Le franchissement du Rhône à la hauteur de la Guillotière est vraisemblablement très ancien, puisque le compendium de Vienne à Lyon aboutit au fleuve entre les actuels pont de l´Université et rue Mazenod. Mais la physionomie du fleuve et de ses berges a profondément changé au fil des siècles. Jusqu´à la fin du 18e siècle, il présente dans la traversée de la ville une largeur d´environ 500 m. La rive gauche est constituée d´îles et de bancs de graviers, dits "brotteaux", de constitution instable, et dont la configuration varie selon les crues. Ces brotteaux sont séparés par des bras du fleuve, les "lônes" ou "brassières". À la hauteur de la Guillotière, le Rhône se partage en plusieurs bras, dont l´un, atteignant une largeur d´une cinquantaine de mètres, est toujours en eau. Ce bras sépare la rive gauche du "brotteau du pont", vaste île de plus d´un km de long et de 85 à 185 m de large, dont la taille varie selon le débit du fleuve (DARA 1991, p. 22) ; ce "brotteau" est mentionné dans un texte de 1260 (GUIGUE, CHARPIN-FEUGEROLLES, charte 246). Sa rive ouest forme, au Moyen Age, la frontière entre le Lyonnais et le Dauphiné.
Les textes permettant de localiser le pont à son emplacement actuel ne remontent qu´au 14e siècle (AD Rhône, 10 G 518 et 10 G 1472 ; GUIGUE). Sa localisation primitive fait donc l'objet de trois hypothèses (annexe n° 1). On le situe généralement en amont du pont de la Guillotière actuel (PELLETIER 2002, p. 84).
Le pont relie la ville de Lyon au territoire de Béchevelin de la mouvance de l´archevêque, pourtant il semble que ce dernier n´ait joué qu´un faible rôle dans sa construction. On doit son édification aux Frères du Pont, avec peut-être la participation des habitants de Lyon, ceux-ci étant dits "gardiens de l´Oeuvre du pont" (charte 72 du cartulaire de l´abbaye d´Ainay, in GUIGUE, CHARPIN-FEUGEROLLES). Cependant, entre 1308 et 1310, l´archevêque Pierre de Savoie affirme son autorité sur l'ouvrage : il enlève l´Oeuvre du pont à la confrérie des Frères pontifes et la remet à l´abbaye de Hautecombe, établie en Savoie, avec toutes les obligations afférentes - entretien du pont, maintenance de l´hôpital et de la chapelle à la tête du pont - sans doute pour des raisons financières, mais aussi religieuses (AD Rhône, 10 G 815, texte de 1335 ; DARA 1991, p. 41).
Les Lyonnais se plaignent de la gestion de l´abbaye qui ne parvient pas à répondre aux dépenses d´entretien de l´ouvrage. Avec leur charte de franchise, ils obtiennent du roi Philippe V, en 1320, un droit de barrage, c´est-à-dire une taxe sur les voyageurs destinée à financer l´entretien du pont (GUIGUE ; MESQUI, p. 37).
Finalement en 1335, l´archevêque de Lyon partage l´Oeuvre du pont entre les consuls de la Ville et l´abbaye de Chassagne-en-Bresse : "Le pont du Rhône avec la chapelle posée dessus, la maison appelée aumônerie située à côté du pont, et leurs dépendances" sont remis à deux représentants des conseillers de la Ville, Barthélémy de Varey et Michel Cytharel, qui assumeront l´administration de l´ensemble et l´entretien du pont (DARA 1991, p. 42).
L´aspect du pont au 14e siècle a été analysé dans le volume des Documents d'archéologie en Rhône-Alpes (DARA 1991, p. 83 et suiv.). Le pont semble avoir été entièrement reconstruit en bois à partir de 1275. La construction des arches en pierre commence au début du 14e siècle. Un texte de 1314 indique que le frère Conrad [ou Etienne ?], moine de l´abbaye de Hautecombe, "a édifié le pont de bois bon et fort" et "préparé les matériaux pour l´ouvrage en pierre" (AD Rhône, 10 G 815, 1314). Quelques lignes plus bas, le même texte indique "...le pont à présent menace ruine en plusieurs endroits, tant dans sa partie en pierre qu´en sa partie en bois..." (ibid.). Côté rive gauche le pont va rester en bois jusqu´au 16e siècle.
Les textes relatent également les nombreuses destructions plus ou moins importantes causées par les crues.
À partir de 1387, la Ville de Lyon intègre le pont dans son système de défense. L´entrée ouest du pont est fortifiée par un "portail" : selon Maynard, c'est en 1389 que le maçon Jacques de Beaulieu construit la porte du pont du Rhône (MAYNARD, vol. 2, p. 324). Le septième arc est aménagé en pont-levis, lui aussi équipé d´un portail et prend le nom "d´Arc de la Trappe", que J. de Beaulieu entreprend d´améliorer en 1390.
À la fin du 14e siècle, le pont comprend trois parties : un pont vieux de sept arches en pierre de 22 à 24 m de large, un pont neuf de huit arches, construit entre 1390-1395, et le pont en bois côté Guillotière. Les fouilles réalisées en 1984 ont montré des arches plus étroites (8 m) pour le pont de 1390, ce qui peut suggérer la reprise des fondations d´un pont en bois antérieur. Quant au pont côté Guillotière, long de 250 m., il est sans doute composé d´une structure en chêne (chevalets verticaux reliés par des poutres horizontales de 8 m, assemblés par des crosses métalliques), reposant sur des piles en pierre.
En 1430, les échevins de Lyon font placer sur la tour du pont les armes du Roi et de la Ville (idem, p. 325).
En 1509, Louis XII, de retour d'Italie, fait ériger sur le pont une colonne pour célébrer la victoire d'Agnadel (14 mai) ; la colonne, portant l'inscription LUDOVICUS XII FRANCIAE REX EX VENETIIS VICTORIAM REPORTANS P. C. ANNO MDIX, aurait été renversée par les protestants en 1562 (ibidem).
De très nombreux travaux de confortement sont mentionnés dans les archives de la Ville au 15e siècle et dans la première moitié du 16e. L´entretien du pont en bois est très onéreux, et il est jugé dangereux (DARA 1991, p. 142).