Dossier d’œuvre architecture IA43000695 | Réalisé par
Laurent Christophe (Rédacteur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération ponctuelle, Patrimoine XXe siècle
Les immeubles HLM de la Croix-Saint-Romain et le lotissement Les Érables à Sainte-Sigolène.
Œuvre monographiée
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
  • © Archives départementales de la Haute-Loire

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Auvergne
  • Commune Sainte-Sigolène
  • Adresse 16 bis et ter route de Monistrol , 1 à 8, 12 à 21, 23 et 24 rue du lotissement Les Érables , 5 rue du Peycher
  • Cadastre 2022 AR 370 à 372 ; 239 à 247, 254 à 265 et 479 Deux immeubles d’habitation à loyer modéré, n° 16 bis et 16 ter route de Monistrol (immeubles « Groupe 1 » et « Groupe 2 » de La Croix-Saint-Romain), cadastrés AR 370, 371 et 372 ; un lotissement de 26 lots, dont 21 occupés par des maisons construites en série selon deux plans-types, n° 1 à 8, 12 à 21, 23 et 24 lotissement Les Érables et n° 5 route du Peycher, cadastrées AR 239 à 247, AR 254 à 265 et AR 479.
  • Dénominations
    immeuble, maison
  • Précision dénomination
    Immeubles d'habitation et lotissement de maisons individuelles

De prime abord, les immeubles HLM de la Croix-Saint-Romain et le lotissement de maisons individuelles « Les Érables » semblent constituer un ensemble concerté (fig. 1). En effet, ces deux typologies (des immeubles de logements sociaux et des maisons construites en série selon des plans-types) ont été assez fréquemment associées dans des opérations d’urbanisme réalisées au cours des années 1960 et 1970. La proximité géographique des immeubles et du lotissement ainsi que leurs constructions de toute évidence quasi contemporaines accréditent cette thèse. Mais il n’en est rien : ce sont deux opérations distinctes. Le projet des immeubles a débuté en 1955, les travaux se sont déroulés en deux tranches de 1959 à 1963 environ. Pour sa part, le lotissement a été projeté en 1962 et il a été réalisé en deux tranches de 1963 à 1965 environ [1].

Présente à Sainte-Sigolène dès le XVIIe siècle, la passementerie connut son apogée à la fin du XIXe siècle. Mais, après la Première Guerre mondiale, cette activité commença à péricliter. La plasturgie prit le relais à partir du milieu des années 1950. La petite ville connut alors un regain de prospérité. Sa population augmenta lentement, passant de 3 159 habitants en 1954 à 4 508 habitants en 1975. Cet essor démographique et la hausse du niveau de vie des foyers ouvriers stimulèrent la demande de logements équipés du confort moderne. La création du petit groupe HLM de la Croix-Saint-Romain et du lotissement Les Érables s’inscrivit dans ce contexte.

Le 13 juin 1955, Jean Bouis, maire de Sainte-Sigolène [2], informa les conseillers municipaux que l’Office départemental d’HLM de la Haute-Loire envisageait de construire sur la commune un immeuble de dix logements. La participation financière de la commune était demandée, notamment pour l’acquisition du terrain et la réalisation de la voirie.

Un an plus tard, le 1er juillet 1956, le conseil municipal se prononça en faveur de l’achat d’un terrain de 13 000 m2 situé sur le terroir de la Croix-Saint-Romain (fig. 2). Il demanda également que l’office HLM bâtisse 36 logements, dont 12 immédiatement.

Le projet se concrétisa assez rapidement. Deux immeubles furent édifiés, le premier de 1958 à 1960, le second de 1961 à 1963. Le premier bâtiment (« Groupe 1 », n° 16 bis route de Monistrol), abrite 12 logements. Le second (« Groupe 2 », 16 ter route de Monistrol) regroupe 24 logements. Il est probable que l’architecte Étienne Grand fut le maître d’œuvre de ces immeubles [3].

Le lotissement Les Érables trouva également son origine dans un accord entre la municipalité et un organisme d’HLM. Le 25 juillet 1962, en partenariat avec la Société coopérative d’HLM de Dunières, le Conseil municipal décida de lotir une propriété communale. Sur ce bien-fonds, la société d’HLM eut pour mission de bâtir en série des habitations individuelles qui seraient cédées à des particuliers selon la formule de la « location-vente » (ou « accession à la propriété »). D’après une information qui n’a pu être recoupée faute d’archives, les maisons firent l’objet d’une opération « Castors » [4]. Conformément à cette méthode [5], les acquéreurs des maisons furent aussi des auto-constructeurs. Ils travaillèrent bénévolement sur le chantier et cet apport en main-d’œuvre contribua au paiement de leur acquisition.

Le terrain à lotir se trouvait sur le terroir de La Croze, juste à côté du site choisi précédemment pour implanter les immeubles HLM. L’architecte Étienne Grand reçut la commande du plan d’urbanisme du lotissement et des plans-types des maisons. Le terrain fut divisé en 27 lots constructibles (fig. 3 et 4).

Le 14 juin 1963, un premier permis de construire pour neuf maisons de type F4 et trois maisons de type F5 fut déposé par la Société coopérative d’HLM de Dunières[6]. Peu après, la société demanda très probablement un autre permis de construire pour une seconde tranche de neuf maisons de type F4. Les vingt et une maisons de ces deux tranches furent bâties de la fin de 1963 à 1965 environ (fig. 5) [7]. En revanche, les six derniers lots ne reçurent pas les maisons accolées que le plan d’urbanisme prévoyait. De toute évidence, ils furent retirés de l’opération réalisée par la société d’HLM. Dans les années suivantes, leur assiette servit à édifier un atelier et quatre maisons individuelles de plans différents, sans lien avec l’architecture des maisons construites en série (n° 9, 10, 11 et 22 lotissement Les Érables, atelier en annexe du n° 5 rue du Peycher).

Notes

[1] La documentation historique sur ces projets s’est avérée très pauvre. Avec une dizaine d’occurrences entre 1955 et 1965, les registres des délibérations du Conseil municipal de Sainte-Sigolène ont été notre meilleure source.

[2] Jean Bouis fut maire de 1945 au 23 mars 1965, date de l’élection de son successeur Jean Salque.

[3] En raison de lacunes dans les archives consultées, nous n’avons retrouvé ni les plans d’origine ni les permis de construire de ces bâtiments. L’attribution à Étienne Grand reste donc hypothétique. Elle se fonde sur le constat qu’Étienne Grand a été l’architecte de nombreuses réalisations à Sainte-Sigolène.

[4] La mention de cette opération se trouve dans le n° 8 de la revue Chroniques de la Bedoueïre, publiée par le Centre d’histoire du canton de Sainte-Sigolène, 2005, p. 4.

[5] Le terme « Castors » semble apparaître à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il désigne un ensemble de groupements d’auto-construction coopératif. Le principe de base est « l’apport-travail » dans le cadre de chantiers coopératifs. Les acquéreurs s’entraident pour construire des maisons (dans les années 1950-1960, ce sont essentiellement des maisons en série sur plans-types). Ils travaillent bénévolement en prenant sur leur temps libre. La quantité de travail fournie sert à payer une partie de la maison que chacun achète. Le plus souvent, les « Castors » constituent une main-d’œuvre qui s’ajoute à celle des entreprises chargées du chantier.

[6] Archives municipales de Sainte-Sigolène, boîte des permis de construire « PC 1962-1963 ». La collection des permis de construire est lacunaire pour les années 1945-1970.

[7] Nous ne connaissons pas les dates d’achèvement des travaux. Cependant, en 2015, des habitants du lotissement ont fêté son cinquantième anniversaire (voir Le Progrès de la Haute-Loire, 19 juillet 2015).

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1955, daté par source
    • 1965, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      GRAND Étienne
      GRAND Étienne

      Étienne GRAND (Le Chambon-sur-Lignon, 16 septembre 1917- Briançon (?), 20 novembre 1998) commença ses études d’architecture en octobre 1938 à l’École nationale des arts décoratifs de Paris. Il les poursuivit à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris à partir d’octobre 1942. Élève dans l’atelier de Charles Nicod, il obtint le diplôme d’architecte DPLG le 14 juin 1946.

      Étienne Grand s’installa dans les années 1950 au Puy-en-Velay (agence 36 boulevard de la République). Il travailla essentiellement en Haute-Loire. De nombreuses œuvres lui sont attribuées : au Chambon-sur-Lignon un groupe scolaire, une maison des enfants et une maison des jeunes, le collège et un hôtel ; à Monistrol-sur-Loire une maternité, un centre socio-culturel et une piscine couverte ; au Puy-en-Velay des immeubles de logements sociaux et des immeubles résidentiels ; à Yssingeaux un centre de santé, le tribunal, la caserne des pompiers et la perception.

      À Sainte-Sigolène, outre le lotissement Les Érables, Étienne Grand a été l’architecte d’un groupe scolaire public, d’une école privée et de trois ensembles HLM. Par ailleurs et surtout, il a conçu l’hôtel-de-ville de Sainte-Sigolène (en collaboration avec José Bolla). Bâti de 1970 à 1972 sous l’autorité du maire Jean Salque, cet édifice remarquable a fait l’objet d’une courte étude publiée par l’Observatoire archi20/21 de l’union régionale des CAUE Auvergne-Rhône-Alpes (en ligne).

      Sources : site agorha.inha.fr, notice biographique rédigée par Marie-Laure Crosnier-Leconte ; site archi20-21.fr

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L’urbanisme de l’ensemble HLM

Les immeubles de la Croix-Saint-Romain et le lotissement Les Érables se trouvent à 700 mètres au nord-est du centre de Sainte-Sigolène. Ce secteur constitue de nos jours une partie des faubourgs de la ville (fig. 2). Mais, au milieu des années 1950 et au début des années 1960, lors du choix des sites d’implantation des immeubles et du lotissement, il était encore peu urbanisé (fig. 1). Il comportait essentiellement des champs cultivés et des pâturages. Une trentaine de maisons s’élevaient cependant au bord de la route de Monistrol.

Le bien-fonds des immeubles possède une forme grossièrement rectangulaire orientée nord-ouest/sud-est. Il mesure 164 mètres de longueur et 68 mètres de largeur (dimensions maximales). En légère pente vers l’ouest et le sud-ouest, il couvre 9 659 m2. Il est desservi au sud par la route de Monistrol. Ces caractéristiques favorables ont été décisives dans la sélection du site par les commanditaires. Elles ont aussi déterminé le projet urbain : les deux immeubles sont implantés nord-ouest/sud-est, c’est-à-dire perpendiculairement à la pente et parallèlement aux longs côtés des limites du terrain. Ils sont décalés l’un par rapport à l’autre (fig. 5 à 7), le « Groupe 1 » sur le tiers sud de la parcelle, le « Groupe 2 » sur les deux tiers nord. Les longues façades antérieures (orientales) et postérieures (occidentales) bénéficient ainsi d’un bon ensoleillement. Par ailleurs, les logements possèdent des vues dégagées. Enfin, puisque la surface bâtie est faible, de grands espaces verts entourent les bâtiments (fig. 8 et 9).

Deux impasses rectilignes donnent accès aux immeubles. Elles naissent route de Monistrol et longent les façades orientales où se trouvent les portes d’entrée principales. Elles desservent également des parkings situés à l’est des bâtiments. Le terrain du groupe HLM constitue donc un cul-de-sac (sauf à emprunter un sentier qui conduit au nord vers des jardins potagers). Aucun cheminement direct ne le relie au lotissement voisin (fig. 6 et 10). Pour aller de l’un à l’autre, il faut passer par la route de Monistrol.

L’urbanisme du lotissement

Le plan d’urbanisme du lotissement s’avère plus complexe que celui de l’ensemble HLM. Surtout, il s’est inscrit dans un projet plus vaste de développement de l’agglomération.

Le bien-fonds du lotissement s’étend immédiatement au nord-est de celui du groupe HLM. De forme trapézoïdale, long de 265 mètres et large de 107 mètres (dimensions maximales), il couvre une surface de 20 900 m2. Le relief le place en position dominante par rapport aux immeubles.

Les maisons du lotissement sont desservies par une rue en boucle nommée « Lotissement Les Érables » (fig. 2). Cette rue est globalement orientée nord-sud et nord-ouest/sud-est. Elle débouche au sud sur la route de Monistrol. Au nord, elle est reliée à la route du Peycher. Cette dernière figure sur le plan dessiné en 1963 par Étienne Grand avec la légende « route projetée » (fig. 3). Effectivement, la section orientale de cette route (entre le lotissement et la route de Peyrelas) a été aménagée en même temps que la rue du lotissement. Sa section nord-ouest est plus récente : elle a été créée vers 1968-1970, conjointement au percement de la rue du Beau Site et de la déviation de la route départementale 44. Ces nouvelles voies (route du Peycher, rue du Beau Site et déviation de la RD 44) ont permis l’extension des faubourgs de Sainte-Sigolène vers le nord et le nord-ouest.

Le lotissement ne possède pas d’espaces verts publics, mais des arbres d’alignement bordent plusieurs sections de la rue. S’il n’a pas de place publique, il dispose en revanche de deux petits parkings.

Les 21 lots de l’opération réalisée par la Société coopérative d’HLM de Dunières dessinent quatre rangées, deux à l’extérieur de la boucle de la rue et deux à l’intérieur. Les lots possèdent une surface moyenne de 640 m2. Le plus petit mesure 550 m2, le plus grand 900 m2. Les parcelles sont le plus souvent rectangulaires, quelques-unes sont triangulaires ou trapézoïdales.

Les maisons se dressent en retrait de la rue, le plus souvent quasiment au centre de la parcelle. Les dimensions des retraits varient afin d’éviter un alignement trop strict des bâtiments. En raison du tracé de la rue associant lignes droites et courbes, dix-huit maisons s’élèvent parallèlement à la voie et trois sont en biais. Quinze maisons ont leurs angles orientés vers les points cardinaux, six présentent leurs façades vers les points cardinaux. Avec le relief et le décalage des implantations, les vues semblent assez ouvertes, sans vis-à-vis gênants.

Assez curieusement, toutes les maisons ont leur façade principale disposée perpendiculairement à la rue (et donc perpendiculairement à leur accès principal). Cette caractéristique est peu fréquente dans ce type de programme : le plus souvent, les façades principales sont parallèles à la rue (ou un peu en biais). Ici, de toute évidence, l’exposition des façades principales vers le sud et le sud-est a été privilégiée.

L’architecture des immeubles HLM

L’architecture des immeubles s’avère dépouillée sans pour autant être rudimentaire. Les moyens alloués à la construction étaient réduits, ils furent donc concentrés sur les éléments indispensables du programme. L’objectif était d’obtenir au meilleur coût des logements nombreux, suffisamment vastes, bien éclairés et ventilés, disposant de l’eau courante, de l’éclairage électrique, de sanitaires et d’une installation de chauffage. En résumé, avec une habitation à loyer modéré, les « ménages modestes » pouvaient enfin accéder au « confort moderne optimisé ».

Les deux immeubles s’élèvent sur un plan rectangulaire (fig. 8 et 9, 13 à 15). Le « Groupe 1 » mesure 42 mètres de longueur, le « Groupe 2 » 84 mètres de longueur, leur largeur est de 8,20 mètres. Les immeubles sont constitués de six modules répétés : le « Groupe 1 » comporte deux modules identiques, le « Groupe 2 » rassemble quatre modules identiques. Chaque module compte six appartements répartis deux par deux sur trois niveaux. En outre, un sous-sol semi enterré abrite des locaux utilitaires (caves, buanderies). Au centre du module, une entrée principale, un vestibule et un escalier desservent les niveaux.

La volumétrie générale des bâtiments est simplement parallélépipédique. Une petite corniche dessine un trait net entre les élévations et les toits à croupes couverts de tuiles.

Avec leurs travées régulièrement espacées, les façades principales sont très sobres, presque monotones. La travée centrale de chaque module forme un léger avant-corps qui souligne l’emplacement de l’entrée principale et de la cage d’escalier (fig. 16).

Les façades postérieures s’avèrent plus animées. Celle du « Groupe 1 » (fig. 14) comporte pour chaque module deux avant-corps latéraux, ce qui crée au centre de la façade un large avant-corps. Les deux renfoncements encadrés par les avant-corps sont garnis de trois niveaux de balcons filants. Les garde-corps des balcons sont en partie maçonnés afin de souligner l’axe de symétrie de chaque module.

Sur la façade postérieure du « Groupe 2 » (fig. 9 et 17), chaque module comprend un avant-corps central et deux avant-corps latéraux. Les deux renfoncements ainsi délimités abritent trois niveaux de balcons légèrement saillants. Les garde-corps sont en partie maçonnés de part et d’autre de l’avant-corps central, ce qui – là aussi – accentue la symétrie de la composition.

L’architecture des maisons

L’architecture des maisons se veut avant tout efficace. Comme souvent pour ce type de programme, l’originalité ou l’invention esthétique ont été bannis. Mais par leur dessin, par leurs proportions, les maisons offrent tout de même un aspect agréable, d’autant que la plupart n’ont pas été modifiées. Entourées de clôtures basses et de jardins bien entretenus, elles forment toujours un ensemble assez homogène et harmonieux.

Les maisons se répartissent en deux groupes d’inégale importance. Le premier compte dix-huit maisons de type F4 (fig. 18 à 22 et 27). Il s’agit des n° 1 à 8, 12 à 14, 18 à 21, 23 et 24 du lotissement Les Érables, ainsi que du n° 5 rue du Peycher (qui correspond au lot n° 14 du plan dressé en 1963, fig. 4). Le second groupe se compose de trois maisons de type F5 : les n° 15, 16 et 17 du lotissement (lots n° 19, 20 et 21 du plan de 1963). Un peu plus grandes, d’une architecture légèrement plus riche (du moins sur les dessins originaux, fig. 23 et 24), elles se trouvent au plus près de l’accès principal et sur la partie haute du terrain du lotissement (fig. 4, 25 et 26). Faut-il voir dans cet emplacement « de choix » l’indice d’une implantation hiérarchisée en fonction des modèles de maison ? Ce n’est pas sûr…

Par rapport aux plans des maisons édifiées dans le lotissement, les plans-types annexés au permis de construire de 1963 sont inversés droite/gauche (comme un calque retourné horizontalement, fig. 18-19 et 23-24). De toute évidence, Étienne Grand ne les dessina pas spécialement pour cette opération.

La principale raison de cette inversion droite-gauche semble résider dans l’orientation donnée au balcon et à la loggia qui agrémentent respectivement le type F4 et le type F5. Sur les maisons type F4 du lotissement (fig. 21-22), le balcon se trouve du côté gauche de la façade principale (à droite sur le plan, fig. 18-19). Ainsi, le balcon bénéficie au mieux de l’exposition sud-est/sud-ouest et du panorama le plus large. Sur les maisons type F5 du lotissement, grâce à l’inversion du plan (fig. 23-24), la loggia est à gauche de la façade latérale gauche (fig. 25-26). Elle ouvre ainsi vers l’ouest. Là encore, l’ensoleillement et la vue ont été privilégiés. De toute évidence, l’altitude non négligeable du lotissement (800 mètres) a joué un rôle dans le choix de ces inversions.

Les maisons du lotissement répondent à un programme qui, dans les années 1960, était devenu très courant : chacune comporte un logement mono-familial et un garage pour une voiture automobile.

Le type F4 s’élève sur un plan carré (9,60 m de côté), le type F5 sur un plan rectangulaire (9,60 x 10,90 m). L’un et l’autre possèdent deux niveaux reliés par un escalier intérieur à une volée droite. Le rez-de-chaussée est essentiellement occupé par le garage et la cave, l’étage abrite l’appartement. La surface habitable du type F4 (séjour et trois chambres) est de 73,80 m2, celle du type F5 (séjour et quatre chambres) de 87,40 m2.

Les maisons ont une volumétrie parallélépipédique simple. Elles sont couvertes de toits en pavillon (type F4) ou à croupes (type F5) revêtus de tuiles. Deux renfoncements introduisent un peu de variété dans les élévations. Sur le modèle F5, il s’agit de la loggia évoquée ci-dessus. Sur le modèle F4, il s’agit du renfoncement qui, outre le balcon, abrite les portes de la maison et du garage.

Pour les élévations, faute de pouvoir obtenir un dessin régulier, Étienne Grand a recherché des compositions équilibrées. Par exemple, sur la façade principale du type F4, le regroupement des deux petites fenêtres de l’étage contrebalance visuellement le renfoncement.

Quelques maisons possèdent des détails qui les différencient des autres : il s’agit par exemple d’un bandeau en béton gris qui domine l’étage (fig. 27) ou d’une fermeture d’avant-toit biaise (fig. 22). Ces petites variations ont vraisemblablement été décidées en cours d’exécution, à l’initiative des acquéreurs qui participaient sans doute au chantier dans le cadre de l’opération « Castors ».

En revanche, pour les maisons F5, deux éléments prévus sur les plans d’origine n’ont pas été construits (fig. 24-25). Ils donnaient pourtant un peu « de cachet » à la façade principale. Ce sont d’une part un auvent en béton qui encadrait les portes d’entrée de la maison et du garage, et d’autre part un oculus qui à l’étage soulignait l’axe de symétrie (une petite fenêtre carrée, moins coûteuse, a pris sa place).

L’organisation intérieure des deux modèles est très similaire (fig. 18 et 23). Elle se fonde sur la position de l’escalier. Celui-ci est placé sur l’axe de symétrie transversal. Il dessert à l’étage un hall central qui distribue toutes les pièces. Comme bien souvent, la cuisine reste séparée du séjour. Le type F5 comporte une quatrième chambre largement ouverte sur le séjour, ce qui crée un espace de réception plus grand (25,6 m2) que celui du type F4 (15,35 m2). Le type F5 présente également une petite curiosité : un cabinet de toilettes équipé de deux portes permet de circuler directement de la chambre principale à la chambre 4.

La présence de plusieurs penderies montre que l’architecte s’était attaché à proposer des dispositions fonctionnelles. En revanche, dans ce registre, les rez-de-chaussée surprennent. Ils sont aussi vastes que l’appartement et pourtant ils n’accueillent qu’un petit vestibule, le garage et une cave. La surface de la cave paraît spécialement disproportionnée. De plus, elle n’est éclairée que par trois petites fenêtres, ce qui la rend peu aménageable en pièces d’habitation supplémentaires. Dans le cadre d’une réalisation se voulant assez économique, un rez-de-chaussée aussi peu utile paraît bien coûteux.

Conclusion

Les immeubles de la Croix-Saint-Romain et le lotissement Les Érables sont des réalisations que l’on peut qualifier « d’ordinaires » ou de « communes ». Leurs caractéristiques urbaines et architecturales se rencontrent fréquemment. Néanmoins, les opérations de ce type, modestes par le nombre de logements et implantées dans des petites villes en milieu rural, ont été rarement étudiées.

L’exemple de Sainte-Sigolène témoigne qu’au cours des années 1950-1960, même dans un tel contexte, la construction d’immeubles HLM et de maisons « économiques » en série sur plan-type parut être une solution adaptée. Deux cartes postales (fig. 1 et 6) éditées vers 1964 et 1968 montrent à l’arrière-plan le bourg de Sainte-Sigolène et au premier plan les immeubles HLM de la Croix-Saint-Romain et le lotissement Les Érables. Le choix opéré par les photographes et l’édition des cartes attestent qu’à l’époque, ces deux réalisations bénéficièrent d’une perception très positive. Grâce à elles, de nombreuses personnes accédèrent à des logements décents et même devinrent propriétaires de leur maison. Indéniablement, cela constitua un véritable progrès social.

  • Murs
    • béton béton armé
    • pierre maçonnerie
  • Toits
    tuile mécanique
  • Plans
    plan carré régulier, plan rectangulaire régulier
  • Étages
    1 étage carré, sous-sol, 3 étages carrés
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à plusieurs pans
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier droit, escalier tournant
  • Typologies
    architecture domestique
  • État de conservation
    bon état
  • Précision dimensions

    Immeubles de plan rectangulaire, « Groupe 1 » 42 mètres de longueur, « Groupe 2 » 84 mètres de longueur, largeur des deux immeubles 8,20 mètres. Maison Type F4 de plan carré (9,60 m de côté) ; maison type F5 de plan rectangulaire (9,60 x 10,90 m).

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public départemental, Immeubles HLM propriété de l'OPAC Haute-Loire.
    propriété privée, Maisons du lotissement propriétés de particuliers.

Documents d'archives

  • AD Haute-Loire 12 Fi 146 : carte postale CIM, éditions Combier, Mâcon. 12 Fi 146

    AD Haute-Loire : 12 Fi 146
  • AC Sainte-Sigolène, boîte des permis de construire « PC 1962-1963 ». (La collection des permis de construire est lacunaire pour les années 1945-1970).

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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