Après éclatement de la Fabrique et dispersion des métiers dans les campagnes du sud-est, l’extension de la soierie lyonnaise au XIXe siècle, a laissé de nombreux exemples de moulinages et de tissages représentatifs d’un type de production et d’un type d’habiter. Selon Yves Lequin[1], l’essaimage des métiers hors de la ville est une tentative d’abaissement du coût de la main d’œuvre. En 1872, Paul Leroy Beaulieu[2] estime à 40 000 le nombre des ouvrières internes dans la région de Lyon, au tournant du XXe siècle, leur nombre a vraisemblablement doublé[3]. Des grèves[4] toutefois plus ou moins importantes se produiront après les années 1884, pour les tissages de chez J. B. Martin et de Girodon.
L’industrie de la soie, et plus particulièrement celle du moulinage[5], offre un exemple de logement sur place particulier : il s’agit de fixer une main-d’œuvre spécifique, celle des jeunes filles célibataires. Ces usines disposent de dortoirs directement installés au-dessus des ateliers. Nées au XVIIIe siècle, ces usines-pensionnats sont largement répandues au XIXe siècle dans l’Ardèche[6], l’Isère, la Drôme mais également, en moins grand nombre, dans l’Ain le Rhône et la Loire. La discipline est dure dans ce type d’usine, portant non seulement sur l’ardeur au travail, mais également sur le zèle religieux des ouvrières. Elles sont tenues de faire la prière, et la plupart de ces manufactures ont une chapelle dans leur enceinte. Les pensionnaires sont également accompagnées dans une paroisse voisine de l’usine, dans le cas où il n’existe pas de chapelle sur place. Pour accompagner ce propos, nous prendrons l’exemple de trois usines-pensionnats de la région Rhône-Alpes qui forment une typologie architecturale rapidement reconnaissable dans le paysage rural.
[1] Lequin, Yves, les ouvriers de la région lyonnaise (1848-1914), la formation de la classe ouvrière régionale, Pul, 1977, p. 28-29.
[2] Juilet Charles, couvents soyeux, cloîtres industriels, le temps des usines-pensionnats, de pied en cap, patrimoines textiles et de la mode en rhône-alpes, la passe du vent, 2008, p. 23.
[3] Lequin, Yves, op. cit. p. 28-29.
[4] Le Nord-Dauphiné, points de vue, écomusée Nord-Dauphiné, mars 1984, p. 100 à 102.
[5] Patrimoine industriel, cinquante sites en France, images du patrimoine, Ed. du patrimoine, 1997, p. 12.
[6] Duprat Bernard, Paulin Michel, (éd.), Moulinage de soie en Ardèche, l’architecture des usines traditionnelles, atlas et catalogue raisonné, Ministère de la culture, direction du patrimoine, CRMH, Ecole d’architecture de Lyon, 1985.