Jusqu´en 1887, le nord du quartier situé "derrière les voûtes" est desservi par la salle d´asile (terme remplacé au début des années 1880 par celui d´école maternelle) sise au numéro 5 du cours Charlemagne.
Mais à cette date, l´inspecteur d´Académie, craignant que le bail qui concerne cet immeuble ne soit renouvelé en raison de problèmes personnels du régisseur, demande à l´architecte en chef de la Ville "d´établir un plan comportant un premier étage s´il le faut pour une école maternelle de 150 élèves à édifier au lieu et place du gymnase de la rue Gilibert". Le terrain est en effet propriété de la Ville ; sous un hangar construit par un locataire exproprié pour défaut de paiement, un gymnase municipal est établi en 1882 avec un pavillon pour son directeur. Le devis de l´école dressé en 1886 par Abraham Hirsch, architecte en chef de la Ville, est approuvé par le Conseil municipal le 25 janvier 1887 ; les adjudicataires des travaux sont, le 26 février 1887, François Parot (57, rue Vendôme Lyon) pour les terrassements, la maçonnerie, la pierre de taille et le ciment, M. Faye (98, rue Rabelais) pour la charpente, Vve Jolivet et Valentin (16, rue Roquette) pour la menuiserie, Boyer (21, cours Charlemagne) pour la serrurerie, Poillot (29, rue des Capucins) pour la plâtrerie, la peinture et la vitrerie, Landier (3, rue Pierre-Corneille) pour la ferblanterie et la plomberie, Thibaud (12, rue Penthièvre) pour le service des eaux et du gaz. Le projet, approuvé par le Conseil municipal le 25 janvier 1887, prévoit la démolition d´une partie du mur de clôture sur rue, une construction en pisé de mâchefer, mais avec des piliers, crosses, lancis et liaisons en pierre de La Grive (38), les marches et seuils en pierre de Villebois (01), et une couverture en tuiles plates de Bourgogne ; il ne comporte qu´un rez-de-chaussée regroupant un préau-réfectoire, une salle d´exercices avec gradins provenant en partie de l´école du cours Charlemagne (où les enfants sont rassemblés pour les leçons collectives permettant ainsi au maître une surveillance facile de l´ensemble des élèves), une classe enfantine, une cuisine, un lavoir et sept WC desservis par une galerie couverte vitrée soutenue par des colonnes en fer. Le gymnase est conservé en fond de cour et des "réparations à la maison actuelle" [pavillon du directeur du gymnase] sont effectuées "à l´extérieur".
En avril 1887, la Ville négocie avec le régisseur de l´immeuble sis 8 cours Charlemagne pour obtenir un droit de passage afin de communiquer directement du cours Charlemagne au gymnase municipal et à la nouvelle école ; ce droit de passage entraîne la démolition de la loge de concierge.
Dès 1904, il est envisagé d´agrandir l´école. Il semble qu´entre temps l´installation d´une classe supplémentaire dans l´immeuble voisin ait été nécessaire ; or, ce dernier est appelé à disparaître. En 1907, les plans d´agrandissement sont dressés par l´architecte en chef de la Ville de Lyon Charles Monot (installé 10, rue Duhamel). Le devis estimatif, signé du même architecte et daté du 11 janvier 1908, concerne l´agrandissement du bâtiment sur rue, la transformation de l´école sur cour et l´établissement d´un passage couvert entre les deux. Les travaux de maçonnerie sont assurés par M. Peix (8 rue de la Lône), la menuiserie par l´entreprise Secret, la plomberie-zinguerie par l´entreprise Thomas (123, rue de Créqui) et la serrurerie par Perron. L´entrepreneur de "travaux en ciments en tous genres" A. Piquiaud, installé 159 cours Gambetta et spécialiste en rocailles, moulures et dallages, faux bois en ciment, décoration de façades, moulages artificiels, intervient en 1905, sans que l´on sache précisément de quelle façon. Il faut cependant attendre le 23 mars 1910 pour que se fasse la réception définitive des travaux par Jacquet, adjoint au maire, Meysson, architecte en chef de la Ville et Monot, directeur des travaux. Des événements de tous ordres retardent en effet sans cesse l´avancement des travaux et sont sources de tensions au sein du Conseil municipal : grève des terrassiers, difficulté des fondations pour lesquelles huit puits ont dû être forés à 8m 50, problèmes administratifs qui conduit à la retraite anticipée de Charles Monot, décès d´un entrepreneur adjudicataire ; le projet initial, "établi sur le principe de l´économie la plus rigoureuse", porte sur un agrandissement en pisé de mâchefer mais la Commission des groupes scolaires impose en cours de route un programme différent. Simplicité, solidité, règles de l´art, hygiène moderne deviennent les maîtres mots : les façades doivent être en pierre de taille, soit en placage soit à plein mur, le soubassement en pierre dure et le complément en pierre mi-dure, les étages en pierre blanche, les corniches en pierre dure ou mi-dure, les voûtes et murs intérieurs en maçonnerie de moellons, en béton ou en mâchefer ; le projet est donc transformé mais alors le Conseil municipal émet le voeu que les classes de l´école maternelle soient installées au rez-de-chaussée et non plus à l´étage : le projet est à nouveau remanié.
L´école maternelle de la rue Gilibert, telle qu´elle se présente aujourd´hui, est donc le fruit de ces deux grandes campagnes de travaux, l´agrandissement du début du XXe siècle portant sur la construction d´un corps de bâtiment sur rue s´élevant sur deux étages carrés à la place du pavillon du directeur du gymnase, la transformation du corps de bâtiment sur cour et la liaison des deux par l´établissement d´un passage couvert. Il n´est pas rare que les architectes, ayant à traiter avec ce type de bâtiment de proportions moindres que pour les écoles primaires, se soient attachés à donner aux écoles maternelles des façades de trois travées ou à décomposer des façades de six travées en deux groupes de trois, conférant ainsi un aspect moins imposant et moins sévère à des édifices conçus pour de très jeunes enfants. C´est le cas ici, la division en deux groupes de trois étant probablement due à l´implantation, en 1882, du pavillon du directeur du gymnase au nord-ouest de la parcelle qui détermine par la suite la disposition des nouveaux bâtiments. Seuls le vitrail éclairant l´entrée et les deux lavabos en marbre beige rosé apportent une touche de couleur à un édifice dont le décor est sobre voire inexistant. Un grand soin apporté à la construction caractérise néanmoins ce petit édifice.
On notera l´absence d´horloge.
Véronique BELLE