Dossier d’œuvre architecture IA03000594 | Réalisé par
Laurent Christophe (Contributeur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération ponctuelle, Patrimoine XXe siècle
L'aérogare de Vichy-Charmeil
Œuvre monographiée
Auteur
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton aire d'étude de la région Auvergne-Rhône-Alpes
  • Commune Charmeil
  • Adresse rue de l' aéroport
  • Cadastre 2021 AA 69
  • Précisions

Résumé chronologique :

1949-1954 : projet, conception et construction d’une piste d’atterrissage souple d’une longueur de 1 600 mètres et des installations techniques

1954-1956 : conception et construction de l’aérogare ; mise en service vers juin 1956

1961 : prolongement de la piste à une longueur de 2 200 mètres

Historique

Le 21 août 1954, l’inauguration de la piste de l’aéroport de Vichy-Charmeil donna lieu à un grand meeting national de l’Air. Mais à cette date, les bâtiments définitifs de l’aéroport n’étaient pas encore sortis de terre : ils furent construits en 1955-1956. L’aérogare elle-même entra en service vers la fin du mois de juin 1956[1].

Les débuts de l’aviation à Vichy remontent à 1909. Fraîchement créé, l’Aéro-club de Vichy organisa du 18 au 25 juillet 1909 un premier meeting aérien. La manifestation se déroula à Abrest, au sud de la cité thermale, sur un terrain sommairement aménagé au bord de l’Allier.

À la fin des années 1920, le développement de l’aviation de loisirs et du transport aérien de passagers incita la commune de Vichy à créer un véritable aéroport. Un vaste terrain fut choisi au nord de la ville, sur la rive droite de l’Allier, dans un méandre de la rivière. Une piste engazonnée fut mise en service le 15 septembre 1929 à l’occasion d’un meeting aérien. Au cours des années 1930, l’aéroport (nommé Vichy-Rhue) prit de l’importance avec la construction d’une piste en béton armé de 800 mètres de longueur. Des hangars en béton armé et une aérogare – inaugurés le 21 août 1938 – complétèrent son équipement[2]. Toutefois, en août 1944, seulement six ans après l’achèvement de ces bâtiments, l’armée allemande en retraite détruisit toutes les installations.

Dans l’immédiat après guerre, la piste fut réparée et des hangars en structure légère furent montés. Mais le retour des curistes, en particulier ceux résidant en Afrique du nord et dans les autres colonies françaises, relança la nécessité pour Vichy d’avoir un aéroport de niveau national. Le 13 mai 1947, le conseil municipal vichyssois examina un avant-projet élaboré par le directeur des services techniques de la ville[3]. Il s’agissait de rejeter l’Allier dans son ancien lit à l’est de la piste de Vichy-Rhue afin de pouvoir prolonger cette dernière. Une piste plus longue était en effet indispensable pour les avions de plus gros tonnage.

Diverses réflexions et études furent menées en 1948 et 1949, tant au niveau du ministère des Travaux publics, des Transports et du Tourisme qu’au sein des services des Ponts et Chaussés et de la municipalité vichyssoise[4]. Peu à peu, l’idée germa d’implanter un nouvel aéroport sur la rive gauche de l’Allier, à l’ouest de Vichy-Rhue, sur les communes de Charmeil et Saint-Rémy-de-Rollat[5]. Cerné par le méandre de l’Allier et la voie ferrée Paris-Clermont-Ferrand, le site de Vichy-Rhue se prêtait mal à une extension suffisante de la piste existante.

L’élection, le 20 août 1950, de Pierre Coulon à la tête de la municipalité de Vichy précipita la concrétisation du projet. Très dynamique, Pierre Coulon[6] engagea un ambitieux programme d’investissements. Il s’agissait de diversifier l’activité économique de la ville notamment par la création d’équipements liés aux sports et aux loisirs nautiques. Le thermalisme, qui connaissait un nouvel âge d’or, n’était pour autant pas négligé.

Le projet de construction de l’« aérodrome municipal de Vichy-Charmeil » fut finalement examiné lors du conseil municipal du 16 octobre 1950. En préambule, le rapporteur rappela que la ville avait déjà élaboré quatre projets d’extension de l’aérodrome de Vichy-Rhue. Les trois premiers avaient été repoussés par le ministère des Travaux publics, des Transports et du Tourisme car ils étaient « inacceptables du point de vue aéronautique ». Une quatrième étude, présentée le 28 juillet 1949 par les services techniques de la ville, comportait un vaste plan d’ensemble. Comme pour le projet de 1947, il s’agissait de faire passer l’Allier à l’est de la piste existante (et non plus à l’ouest). Se retrouvant ainsi en rive gauche, la piste pourrait être prolongée jusqu’à 2 100 mètres de longueur. D’autre part, le projet prévoyait la construction d’un barrage au nord de l’aéroport (c’est-à-dire en aval), à hauteur du pont de chemin de fer de Saint-Germain-des-Fossés à Gannat, ceci afin de créer un plan d’eau destiné entre autres à l’organisation d’un bassin nautique[7]. Mais évidemment, le coût d’une telle réalisation s’avérait beaucoup trop élevé pour les ressources de la ville.

Considérant que le ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme avait donné son accord, « par décision du 4 mai 1950, à la réalisation d’une première tranche de travaux, comprenant l’exécution d’un tronçon de piste de 1 300 mètres et l’acquisition des terrains nécessaires », la majorité municipale décida le 16 octobre 1950 de créer le nouvel aérodrome sur la rive gauche, sans lien avec Vichy-Rhue. Le montant des travaux fut estimé à 222 millions de francs, dont 50 millions pour la construction d’une aérogare. Ces dépenses devaient être couvertes par des emprunts souscrits par la ville et par le paiement des dommages de guerre (estimés à 76 millions de francs). Le conseil municipal donna également son aval à la poursuite des démarches en vue de la déclaration d’utilité publique du projet et de l’acquisition par voie d’expropriation des propriétés.

Bien que voulu et commandé par la municipalité vichyssoise, le projet d’aéroport s’inscrivit dans un programme d’ampleur national porté par l’État français. En 1946, à partir d’études engagées cinq ans plus tôt, un premier Plan d’équipement de l’infrastructure aéronautique française fut élaboré[8]. Il s’agissait de planifier la création des installations susceptibles de répondre aux perspectives d’essor du transport aérien. Le plan prévoyait un maillage du territoire par des aéroports classés en quatre catégories ou classes (A, B, C et D). Ces catégories (validées en 1948 dans une Instruction sur l’aménagement des bases et des routes aériennes[9]) correspondaient en particulier aux longueurs des pistes (« minimales, maximales et optimales »), lesquelles déterminaient le tonnage des avions qu’elles pouvaient accueillir et donc les types d’activités de l’aéroport, de la simple aviation de tourisme jusqu’aux liaisons internationales régulières.

De 1950 à 1953, le projet de l’aéroport de Vichy-Charmeil connut plusieurs versions avec pour principal enjeu son classement en catégorie B ou en catégorie C. La catégorie C correspondait aux aéroports pour le transport à la demande (travail, taxi, grand tourisme) susceptibles d’accueillir des avions d’un poids maximal de 20 tonnes, la catégorie B au transport régulier avec des avions pesant jusqu’à 60 tonnes. Le caractère principalement saisonnier du trafic envisagé (lié à la saison de cure) faisait pencher la balance en faveur de la catégorie C, mais les lignes aériennes avec l’Afrique du Nord répondaient plutôt à la catégorie B. Finalement, un projet fut définitivement arrêté en décembre 1953 : il prévoyait une piste longue de 1 600 mètres, aisément prolongeable jusqu’à 2 100 mètres. La solution retenue faisait de l’aéroport un terrain de classe C « pouvant éventuellement être étendu à la classe B »[10]. La longueur de la piste allait permettre « à tous les courriers d’Afrique du Nord d’évoluer sans difficultés »[11].

Les marchés pour la construction de la piste furent adjugés le 26 février 1954. Dans son premier état (celui inauguré le 21 août 1954), la piste mesurait 1 600 mètres de longueur sur 45 mètres de largeur. Revêtue de bitume, elle était dite « souple ». La résistance de sa face portante était de 25 tonnes par roue. En 1961, elle fut prolongée de 600 mètres pour atteindre une longueur totale de 2 200 mètres (fig. 1). L’aéroport de Vichy-Charmeil put ainsi rejoindre la classe B et accueillir des gros porteurs civils, dont des avions à réaction long courrier (par exemple la célèbre Caravelle)[12].

Notes

[1] Le procès-verbal de réception provisoire de l’aérogare est daté du 25 juin 1956, sous réserve de parachèvement ; Le procès-verbal de réception définitive est daté du 31 octobre 1956 ; Archives municipales de Vichy, 10 W 7.

[2] L’aérogare, de style Art déco, fut dessinée par l’architecte vichyssois Henri Mazon. Voir R. de Winne, « L’Aéroport de Vichy-Rhue », La Technique des travaux, 15e année, n° 2, février 1939, p. 83-90.

[3] Délibération n° 10 du 13 mai 1947, Registre des délibérations du conseil municipal de Vichy de mars 1947 à février 1949, p. 36.

[4] Le 29 juillet 1949, répondant au vœu du Syndicat des hôteliers, limonadiers et restaurateurs de Vichy pour que « le nécessaire soit fait d’urgence pour procéder aux travaux d’aménagement d’un aéroport digne de la station thermale », le maire de Vichy exposa « qu’un dossier relatif à ces travaux [était] entre les mains des Ponts et Chaussées » ; délibération n° 30 du 29 juillet 1949, Registre des délibérations du conseil municipal de Vichy de février 1949 à juin 1951, p. 139.

[5] Une implantation rive gauche avait déjà été proposée en 1929-1930.

[6] Pierre Coulon (1913-1967), conseiller municipal à partir d’octobre 1947, maire de Vichy du 20 août 1950 à son décès le 6 août 1967.

[7] L’actuel plan d’eau de Vichy (le Lac d’Allier, comportant un bassin international d’aviron) a été créé par la mise en service, le 10 juin 1963, d’un pont-barrage mobile situé en amont de l’aéroport.

[8] Robert Espérou, « Les aérodromes français des origines à 1975 », Pour mémoire, n° 9, Hiver 2010, p. 7-45 (revue du Comité d’histoire du ministère de la Transition écologique, en ligne).

[9] Instruction sur l’aménagement des bases et des routes aériennes, approuvée le 5 mars 1948 par le ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme. Ce document de 248 pages, publié en mars 1948, resta longtemps une référence pour l’aménagement des aéroports français.

[10] M. Riobé (ingénieur des Ponts et Chaussées), Notice concernant l’aérodrome de Vichy-Charmeil, 1er août 1953, tapuscrit, 6 pages, p. 1, Archives municipales de Vichy, VIC/59/W/70.

[11] Délibération n° 1 du 26 décembre 1953, Registre des délibérations du conseil municipal de Vichy de juin 1951 à novembre 1954, p. 272-273.

[12] Décision de prolongement de la piste prise le 24 décembre 1960 par le Conseil municipal de Vichy (Registre des délibérations du conseil municipal de Vichy de juillet 1960 à octobre 1962, p. 68). Depuis 1967, le Code de l’Aviation civile définit une autre catégorie B, celle des « aérodromes destinés aux services à moyenne distance assurés normalement en toutes circonstances et à certains services à grande distance assurés dans les mêmes conditions mais qui ne comportent pas d’étape longue au départ de ces aérodromes ».

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1954, daté par source
    • 1956, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :

      Le projet de l'aérogare de Vichy-Charmeil a été conçu par le Service technique des bases aériennes, section Architecture, division Aérogares ; section Architecture, dirigée par Marcel Lépine.

      Des noms des membres du service figurent sur de nombreux plans : E. Berthellier (architecte DESA), E. Chanoit (projeteur), J. Debéthune, B. Dulau (dessinateur-projeteur), Ph. Jouanneau, Robert Jean Mourey (architecte DPLG), Julien Quittard-Pinon (architecte DPLG), J. Thuillier (dessinateur-projeteur).

      L’aérogare de Vichy-Charmeil est donc le fruit du travail collectif des employés du Service technique des bases aériennes, section Architecture, division Aérogares. Nous donnons ci-dessous quelques informations biographiques sur les personnes qui semblent avoir joué un rôle important dans cette section.

      Marcel Lépine, ingénieur des Ponts et Chaussées, semble avoir dirigé la section Architecture du Service technique des bases aériennes de 1945 à 1965 (au moins). Sa signature apparaît comme chef de cette section sur la plupart des plans de l’aérogare de Vichy-Charmeil. Les articles parus dans les Annales techniques de l’aviation civile et dans la revue Travaux sont signés soit « M. Lépine » soit « M. E. Lépine ». En 1961, il était domicilié à Meudon. Dans le cadre limité de la présente étude, nous n’avons pas pu trouver d’autres renseignements biographiques.

      Robert Jean Mourey a signé en tant qu’architecte de nombreux plans de l’aérogare de Vichy-Charmeil. Né à Paris le 2 octobre 1919, il obtint le titre d’architecte DPLG le 11 mars 1948. Il est probable qu’il travailla d’abord dans la section Architecture du STBA avant de s’installer à son compte. En 1967, il exerçait à Chaville (Hauts-de-Seine).

      Julien Quittard-Pinon a contresigné de nombreux plans de l’aérogare de Vichy-Charmeil. Il pourrait avoir joué le rôle de « responsable de projet » dans la section Architecture du STBA. Né à Maringues (Puy-de-Dôme) le 28 août 1907, décédé le 5 novembre 1983, Julien Quittard-Pinon était le fils d’Alfred Quittard-Pinon (1876-1956), architecte à Thiers. Il obtint le titre d’architecte DPLG le 15 novembre 1933. Il exerça au début de sa carrière avec son père. Il fut inscrit à partir de 1941 au tableau du Conseil régional de la circonscription de Riom (Auvergne) de l’Ordre des architectes, mais de 1951 à 1967 (environ), son adresse professionnelle fut à Paris (n° 36 rue Monge, 5e arrondissement).

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      agence d'architecture attribution par source

Si l’étude de la piste et le suivi de son chantier furent pris en charge par les services des Ponts et Chaussées, la création des installations de surface releva des compétences de la « Section Architecture » du Service technique des bases aériennes (STBA). Ce service dépendait du Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale, composante du ministère des Travaux publics, des Transports et du Tourisme.

En-dehors des équipements strictement utilitaires, le projet de l’aéroport validé en 1953 conduisit à l’édification de trois bâtiments principaux (fig. 2 à 36) : un « bloc technique », un « bloc énergie-sécurité » et une aérogare[1]. Le « bloc technique » regroupait les services de navigation aérienne, de télécommunications et de météorologie. Le « bloc énergie-sécurité » était principalement occupé par un garage et par une centrale électrique et thermique. L’aérogare accueillait les passagers et leurs accompagnants, mais aussi les nombreux visiteurs attirés par le « spectacle » des avions et du trafic aérien. Il abritait en outre un bar-restaurant et des locaux pour les services attachés à l’aéroport.

De la fin des années 1950 à la fin des années 1970, d’autre bâtiments furent construits sur le site, notamment des hangars, des logements de fonctions (un petit immeuble et des maisons) et un pavillon pour l’aéro-club de Vichy (fig. 35). En effet, la fermeture en mai 1965 de Vichy-Rhue[2] imposa le transfert de l’aéro-club vichyssois sur le site de Vichy-Charmeil.

Les trois bâtiments principaux de Vichy-Charmeil, isolés les uns des autres, ont été implantés suivant une ligne nord-sud parallèle à la piste (fig. 2). Leurs façades côté piste (face à l’est) forment ainsi un front bâti linéaire. Une vaste aire de stationnement des avions se trouve devant ce front. À l’ouest et au sud de l’aérogare s’étendent des parkings automobiles. Les bâtiments profitent donc des vastes dégagements qui les entourent.

Situé le plus au nord, le « bloc énergie-sécurité » se résume à un bâtiment sobrement parallélépipédique (fig. 19 et 34). Sa façade principale, tournée vers le sud et l’aérogare, est animée par deux groupes de baies. À gauche de la composition, ce sont de grandes baies de proportions essentiellement verticales, à droite il s’agit de petites baies organisées en bandeau horizontal. Deux auvents en béton armé soulignent d’une même horizontale saillante les deux groupes de baies.

Le « bloc technique » (fig. 17, 18, 32 et 33) se compose d’un volume parallélépipédique d’un niveau (rez-de-chaussée) et d’une tour de contrôle de cinq niveaux desservis par un escalier placé à l’ouest. La « tête »[3] de la tour (son dernier niveau), vitrée de tous côtés, offre une vue panoramique sur l’aéroport. À l’origine, la tour se trouvait sur l’axe de symétrie transversale du bâtiment. Une extension vers le nord du rez-de-chaussée a modifié cette disposition. L’expression architecturale du « bloc technique » se fonde sur la disposition régulière des baies répondant à la composition symétrique de l’ensemble d’origine. L’élévation orientale s’avère la plus expressive, en particulier grâce au cadre saillant qui souligne les grandes baies des quatre premiers niveaux.

Par son importance, l’aérogare (ou « bloc trafic », fig. 1 à 16 et 20 à 31) est la pièce maîtresse des installations aéroportuaires de Vichy-Charmeil. Pourtant, ce bâtiment peut être réduit à deux éléments primordiaux : des colonnes (ou poteaux) qui supportent un toit-terrasse. Il s’agit avant tout d’un vaste abri dont l’espace couvert se prête aisément à des réaménagements sans modification du gros-œuvre.

Cette architecture très simple fut la réponse de ses concepteurs aux caractères fluctuants de la plupart des fonctions abritées. En effet, la conception d’une aérogare était à cette époque un sujet neuf et mouvant. Bien peu d’aérogares « développées et modernes » avaient été construites antérieurement. Les exemples français « de référence » (principalement Le Bourget, Lyon-Bron et Bordeaux-Mérignac) dataient des années 1930 et leurs dispositions paraissaient déjà obsolètes. Depuis sa création en novembre 1945, le Secrétariat général à l’aviation civile et commerciale menait des études systématiques sur la question. Les premiers fruits de ces travaux furent publiés en 1948 dans les Annales techniques de l’aviation civile, sous la plume de Marcel Lépine, chef de la Section Architecture du Service technique des bases aériennes[4]. La présentation de cette contribution insistait sur les « nombreuses solutions » qui restaient à découvrir en ce domaine : par conséquent, il ne fallait pas fixer un « type ne varietur ».

Dans son texte, Marcel Lépine rappelait d’abord l’intérêt d’édifier le « bloc technique » à part de l’aérogare. Cela permettait de ne pas gêner le fonctionnement de l’aérogare et de faciliter son extension. Il s’agissait d’un changement important par rapport aux aérogares « de référence » : au Bourget, à Lyon-Bron, à Bordeaux-Mérignac ou à Vichy-Rhue, le « bloc technique » (souligné par sa tour de contrôle) était intégré à l’aérogare (dont il constituait même le pivot vertical de la composition architecturale).

Ensuite, Marcel Lépine proposait une série de schémas représentant le fonctionnement des aérogares selon l’importance et la nature du trafic aérien pris en charge. Les schémas indiquaient les circuits de circulation des voyageurs et des bagages ainsi que l’emplacement des différents services. Le but était d’obtenir des cheminements faciles (sans rebroussement ni recoupement), de placer les services aux bons endroits et de limiter les coûts d’exploitation. Les schémas se fondaient sur diverses situations : les voyageurs pouvaient être plus ou moins nombreux, ils pouvaient être en partance, en arrivée ou en transit, leur nationalité était française ou étrangère, les vols pouvaient relier des villes françaises ou être des liaisons avec l’étranger, divers contrôles étaient possibles (sanitaire, police, devises, douane), un seul mouvement (départ, arrivée) devait être géré à la fois ou plusieurs mouvements simultanément, etc. Les cas de figure s’avéraient de plus en plus complexes suivant l’importance de l’aéroport.

L’aérogare de Vichy-Chameil fut conçue pour répondre à une utilisation relativement simple. D’après la classification exposée par Marcel Lépine, il s’agissait d’une « aérogare douanière capable d’accueillir un mouvement de voyageurs » (c’est-à-dire une arrivée ou un départ à la fois). Les vols pouvaient être d’une part en provenance ou à destination de la France, d’autre part en provenance ou à destination de l’étranger. Les passagers étaient de nationalité française ou étrangère, ce qui impliquait des contrôles différents selon les personnes et les vols.

Outre l’emplacement du bar-restaurant (le tiers sud du bâtiment), l’aérogare fut donc divisée en deux grands secteurs séparés : le premier « hors douane » et le second « sous douane ». Le premier secteur était un « hall du public », le second un « salon sous douane »[5]. Des cloisons légères en verre et bois permirent de compartimenter ces espaces (fig. 14 et 31). Ne montant pas jusqu’au plafond et fixées au sol par quelques attaches, elles pouvaient être facilement déplacées. Deux ensembles mobiliers matérialisèrent plus spécialement la frontière entre les deux secteurs. Le premier était un « sas » pour les contrôles de police, de douane et de santé. Le second consistait en un long meuble bas pour la livraison, la visite douanière et l’enregistrement des bagages. Par ailleurs, des bureaux étaient attribués aux compagnies aériennes, au directeur commercial, aux officiers de police et de douane, à l’infirmerie.

De plan rectangulaire (fig. 4 et 5), mesurant au sol environ 64,5 m de longueur sur 20 m de largeur, l’aérogare comporte un rez-de-chaussée, un étage entresolé partiel et un second niveau de petite dimension (un bar placé sur le toit-terrasse). L’étage entresolé partiel est insoupçonnable de l’extérieur : il s’agit de pièces de réserve pour le restaurant et les autres services de l’aéroport (fig. 12). Le toit-terrasse forme des corniches très saillantes à l’est et surtout à l’ouest (de ce côté la corniche constitue un véritable auvent).

Une trame de carrés de 9 mètres de côté organise le plan du bâtiment. Deux rangées de sept carrés sont orientées nord-sud. Les colonnes se dressent aux angles des carrés. Entre la 3e et la 4e travée en partant du nord, des colonnes jumelées (fig. 24) s’élèvent de part et d’autre d’un joint de dilatation[6]. De forme tronconique inversée (leur diamètre inférieur est plus petit que leur diamètre supérieur), les colonnes s’élèvent d’un jet du sol au plafond. Elles portent des poutres qui sont intégrées dans l’épaisseur du toit-terrasse. Ce dernier constitue en effet une sorte de caisson dans lequel les poutres principales et secondaires sont dissimulées.

L’espace intérieur, d’une hauteur de 4,20 mètres, présente un volume de belle ampleur. Le rythme des colonnes accentue sa monumentalité. La grande surface lisse et continue du plafond participe également à cet effet. L’esthétique est sobre, pure, dépouillée : l’encastrement des lampes dans le plafond met en évidence une démarche créatrice opposée à tout élément superflu.

De grandes baies vitrées cloisonnent les façades antérieure (occidentale, fig. 6, 7 et 23) et postérieure (orientale, fig. 8, 9, 27 et 28). Les châssis métalliques de ces baies divisent en trois les travées définies par la trame carrée du plan. Les vastes surfaces vitrées et la faible épaisseur des châssis introduisent une grande transparence entre l’extérieur et l’intérieur. Les mêmes éléments sont employés pour ces deux façades et, pourtant, elles sont différentes. Du côté ouest, les baies sont placées en arrière des colonnes : ces dernières sont donc à l’extérieur du bâtiment et contribuent ainsi à la monumentalisation de l’élévation « côté ville » (opposée à la piste). Du côté oriental, les baies sont placées en avant des colonnes (qui se trouvent donc à l’intérieur).

Deux porches hors œuvre se trouvent devant la façade orientale (côté piste, fig. 29 et 30). Ils sont chacun constitués de six fins poteaux métalliques et d’une mince dalle en béton armé légèrement retroussée sur ses petits côtés. L’un et l’autre abritaient les voyageurs au départ et à l’arrivée, mais l’un desservait le hall du public, l’autre le salon « sous douane ». Par leur dessin élancé, par leur relation visuelle avec les baies vitrées, avec la corniche du toit-terrasse et l’intérieur de l’aérogare, ces porches accentuent la fluidité de la composition architecturale.

Les façades latérales sont plus simples d’aspect (fig. 10, 11, 21, 22 et 25). La façade nord est constituée d’un mur aveugle, à l’acception d’une haute baie formant retour dans l’angle nord-est. La façade sud se divise en un mur aveugle et un groupe de trois baies implantées en retrait d’une colonne.

Au nord et au sud de l’aérogare, des escaliers extérieurs (fig. 22 et 26) conduisent à la terrasse qui couvre le bâtiment. Portés par des piliers profilés et des limons en crémaillère, dépourvus de contremarches, ces escaliers tournants à trois (au nord) et quatre volées (au sud) ont des lignes très aériennes. Sur la terrasse, une allée dallée relie les deux escaliers. En outre, une surface également dallée recevait les tables du bar installé dans le second niveau partiel (fig. 15 et 16). Bien évidemment, ces installations étaient destinées aux visiteurs. Depuis ce point de vue en hauteur, ils profitaient pleinement de l’attraction que constituait le trafic aérien. Il est intéressant de souligner que les aérogares construites dans les années 1930 comportaient des dispositifs similaires. Or, les premiers plans de l’aérogare de Vichy-Charmeil ne prévoyaient pas de rendre le toit-terrasse accessible. Oubli ou volonté d’économiser un peu sur le coût des travaux ? En juin-juillet 1955, les plans furent modifiés et complétés pour créer les escaliers, le cheminement et le bar. Comme pour le restaurant, il s’agissait d’assurer à l’aéroport une autre source de profits[7].

Peu utilisée depuis trois décennies, l’aérogare de Vichy-Charmeil n’a pas subi de dégradations importantes. Elle demeure globalement dans son état d’origine. Seules quelques altérations secondaires peuvent être relevées : le remplacement des garde-corps des escaliers et de la terrasse, la « mise en couleur » des châssis des baies ou des porches (sur les photographies d’époque, l’aérogare semble intégralement revêtue d’une peinture blanche).

Il conviendrait de comparer l’aérogare de Vichy-Charmeil aux bâtiments similaires des années 1955-1975. Mais, en l’état des connaissances, il apparaît déjà qu’elle fut, après la Seconde guerre mondiale, l’une des premières réalisations françaises pérennes dans ce domaine. Son intérêt dans le contexte régional (entre autres comme composante des réalisations urbaines et architecturales qui ont transformé Vichy sous les mandats de Pierre Coulon) se double ainsi d’un intérêt à l’échelon national.

Notes

[1] Un premier bâtiment, considéré comme « provisoire », fut construit dès 1954. Il s’agissait d’un pavillon préfabriqué en bois et métal (type STBA) qui abrita au fil des années diverses fonctions. Situé immédiatement au sud de l’aérogare, il ne fut démoli qu’en 2015.

[2] Le site de Vichy-Rhue est de nos jours occupé par une zone industrielle et commerciale.

[3] Dénomination selon le vocabulaire spécialisé de l’aéronautique.

[4] M. Lépine, « Les aérogares françaises, conceptions nouvelles des bâtiments », P. Cazès, « Le problème des aérogares. Note de présentation », Annales techniques de l’aviation civile, n° 3, 1er semestre 1948, n° 4, second semestre 1948. Le texte de M. Lépine a été publié à nouveau dans la revue Travaux, numéro spécial « Bases aériennes françaises », 33e année, n° 179, septembre 1949, p. 442-456.

[5] Description selon le plan « définitif » n° 2 301 du 27 avril 1956 (mis à jour le 25 avril 1957), Archives municipales de Vichy, VIC/59/W/85. L’agencement de l’espace intérieur de l’aérogare fit l’objet de projets successifs. L’un d’eux (le plan n° 1847/4 des 1er et 8 février 1955) comportait, outre le restaurant, trois divisions principales : un hall du public, un hall des formalités et une salle d’attente sous-douane. La réduction à deux divisions principales du projet exécuté procéda sans aucun doute de la volonté de réduire les coûts d’exploitation. Plus les installations étaient simples et faciles à utiliser, et moins elles mobilisaient de personnel, notamment pour les contrôles des bagages et des voyageurs. Divers documents sur la construction de l’aéroport attestent que les concepteurs cherchèrent « avant tout à réaliser des économies de personnel de fonctionnement » (note tapuscrite du 15 juillet 1955, par J.-L. Bonnenfant, Archives municipales de Vichy, VIC/59/W/70).

[6] Ces colonnes jumelées créent une asymétrie dans l’ordonnance architecturale. Les concepteurs de l’aérogare n’ont pas cherché à rétablir la symétrie en implantant des colonnes jumelées entre les 4e et 5e travées.

[7] Dans un courrier daté du 16 novembre 1954 au sujet du projet d’aérogare de Vichy-Charmeil, le directeur du Service technique des bases aériennes affirmait : « Les installations de restauration, qui sont une source de profit pour les aérodromes, obtiennent actuellement un grand succès partout où elles se trouvent […] » ; Archives municipales de Vichy, 10 W 7.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré
  • Couvrements
    • dalle de béton
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Typologies
  • État de conservation
    désaffecté, bon état
  • Mesures
  • Précision dimensions

    Édifice de plan rectangulaire comportant deux niveaux visibles (un rez-de-chaussée et un étage partiel) ; dimensions hors tout au sol : longueur 64,47 m, largeur 20 m, hauteur du niveau principal 5,42 m, hauteur totale 9,15 m. Superficie totale du terrain de l'aéroport : 1 286 346 m2

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Etude SRI : architecture XXe - Modernisation et mutations de l’Auvergne, 1945-1985 : dix réalisations architecturales et urbaines emblématiques - Étude pour le Service Patrimoines et Inventaire de la Région Auvergne-Rhône-Alpes - Christophe Laurent, historien du Patrimoine, 3 mars 2021 (suivi scientifique Nadine Halitim-Dubois chercheure Inventaire général)

Annexes

  • Références documentaires
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2022
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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