I. HISTORIQUE
Dès 1908, sous l'impulsion de son maire Edouard Herriot, la Ville de Lyon envisagea de bâtir des logements sociaux sur cette parcelle qui lui appartenait (PIERRON, t. 1, p. 11-12). Selon les termes de la loi Strauss (1906), la municipalité n'était pas habilitée à construire et à gérer des HBM. Elle fut donc à l'origine de la création de la Société anonyme démocratique des habitations hygiéniques à bon marché, en 1911 (PIERRON, t. 1, p. 12-13). Cette société lança aussitôt un concours pour la construction d'immeubles HBM. L'avis en parut dans la Construction Lyonnaise du 16 novembre 1911. C'est dans cette même revue que fut publié, le 1er mars 1912, le verdict rendu par le jury, dont Tony Garnier était membre en tant qu'architecte de la Ville. L'architecte Adolphe Schaeffer en fut le lauréat avec un projet intitulé "Où l'air et la lumière pénètrent, la maladie ne rentre jamais".
La construction se déroula en deux tranches : la première, qui comprenait le module donnant sur la rue Ravat (24-26, 32 rue Smith) et le premier corps de liaison (43 rue Smith), s'étala sur 1913 et le début de 1914 (AC Lyon, plan : 2 S 1119 ; article du Progrès, 01/02/1914), mais il fallut attendre 1930 pour que la deuxième tranche (34-36 rue Quivogne, 45-51 rue Smith) soit réalisée (PIERRON, t. 2, p. 176 sq).
Des équipements devaient être installés au rez-de-chaussée, notamment des lavoirs et des salles de bain (article du Progrès daté de 1912 reproduit par PIERRON, t. 1, p. 88). Il semble que l'idée en ait été abandonnée et que des commerces et des logements les aient remplacés (RIVET, p. 113).
II. DESCRIPTION
Le quartier du Confluent ayant une activité principalement industrielle et marchande, le besoin de logements destinés aux ouvriers et aux employés a logiquement appelé à l'implantation d'une cité HBM. Placé entre le cours Charlemagne et le quai Perrache, le groupe Quivogne est entouré d'immeubles ayant la même vocation de logement social, un peu à l'écart des usines et du Marché de gros. Enfin, une école se dresse face à lui, de l'autre côté de la rue Smith.
L'ensemble est formé de trois modules en H disposés dans la largeur de la parcelle et reliés par des corps plus petits. Les modules sont composés eux-mêmes de trois corps de bâtiment : deux sont rectangulaires et alignés sur les rues Smith (41, 45, 49) et Quivogne (32, 34, 36) ; le troisième, perpendiculaire, les relie. Les corps de liaison, alignés sur la rue Smith (43, 47, 51), ferment de ce côté les trois cours ménagées par ce dispositif (la plus au sud est fermée par l'immeuble du 17, cours Bayard, plus ancien). Une longue façade est ainsi réalisée sur la rue Smith, tandis que sur la rue Quivogne les bâtiments créent un alignement discontinu.
Les fondations de l'édifice sont en béton de gravier et les élévations en béton de mâchefer. Les toits, couverts en tuile mécanique, sont à longs pans avec croupe.
Les corps le long des rues ont cinq étages carrés, alors que les corps de liaison sur cour, placés entre eux, en ont six. La différence de hauteur entre leur rez-de-chaussée crée un décalage entre leurs étages. Cela permet la desserte des appartements par demi-étage grâce à des escaliers dans-oeuvre placés à la jonction de ces corps. Des ascenseurs installés au centre des cages d'escalier desservent les étages des bâtiments sur rue. Les corps de liaison sur la rue Smith (43, 47, 51) ont quatre étages carrés desservis par des escaliers demi-hors oeuvre : leur cage forme avant-corps sur la cour.
Les façades sont enduites et portent un décor géométrique ; réalisé en crépi sur les corps de bâtiment de la première tranche (32 rue Quivogne, 41-43 rue Smith), il y est encore bien visible. Il est en revanche presque totalement effacé sur ceux de la deuxième tranche où il a été simplement peint. Les encadrements des portes d'entrée des allées font appel a un décor plus développé : large moulure, arc en plein cintre avec agrafe ou encore corniche à consoles et modillons. Les angles saillants de tous les corps sont chanfreinés, généralement entre le premier et le dernier étage. Une grande baie en plein cintre placée au-dessus de l'entrée des corps alignés sur rue (32-36 rue Quivogne, 41, 45, 49 rue Smith) souligne le renfoncement dans lequel se trouvent les portes-fenêtres des paliers de ces corps.
Si la conception d'ensemble est restée identique entre les deux tranches, des différences sont visibles dans le détail. Ainsi, la façade du 43 rue Smith est au même nu que celles des 41 et 45, tandis que celles des 47 et 51 sont en saillie par rapport à leurs voisins ; l'avant-corps de ces 2 derniers bâtiments est à pans coupés alors que celui du 43 a seulement des angles chanfreinés aux étages ; les renfoncements à la jonction des corps formant les modules en H sont plus importants pour la première tranche que pour la deuxième ; les toitures ont été simplifiées ; l'immeuble sur cour des 32 rue Quivogne-41 rue Smith a trois loggias au dernier étage, tandis que les immeubles sur cour de la 2e tranche ont un balcon ; la façade sud du 32 rue Quivogne est à deux travées alors que les façades nord et sud des 34-36 sont aveugles, etc.
La cité Quivogne compte actuellement 162 logements de deux à quatre pièce, distribuées par un couloir latéral pour les 2 et 3 pièces, et par un couloir médian pour les 4 pièces (fig. 1).
III. CONCLUSION
Ce groupe HBM est le premier à avoir été construit à Lyon. Sa conception relève d'une sorte de compromis entre les préoccupations hygiénistes de l'époque (cour ouverte, pas de coursières, peu de portes par palier, un point d'eau par appartement...), la nécessité de construire à faible coût et la permanence des références à l'architecture académique perceptible dans le décor. Relèvent de ce souci esthétique principalement la différenciation nette du rez-de-chaussée par rapport aux autres niveaux, les avant-toits débordants et les portes d'entrée à décor rapporté en ciment moulé. En revanche, les jeux de décrochement entre les toitures, les angles chanfreinés ou les grandes baies en milieu de façade des grands corps alignés sur rue marquent la volonté d'introduire un vocabulaire plus moderne fondé essentiellement sur l'utilisation de volumes nettement découpés et d'un décor géométrique épuré.
De nombreux groupes HBM construits juste après celui-ci dans les années 20 et 30 ont repris les mêmes conceptions mais les ont poussées un peu plus avant dans la voie du modernisme architectural (par exemple le groupe Ravat, situé juste à côté du groupe Quivogne).