Maison, 111 rue Marietton Lyon 9e , dossier établi par Geneviève JOURDAN en 1987
DESCRIPTION
Situation, composition d'ensemble, parti de plan
Maison isolée, située au carrefour de la rue Marietton et de l'avenue Sidoine-Apollinaire et construite en bordure de la rue des Plâtriers (actuellement impasse). Elle est implantée sur un terrain en forte déclivité et donne, au sud et à l'ouest, sur une cour en contrebas. De plan rectangulaire irrégulier, elle présente sa largeur nord-est en élévation sur rue, à l'angle de l'avenue Sidoine-Apollinaire, l'ancienne façade principale étant à l'opposé, sur cour (sud-ouest) ; ses élévations latérales donnent sur l'impasse à l'est et sur la pente d'accès à la cour à l'ouest.
Structure
Maison double en profondeur, avec avant-corps formant porche au sud, de même largeur que le bâtiment mais plus bas. Elle comprend 4 niveaux : un sous-sol dans la partie sud seulement - , un étage de soubassement (dégagé au sud), un rez-de-chaussée surélevé et un étage en surcroît. L'escalier intérieur prend appui sur le mur de refend transversal montant de fond jusqu'au niveau du sol de l'étage en surcroît. En raison de la dénivellation, seuls 2 niveaux apparaissent en façade sur rue, tandis que 3 sont visibles sur la cour et sur l'impasse.
Matériaux
Construction en calcaire : pour le gros oeuvre et mur de refend, maçonnerie en blocage de moellons (quelques-uns taillés), galets, tuileau ; les murs de sous-sol sont bâtis en moellons équarris et galets inclinés à assises régulières alternées. Les murs extérieurs sont revêtus d'un crépi moucheté gris, laissant en réserve les embrasures des baies peintes en blanc ; le mur pignon sud est cimenté sauf les encadrements des ouvertures. Dans la partie nord, cloisons intérieures en pan de bois (couloir, escalier) et peut-être en briques pour les divisions plus récentes. Les cadres des baies sont en pierre de taille de calcaire, "pierre dorée" des monts du Lyonnais pour la partie sud, calcaire blanc ou coquillier (porte d'entrée ouest) pour la partie nord. Escalier en bois.
Toiture
Bâtiment couvert d'un toit à longs pans prolongé au nord par une croupe débordante au-dessus du mur pignon, formant avant-toit soutenu par deux aisseliers. Le porche, au sud, est abrité par un toit à deux versants sur charpente à fermes ; pignon couvert, fermé par un voligeage de planches ; planchers sur poutres et solives (comble perdu).
Couverture en tuiles creuses ; tuiles plates mécaniques sur la croupe.
Elévations
- Elévation nord-est, n°2 avenue Sidoine-Apollinaire
Mur pignon, 2 niveaux. A gauche, au rez-de-chaussée, porte rectangulaire surélevée (3 marches) : ancienne entrée de boutique, vitrage protégé par des ais ; à droite, fenêtre barlongue à contrevents et au 2e niveau, petite fenêtre rectangulaire vers l'angle.
-Elévation latérale est, rue des Plâtriers
Ce mur gouttereau présente un léger angle obtus après la première travée de gauche qui indique une reprise de construction à ce niveau. Pas de parti d'élévation.
Au premier niveau (étage de soubassement), une porte piétonne en arc segmentaire profilé en cavet est percée dans le mur du porche à gauche ; puis deux fenêtres rectangulaires de hauteur différente ; à droite, porte cochère rectangulaire.
Au deuxième niveau, quatre fenêtres rectangulaires de forme et de proportions inégales ; la première à gauche est identique à celle située au même aplomb au niveau inférieur ; la première à droite, qui avait un croisillon à l'origine (arasement visible sur les piédroits et au centre du linteau) conserve un appui en tore.
Au troisième niveau (étage en surcroît), quatre petites fenêtres rectangulaires.
-Elévation latérale ouest
Bien que la maison soit adressée au 111 rue Marietton, cette façade ne donne pas directement sur la rue. C'est la façade où se situe l'entrée principale actuelle. Ici encore, pas de parti de composition, les baies étant toutes dissemblables, sauf trois fenêtres de l'étage en surcroît.
Trois niveaux, le premier en pente vers le sud. Dans l'étage de soubassement, deux jours horizontaux à gauche, puis, en contrebas, porte d'entrée précédée d'un degré rectangulaire rentrant ; cadre rectangulaire en bandeau de calcaire coquillier. A droite, fenêtre en pierre dorée à croisée, sans mouluration, dégagée au niveau du sol par un petit fossé. Au deuxième niveau, quatre fenêtres barlongues, dont une à traverse et une au même aplomb que la fenêtre à croisée, à droite. Quatre fenêtres plus petites au troisième niveau.
- Elévation sud sur la cour
Porche
La présence du porche à loggia adossé au mur pignon indique qu'il s'agit de la façade principale d'origine. Le premier niveau du porche est fermé par des murs latéraux (dans celui de gauche, porte cintrée ouvrant sur la rue des Plâtriers) et un mur bahut de façade bordant la galerie accessible par une courte volée. Deux colonnettes monolithes (actuellement déposées) placées sur le mur bahut soutiennent la sablière de plancher de la loggia, plancher à solives apparentes.
Au deuxième niveau, la loggia, ouverte sur trois côtés, est bordée d'un garde-corps maçonné couronné de dalles d'appui en pierre dorée (déposées) ; quatre colonnettes monolithes supportaient la charpente (déposées). Celles-ci diffèrent de celles du bas à chapiteaux et bases cubiques par leurs bases prismatiques et leurs chapiteaux toscans, à gorgerin orné de feuilles en bas-reliefs. Les colonnettes sont maintenant remplacées par des poteaux.
Mur pignon
La partie supérieure (correspondant à l'étage en surcroît) est aveugle. Sous le porche, composition de façade répétitive aux deux niveaux : grande fenêtre à croisée associée à une porte piétonne latérale, dont la hauteur n'excède pas la traverse de la fenêtre. Au premier niveau s'ajoute, à gauche, une porte secondaire à linteau de bois. Les cadres des baies sont en pierre dorée et si leur forme est semblable, leur mouluration varie d'un niveau à l'autre : corniche moulurée, chambranle à fasces, croisillon à feuillure pour la fenêtre du bas, cadre de la porte profilée en quart de rond entre filets, double linteau creusé d'une niche et corniche moulurée ; en haut, fenêtre avec corniche et impostes moulurées, cadre et croisillon à feuillure, porte encadrée de pilastres nus à impostes et bases moulurées situées à hauteur du mur d'appui.
Distribution intérieure
-Sous-sol
Il occupe environ le tiers sud du bâtiment. Sous le porche, la porte de droite ouvre directement sur un escalier droit maçonné descendant à la cave : pièce sensiblement carrée, limitée au nord par le mur de refend et couverte d'un plancher sur poutres.
-Etage de soubassement
Il est accessible par le porche, dont les deux portes donnent sur une pièce de mêmes dimensions que la cave. Cette salle est ajourée par trois grandes fenêtres (deux à croisées) garnies de vitraux en plomb (vitrerie incolore) ; sol carrelé (réfection), plafond à solives sur trois poutres moulurées. Contre le mur droit, descente de cave. Contre le mur gauche, évier d'angle en pierre, et cheminée à linteau de bois sur piédroits à colonnettes qui se prolongent en consoles profilées en boudin ; sur la hotte (refaite), pierre en remploi portant un blason en bas-relief (parti et bande) non identifié. Une pierre décorée, déposée sous le porche, pourrait être le contrecoeur de cette cheminée. Dans le mur de refend, niche au centre (ancienne porte murée) et, à droite, porte rectangulaire ouvrant sur la remise dont le sol est à un niveau inférieur (trois marches) ; au revers, cette porte a ses piédroits adoucis et un linteau en remploi. La remise est une ancienne écurie (râtelier contre le mur gauche et abreuvoir en pierre près de la porte cochère) qui ouvre sur la rue des Plâtriers. Elle est couverte d'un plancher sur poutres, sol en terre battue ; cage d'escalier en bois, fermée, contre le mur sud, limon soutenu par un poteau. Cet étage ne communique pas avec le rez-de-chaussée surélevé.
-Rez-de-chaussée surélevé
On y accède soit de plain-pied par la porte nord, soit par l'entrée ouest qui ouvre sur un escalier droit en bois appuyé au mur de refend à droite, cage fermée à gauche par une cloison à pan de bois.
Le palier est éclairé sur l'impasse par une petite fenêtre à soffite légèrement concave. A droite, une porte à montant droit adouci, en pierre dorée comme la fenêtre, est couverte d'un linteau profilé en cavet dont le soffite concave suit la courbe de la retombée d'angle : ces détails révèlent que la cage d'escalier d'origine était de plan circulaire ou dérivé du cercle. La porte ouvre sur une salle ajourée à l'est et à l'ouest par deux grandes baies en pierre dorée et au sud par la fenêtre à croisée avec porte latérale qui donne sur la loggia. Contre le mur nord, pierre d'évier (remploi ?) et cheminée sans linteau à piédroits galbés ornés de deux cannelures rudentées ; le linteau déposé sous le porche, décoré de cannelures et de rosaces, appartient très certainement à cette cheminée. Sol refait (carrelage), plafond à solives apparentes et poutres moulurées. Cette pièce est de mêmes dimensions que la salle inférieure.
Le palier fait retour à gauche sur un couloir carrelé parallèle à la volée d'escalier et fermé par une cloison à pan de bois ; il communique avec l'appartement de quatre pièces séparées par des cloisons qui occupe la partie nord ; cet appartement a une entrée indépendante sur le carrefour.
-Etage en surcroît
Une volée droite, superposée à la première, conduit à l'étage en surcroît qui contient un petit logement au sud, aménagé derrière le mur de refend (deux pièces et alcôve plafonnées) et trois pièces au nord. L'escalier, bordé d'une balustrade en bois (contemporaine) débouche à gauche dans l'une d'elles ; contre le mur ouest, près de la fenêtre, une cheminée à piédroits de pierre galbés en talon, vraisemblablement en remploi : leur face présente une mouluration à modénature accentuée (cavet, baguette, canal, réglet) ; hotte et contrecoeur refaits, linteau disparu. La cloison nord (pan de bois) isole deux chambres plafonnées.
CONCLUSION
Dans son apparence actuelle, cette maison a perdu tout caractère architectural. Les différentes campagnes de construction dont elle a fait l'objet se lisent pourtant assez aisément.
La partie la plus ancienne, au sud, comprend le porche et environ un tiers du bâtiment jusqu'au mur de refend qui était alors l'élévation postérieure. Le niveau du sol extérieur, qui subsiste dans son état primitif sur la rue des Plâtriers, s'est considérablement exhaussé pour les besoins de la voirie au nord, mais aussi du côté de la cour : le porche devait être de plain-pied et la croisée du premier niveau à l'ouest n'était pas, comme aujourd'hui, à demi enterrée. Malgré l'adjonction d'un étage, la suppression du croisillon des baies latérales au deuxième niveau et les détériorations récentes (enlèvement des colonnes et des linteaux de cheminée), ce corps est resté relativement homogène. Il se compose du porche à loggia et de deux logis superposés qui conservent leur volume et leur structure d'origine : baies, plafonds à la française, cheminées, éviers. Ces éléments archéologiques, notamment la modénature simple des ouvertures plus proche du classicisme que de la Renaissance, permettent de dater la construction du tout début du XVIIe siècle ; le décor des colonnes reste sobre, voire archaïque pour celles du premier niveau, de même le profil des piédroits de la cheminée ; la cheminée de la salle supérieure montre une ornementation plus classique.
Le deuxième niveau correspondait à un étage carré, auquel on accédait par un escalier en vis dans une cage hors oeuvre (ou demi hors oeuvre) située à l'angle nord-est. Sa destruction date probablement de l'époque de la construction de la partie nord-ouest, mais sa trace est visible à l'intérieur (courbe de la porte palière).
Il est d'ailleurs assez probable que la maison d'origine ne se limitait pas à la partie conservée mais qu'elle adoptait un plan en L : dans ce cas, l'escalier, placé dans l'angle interne des deux corps, distribuait une aile en retour au nord-est contenant une dépendance au rez-de-chaussée (agrandie et remaniée depuis) et une pièce au-dessus ; la fenêtre sur la rue des Plâtriers en serait un vestige : son style (appui, trace de croisillon) appartient au XVIIe siècle et ses proportions sont semblables à celles des baies de la partie sud. La cheminée en remploi dans l'étage en surcroît qui, de toute évidence, n'est pas à sa place, pourrait éventuellement provenir de cette pièce.
L'adjonction de la partie nord-ouest, avec boutique en front de rue, et la surélévation du bâtiment, excepté du porche, n'est pas antérieure au XIXe siècle. En l'absence de documentation et de recherches d'archives, il est difficile de dater avec précision cette deuxième campagne de construction. Aucun élément architectural n'est caractéristique d'une époque, si ce n'est les appuis de fenêtre bouchardés à arêtes vives, fréquents dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe. Le contraste avec la partie ancienne est frappant : pas de parti de façade, pauvreté des matériaux ; l'escalier en bois, sommaire, est de type rural. La boutique a été supprimée à la suite d'un réaménagement intérieur de la partie nord (dans les années 1940-1950 ?). La rénovation de l'étage en surcroît est plus récente. Le corps ancien, qui a subi un début de restauration, suivi de dégradations, est totalement englobé dans le bâtiment postérieur, sans cachet, uniformisé par un crépi disgracieux et sombre. De maison de campagne plaisante, cette bâtisse est devenue une banale maison de faubourg.