Dossier d’opération IA42000627 | Réalisé par
Guibaud Caroline
Guibaud Caroline

Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )

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  • inventaire topographique, Canton de Boën - Sail-sous-Couzan
Présentation de l'étude du patrimoine du canton de Boën et de la commune de Sail-sous-Couzan
Copyright
  • © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Boën - Sail-sous-Couzan
  • Adresse
    • Commune : Loire

C’est au nord du Forez, à la limite du Roannais et dans le département de la Loire, que s’est constituée en 1995 la communauté de communes du Pays d’Astrée. Située entre monts d’Auvergne et du Lyonnais, partagée entre montagne et plaine, elle est composée de 17 des communes rurales du canton de Boën-sur-Lignon (la commune de Pralong ayant préféré se tourner vers l’agglomération montbrisonnaise) auxquelles s’est jointe celle de Sail-sous-Couzan (canton de Saint-Georges-en-Couzan).

1. Plaine et monts du Forez

Depuis la plaine, on peut observer la physionomie générale du territoire : un étagement du relief (des. 03) qui s’élève assez lentement par une série de replats jusqu’aux sommets émoussés qui s’échelonnent de 1300 à 1500 m d’altitude et qui supportent un massif granitique culminant à Pierre-sur-Haute (1640 m).

La plaine du Forez (fig. 01), en forme de large ellipse délimitée par les monts du Forez à l’ouest et les monts du Lyonnais à l’est, ou respectivement monts du « soir » et du « matin », constitue l’un des plus grands bassins intérieurs du Massif central. Héritage lointain d’un ancien fossé d’effondrement, cette dépression formait un lac intérieur qui a progressivement été remblayé par des sédiments composés d’argile et de sable granitique provenant de l’érosion des montagnes, formant un sol imperméable et marécageux. Plusieurs cônes basaltiques ponctuent cette plaine au relief monotone : le Mont d’Uzore (535 m), le Pic de Montverdun (413 m ; fig. 02)) et la butte du château de Marcilly (577 m ; fig. 04).

Le climat est de type continental, avec des écarts de température assez importants et peu de précipitations ; la plaine est abritée des pluies par les monts du « soir » et des flux du Sud par le Massif du Pilat. Son sol argileux est vite détrempé mais se dessèche dès que le soleil pointe. Sous l’influence de grands propriétaires, les terres furent défrichées et drainées, ce qui entraîna la formation des premiers étangs, puis fertilisées par le chaulage et les engrais. Il fallut attendre le XIXe siècle pour voir se réaliser de grands travaux d’irrigation contre les sécheresses de l’été, en particulier le canal du Forez dont les travaux commencèrent en 1867 et s’achevèrent 20 ans plus tard. Les étangs, situés pour l’essentiel dans les dépressions de l’Onzon et du Vizézy, sont bordés de roselières, de saulaies et riches d’une faune et d’une flore exceptionnelles que la réserve de Biterne permet de découvrir librement.

Plusieurs cours d’eaux parcourent la plaine. Le plus important, le Lignon, serpente entre des haies de frênes, de saules, d’aulnes et de peupliers qui apportent aux pêcheurs fraîcheur et discrétion ; son principal affluent est le Vizézy.

Les vastes domaines de la plaine, aux mains de quelques grands propriétaires possédant d’imposantes demeures bourgeoises, sont exploités par des métayers ou des fermiers installés dans d’importantes fermes dispersées. C’est le cas pour les communes de Sainte-Foy-Saint-Sulpice, Saint-Étienne-le-Molard, Arthun, Sainte-Agathe-la-Bouteresse, Montverdun, Bussy-Albieux et Marcilly-le-Châtel pour sa partie ouest.

En bordure de plaine s’étire, jusqu’à 500 m d’altitude, une frange de coteaux cultivés en vignoble pour les mieux exposés. Les communes viticoles de Boën-sur-Lignon, Trelins, Marcilly-le-Châtel, Marcoux et Pralong sont situées à flanc de coteau, à l’ouest de la route départementale 8 qui relie Boën-sur-Lignon à Montbrison et marque assez précisément la limite occidentale de la plaine. Ce paysage, rythmé par les bourgs et les nombreux hameaux, fait alterner les bois, les champs et les vignes (fig. 14 à 16).

Plus haut, jusqu’à 800 m environ, les plateaux, ponctués des villages d’Ailleux, Cezay et Saint-Sixte (fig. 03), s’entaillent de gorges profondes, sinueuses, au fond desquelles s’écoule parfois un petit cours d’eau. Ces ruisseaux et rivières alimentèrent, en prise directe ou par un bief, de nombreux moulins, scieries ou usines. Le pin sylvestre y est souvent cultivé en massifs réguliers, en alternance avec les hêtraies qui couvrent versants et plateaux, là où les cultures en terrasses étaient entretenues jusqu’au début du XXe siècle. Certains pins, destinés à l’alimentation en bois des fours à pain, étaient taillés de façon à les empêcher de grandir et à faciliter le développement des branches. La plupart des fermes possédaient une parcelle de ces « pins de boulange » jusqu’à ce que cesse la fabrication du pain à la maison, vers la Seconde Guerre mondiale.

La petite commune de Boën-sur-Lignon verrouille la plaine du Forez à l’ouest et s’ouvre au-delà sur les vallées du Lignon et de l’Anzon. Plusieurs bourgades se sont installées sur les rives étroites de ces deux rivières longées par la route nationale 89, ancienne route royale, puis par la voie ferrée, avec quelques hameaux disséminés sur les replats. Ainsi se sont établis d’est en ouest les bourgs de Leigneux (fig. 06, 07), en surplomb d’une trentaine de mètres au-dessus de la rive droite du Lignon, de Débats-Rivière-d’Orpra, de l’Hôpital-sous-Rochefort (fig. 09, 10) et de Saint-Laurent-Rochefort. Le bourg de Sail-sous-Couzan s’est implanté quant à lui à l’intersection des vallées du Lignon et du Chagnon (fig. 05).

Le terroir varié du canton est exploité de façon traditionnelle en polyculture. Les fermes comprenaient en général quelques champs et prés sur les plateaux, des bois à flanc de collines, une vigne sur le coteau, voire une jasserie dans les Hautes Chaumes, éparpillés sur les terres agricoles les plus propices à chaque activité. Au XXe siècle s’affirme la mutation vers une agriculture plus concentrée, mécanisée et orientée vers la commercialisation de ses produits. La plaine, drainée, amendée et irriguée, se prête à l’établissement de grandes exploitations céréalières ou à l’élevage bovin, qui supplante celui des ovins. Les terrains situés dans les parties plus montagneuses, plus pauvres, avec des parcelles plus petites, sont ainsi délaissés et subissent de façon plus marquée l’exode rural.

2. Les matériaux de construction

A la diversité des paysages de cette zone du Forez correspondent des matériaux de construction différents. Ceux-ci sont essentiellement d’extraction locale jusqu’au bouleversement des techniques de construction au milieu du XXe siècle, lié au développement des moyens de transport et à l’apparition de nouveaux matériaux industriels. Le sous-sol forézien est constitué de granite qui affleure dans les collines et sur les plateaux ; dans la plaine, la terre alluviale mêlée de gore (résidu granitique) est utilisée pour le pisé.

Le pisé

Systématiquement mis en œuvre dans la plaine, le pisé est encore présent sur les coteaux puis disparaît progressivement à l’avantage de la pierre ; à la charnière de ces deux territoires, la pierre cohabite avec le pisé selon les façades ou la destination du bâti. La terre, matériau parfois déconsidéré ou jugé fragile, n’est pas l’apanage de l’architecture dite mineure. De fait, plusieurs édifices majeurs sont construits en pisé : le prieuré de Montverdun et la Bastie d’Urfé, pour ne citer que les plus connus, conservent des murs datant pour les plus anciens du XIIIe siècle. L’ancien château de Boën était également en pisé ; il était si solide que l’on dut utiliser l’explosif pour faire place au nouveau château du XVIIIe siècle.

Les avantages et les performances techniques du pisé, en matière d’isolation phonique et thermique, sont sous-estimés. Le principal inconvénient de ce matériau est sa sensibilité à l’eau contre laquelle le bâtiment doit être protégé non seulement par une bonne toiture mais également par un soubassement de pierre. La technique du pisé est la suivante : sur un solin maçonné d’environ 80 cm de haut, la terre, émiettée et épierrée, est compactée entre les planches d’un coffrage, les « banches », en une dizaine de couches, ou « mises » ; un cordon de mortier à la chaux est appliqué au fond du coffrage contre les banches avant le remplissage. Ensuite, la « banchée » est immédiatement décoffrée pour renouveler l’opération à côté. Le travail progresse de manière identique en hauteur pour constituer l’élévation du mur. Les ouvertures peuvent être soit laissées en réserve pour recevoir un encadrement de brique ou de pierre, soit directement insérées dans les banches pour les bâtis de bois. Les angles, particulièrement soumis aux chocs et à l’érosion, sont renforcés par des cordons de chaux multiples ou maçonnés avec de la brique, de la pierre ou du béton tandis que des bois formant chaînage participent à la liaison des murs entre eux. Les murs de pisé présentent des trous qui servaient à la mise en place de clefs en bois destinées au soutien des banches et à leur serrage. Selon la fonction du bâtiment, ces trous sont bouchés (habitation) ou laissés libres pour l’aération (grange, mur de clôture…).

La mise en œuvre de ce matériau a évolué au fil des siècles selon les savoir-faire locaux et les influences extérieures (voir illustration du dossier Fermes, fig. 338 à 359). Les changements concernent essentiellement les dimensions des banchées et leurs raccords. Les pisés anciens construits avant le XVIIe siècle se présentent sous forme de banchées parallélépipédiques dépourvues de cordons de chaux. Les cordons, lignes blanches qui structurent les murs, apparaissent dans le courant du XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, les raccords verticaux entre les banchées s’inclinent, parfois jusqu’à 70 degrés au début du siècle, puis à 45 degrés, « à l’équillade », dans sa seconde moitié. Leur inclinaison est destinée à éviter la propagation de grandes fissures verticales. Les dimensions courantes des banches sont voisines de 0,80 m par 3 m (trois pieds de haut par dix pieds de long). Des dimensions plus importantes ont été observées à la Bastie d’Urfé : 1,60 m de hauteur pour 1,20 m d’épaisseur pour les murs du XVIe siècle. Les banches de grandes longueurs (6 m) étaient souvent le fait de tâcherons au début du XXe siècle. Mais selon la destination du mur, simple clôture de parcelle, remise, pigeonnier ou loge, et selon l’emplacement des banchées dans l’élévation du mur d’une habitation, les techniques dites anciennes étaient encore utilisées au début du XXe siècle, rendant plus difficiles les datations.

De 1880 à 1920 environ, avec le développement de l’industrie métallurgique, le mâchefer, scories provenant de la combustion de charbon, entre parfois dans la composition du gros-œuvre pour renforcer les chaînes d’angle et les encadrements (voir dossier Fermes, fig. 360 à 366) ; plus résistant que le pisé, il est tout aussi poreux, permettant ainsi la circulation de l’air et l’évaporation de l’humidité. Dès 1910 le béton est également employé selon les mêmes principes. La construction en pisé disparaît vers 1950, ce qui entraîne peu à peu l’extinction de ce savoir-faire. Plusieurs organismes, comme Espace Lignon-Forez, CRATerre ou « Pisé, Terre d’Avenir », cherchent cependant à en préserver la technique tant pour la restauration que pour la construction moderne.

Le granite et le basalte

Le granite est extrait de petites carrières pour un usage local ; celle de Cezay, renommée pour son granite bleu, a un rayonnement un peu plus étendu. De qualité médiocre, le granite compose le solin maçonné des bâtiments en pisé ou même l’ensemble des murs dans l’habitat de montagne ; chaînages d’angle et encadrements des baies sont fréquemment en pierre de taille.

Le basalte constitue un matériau de construction privilégié à proximité des buttes volcaniques. Les orgues basaltiques de Marcilly-le-Châtel (fig. 20, 21) et Cezay présentent la forme prismatique des blocs que l’on tronçonne en petits moellons.

Le bois et la brique

Le bois est employé avec le pisé pour les encadrements de baies et les galeries de circulation ou de séchage, dites « aîtres », construites au-devant des logis des fermes anciennes, encore nombreuses sur le territoire étudié.

Enfin, les couches de terre argileuse de la plaine ont été exploitées pour la fabrication des briques, tuiles (tuiles creuses puis vers 1850 tuiles plates mécaniques) et carreaux de sol. Les édifices entièrement construits en brique font figure d’exception, comme l’abbaye de Bonlieu (Sainte-Agathe-la-Bouteresse) au XIVe siècle. Dans le premier tiers du XIXe siècle ce matériau se généralise dans la construction sous forme d’éléments de structure et de décoration : corniches, encadrements de baies, arcs de décharge, chaînages d’angle. L’activité de petites briqueteries et tuileries se développe alors : le façonnage et la cuisson des briques et tuiles y constituent une activité saisonnière, complémentaire de l’agriculture et de l’élevage, et destinée au commerce local. La plupart des fours se trouvent à proximité des grandes routes, sur les communes de Marcilly-le-Châtel et de Sainte-Agathe-la-Bouteresse. Deux cheminées témoignent encore de leur existence, l’une au lieu-dit Corbe (Marcilly-le-Châtel), l’autre aux Tuileries (Sainte-Agathe-la-Bouteresse). La concentration industrielle et l’exode rural font disparaître ces petites fabriques au milieu du XXe siècle.

3. Le cadre historique

L’apport de l’archéologie

Au XIXe siècle, les découvertes fortuites et les prospections de quelques érudits ont révélé de nombreux vestiges de l’occupation humaine dans le canton depuis la Préhistoire. La Grotte des Fées à Sail-sous-Couzan, fouillée en 1881, et dont les silex taillés et les ossements remonteraient au Magdalénien supérieur (entre 14000 et 9500 av. J.-C.), constitue l’un des gisements les plus anciens du Forez. La période néolithique est mieux connue ; l’habitat est localisé sur les coteaux, par exemple sur la commune d’Ailleux (Chalcolithique forézien, vers 3000-1500 av. J.-C.). Cependant le matériel exhumé témoigne surtout de la présence gauloise et gallo-romaine, en particulier le long des voies de communication situées dans les vallées du Lignon et de son affluent, l’Anzon, principales voies de passage à travers les Monts du Forez. L’époque gauloise semble avoir été politiquement troublée : l’habitat prend la forme de sites fortifiés ou oppida, comme le Châtelard de Ligeay (Débats-Rivière-d’Orpra), situé sur un éperon barré, le pic de Montverdun et peut-être les sites de Solaure et Château-Vieux (Saint-Laurent-Rochefort). À l’époque gallo-romaine, l’habitat descend dans la plaine et sur les premiers coteaux (fig. 22), le long des voies romaines dont plusieurs tronçons ont été repérés, en particulier la voie d’Aquitaine qui passait à Boën-sur-Lignon, Leigneux, l’Hôpital-sous-Rochefort et Rochefort. Le « trésor de Saint-Sixte » est l’une des découvertes archéologiques les plus remarquables qui attestent l’implantation gallo-romaine en Forez.

La fondation du comté de Forez

Au Xe siècle, le pagus minor Forensis est encore une division du comté de Lyonnais. Dans le cadre du conflit qui l’oppose à l’archevêque de Lyon, le comte de Lyonnais Guy II commence à prendre le titre de comte de Forez, et cherche à étendre son influence sur cette région en prenant le contrôle de certaines places fortes, en particulier les châteaux de Marcilly, fondé vers 1007-1017 et de Bussy, cité en 1046. Le comte s’assure en 1168 la suzeraineté du château de Rochefort, fondé vers 1100 par l’archevêque de Lyon afin de lui barrer la vallée de l’Anzon et le chemin de l’Auvergne. Il doit enfin composer avec le puissant seigneur de Couzan, dont dépend la domus de Boën-sur-Lignon, qui ne lui rend hommage qu’en 1229. Entre-temps, le traité de 1173 marque la fin du conflit et la création concrète du comté de Forez, le comte abandonnant le Lyonnais à l’archevêque Guichard. Le château de Bussy, qui était pourtant le centre d’une importante châtellenie comtale, a totalement disparu ; mais les noms des villages qui dépendaient de son mandement (sur un territoire allant d’Ailleux, Albieux, Saint-Sixte jusqu’à la Bouteresse, Sainte-Foy et Saint-Sulpice) gardèrent le suffixe « en Bussy » jusqu’au XIXe siècle.

Paroisses et prieurés

Le réseau primitif des paroisses se met en place dans le courant du XIe siècle, jusqu’au XIIIe siècle pour les plus tardives. Les plus anciennes, la Bouteresse (dont Boën-sur-Lignon était l’annexe), Saint-Clément, Jullieu, Saint-Sulpice, sur le « Grand chemin du Forez » conduisant du Puy à Nevers, sont supplantées à la fin du Moyen Âge par les chefs-lieux de commune et de paroisse actuels (respectivement Sainte-Agathe, Montverdun, Sainte-Foy et Saint-Étienne-le-Molard).

Simultanément aux paroisses, le Xe et surtout le XIe siècles voient l’implantation de nombreux prieurés dépendant des principales abbayes du centre-est de la France : Cluny, avec Arthun (fondé en 981-982) et Sail-sous-Couzan (1109), la Chaise-Dieu, avec l’Hôpital-sous-Rochefort (XIe siècle) et Montverdun (1010), l’Île-Barbe avec Sainte-Foy, Savigny avec Leigneux (vers 1050), Marcilly-le-Châtel (mentionné en 1080) et peut-être Bussy.

À la fin de l’époque moderne, les paroisses de Rochefort, Albieux et Villedieu sont devenues les annexes de Saint-Laurent, Bussy et Sainte-Foy. Sous la Restauration, d’autres églises annexes ou prieurales obtiennent par contre le statut d’églises paroissiales : la carte des paroisses coïncide dès lors avec celle des communes. Ainsi, Cezay est détachée en 1821 d’Ailleux, dont elle était l’annexe depuis au moins le XVe siècle ; la paroisse de Leigneux (dont le prieuré dépendait de Trelins) est créée en 1829, celle de l’Hôpital-sous-Rochefort (qui dépendait de Saint-Laurent-Rochefort) en 1835. Le nom des communes reflète encore les anciennes divisions : Bussy-Albieux, Sainte-Foy-Saint-Sulpice, que l’on trouve parfois sous le nom de Sainte-Foy-lès-Villedieu, Saint-Laurent-Rochefort, etc. La seule commune qui ne soit pas également paroisse est Débats-Rivière-d’Orpra, rattachée à l’Hôpital-sous-Rochefort. À la fin du XIXe siècle, des chapelles sont reconstruites ou remises en activité pour satisfaire à l’augmentation du nombre de fidèles, et la plupart des églises sont agrandies : le culte est restauré à Saint-Sulpice en 1862, la chapelle de Villedieu est reconstruite en 1888 et une chapelle est bâtie en 1915 à l’emplacement de l’église de la Bouteresse, détruite en 1828.

Trois phases de construction d’églises dans le canton accompagnent ces étapes chronologiques qui correspondent à des périodes d’essor démographique et de stabilité politique : la première à l’époque romane, entre le milieu du XIe et le XIIe siècle (fondation des paroisses et prieurés), la deuxième à l’époque gothique, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle (fixation des chefs-lieux de paroisses), la dernière au XIXe siècle, entre les années 1860 et 1890 (renouveau du culte).

Villes et villages

Au début du Moyen Âge, les principaux bourgs se sont formés autour des châteaux, en particulier celui de Boën-sur-Lignon, qui jouissait de la protection des seigneurs de Couzan et d’une situation géographique remarquable, sur l’un des tracés du Grand chemin de Forez, à son croisement avec la route Lyon-Clermont ; la proximité de Montbrison au sud, de Feurs et Saint-Germain-Laval au nord freina cependant l’essor urbain de Boën-sur-Lignon et des villages environnants. Les prieurés, petits établissements de quelques moines seulement, favorisèrent l’implantation d’un maillage de petits bourgs secondaires dont l’importance resta limitée. La guerre de Cent Ans et les ravages des bandes d’« Anglois » et de routiers, mercenaires démobilisés après chaque traité de paix, provoquèrent la rénovation des châteaux et la mise en défense des prieurés et des bourgs : le régent Renaud, tuteur du comte Jean II, créa des capitaineries avec une garnison aux châteaux de Marcilly et de Bussy ; ces châteaux furent respectivement réparés en 1382 et 1368, celui de Boën-sur-Lignon avant 1381. Au XVe siècle, les villes se dotèrent de murailles pour se protéger des incursions de gens de guerre après la défaite d’Azincourt (1415) : Arthun, en 1438, Boën-sur-Lignon et l’Hôpital-sous-Rochefort dans les années 1440 (le duc-comte Charles de Bourbon autorise la construction de leurs fortifications en 1434 et 1439). La physionomie de ces villages se fixe alors durablement à l’intérieur du périmètre de leur enceinte qui subsiste jusqu’au début du XIXe siècle et dont la plupart conservent encore des vestiges. Les bourgs d’Arthun ou de l’Hôpital-sous-Rochefort sont ainsi organisés de part et d’autre d’une rue centrale traversant longitudinalement l’espace ovale délimité par l’enceinte.

Le Grand chemin de Forez, dont le tracé principal suit l’actuelle route départementale 8 jusqu’à la Brandisse (Marcilly-le-Châtel) puis bifurque vers le pont de la Bouteresse, traverse la région selon l’axe nord-sud. Dans le sens est-ouest, plusieurs chemins sillonnent le canton, l’un passant par Jullieu, Saint-Étienne-le-Molard, Sainte-Agathe, la Bouteresse et Boën-sur-Lignon ; l’autre venant de Saint-Clément (Montverdun) à Boën-sur-Lignon puis Leigneux, Culvé, L’Hôpital-sous-Rochefort. Les carrefours majeurs sont à Feurs et Montbrison, mais Boën-sur-Lignon a cependant bénéficié d’une certaine activité marchande, profitant des échanges commerciaux avec l’Auvergne : dans le mouvement général de création de foires aux XIVe-XVe siècles, deux sont instituées, le jeudi de la St-Andrieu et le Jeudi-Saint (puis le mardi précédent à partir du XVIIIe siècle). La foire de la Bouteresse, qui se tient encore aujourd’hui à la Saint-Mathieu (21 septembre), attestée dès 1409, bénéficie de sa position à un carrefour proche d’un pont, passerelle de bois qui est reconstruite en pierre vers 1310-1315 et restaurée en 1402-1409. Les foires se multiplient par la suite, en particulier au XIXe siècle, où chaque village, ou presque, a la sienne.

Définitivement rattaché à la couronne de France en 1532, au terme de la procédure qui suivit la mort sans héritier de son dernier comte, le connétable de Bourbon, le Forez fut rattaché à la généralité et au gouvernement du Lyonnais et Beaujolais, bailliage et élection de Montbrison. Le paysage politique se modifie alors en profondeur. Les alliances nouées par la féodalité s’effacent devant une nouvelle répartition du territoire. Les châteaux forts perdent leur rôle stratégique, tel Rochefort démantelé en 1596 et dont il ne reste qu’une porte fortifiée et l’ancienne église castrale et paroissiale. De nouvelles seigneuries aux mains d’une petite noblesse terrienne qui cumule charges et offices, deviennent prépondérantes : Goutelas, avec à sa tête le célèbre juge Jean Papon puis son fils Melchior, ou encore la Bastie d’Urfé où Claude d’Urfé fait l’acquisitions de nombreuses terres, moulins et fermes. La constitution de ces nouveaux domaines agricoles se prolonge jusqu’au XVIIIe siècle et s’accompagne, comme à Beauvoir vers 1780, de la reconstruction de la demeure au centre de l’exploitation. À la Révolution, le territoire correspondant à l’ancienne généralité du Lyonnais fut érigé en département de Rhône-et-Loire ; celui-ci fut scindé en 1793, lors de l’insurrection fédéraliste de Lyon. D’octobre 1793 à mai 1794, Boën-sur-Lignon devint un éphémère chef-lieu de district dans le nouveau département de la Loire, à la suite de la répression contre Montbrison qui avait soutenu les Fédérés. Après le retour des instances administratives et judiciaires dans cette ville, Boën-sur-Lignon redevint une étape sur la route Lyon-Clermont et le centre économique d’un petit territoire à vocation essentiellement agricole avant le développement relativement tardif d’activités industrielles.

4. Les ressources naturelles

La pêche

L’exploitation de la plaine du Forez remonte au XIIe siècle. La plupart des étangs, utilisés pour la pêche, sont aménagés par les comtes du Forez et quelques petits seigneurs. À contrario, peu de maisons religieuses en possèdent à cette époque : les prieurs de Montverdun sont cités vers 1230 pour les étangs d’Uzore (étangs du Roi), vraisemblablement les plus anciens. Plusieurs autres sont connus au XVe siècle : l’étang de l’Ormaie à Sainte-Foy-Saint-Sulpice (1487), l’étang de Sainte-Agathe (1427), l’étang Bailli à Boën-sur-Lignon (1426). Ils sont alors peu nombreux en raison de la difficulté à maîtriser leur approvisionnement en eau ; une réelle politique de drainage permet leur multiplication au XVIIIe siècle : on passe d’une cinquantaine à plus de 450 étangs, la pisciculture connaissant en parallèle un regain d’activité.

Il faut attendre le plan d’assèchement engagé en 1854 par le duc de Percigny, originaire de Crémeaux (Loire), pour assister à la suppression d’un bon nombre d’entre eux. Ainsi, le bassin du Vizézy, qui comprend les communes de Marcilly-le-Châtel et de Montverdun, perd plus de la moitié de ses étangs entre 1854 et 1890 et seul un tiers de ceux restants sont encore en eau aujourd’hui. Durant la même période, le bassin de l’Onzon (communes de Bussy-Albieux, Saint-Étienne-le-Molard, Ailleux, Sainte-Agathe-la-Bouteresse, Boën-sur-Lignon et Sainte-Foy-Saint-Sulpice) en perd seulement un tiers, dont 45 % ont été préservés.

Au début du XXe siècle, l’évolution des techniques hydrauliques et l’action de grands propriétaires terriens inventifs comme le comte de Neufbourg, qui contribue à l’évolution des techniques piscicoles par la sélection des espèces et l’amendement des eaux par apport de chaux et de phosphate, améliorent la pisciculture. Son développement s’accentue vers 1960 avec une modification des structures de production et une concentration de la commercialisation aux mains d’une seule société piscicole.

Aujourd’hui la majorité des étangs est aux mains de petits et moyens propriétaires et d’une dizaine de groupements fonciers (sociétés civiles immobilières). La pisciculture forézienne est actuellement une des premières en eaux closes au niveau national, avant la Sologne, la Brenne et la Dombes.

Ces étangs étaient complétés par des infrastructures attenantes mais le paysage forézien a perdu toute trace des moulins qui devaient utiliser les multiples fossés et biefs alimentant les plans d’eau, ainsi que des « loges », constructions destinées à héberger les maîtres des étangs et la main-d’œuvre qui surveillaient l’écoulement de l’eau au moment de la pêche. Seule la toponymie témoigne encore de leur existence (étang de la Loge, Sainte-Foy-Saint-Sulpice).

La vigne

L’exploitation viticole dans le Forez est signalée dans les textes dès 980. Le vignoble est cependant resté d’extension locale, morcelé et modeste jusqu’au XIXe siècle. Son développement pour la production de masse est commandé par l’expansion des débouchés régionaux consécutive à l’urbanisation, notamment dans le bassin houiller stéphanois dans la seconde moitié du XIXe siècle. La vigne s’étend alors grâce à la double initiative d’agriculteurs qui en font un complément de la polyculture traditionnelle et de grands exploitants qui constituent des domaines spécialisés.

Après cet essor, la viticulture connaît une grave crise due au phylloxéra (signalé sur la commune de Marcilly-le-Châtel dès 1892), à la concurrence accrue des vignobles du Sud, à l’exode rural et au glissement des vignes vers la plaine, privilégiant le rendement à l’excellence. Alors que le déclin semble irrémédiable, quelques exploitants orientent la viticulture vers la qualité, obtenant ainsi un label VDQS (vin de qualité supérieure) en 1956. L’AOC (appellation d’origine contrôlée) des Côtes du Forez vient couronner ces efforts en 2000. À ce jour, près de 200 adhérents livrent la totalité ou une partie de leur récolte à la cave coopérative de Trelins, construite en 1962 ; ils peuvent vinifier la partie restante pour leur consommation personnelle.

L’eau

La source d’eau gazeuse, alcaline, bicarbonatée et sodique de Sail-sous-Couzan est certainement connue depuis l’époque gallo-romaine ; ses vertus sont reconnues dès le XVIIe siècle mais elle n’est exploitée qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle tant pour le thermalisme, dans une petite station à la clientèle locale, que pour la vente en bouteille, qui constitue en revanche une activité florissante. Plusieurs sociétés sont fondées pour exploiter au fur et à mesure de leur découverte ou de leur tarissement les 14 points de captage de la source, situés dans un périmètre très restreint. Les usines d’embouteillage emploient alors plus de 200 ouvriers et profitent du passage de la voie ferrée, le long de laquelle sont construits des entrepôts, pour exporter leur production dans toute la France, jusqu’en Algérie et même à Buenos Aires. À la fin des années 1970, la majorité des entreprises périclite et ferme ; la dernière cesse son activité en 1993. Cependant, une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation a été déposée par la commune afin de reprendre l’embouteillage.

5. Un siècle d’industrie : Boën-sur-Lignon et Sail-sous-Couzan (1880-1980)

Dès les XVIIe et XVIIIe siècles, la bourgeoisie rubanière marchande acquiert de vastes propriétés immobilières en Forez. Plusieurs grandes familles, véritables « piliers » de l’élite stéphanoise au XIXe siècle, se retrouvent à la même époque à la direction d’entreprises ou de domaines dans le canton. Plus d’un industriel s’est ainsi retiré dans une maison de campagne sur les bords de la Loire pour y vendre son blé, son vin, ses récoltes. La possession d’un château, d’un domaine et si possible d’un haras, consacrent l’ascension sociale ; Hippolyte Sauzéa (1798-1883), fabricant de rubans, fait ainsi reconstruire la forteresse de Marcilly-le-Châtel. Si, à partir de la Restauration, le charbon devient la principale source d’énergie, dès 1890 l’électricité contribue à relancer l’industrie : elle permet l’électrification des métiers à tisser, ce qui rend plus performante l’industrie textile, et l’installation des usines à la campagne où la main-d’œuvre est moins coûteuse et plus docile. L’arrivée du chemin de fer, avec la ligne Clermont-Montbrison réalisée de 1869 à 1877, accentue cette délocalisation industrielle à la périphérie du bassin stéphanois, limitant de ce fait, pour certaines communes mi-urbaines, mi-rurales, les grands exodes ruraux et journaliers.

À Boën-sur-Lignon, Jean-Baptiste David de Sauzéa, issu d’une famille de notaires stéphanois, fait construire vers 1850 une usine textile au sud de la ville, au bord du Lignon. Ses nombreux ateliers se spécialisent soit dans le dévidage, soit dans le tissage de rubans et de velours. Un bief, aujourd’hui supprimé, alimentait alors les turbines nécessaires au fonctionnement des machines. L’usine cesse son activité vers 1945 et les locaux sont rachetés par l’entreprise Moizieux qui les revend à la commune de Boën-sur-Lignon en 1970. Aujourd’hui, il ne subsiste que trois ateliers, réutilisés en garages.

À Sail-sous-Couzan, Marcellin Giron, un riche industriel qui introduit en France la technique du velours Schappe, crée en 1889 une usine également installée en bordure d’un bief au lieu-dit le Pont.

Plus tard, au tout début du XXe siècle, à l’époque où la métallurgie supplante le textile, une usine de brides de raccord et de laminage, fondée par Moizieux et Gauchon, s’implante en bordure du Lignon et de la gare. La ville de Sail-sous-Couzan s’est également fortement développée aux XIXe et XXe siècles avec, outre l’usine Giron, l’exploitation des sources d’eau gazeuse et leur embouteillage, la carderie Bérard, une fabrique de palettes de bois et une entreprise de transport ; toutes ces entreprises ont disparu entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, laissant encore en place un important habitat ouvrier.

La population ouvrière de souche rurale de Boën-sur-Lignon et de ses environs est considérable jusqu’à la Seconde Guerre mondiale mais en dépit des efforts d’industrialisation, les activités du canton restent longtemps essentiellement agricoles. Le Pays d'Astrée présente aujourd'hui un tissu diversifié d'entreprises. Malgré la crise des années 80, le secteur métallurgique reste le premier employeur local avec près de 400 salariés suivi de près par l'industrie textile (230 emplois en 1990). Viennent ensuite les entreprises d'ameublement (216 emplois), de construction mécanique (168 emplois). Le secteur industriel représente ainsi au total plus de 1550 salariés.

6. La vie intellectuelle

Aux XVIe et XVIIe siècles, la vie littéraire et intellectuelle est particulièrement active dans un Forez par ailleurs sommeillant du fait de l’activité économique ralentie. Le juriste Jean Papon, né à Crozet vers 1500, mort en 1590 s’illustre par son œuvre de synthèse et d’explication du droit dans les Arrêts notables des cours souveraines de France et les Trois notaires, rédigé en français ; il est également l’auteur d’une description du Forez. Propriétaire du fief de Goutelas, il fait reconstruire le château (p. 32-34). Son fils Loys Papon (1535-1590), chanoine à Notre-Dame de Montbrison, est prieur de Marcilly en 1565. Il est l’auteur de poèmes et d’une pièce de théâtre, la Pastorelle, représentée en 1588 à Montbrison sur une scène pourvue d’un rideau et d’une rampe, dispositifs alors inédits.

L'Astrée

Honoré et Anne d'Urfé sont les petits-fils de Claude d'Urfé, proche de François Ier, à qui l’on doit la construction de la Bastie d’Urfé. Anne s'illustra avec la Description du Païs de Forez qui contient une multitude de précieuses indications sur le Forez au XVIIe siècle. Mais le plus célèbre est son frère Honoré, né en 1567 à Marseille, mort en 1625. Son œuvre, L'Astrée, est un roman pastoral dont l’action se déroule dans un Ve siècle inspiré par la culture celtique. Les héros y sont des bergers et des bergères de bonne éducation qui s'aiment et philosophent sur l'amour. Deux cents personnages se distribuent les rôles, dont Astrée et de Céladon, amoureux séparés par la haine que se vouent leurs familles respectives, Diane et Sylvandre, autre couple d'amoureux célèbres que le Destin menace de séparer, le druide Adamas et sa fille Alexis, le cruel chef de guerre Polémas qui convoite le Forez et la belle nymphe Galathée, enfin la reine du Forez, Amasis, mère de Galathée. Au terme de multiples péripéties qui sont autant de mises à l’épreuve morale des héros, Polémas meurt, le peuple célèbre le retour à la liberté, et l’amour pur triomphe. L’ouvrage de 5000 pages, en cinq parties, fut publié dix fois entre 1607 et 1614 (pour la première partie) : c’est dire l’extraordinaire accueil qui lui fut réservé. Vinrent ensuite vingt nouvelles éditions, dont deux complètes, en 1632. Le roman était lu dans les meilleurs salons de France et d’Allemagne, et il était de bon ton de connaître par cœur des morceaux choisis de cet ouvrage.

Honoré d’Urfé choisit comme décor les sites et édifices réels de cette région du Forez, plus ou moins transformés pour les besoins de la fiction. Le Lignon devient le lieu de nombreux événements : Céladon, désespéré, s’y jette, et les nymphes, dont Galathée, l’en retirent ; plus tard, il se résigne à vivre isolé dans une grotte sur ses rives. Le druide Adamas vit à Goutelas. Chrysante, la grande prêtresse du temple de la bonne déesse, est à Bonlieu. Cléontine est la gardienne de la caverne sacrée du pic de Montverdun. C’est aussi autour de ce pic que l’auteur imagine le processus géologique de transformation du site envahi par les mers à l’époque du roman. Certains événements se passent à Marcilly. La Fontaine de la Vérité d’Amour, plus difficile à localiser, pourrait être un étang du domaine de Combe. Certaines descriptions des jardins de la Bastie d’Urfé montrent combien leur auteur connaissait ces lieux où il grandit.

Dès l’édition de 1632 par Melchior Tavernier, l’ouvrage parut illustré par de douze planches, une par livre de la première partie du roman, dessinées et gravées par Daniel Rabel. De nouvelles gravures furent ensuite éditées, une centaine de 1610 à 1647, en raison du succès grandissant de l’ouvrage. On a tenté d’identifier les cadres d’architecture qu’elles figuraient, comme le Palais d’Isoure, au dessin peut-être inspiré du logis de Combe à Montverdun. Tout au long du XVIIe siècle, ces gravures servirent de modèle et ornèrent le mobilier et la vaisselle de faïence de la bonne société, très attachée à l’image de ses héros. La tapisserie était alors un élément de décor mural indispensable dans toute grande demeure : L’Astrée est le sujet le plus fréquemment représenté sur les 140 tapisseries répertoriées pour cette période. Mais, contrairement à la tradition qui voulait que l’on s’inspire de gravures déjà existantes, L’Astrée fit l’objet de créations nouvelles, sous forme de pièces isolées ou de tentures (suite de pièces) reprenant des épisodes du roman. Il semble que les commanditaires aient choisi eux-mêmes les scènes d’après leur lecture personnelle du roman.

Les personnalités locales

La dynastie d’architecte et de stucateurs Dal Gabbio, originaires de Riva Valdobbia au nord de l’Italie, s’est illustrée sur plusieurs chantiers importants du canton de Boën. Installé à Saint-Germain-Laval, Michel Ange (1711-1778) est connu pour avoir travaillé à la reconstruction de la modeste chapelle de Saint-Sulpice (Sainte-Foy-Saint-Sulpice) et surtout à l’embellissement du château de Goutelas. Ce chantier est repris par son neveu Jean Michel, dit Michel (1754-1823), qui reprend sa clientèle et l’élargit à la meilleure noblesse du canton. Formé en France (il a fait des études d’architecte à Dijon) ses réalisations mêlent les modèles français à des éléments italianisant. Il est l’auteur du château de Boën, et Beauvoir (Arthun), de la maison de plaisance du Clos (Bussy-Albieux), et peut-être de la demeure dite maison Cadore à Saint-Etienne-le-Molard. Mais le plus célèbre membre de la famille est son neveu Jean Michel (1798-1854), architecte-voyer de Saint-Etienne de 1818 à 1833, qui a pourvu la ville de son nouveau plan et de ses plus illustres édifices (voir généalogie en annexe).

Au XIXe siècle, le rayonnement de la Société savante de la Diana, à Montbrison, favorise l’activité d’érudits qui organisent fouilles et excursions dans le canton, comme Éleuthère Brassart (auteur des fouilles de la Grotte des Fées), Félix Thiollier, auteur d’une quarantaine de plaques photographiques de monuments du canton, et Vincent Durand (1831-1902 ; fig. 23, 24). Ce dernier réside à Domois, près d’Ailleux dont il est maire de 1874 à 1876. Il dessine alors des projets pour l’école et pour une croix (p. 90) de cette commune. Parcourant inlassablement le Forez, il rédige les textes relatifs au canton dans le Forez pittoresque et monumental publié en 1899 par Félix Thiollier ; ses notes et croquis sont déposés à la Diana. Le rôle joué par cette société savante dans la sauvegarde d'édifices d'intérêt patrimonial national est à souligner. Ainsi, en 1861, alors que Prosper Mérimée, l’un des premiers inspecteurs des Monuments historiques, déclinait la demande, faite par le duc de Cadore, de classement du château de la Bastie d'Urfé qui menaçait ruine, la Diana cherchait les moyens d’acquérir et de sauver l'édifice, ce qu'elle fit en 1909, malheureusement après qu’il eut été vidé de ses merveilles.

Dans les années 1930, Joanny Durand (Boën-sur-Lignon, 1886 - Sainte-Agathe-la-Bouteresse, 1956), sculpteur et graveur, réalise une série de monuments aux morts pour les communes de Boën-sur-Lignon, Cezay, Leigneux, Sainte-Agathe-la-Bouteresse, Sail-sous-Couzan et un projet pour l’Hôpital-sous-Rochefort. La plupart illustrent le thème classique du « Poilu » (sauf à Leigneux où il représente une famille paysanne éplorée), l’artiste ayant lui-même combattu dans les tranchées. À Boën-sur-Lignon et à Sail-sous-Couzan, le soldat de la guerre de 1914 est mis en parallèle avec les héros guerriers de l’histoire de France, Gaulois et chevaliers médiévaux, selon une iconographie originale et personnelle et un style aux volumes sobres et épurés aux compositions statiques mais empreintes d’un certain lyrisme.

Une dynamique culturelle originale

Au début des années 1960, le château de Goutelas est sauvé et restauré par des bénévoles ; il devient le siège d’un festival et accueille divers séminaires et manifestations. Peu après sont créées à Sail-sous-Couzan les « Estivades », représentations théâtrales qui furent données jusque dans les années 1980 dans les ruines du château, sous le patronage de Marcel Maréchal. Une série de sculptures monumentales, réalisées par les habitants de la commune sous la direction de divers artistes, témoigne encore dans le bourg de cette période d’effervescence artistique. Le Musée de la vigne, installé dans le château de Boën-sur-Lignon, est réaménagé en 2002, peu après la création de l’A.O.C. des Côtes du Forez.

Le canton de Boën et la commune de Sail-sous-Couzan font partie des 90 communes du Pays d’art et d’histoire du Forez Monts et Plaine, créé en 1998. Trois thématiques principales ont été définies dans la convention de ce pays : le paysage, le patrimoine rural et les savoir-faire.

  • Buste en hermès de Vincent Durand, vue d'ensemble. / Millefaut E. (sculpteur). Musée archéologique de la Diana Montbrison.

    Musée archéologique de la Diana Montbrison
  • Projet de maison d'habitation pour une exploitation rurale : plans coupes et élévation. / Durand, Vincent (dessinateur). Dessin au crayon et à la plume sur papier, échelle 1/100e, h. 21,7 x l. 16,8, limite 19e siècle 20e siècle. B Diana Montbrison, Fonds Vincent Durand (non classé).

    B Diana Montbrison : Fonds Vincent Durand (non classé)
  • Vitrines de céramiques gallo-romaines (provenant des communes de Trelins, Bussy-Albieux). / Musée archéologique de la Diana Montbrison.

    Musée archéologique de la Diana Montbrison
  • Projet de mairie-école. / Durand, Vincent (dessinateur). Dessin aquarellé sur papier, h. 30,3 x l. 39,6, limite 19e siècle 20e siècle. B Diana Montbrison, Fonds Vincent Durand [non classé].

    B Diana Montbrison : Fonds Vincent Durand [non classé]
  • Buste en hermès de Vincent Durand, vue rapprochée. / Millefaut E. (sculpteur). Musée archéologique de la Diana Montbrison.

    Musée archéologique de la Diana Montbrison
Date(s) d'enquête : 2001 - 2014 ; Date(s) de rédaction : 2005
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Guibaud Caroline
Guibaud Caroline

Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )

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