La création d’une plage municipale, au début des années 1930, s’intègre dans une stratégie de mise en valeur des bords de lac, entreprise par les pouvoirs municipaux dès la fin du XIXe siècle, et destinée à soutenir voire à augmenter l’attractivité de la station thermale.
A la fin des années 1920, la Ville accepte la proposition d’un financier parisien, le docteur Cesbron. Outre une participation privée au financement de la construction des thermes Pétriaux, le projet de M. Cesbron vise à mettre en valeur les rives du lac, notamment par la création d’une plage et l’organisation d’activités nautiques, inspirés par les exemples des équipements existants sur les lacs suisses (voir annexe 1). Bien que le docteur Cesbron abandonne son projet (Délibération du conseil municipal, 25 janvier 1929), les autorités municipales décident d’entreprendre, sur le budget de la Ville, une partie des propositions avancées par ce dernier. La création d’une plage au lieu-dit Coëtan ainsi que l’ouverture de nouvelles voies publiques en arrière de celle-ci, sont approuvées en 1930. Ces travaux sont présentés comme nécessaires voire impératifs par le conseil municipal, puisqu’« un mouvement irrésistible porte les clients d’Aix-les-Bains vers le lac du Bourget » (Délibération du conseil municipal, 25 septembre 1930). Ils sont également perçus comme le moyen d’attirer une clientèle de « jeunes gens », peu présents dans la station (Délibération du conseil municipal, 24 novembre 1928).
Le site choisi pour l’implantation de la plage, au lieu-dit Coëtan, forme une anse orientée vers le sud-ouest et bénéficie d’un très bon ensoleillement sur les bords du lac. Cependant, l’assainissement de cette zone, occupée par des marais, nécessite d’importants travaux préparatoires débutant en 1933. Les travaux de terrassement (Délibération du conseil municipal, 19 février 1933) sont suivis de travaux de remblayage réalisés par l’entreprise Girodon, Robert et Lechleider (Délibération du conseil municipal, 13 avril 1933).
C’est à l’architecte du nouvel établissement thermal, Roger Pétriaux, qu’est confiée l’élaboration des plans. En 1932, celui-ci propose un dessin qui n’intègre pas le bassin de natation implanté sur la plage, proposé sur les plans de l’ingénieur municipal en 1930. L’idée de créer un tel bassin sera reprise et défendue après la Seconde Guerre mondiale.
L’exécution des travaux, comme celle du Promenoir des Sources et du Café de la Rotonde, est confiée à l’entreprise Perratone de Chambéry (AC Aix-les-Bains. 1 M 58). Des matériaux de qualité, produits localement lorsque c’est possible, sont employés pour la construction : « ciments provenant des meilleures fabriques de la Savoie ou de l’Isère » ; « les carrelages, faïences, mosaïques seront de tout premier choix et devront provenir de fabriques notoirement connues » ; « les glaces proviendront des usines de Saint-Gobain, Aniche, Boussois ou d’usines équivalentes » (AC Aix-les-Bains. 1 M 58). Les travaux s’achèvent au printemps 1933 et la plage municipale est inaugurée le 14 juillet par l’épouse du Maire, Mme Maurice Mollard (L’Avenir d’Aix-les-Bains, 22 juillet 1933).
L’équipement comprend alors une tour-signal qui indique l'entrée signalée et abrite une salle des coffres, des sanitaires, un solarium, des cabines, un bar, une aire de jeux pour enfants, des douches garnies de céramiques réalisées par l’entreprise Gentil et Bourdet, un ponton et un bassin de pleine eau. Cette architecture porte l’empreinte de Roger Pétriaux et se réclame du style Art déco.
Le 11 juillet 1933, la Ville choisit de confier la gestion de l’équipement, pour une année, à la Société fermière générale, qui exploite le Casino Grand-Cercle et le casino de la Villa des Fleurs. La société s’engage à verser une redevance de 25% sur les recettes brutes. Le prix d’entrée est fixé à 3 francs (Délibération du conseil municipal, 11 juillet 1933). La Ville fait l’acquisition de mobilier destiné à garnir la plage et le parc thermal (AC Aix-les-Bains. 3 R 31).
L’année suivante, en 1934, le conseil municipal décide de confier à nouveau l’exploitation de la plage à la Société fermière générale, pour une durée de quatre années, moyennant une redevance annuelle de 15% sur les recettes brutes (Délibération du conseil municipal, 26 mars 1934). La Ville exprime par ailleurs certaines exigences : la mise en place d’animations régulières telles qu’un dancing, la présence d’un orchestre, l’organisation de fêtes ; l’interdiction de se déshabiller, de s’habiller en dehors d’une cabine, de danser en maillot de bain ou de manger quelque chose qui ne serait pas vendu dans l’enceinte de l’établissement. La société doit également s’engager à maintenir l’existence d’un parc d’embarcations et de jouets de plage ainsi que celle d’une clôture entourant l’établissement (AC Aix-les-Bains. 3 R 31). Le maintien d’un ponton doit également permettre de mener au plongeoir. En effet, jusqu’à la construction d’un barrage sur le canal de Savières au début des années 1980, les variations du niveau du lac étaient importantes : les inondations comme le retrait des eaux ne constituaient pas des évènements exceptionnels.
Ainsi, dès son ouverture, la plage est pensée et conçue comme un équipement luxueux se concrétisant dans le choix de matériaux et de mobilier de qualité, dans l’adoption d’une politique tarifaire sélective et dans l’organisation d’animations régulières.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Ville projette des réparations et des agrandissements destinés à augmenter la capacité d’accueil de la plage. En effet, en 1944, une importante inondation, liée à la montée des eaux du lac, a emporté le ponton en bois menant au plongeoir et endommagé le bassin de pleine eau. Le plan d’aménagement général, dressé par l’architecte municipal en 1946, propose d’agrandir l’emprise de la plage au nord-ouest, par la construction d’un nouveau corps de bâtiment et d’une série de nouvelles cabines. Le projet intègre également la création de deux bassins supplémentaires creusés dans les pelouses : une piscine de cinquante mètres et un bassin pour les enfants (AC Aix-les-Bains. 3 R 31). Ces travaux, qui auraient modifié de manière importante la partie ouest de l’équipement dessiné par Roger Pétriaux et qui auraient brisé la symétrie de la composition originale, n’ont pas été réalisés. Le projet de construction d’une tour-plongeoir-toboggan connaît le même destin. Bien que sérieusement envisagé, comme le montrent les dessins préparatoires ainsi que la réalisation d’une maquette à échelle réduite et installée in situ, ce projet n’a jamais vu le jour. Les toboggans actuellement en place ont été installés à une date postérieure. A l’inverse, en 1947, le ponton, appelé « estacade-promenade », et le bassin de pleine eau sont reconstruits en béton armé par l’entreprise Léon Grosse (AP Entreprise Léon Grosse. Dossier n°46-35).
Aujourd’hui, l’aménagement comme l’architecture de la plage d’Aix, ont été très peu modifiés. Afin d’offrir de l’ombre, des arbres ont été plantés, et les allées, traversant les pelouses placées entre les cabines et le rivage, ont été redessinées selon des courbes plus sinueuses. A l’entrée, des grilles en métal, qui permettent de différencier l’accès au restaurant de l’accès à la plage, ont été installées. La plage d’Aix est ouverte, payante et très fréquentée pendant la saison estivale.
Entrepreneur.
Fin 19e-déb 20e.