de nombreuses dispositions légales. Dans les années 1950, les textes se succédèrent avec rapidité. Fréquemment, de nouvelles mesures en abrogèrent d’autres fixées peu auparavant. Pour sa part, selon les documents conservés dans le dossier du permis de construire, le projet de la cité HLM de la route de Marsat s’inscrivit dans le cadre de l’arrêté du 30 décembre 1953.

Cet arrêté définissait cinq types de logement (I à V) en fonction du nombre de pièces principales par logement[3]. Il fixait des surfaces minimales et maximales par type. Des caractéristiques techniques étaient également précisées (par exemple la présence d’un évier dans la cuisine). Il classait en trois catégories (A, B et C) les logements selon leur mode de chauffage : pas de moyen de chauffage précisé pour la catégorie A, un poêle central avec gaine de distribution d’air chaud pour la catégorie B, un chauffage central d’immeuble (collectif) ou individuel pour la catégorie C. L’ensemble des dispositions visait à définir des normes applicables aux projets de construction de logements. Il s’agissait aussi de fixer des plafonds de prix au mètre carré. Le calcul du prix de revient des logements construits permettait le calcul des prêts et bonifications que l’État pouvait accorder. L’ambition générale était de construire davantage de logements, dans des délais raccourcis et pour des budgets maîtrisés.

Un document annexé au permis de construire de la cité HLM de la route de Marsat se réfère directement à l’arrêté du 30 décembre 1953. Il détaille le nombre, les types et les catégories de logements prévus : 127 logements[4] de catégorie C (chauffage central individuel) et de types I à V (une à cinq pièces principales). Il présente également une estimation du coût de la construction : surface habitable totale de 6 562 m2, prix au mètre carré de 34 235 francs (en valeur 1956), coût total de 235 069 683 francs (sans l’aménagement du terrain ni les installations de chauffage).

La typologie adoptée pour la cité riomoise est celle très couramment employée à cette date pour ce genre de programme. Il s’agit d’un groupe HLM de faible capacité, placé à la périphérie d’une petite ville dépourvue d’immeubles d’habitation de grande hauteur. Les bâtiments ne comportent que trois ou quatre étages. Ils ne possèdent pas d’ascenseurs, à l’exception de celui ajouté récemment. À l’époque de la construction de la cité, le fonctionnement et l’entretien de ces équipements étaient jugés trop onéreux pour cette catégorie de logements[5].

Les 125 appartements sont répartis dans cinq bâtiments. Les trois premiers, identifiés par les lettres A, B, et C, sont identiques[6]. Ils possèdent un plan rectangulaire de 8,6 x 35 m. Le quatrième, portant la lettre D, toujours de plan rectangulaire, mesure 8,6 x 52 mètres. Enfin, le cinquième (E), de plan rectangulaire coudé en son milieu, est d’une longueur quasi double : 8,6 x 100 m. Les bâtiments A à D possèdent un sous-sol semi enterré, un rez-de-chaussée surélevé et trois étages. Le bâtiment E possède la même disposition sur environ 60 % de son emprise au sol, mais il compte quatre étages sur la partie restante.

Très logiquement, l’implantation de la cité résulte de la prise en compte de la morphologie du terrain, des axes de circulation, de l’orientation et de l’ensoleillement. Les immeubles sont espacés les uns des autres, les vues sont dégagées (sans vis-à-vis) et les façades bénéficient toutes du soleil. Les bâtiments A, B, C et D sont orientés nord-est/sud-ouest, leurs longues façades ouvrent vers le nord-ouest et le sud-est. Le bâtiment E est orienté nord-ouest/sud-est (perpendiculairement aux autres), ses longues façades ouvrent vers le nord-est et le sud-ouest. Les bâtiments A, B et C sont échelonnés et décalés les uns par rapport aux autres suivant l’axe de la rue de Toulon, les bâtiments A et D s’élèvent en retrait le long de la route de Marsat, le bâtiment E referme la composition en s’alignant sur l’axe de la voie ferrée. Un talus assez important sépare le bâtiment D de la route de Marsat (qui est en pente en direction du nord-est). Le bâtiment E surplombe de plusieurs mètres la voie ferrée.

Un réseau de voies dessert la cité : un accès principal se trouve route de Marsat, entre les bâtiments A et D. Un autre accès débouche rue de Toulon derrière le bâtiment C. En outre, dans l’angle nord du terrain, un escalier relie la cité à la route de Marsat tandis qu’au sud-est, une allée conduit à la rue de Toulon. Une place « centrale » s’étend entre les bâtiments B, C, D et E. À l’origine, il s’agissait d’une esplanade herbeuse. Elle est occupée de nos jours par un parking. D’autres emplacements de stationnement des automobiles se trouvent au pied des bâtiments C, D et E. Sur les plans annexés au permis de construire, ces stationnements n’apparaissaient pas. En revanche, 43 garages (ou abris) desservis par la rue de Toulon étaient prévus ; ils n’ont cependant pas été construits. Toujours sur ces plans, outre les voies dévolues aux engins roulants, des allées piétonnes séparées étaient dessinées. Certaines existent encore, d’autres ont cédé la place aux stationnements. Même si le bitume a remplacé l’herbe sur la place centrale, les espaces verts sont assez nombreux (les plus étendus entourant les immeubles A et B). Des arbres ponctuent également l’enclos de la cité. Cette végétation, la faible occupation du sol (la surface bâtie couvre seulement 15 % de la superficie du terrain) et les dimensions modérées des immeubles donnent à la cité HLM un aspect assez résidentiel.

La lecture du devis descriptif[7] joint au permis de construire révèle des techniques de construction assez traditionnelles, sans préfabrication (hormis des châssis de baies en béton armé moulé). Ces procédés, courants à l’époque, étaient bien adaptés aux chantiers dont le budget était serré et qui ne nécessitaient pas un mode de production industrialisé. Le gros œuvre mêle ainsi plusieurs matériaux. Les murs des sous-sols semi-enterrés ont été bâtis en maçonnerie de moellons de pierre de Volvic. À l’origine, la face extérieure de ces murs présentait un parement en pierre de Volvic (il a été masqué par la récente isolation thermique). Un béton banché de 30 cm d’épaisseur comportant un granulat de pouzzolane constitue en élévation les murs périphériques des immeubles. Les murs de refends sont en béton de mâchefer. Les parties soumises à des efforts plus importants ont été réalisées en béton armé : poteaux, poutres, linteaux, auvents et consoles, escaliers, dalles et garde-corps des balcons, dalles des planchers (avec hourdis creux). Les toits (à longs pans et croupes) reposent sur des charpentes et sont couverts de tuiles.

La cité de la route de Marsat regroupe 125 appartements[8] allant du F2 au F6, c’est-à-dire possédant de deux à six pièces (séjour, chambres), sans compter la cuisine séparée, les sanitaires et les couloirs. Selon le devis descriptif, les surfaces utiles des appartements sont les suivantes (valeurs arrondies) : F2 - 43 m2 ; F3 - 52 m2 ; F4 - 65 m2 ; F5 - 74 m2, F6 - 86 m2. Dans chaque immeuble se trouvent plusieurs types de logement. Les bâtiments A, B et C abritent chacun 4 F2, 4 F3, 4 F4 et 4 F5. Le bâtiment D possède 4 F2, 8 F3, 8 F4 et 4 F5. Enfin le bâtiment E totalise 20 F2, 4 F3, 21 F4, 4 F5 et 4 F6.

Si, pour les maisons individuelles ou jumelées, l’arrêté du 30 décembre 1953 renvoyait à des plans-types publiés ou homologués par le ministère de la Reconstruction, il n’en imposait pas pour les projets d’immeubles locatifs. Mais évidemment, les normes qu’il définissait pour les surfaces habitables, la composition des logements et les équipements sanitaires ne laissaient guère de liberté aux architectes. Il convient toutefois de souligner que les appartements répondant à ces normes offraient une prestation bien supérieure à celle de nombreux logements existants à l’époque. Des pièces affectées à des usages précis, une bonne distribution intérieure, des sanitaires complets, un chauffage performant, une lumière et une aération naturelles abondantes, des vues dégagées, etc. : tous ces éléments concourraient à un confort qui, pour la plupart des locataires emménageant dans ces lieux, était totalement inédit.

Les immeubles A, B et C de la cité riomoise possèdent chacun deux entrées, le bâtiment D en possède trois et le E quatre. Les entrées des bâtiments A à D ouvrent vers le nord-ouest. Celles de la partie à trois étages du bâtiment E ouvrent vers le nord-est, celles de la partie à quatre étages percent les façades nord-est et sud-ouest. Du coup, les portes du bâtiment D et celles de la partie à trois étages du bâtiment E sont du côté opposé à la voirie intérieure réservée aux véhicules, ce qui est loin d’être rationnel[9].

Des escaliers rampe-sur-rampe à deux volées donnent accès aux niveaux des bâtiments. La partie à quatre étages du bâtiment E fait exception : les appartements sont desservis par cinq niveaux de coursives placés en façade nord-est. Ces coursives sont accessibles par un escalier hors-œuvre.

Chaque palier des escaliers dans-œuvre distribue deux logements. Les appartements sont « traversants » : ils bénéficient donc d’une double exposition. L’entrée donne sur un couloir qui dessert les pièces en commençant par la cuisine et le séjour. Les sanitaires jouxtent la cuisine. À l’origine, une petite loggia ouverte sur l’extérieur était accessible depuis la cuisine (elle a été fermée et agrandie lors de la récente rénovation).

Dans tous les logements, le séjour couvre toujours la même surface de seulement 12 m2. Au fur et à mesure de l’augmentation de la capacité des appartements, il s’avère donc de moins en moins adapté au nombre d’occupants. Toutefois, il possède une porte-fenêtre ouvrant sur un balcon, ce qui lui donne visuellement un peu d’ampleur. D’autre part, dans les logements F3 à F6, le séjour et une chambre contigüe ne sont que partiellement séparés par une cloison : une « annexe » au séjour est ainsi éventuellement disponible.

À l’instar des plans des logements, le dessin des élévations des bâtiments se fonde sur la régularité et la répétition. Il s’agissait bien sûr de faciliter la construction en série afin d’abaisser les coûts. La volumétrie générale demeure parallélépipédique. La composition des façades est rythmée verticalement par les travées. Une figure symétrique « A/B/A/B/A » est plusieurs fois reprises (« A » désignant une travée de fenêtres, « B » une travée de balcons). La partie à quatre étages du bâtiment E présente une organisation différente : en façade sud-ouest les travées de balcons sont assemblées selon une alternance « A/B/B/A » ; en façade nord-est se trouvent les cinq niveaux des coursives.

Les façades qui comportent les portes d’entrée étaient animées par les travées des renfoncements des loggias. Ces travées alternaient avec des travées de fenêtres et avec celles des cages d’escaliers (lesquelles sont agrémentées de petites ouvertures carrées). En outre, un auvent surplombait chaque porte d’entrée. Depuis la récente rénovation, des avancées en surplomb revêtues d’un matériau gris ont été ajoutées devant les loggias. D’autre part, des porches précèdent désormais les portes d’entrée.

Les contraintes budgétaires n’autorisaient pas les fantaisies, aussi tout élément de décor fut-il banni. L’expression architecturale des bâtiments de la cité HLM de la route de Marsat est donc basique, mais elle s’avère tout de même assez animée par des symétries, par des reliefs, par des détails utilitaires bien dessinés. En variant leur composition, en répartissant les appartements de types différents dans chacun des bâtiments, en se servant de formes simples issues directement du programme, Georges Galinat et Jean Gourgouillon ont su éviter le piège de la monotonie.

Notes

[1] De 1928 au milieu des années 1950, Georges Galinat fut – entre autres – l’architecte de nombreuses maisons et villas, notamment à Riom et Châtel Guyon. Ces maisons, très recherchées de nos jours, ont reçu le surnom affectueux de « Galinette(s) ». Les huit villas de la route de Marsat (n° 7 à 17, n° 21 et 23) sont un « modèle type » créé par Georges Galinat vers 1951. Des variantes permettent de singulariser chaque villa. Cette réalisation de Galinat forme un ensemble urbain et architectural de bonne qualité, bien mis en valeur par le traitement du rapport à l’espace public (la rue est bordée par des murs de soutènement en moellons et par de larges escaliers).

[2] « Loi n° 50-854 du 21 juillet 1950 relative au développement des dépenses d’investissement pour l’exercice 1950 (prêts et garanties), Titre II, Dispositions relatives à l’habitation », Journal officiel de la République française, 82e année, n° 174, 23 juillet 1950, p. 7866 à 7871 ; voir aussi les décrets n° 50-898 et 50-899 du 2 août 1950, idem, n° 183, 3 août 1950, p. 8164 à 8174.

[3] « Arrêté du 30 décembre 1953, Normes des maisons construites dans le cadre de la législation sur les habitations à loyer modéré et les plafonds de prêts susceptibles d’être accordés par l’État pour la réalisation de ces opérations », Journal officiel de la République française, 85e année, n° 308, 31 décembre 1953, p. 11 801 à 11 803. Les principales dispositions de cet arrêté (en particulier l’application des catégories A, B et C aux immeubles HLM) furent abrogées par l’arrêté du 23 novembre 1955. Elles purent cependant être encore accordées aux projets ayant fait l’objet avant le 1er avril 1956 d’un accord technique du ministre de la Reconstruction (Journal officiel de la République française, 87e année, n° 276, 24 novembre 1955, p. 11 404 - 11 405).

[4] Calcul de la surface utile, estimation du prix de revient, Archives municipales de Riom, Dossier du permis de construire, non coté, série 1 W. Ce document indique bien un total de 127 logements, alors que le programme réalisé comporte 125 logements.

[5] L’arrêté du 30 décembre 1953 précise que les immeubles doivent comporter « un vide-ordures et un ascenseur s’il y a plus de quatre étages sur rez-de-chaussée » (article 5).

[6] Le bâtiment C comporte cependant un local technique qui le prolonge au nord-est.

[7] Devis descriptif des travaux, par G. Galinat et J. Gourgouillon, 25 juillet 1956, tapuscrit, Archives municipales de Riom, Dossier du permis de construire, non coté, série 1 W.

[8] Description d’après le devis descriptif du 25 juillet 1956, op. cit.

[9] Cette incohérence est signalée dans une lettre rédigée le 1er octobre 1959 par le directeur de la Direction départementale du Puy-de-Dôme du ministère de la Construction (Archives municipales de Riom, Dossier du permis de construire, non coté, série 1 W).

  • Murs
    • pierre béton armé enduit
  • Toits
    tuile
  • Plans
    plan régulier
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Typologies
    architecture domestique
  • État de conservation
    bon état
  • Précision dimensions

    Cinq immeubles de plan rectangulaire (dont l’un est coudé), mesurant 8,60 m de largeur et de 35 à 100 m de longueur. Superficie du terrain : 14 155 m2

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public départemental, Propriété de l’Ophis (Office public de l’habitat et de l’immobilier social, nom adopté en 2006), ancien Office public départemental d’habitation à loyer modéré du Puy-de-Dôme.

Etude SRI : architecture XXe - Modernisation et mutations de l’Auvergne, 1945-1985 : dix réalisations architecturales et urbaines emblématiques - Étude pour le Service Patrimoines et Inventaire de la Région Auvergne-Rhône-Alpes - Christophe Laurent, historien du Patrimoine, 3 mars 2021 (suivi scientifique Nadine Halitim-Dubois chercheure Inventaire général)

Petit ensemble représentatif de ce type d’opération, dans une petite ville et au cours de la seconde moitié des années 1950.

Annexes

  • Références documentaires
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2022
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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