HISTORIQUE
Quelques années avant la Révolution, en 1785, un projet de grande route allant de Besançon à Grenoble par le Bugey est à l'étude. Cette route franchirait le Rhône à Cordon, où un pont serait construit. Le Bugey participerait à la dépense pour 10 000 livres. Mais les événements qui suivirent mirent fin à l'entreprise (COGOLUENHE, livre 2, p. 95 ; BROCARD, p. 101).
En 1831, le directeur des Ponts et Chaussées souhaite établir un pont suspendu à péage au passage de Cordon (AD Isère, 7093W 78).
Le 24 mai 1834, un rapport de l´ingénieur en chef de l´Isère (Croset?) proposait la construction d´un pont suspendu sur le Rhône à Cordon, en remplacement du bac qui assurait toujours la traversée du fleuve. Mais ce rapport n'est pas assez clair pour le préfet de l'Ain, qui met en avant des problèmes financiers, estimant que la participation des communes est trop grande par rapport à celle de l´Etat (respectivement 2/3 et 1/3) (AD Ain, 2S 114).
Un projet d´établissement d´un pont suspendu sur le Rhône à Cordon est en cours en 1835 (AD Isère, 1S 4/9).
Il s'agit sans doute du projet mentionné en février 1836, dans un courrier au directeur général des Ponts et Chaussées, dressé par l'ingénieur Berthier, en remplacement du bac de Cordon (AD Ain, 2S 114).
En septembre 1836, l´ingénieur Berthier explique à l´ingénieur en chef qu´il ne peut pas lui envoyer le travail qu´il doit fournir pour le pont de Cordon avant que le commandant du Génie militaire n'ait achevé ses opérations et levé le grand plan nivelé qu´il est chargé de produire pour les deux rives du Rhône (idem).
Le 28 janvier 1838, une ordonnance autorise l'établissement d'un pont suspendu à Cordon (Annales des Ponts et Chaussées, 1838, p. 301 ; BROCARD, p. 101).
Le 2 mai 1838, est dressé le procès-verbal d´adjudication de la construction du pont suspendu de Cordon, au profit d'Etienne Guercy, propriétaire à Bordeaux, et Adolphe Boulland, ingénieur civil à Paris. Les adjudicataires obtiennent la concession d´un péage durant 59 ans, 11 mois et une subvention de l'Etat de 62 000 F (AD Ain, 2S 114 ; Annales des Ponts et Chaussées, 1838, p. 305 et 306 ; BROCARD, p. 101 parle par erreur du 2 mars).
Cette adjudication a été définitivement homologuée par le ministre le 26 mai 1838 (Annales des Ponts et Chaussées, 1838, p. 306).
Il est stipulé au cahier des charges, que les adjudicataires s´engagent à faire les travaux de construction dans un délai de deux ans.
Le pont sera établi perpendiculairement au cours du fleuve entre le hameau du Molard (Ain) et le village de Saint-Didier (Isère). La longueur du débouché entre les culées sera de 160 m au moins ; la largeur du passage entre les faces intérieures des garde-corps sera de 5,50 m, sans trottoirs ; il sera établi contre les garde-corps de simples heurtoirs en bois pour les préserver du choc des voitures. La face inférieure du tablier sera élevée au milieu du pavé de 4 m au-dessus des plus grandes eaux repérées à 35 cm en contrebas du seuil de la baraque des douanes, sur le territoire de l´Isère. Les adjudicataires placeront à leurs frais, le long de la partie du pont qui se trouvera en amont du Rhône, trois potences en fer, munies de réverbères, qui projèteront leur lumière sur le fleuve et resteront affectées au service des douanes (AD Ain, 2S 114 ; Annales des Ponts et Chaussées, 1838, p. 303).
Le 7 février 1839, dans un courrier l'ingénieur en chef de l´Ain, O´Brien, indique au sieur Boulland, concessionnaire du pont, que le Directeur Général a approuvé son projet sous la réserve des modifications suivantes : 1°. la direction du pont et de ses abords, la formation des levées et leurs revêtements en perrés, seront entièrement et en tout conformes aux dispositions du cahier des charges approuvé par l´ordonnance royale du 28 janvier 1838 ; le nombre des fils de chaque câble de suspension sera de 562 et celui des câbles d´amarre de 294 ; chaque fil de fer devant peser 60 grammes par mètre courant (AD Ain, 2S 538 : Restauration du pont suspendu).
Les constructeurs ont respecté le délai puisque, par arrêté du 29 janvier 1840, le pont de Cordon est livré à la circulation (BROCARD, p. 101 ; pour KIRCHNER, p. 8, la mise en service date de 1839), après qu'ait été dressé le procès-verbal de réception et d´épreuve deux jours auparavant, le 27 janvier 1840, au profit des concessionnaires (AD Rhône, 3959W 1745).
Le 17 février 1840, le conducteur des Ponts et Chaussées, Marchand, procède à la réception des travaux pour la construction des levées aux abords du pont (AD Ain, 2S 114).
En octobre 1840, des bateliers se plaignent à la Compagnie des bateaux à vapeur du Rhône que le tablier du pont de Cordon est trop bas et que des vis sont suffisamment longues pour endommager les cheminées de leurs bateaux. Les éléments trop longs sont consécutivement coupés (idem).
En 1841, à la suite des inondations, le gouvernement accorde des crédits au profit des ponts suspendus construits sur le Rhône et sur la Saône qui ont particulièrement souffert, parmi lesquels on compte le pont suspendu de Cordon (AD Ain, 2S 86).
Le 10 juillet 1848, dans un courrier au préfet, l´ingénieur en chef Meynard lui demande son avis sur une lettre par laquelle Guercy, concessionnaire du pont, sollicite l´exécution de travaux de défense destinés à protéger la levée gauche du pont des attaques du fleuve. Guercy avait obtenu une promesse de crédits de la part de son prédécesseur, O'Brien, pour entreprendre d´urgence les travaux aux abords du pont mais le ministère des travaux publics, pour des raisons financières, n´avait pas suivi et l´ingénieur en chef Meynard (successeur d´O´Brien) ne souhaite pas donner une suite favorable (AD Ain, 2S 114).
Lors d'une visite de l'ouvrage en 1849, l'état des fondations des culées ainsi que celui des divers systèmes de suspension et du tablier est jugé très satisfaisant "en tout et sous tous les rapports" (AD Ain, 2S 86).
Dans une lettre de l´ingénieur en chef de l´Ain à l´administration des Ponts et Chaussées du département, datée du 11 juin 1852, on apprend que des procès-verbaux ont été dressés par des gendarmes de Cordon à la suite de dégâts (rupture de poutrelles) causés au pont par le passage de voitures trop chargées (poids brut de 5636 kg pour l'une d'elles) (AD Ain, 2S 114).
Dans un courrier du 8 août 1853, l´ingénieur en chef de l´Ain informe le préfet que les amarres du pont de Cordon sont en fils de fer et qu´elles n´ont pas pu être visitées sur toute leur étendue. Il demande qu´elles soient soumises à l´épreuve prescrite dans le cahier des charges (idem).
Le 9 octobre 1853, le concessionnaire du pont Boulland assure au préfet le "bon état de toutes les parties visibles du pont" (idem).
Le 11 novembre 1853 est fait état des frais et honoraires dus à l´ingénieur de l´arrondissement de l´Est, un certain Bernard, et à l´un de ses employés, pour l´épreuve du pont suspendu de Cordon (idem). Cette épreuve a dû avoir lieu dans le courant de l'année.
Dans son rapport, établi le 24 novembre 1856 suite à la visite annuelle de l'ouvrage, l´ingénieur ordinaire reconnaît :
"1°. que les câbles de retenue et de suspension sont en bon état de conservation tant à l´intérieur qu´à l´extérieur et que les axes d´amarres présentent des traces d´oxydation assez nombreuses mais légères ;
2°. que le platelage de la voie charretière est usé et demande une réparation d´ensemble, que la lisse supérieure du garde-corps et les longrines sont généralement en mauvais état et demandent à être remplacées ; que les autres parties de la charpente sont en bon état ;
3°. que les maçonneries n´ont subi aucune altération ; que les fondations des culées sont suffisamment défendues, mais qu´il est nécessaire de recharger les enrochements de la pile ;
4°. que la présence des câbles et des garde-corps a besoin d´être renouvelée...".
En conséquence, des travaux vont être exécutés dans un délai de trois mois pour le remettre en état. L´ingénieur en chef souligne que ces travaux ne demandent pas une intervention d´urgence mais qu´il y aura procès s´ils ne sont pas exécutés dans les six mois (idem).
L´Etat rachète la concession du pont en 1868 (AD Ain, 2S 538).
Selon Brocard, il s'agit de 1867, pour la somme 48 000 F (BROCARD, p. 102).
Le 23 janvier 1875 est dressé un plan relatif à un projet de restauration et de modification du système de retenue des amarres.
De même un plan de réparation de la pile, du tablier et des bâtiments aux abords est effectué le 21 mai 1888 (AD Ain, 2S 538).
Le 11 novembre 1894 sont établis un devis et un cahier des charges pour travaux de restauration.
Ces travaux consistent à remplacer intégralement les câbles de retenue et de suspension du pont par des câbles amovibles en acier du système dit "tordus alternatifs" ; à établir des câbles obliques pour assurer la rigidité du tablier ; à relever la courbe des câbles suspenseurs, de manière qu´au point le plus bas de la courbe des nouveaux câbles les nouvelles poutrelles puissent être supportées par des tiges de suspension ; à remplacer les tiges à suspension en fils de fer par des tiges en fer rond, suivant le système amovible ; à relever les points d´attache à la pile afin de les mettre hors d´atteinte des crues moyennes du Rhône ; à remplacer intégralement les poutrelles en bois par des poutrelles armées en acier du système Arnodin ; à contreventer le tablier au moyen de deux longrines de rive en acier et d´une sous-longrine dans l´axe du pont ; à établir un garde-corps métallique disposé de manière qu´il puisse concourir à la rigidité du tablier.
Ces modifications comportent la réfection totale des madriers du tablier, de la voie charretière et des bandes latérales ; l´exhaussement en pierre de taille des piliers surmontant les culées, et la pose de blocs d´amarrage également en pierre de taille dans les chambres des culées ; la réfection ou la réparation des chapes des culées, les rejointoiements des parements des fondations de ces ouvrages, du côté du Rhône, et des murs des chambres d´amarrage ; l´établissement de deux entrées latérales pour accéder avec facilité dans ces chambres ; les buchements et percements de pierre de taille.
Ce projet est dressé par F. Arnodin (idem : Restauration du pont suspendu de Cordon).
Le 11 novembre 1894, dans son rapport, l´ingénieur ordinaire rappelle qu´il a signalé des avaries et des déformations dans les parties métalliques du pont et qu´il a fait connaître qu´un projet était à l´étude pour la réparation de cet ouvrage.
Ce dernier se compose de deux travées solidaires de 80 m d´ouverture chacune, supportées par une pile et deux culées ; il est à deux voies et a une largeur de 5,50 m entre gardes-corps. La pile, d´aspect monumental, a une hauteur de 14,80 m depuis sa base jusqu´au sommet des créneaux qui la couronnent. Son épaisseur au niveau du tablier est de 6,50 m suivant l´axe longitudinal du pont et de 7 m transversalement, non comprise la saillie des tours. Elle est protégée contre les affouillements du Rhône par un solide massif d´enrochements. Ses parements sont en pierre de taille au-dessous du tablier et en moellons d´appareil dans le surplus de l´élévation. L´ouvrage lui semble d´une très grande solidité (idem).
Les travaux de restauration du pont ont été confiés à Ferdinand Arnodin (marché de 1895-1896) pour la somme de 159 000.98 F, comme indiqué dans sa soumission (AD Ain, 2S 98).
Le pont de Cordon est détruit en juin 1940, par fait de guerre.
Un pont provisoire est mis en place pour s'y substituer (KIRCHNER, p. 11 ; BROCARD, p. 102).
Dans un rapport du 13 octobre 1947, présentant le nouveau projet de pont à établir sur le Rhône à Cordon, pour supporter la R.N. 92 de Valence à Genève, l´ingénieur en chef de l´Ain rappelle que l'ancien ouvrage qu'il doit remplacer, détruit en 1940, était un pont suspendu à deux travées de 79,90 m, qui ne satisfaisait plus aux exigences de la circulation (AD Rhône, 3959W 1745).