Eléments d'historique et de description complémentaires
Synthèse établie a partir de la bibliographie, en particulier des articles de Joseph Barou publiés dans la revue Village de Forez, et de "Le prieuré Sainte-Croix" (p. 19-32), "L'ancienne paroisse" (p. 38-46) et "L'asile des frères de Saint-Jean-de-Dieu" (p. 61-66), publiés dans Savigneux hier et aujourd'hui, sous la direction de C. Latta, 2005.
Historique
Le prieuré Saint-Nizier, puis Sainte-Croix de Savigneux aurait été fondé au 10e siècle par les comtes de Lyon et du Forez. Il fait partie des plus anciens monastères du Forez, après Montverdun et Ambierle, et avait juridiction sur plusieurs paroisses fondées postérieurement dans ses alentours, dont celles de Montbrison ou Moingt (ce qui fera l´objet de nombreux procès aux 12e et 13e siècles). L´église du prieuré était également paroissiale, avec un curé nommé par le prieur à partir du début du 12e siècle. Elle aurait été reconstruite au 13e siècle par Guillaume de la Roue, prieur de 1233 à 1262 (puis évêque du Puy), sauf le choeur du 11e siècle.
En 1116, le prieuré est rattaché à l´abbaye de la Chaise-Dieu (Haute-Loire) ; il compte alors 11 moines, et a un revenu conséquent (à la fin du 14e siècle, le prieuré est l´un des plus riches prieurés casadéens de France).
A partir de 1466, le prieur est choisi parmi les chanoines de Montbrison ; le prieur est alors Renaud de Bourbon, fils naturel du duc Charles II, qui était aussi prieur de Montverdun et devint archevêque de Narbonne : il fut peut-être le premier prieur commendataire de Savigneux. En 1562, lors du sac de Montbrison par les protestants, le prieuré fut également dévasté. En 1614, le bâtiment est en ruine (visite pastorale) ; les moines ont été transférés à la Chaise-Dieu, il ne reste sur place qu´un sacristain. Au milieu du 17e siècle, le prieur claustral Dom Pierre Sauret (mort en 1687) fait construire un cloître et deux dortoirs de 6 chambres chacun. Il y a alors deux moines en plus du prieur. En 1728, les revenus du prieuré permettaient l´entretien de six religieux et trois domestiques, le prieuré n´est plus considéré que comme un hospice pour deux ou trois vieux moines. Dans le 3e quart du 18e siècle, les revenus ont beaucoup baissé car de nombreuses dîmes et rentes ont été vendues par le prieur commendataire, alors chanoine de Notre-Dame de Paris : il ne reste que le clos autour du prieuré, l´étang de Savigneux, les domaines du Grand et du Petit Vergnon et quelques prés et terres ; or le prieuré a beaucoup de charges (comme les portions congrues des curés qu´il nomme, à Savigneux, Saint-Pierre et Saint-André) : il est déficitaire. En 1771, la réunion du prieuré au collège des Oratoriens de Montbrison est décidée ; en raison de l´opposition de la Chaise-Dieu, la suppression du prieuré (qui n´a plus qu´un moine) et son rattachement aux oratoriens n´est effectif qu´en 1781.
Le 29 pluviôse an V (17 février 1797), Antoine Forest, marchand clincailler [quincaillier] à Montbrison, achète le prieuré. L´église et le cimetière deviennent propriété de la commune.
En 1809, un décret impérial ordonne la création d´un dépôt de mendicité à Savigneux, pour 250 pensionnaires, dans les bâtiments de l´ancien prieuré. Les bâtiments sont donc rachetés par le département de la Loire (attesté par la première matrice cadastrale). Ce dépôt eut une existence très courte, puisqu´il disparut avec le Ier Empire.
En 1825, les frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu (établis à la Guillotière, à Lyon, depuis 1824) y installent un asile pour les aliénés et les épileptiques : le Conseil général de la Loire leur cède les restes du prieuré, et leur alloue une subvention pour leur installation ainsi qu´une somme par pensionnaire hébergé. La communauté comprend une vingtaine de frères ou novices sous la direction d´un frère prieur, plus les domestiques ; il y a environ 150 malades. Mais durant l´été 1825 une épidémie de typhus décime les frères et les malades : l´asile est fermé, les survivants transférés à la Guillotière. Dans les années 1830, Alexandre Zanoly, déjà propriétaire de l´ancien presbytère (1809 D 99, transformé en magasin de vin en 1855, agrandi avec construction d´un second édifice en 1868 ; Registre des augmentations cadastrales, années 1869 et 1871) rachète les vestiges du prieuré et l´église, qu´il utilise comme carrière de pierre (les maisons situées 4 rue du Moulin, 12, 14 et 16 quai des Eaux Minérales, 33 et 35 Bd Lachèze, 17 et 19 rue Saint-Jean à Montbrison sont construites en pierres provenant de l´église). Le seul bâtiment subsistant est devenu une habitation, flanqué d´un portail daté 1723.
Contrairement à la plupart des autres prieurés foréziens, celui de Savigneux n´a pas donné naissance à l´implantation d´un village, sans doute gênée par la proximité de Montbrison et peut-être l´insalubrité de la plaine.
Description
Le site du prieuré s´organisait autour de l´église, bordée au sud par les bâtiments conventuels, répartis autour de deux cours, au nord par le cimetière. Au nord-ouest se trouvaient deux autres bâtiments, l´un dans l´enceinte du prieuré, peut-être la maison du sacristain ou un bâtiment d´accueil ; l´autre à l´extérieur de l´enceinte, peut-être le presbytère. Des parcelles de jardin s´étendaient autour des bâtiments, clos de murs, avec un pigeonnier dans l´angle sud-est (d´après un plan de 1775 conservé à la Bibliothèque de la Diana, reproduit dans Savigneux hier...). Il y aurait eu un second pigeonnier au 18e siècle.
Le prieuré est décrit lors de sa vente, en 1797 : les bâtiments d´habitation, qui jouxtent l´église, entourent le cloître. Il y a dix pièces au rez-de-chaussée ; cinq chambres à l´étage, dans le corps central, deux chambres et des latrines dans la première aile, un grenier dans l´autre. La première aile a un 2e étage divisé en deux chambres et un cabinet, sans doute le logement du prieur. Les dépendances sont aussi au sud de l´église : des remises, une écurie, un fenil. Il y a enfin un grand jardin clos, avec un pigeonnier, et l´étang (17 ha).
L´église avait une nef flanquée de collatéraux, avec une chapelle aux extrémités (une chapelle pour le curé, une chapelle de la Vierge), et une abside semi-circulaire. Elle avait un grand clocher carré, sans doute en façade, avec une chapelle saint Thomas (peut-être au premier étage avec une ouverure sur la nef, comme à l'église du prieuré de Champdieu avec la chapelle saint Michel), et deux rangs de fenêtres (selon Octave Puy de la Bastie ; il contenait deux bourdons en 1765, dont sans doute la cloche Marie, voir IM42001716), et un petit clocher au-dessus du choeur, édifié au milieu du 17e siècle par le prieur claustral Dom Pierre Sauret ; il contenait trois petites cloches en 1765). A. Broutin a vu l´église avant sa démolition, vers 1825, et décrit les supports, composés de faisceaux de colonnettes. Au 17e siècle (visites pastorales), l´église est divisée en deux niveaux par un plancher (ou tribune) : en bas se trouve le choeur des moines, où repose le saint Sacrement ; "dans la partie du dessus... moitié carrellée et moitié boisée" se trouve l´autel paroissial, ou grand autel, dédié à la Croix ; la chapelle du Rosaire y est établie
Des prix faits du début du 18e siècle mentionnent des travaux payés au sculpteur Duval : deux retables en pin (300 £), un autel doté de quatre colonnes, avec deux têtes de chérubin pour porter l´image de Saint-Benoît, un piédestal pour la statue de Notre-Dame de Piété.
Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )