1. HISTORIQUE
Dès le 19e siècle, l'état du pont suspendu de Vienne, l'actuelle passerelle Sainte-Colombe, incite les autorités locales à envisager la construction d'un nouvel ouvrage à un autre emplacement. Il faut attendre 1930 pour que le projet soit définitivement pris en compte, date à laquelle le président de la Chambre de commerce de Vienne fait inscrire la construction d'un nouveau pont au programme des grands travaux entrepris par le gouvernement (JAFFUEL et VIAL, p. 5 et p. 7 ; AD Isère 7553 W 47, annexe n° 2). La passerelle est alors parvenue à sa limite de charge et d'usage (DREYFUSS, p. 233).
L´emplacement du nouveau pont, au confluent de la Gère et du Rhône, à quelques centaines de mètres à l'amont de l'ancien pont suspendu, est arrêté par décision ministérielle du 20 avril 1932 (JAFFUEL et VIAL, p. 7).
Le projet est lancé au concours. L'ouvrage doit, outre être en harmonie avec le site de l'ancienne cité romaine, répondre aux contraintes de la navigation et de l´écoulement des crues à l´emplacement choisi, enfin satisfaire aux besoins du trafic routier de la vallée du Rhône (DREYFUSS, p. 233 et p. 241).
L´ingénieur en chef Simon semble avoir orienté le choix d'un pont de pierre plutôt qu'un cantilever (AD Isère. 7553 W 49, voir annexe n° 6).
Les Etablissements Schneider et Compagnie, proposant un pont en béton armé à trois arches dissymétriques, sont déclarés adjudicataires en octobre 1938 (AD Isère. 7553 W 47 et 7553 W 49, annexe n° 4 ; DREYFUSS, p. 233). Le projet primitif évolue quelque peu, la portée de l'arche centrale passant notamment de 104 à 108 m (DREYFUSS, p. 233-234).
La première pierre de l´ouvrage est posée le 30 juillet 1938, par le président de la République Albert Lebrun (JAFFUEL et VIAL, p. 9).
Les travaux sont menés successivement par Dorges et Piétri, ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées, puis Favier et Dreyfuss, ingénieurs ordinaires (DREYFUSS, p. 233).
De février 1939 à mai 1941, sont exécutées les fondations des piles et culées, au moyen de caissons à air comprimé "de dimensions exceptionnelles", nécessitant l'emploi de 18.500 m3 de béton (JAFFUEL et VIAL, p. 9). La fondation de la culée de la rive gauche (avril 1941), rendue délicate compte tenu de sa proximité avec le pont sur la Gère, nécessite la mise sur cintre provisoire de ce dernier. C'est l'entreprise Joya-Chabert qui remporte le concours pour exécuter la fondation à l'air comprimé, foncée à l'aide d'un caisson unique (DREYFUSS, p. 235).
De septembre 1941 à décembre 1942 sont réalisées les deux arches de rives, avec 1.500 m3 de béton.
Quant à la voûte centrale, elle est construite de mai 1942 à septembre 1943, avec 4 000 m3 de béton, sur cintre métallique pour ne pas interrompre la navigation (JAFFUEL et VIAL, p. 9 et AD Isère. 7553 W 47). Véritable défi technique, "ce procédé de construction, qui n´avait jamais encore été utilisé pour un ouvrage de cette envergure, nécessita plus d´une année d´études" (JAFFUEL et VIAL, p. 9).
"Le montage de l'arc du cintre est effectué par encorbellement à l'aide de portiques métalliques, placés sur les piles et comportant des haubans de retenue ancrés dans les culées" (DREYFUSS, p. 237).
Au début de l'année 1943, les difficultés économiques obligent l'entreprise Schneider à revoir son cintre afin de remplacer par des assemblages rivés ceux profilés initialement prévus, dont le laminage est suspendu (AD Isère. 7553 W 49, voir annexe n° 3).
L'année suivante, la voûte centrale, alors en voie d'achèvement, est dynamitée le 1er septembre, par l'armée allemande battant en retraite (DREYFUSS, p. 233 et JAFFUEL et VIAL, p. 9). Le cintre métallique, entreposé à Chalon chez l'entrepreneur, est réacheminé à Vienne, permettant le remontage des deux arcs jumeaux de l'arche centrale, d'avril 1946 à juin 1947 (JAFFUEL et VIAL, p. 10). La reconstruction de l'ouvrage redémarrée dès mars 1945 n'est cependant pas une "simple répétition de son exécution première". Si par chance le cintre initial est conservé, il doit subir des modifications, les amorces du pont, gravement endommagées, et les ancrages doivent être repris, et des refouillements dans les piles opérés (DREYFUSS, p. 233 et p. 238-240).
La superstructure (murettes, tablier et tympans) est achevée en mai 1949, un mois avant l'ouverture du pont à la circulation après qu'il est passé avec succès les tests statiques et dynamiques. L´ouvrage est inauguré le 12 juin par le président Vincent Auriol et par Lucien Hussel, maire de Vienne (JAFFUEL et VIAL, p. 10 ; annexe n° 1 ; et voir AD Isère. 7553 W 49, annexe n° 6).
Le nouveau pont de Vienne qui, selon Tremeau, président de la Chambre de commerce de Vienne, "constitue un instrument indispensable de la circulation routière nationale" (AD Isère. 7553 W 47, annexe n° 2), doit être relié sur la rive droite du Rhône, à la RN 86. L´entreprise Boge et Catheland est adjudicataire de ces travaux de raccordement (AD Isère. 7553 W 58, annexe n° 5).
Dans le cadre du "Plan Lumière", la Ville de Vienne décide de mettre en valeur le Pont de Lattre de Tassigny par sa mise en lumière, qui est votée en en juillet 2007 (site Rhône Pluriel, Projet Valorisation du pont).
En avril 1997, le pont reçoit le nom du Maréchal Jean de Lattre de Tassigny, "commandant pendant la seconde guerre mondiale la Première Armée qui, en 1944, remonta la vallée du Rhône pour chasser les forces allemandes", libérant ainsi Toulon, Marseille, Lyon, Dijon et l'Alsace ; il fut de passage à Vienne en 1948 (JAFFUEL et VIAL, p. 13 ; voir annexe n° 1 : plaque d'inauguration).
2. DESCRIPTION
Le nouveau pont de Vienne est un pont en béton armé de 198,50 m de long. L'ouvrage offre trois voûtes de dimensions inégales : la travée de la rive gauche de 26 m et celle de la rive droite de 46,50 m sont reliées par une travée centrale de 108 m d'ouverture.
L'arc médian se caractérise par son important surbaissement, atteignant la valeur de 1/11,3 et son exceptionnelle minceur (voir aussi GRATTESAT, p. 173 ; MONTENS, p. 147), l'épaisseur à la clé n'étant que de 1,18 m. Il est constitué de deux arcs jumeaux de 6,01 m de large, séparés par un intervalle de 1 m. Divisées en anneaux, les deux grandes voûtes seules armées, supportent une chaussée de 9 m de large et deux trottoirs latéraux de 2 m chacun (soit un tablier de 13 m de large).
Entre les arcs a été fait le choix de tympans pleins.
Le cintre métallique élaboré par les Entreprises Schneider pour la construction des deux anneaux de la voûte centrale est constitué de deux parties : l'arc supérieur à deux fermes distantes de 7,01 m, est monté par encorbellement ; le tablier, porteur de la voûte, est garni d'un plancher de coffrage et relié à l'arc par des tiges de suspension.
Pour ce qui est des fondations, la culée rive droite est fondée à l'air libre et descendue à 1,50 m sous l'étiage, celle de la rive gauche à l'air comprimé, avec emploi d'un caisson métallique descendu à 6 m sous l'étiage.
(Notes descriptives extr. de : DREYFUSS, p. 233-237 et JAFFUEL et VIAL, p. 7 et p. 9).
Ingénieur des Ponts et Chaussées dans le 2e quart du 20e siècle.