Dossier d’œuvre architecture IA43000696 | Réalisé par
Laurent Christophe (Rédacteur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération ponctuelle, Patrimoine XXe siècle
La chapelle de la Borie Darles à Brioude
Œuvre monographiée
Auteur
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Auvergne-Rhône-Alpes
  • Commune Brioude
  • Adresse 29 rue de la Borie Darles
  • Cadastre 2022 AK 152 et 153 Superficie du terrain : 6 330 m2 (à l’origine). De nos jours, le bien-fonds est divisé en quatre parcelles (parking, presbytère, église et terrain au sud-ouest), pour un total de 7 087 m2.

Résumé chronologique

Concours d’architecture au second semestre 1963 ou au premier semestre 1964 ; avant-projet mis au point fin juin 1964 ; permis de construire demandé le 3 juillet 1965 et délivré le 15 septembre 1965 (n° 12 218) ; déclaration d’ouverture du chantier datée du 9 février 1966 ; bénédiction le dimanche 6 octobre 1968 ; déclaration d’achèvement des travaux datée du 30 décembre 1968 ; certificat de conformité daté du 15 mars 1969.

Le 1er août 1963, l’abbé Brun, curé de Saint-Julien de Brioude, rendit publique la décision de construire une seconde église pour sa paroisse (fig. 1 et 2)[1]. Il s’agissait de desservir les nouveaux quartiers périurbains situés sur un plateau à l’ouest du cœur historique de la cité brivadoise. Sous l’effet de la hausse quasi générale du niveau de vie et d’un essor démographique non négligeable (6 184 Brivadoises et Brivadois en 1962, 7 195 en 1968), ce secteur connaissait depuis plusieurs années une urbanisation diffuse. Des immeubles HLM avaient été achevés depuis peu au bord de la route de Saint-Flour et de nombreuses maisons individuelles sortaient de terre.

Le dessein de l’abbé Brun s’inscrivit dans le grand effort produit par l’Église catholique au cours de l’Entre-deux-guerres et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Confrontée à l’exode rural et à l’expansion de la plupart des villes, l’Église catholique s’était engagée dans une course-poursuite. Elle désirait conserver son audience auprès des populations déplacées et elle voulait évangéliser les nouveaux quartiers. Cette politique avait conduit et conduisait encore à la fondation de nombreuses paroisses urbaines, fondation le plus souvent accompagnée de la construction de chapelles ou d’églises. Cependant, l’abbé Brun (et avec lui sa hiérarchie et son conseil paroissial) ne se lança pas dans une telle démarche. Le projet qu’il initia fut celui d’une chapelle dépendante de la vénérable église Saint-Julien.

Le don d’un terrain joua un rôle important dans la décision[2]. Bien placée au centre du secteur en développement, desservie par deux rues, cette propriété jouxtait une école en cours d’aménagement. Une pareille proximité s’avérait prometteuse : l’école serait fréquentée par les familles du quartier et les enfants scolarisés pourraient suivre les cours de catéchisme dans le nouvel édifice. La chapelle eut donc pour vocation d’être un « Centre d’animation spirituelle » destiné à renforcer l’offre cultuelle et culturelle. En particulier, elle dut comporter des locaux affectés aux animations pastorales et à l’enseignement. En outre, elle fut dotée d’un logement pour plusieurs desservants.

Le projet prit corps avec le lancement – fin 1963 ou début 1964 – d’un concours ouvert « aux architectes locaux »[3]. Il fut remporté par Guy Bion, architecte fraîchement diplômé (mars 1961) et installé depuis peu à Clermont-Ferrand après avoir travaillé dans une agence parisienne. Né en 1925 à Thiers, Guy Bion avait passé une grande partie de son enfance à Brioude où sa famille conservait des attaches.

À la fin de juin ou au début de juillet 1964, Guy Bion déposa un avant-projet à la Direction départementale de l’Équipement de la Haute-Loire (fig. 3 à 7). Selon le processus habituel, les dessins furent envoyés à l’architecte-conseil de la DDE Louis de Hoÿm de Marien (Premier Grand Prix de Rome). Ce dernier délivra le 27 juillet 1964 un avis favorable[4].

La mise au point du projet conduisit à de notables évolutions par rapport à l’avant-projet. La demande de permis de construire, comprenant les plans quasi définitifs, fut déposée le 3 juillet 1965 au nom de l’Association diocésaine de la Haute-Loire. L’administration délivra le permis de construire le 15 septembre 1965. Le chantier débuta en février 1966.

Le dimanche 6 octobre 1968, en présence de personnalités et d’une assistance déférente, l’évêque du Puy-en-Velay Jean-Pierre Dozolme bénit le nouveau sanctuaire et consacra l’autel. Très rapidement, plutôt que le nom de « Notre-Dame des Près » porté par le projet, l’on préféra utiliser le vocable de « Notre-Dame de la Borie Darles »[5].

L’abbé Pierre Escorbiac devint le premier desservant des lieux. En novembre 1968, dans le Bulletin paroissial de Saint-Julien de Brioude, il livra quelques réflexions dont celle-ci : « La participation aux messes du dimanche 8 heures et 10 heures a été dès le premier dimanche réconfortante. Peut-être les chaises sont-elles occupées par les paroissiens du centre ville plutôt que la périphérie. C’est possible. Mais nous avons la ferme conviction que les fidèles du plateau – pavillons et HLM – viendront de plus en plus nombreux dans l’église de leur quartier… »[6].

De nos jours, et depuis de nombreuses années, la chapelle de la Borie Darles n’est plus desservie par un prêtre à demeure. Elle reste cependant assez fréquentée, notamment en raison de la présence de pratiquants d’origine portugaise. Une statue de Notre-Dame de Fatima est abritée dans la chapelle. Elle fait l’objet chaque année d’une procession.

Notes

[1] Guy Bion et Pierre Escorbiac, « La chapelle Notre-Dame de la Borie Darles », Almanach de Brioude et de son arrondissement, n° 93, janvier 2013, p. 167-186, p. 171. De nombreuses informations de notre étude proviennent de cet article.

[2] Le terrain fut donné par Élise Héraud, veuve de Gustave Héraud, avec l’accord de ses enfants (d’après G. Bion, P. Escorbiac, op. cit. note 1).

[3] G. Bion, P. Escorbiac, op. cit. note 1.

[4] Lettre de Louis de Hoÿm de Marien conservée dans le Dossier de permis de construire, Archives paroissiales de Saint-Julien de Brioude. Ce dossier a été sauvé de la destruction des archives de la Direction départementale de l’Équipement de la Haute-Loire par M. Alain Boularand, ancien employé de la DDE de la Haute-Loire et paroissien de l’église de La Borie Darles.

[5] La Borie Darles est un nom de terroir déjà mentionné en 1824 sur le Registre d’état de sections du cadastre napoléonien de Brioude (Section D).

[6] P. Escorbiac, « Église Notre-Dame. Premières impressions… et perspectives d’avenir », Bulletin paroissial de Saint-Julien de Brioude, novembre 1968 (n. p.). Voir aussi dans ce numéro l’article de Pierre Terrasson : « Bénédiction de la chapelle Notre-Dame et Consécration de l’autel ».

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      BION Guy
      BION Guy

      Guy Bion (Thiers, 10 mars 1925 - Rueil-Malmaison, 21 août 2018) a suivi à partir de 1947 des études d’architecture à l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (ateliers d’André Lurçat puis de Pierre Vivien). Il a été diplômé par le gouvernement le 9 mars 1961.

      Guy Bion a travaillé en région parisienne et en Auvergne. Il s’est installé à Clermont-Ferrand en 1963 (agence au n° 13 rue Gerbert) et a œuvré jusqu’en 1995. Ses réalisations à Brioude semblent assez nombreuses (édifices publics remaniés et maisons). Sa famille avait des attaches à Brioude et il a passé dans cette ville une grande partie de son enfance.

      Sources : site Agorha, fiche biographique ; Guy Bion et Pierre Escorbiac,  « La chapelle Notre-Dame de la Borie Darles », Almanach de Brioude et de son arrondissement, n° 93, janvier 2013, p. 167-186.

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      MANDEVILLE Bernard
      MANDEVILLE Bernard

      Bernard Mandeville (Rouen, 16 novembre 1921 - Paris, 21 octobre 2000), plasticien, a vécu de 1948 à 1968 en Auvergne puis s’est installé à Paris. Il a notamment réalisé en 1967 une fresque avec collages dans la bibliothèque de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Clermont-Ferrand. Il est l'auteur des vitraux en Altuglas de la chapelle de la Borie Darles à Brioude (1968).

      Sources : fiche biographique Wikipedia

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      maître verrier, peintre attribution par source

1. Implantation

« Le terrain est assez ingrat à exploiter en bas de pente mais le choix a été dicté par le fait que le propriétaire en a fait don aux autorités ecclésiastiques locales »[1]. Comme le remarquait déjà le directeur de la DDE de la Haute-Loire en 1964, la position de la chapelle de la Borie Darles s’avère peu favorable. En effet, son implantation fut soumise à de fortes contraintes.

Le bien-fonds donné à l’Association diocésaine se composait de deux parcelles mitoyennes. De forme rectangulaire (fig. 8), orienté nord-est / sud-ouest, il mesurait environ  155 m du nord-est au sud-ouest et 52 m du sud-est au nord-ouest. Sa surface était largement suffisante pour implanter l’édifice et ses dépendances[2]. Néanmoins, sa topographie le divisait en deux parties, la première assez plate, la seconde en pente vers le sud-ouest. La partie plate (altitude 458 m) se trouvait du côté de la rue de la Borie Darles. La partie en pente (7 m de dénivelée) descendait vers l’emplacement de la future rue de Prabouzou (l’aménagement de cette rue était programmé mais non encore réalisé).

À ces caractéristiques topographiques s’ajoutaient deux contraintes urbaines. La première était la constitution d’une réserve foncière sur une partie du bien-fonds situé le long de la rue de la Borie Darles. Cette réserve devait permettre la création d’un lotissement. La seconde était la volonté d’avoir deux accès pour desservir la chapelle, l’un débouchant rue de la Borie Darles, l’autre rue de Prabouzou. L’entrée située rue de Prabouzou allait avoir une importance particulière puisqu’elle ouvrirait vers le sud-ouest, en direction notamment de la cité HLM de la route de Saint-Flour.

Guy Bion répondit aux attentes des commanditaires. Il plaça une voie de desserte le long de la limite sud-est du terrain. Cette voie était destinée à relier les rues de la Borie Darles et de Prabouzou. L’entrée rue de Prabouzou permettrait de desservir un parking aménagé sur la partie basse du terrain. Guy Bion implanta ensuite la chapelle à cheval sur la ligne séparant la partie plate et la partie en pente. Il put ainsi respecter la réserve foncière prévue au nord-est, donner à la nef un accès de plain-pied depuis la rue de la Borie Darles, enfin racheter la dénivellation en créant un sous-sol partiel semi-enterré. L’architecte disposa dans le sous-sol les locaux d’animation pastorale et de catéchisme. Au-devant de ces locaux, il prévit l’installation d’un terrain de jeux.

La conséquence fondamentale du parti adopté fut que la façade et les entrées principales de la chapelle ouvrirent vers le sud-est, sans grand recul par rapport aux propriétés mitoyennes. En effet, très logiquement, la voie qui devait relier les deux rues fut considérée comme l’axe majeur de la composition. Peu visible du nord-est, l’édifice allait en revanche profiter au sud-ouest d’un profond dégagement et d’une vue en contre-plongée depuis la rue de Prabouzou. De ce côté, la mise en scène urbaine promettait d’être suffisamment monumentale.

Malheureusement, le parti imaginé par Guy Bion n’a pas été totalement exécuté. La perception actuelle de la chapelle pâtit de cet inachèvement (fig. 1, 2, 9 à 11). L’édifice s’insère bizarrement dans le tissu urbain et semble un peu caché. Cet état de fait découle en grande partie de l’évolution historique du site. Les aménagements prévus au sud-est et au sud-ouest (voie de desserte, entrée et parking rue de Prabouzou) n’ont pas été réalisés. Un champ occupe la partie la plus basse du terrain et un rideau d’arbres dissimule la chapelle depuis la rue de Prabouzou. À l’opposé, du côté nord-est, le projet de lotissement a été abandonné. Un parking occupe son emplacement. Il est utilisé par les parents des élèves de l’école voisine et par les fidèles lors des offices. La chapelle n’est donc accessible que par la rue de la Borie Darles et le parking. Mais sa façade et ses entrées principales sont presque invisibles depuis ces espaces publics puisqu’elles ne sont pas tournées vers eux. De même, les perspectives urbaines de la rue et le dégagement offert par le parking ne mettent guère en valeur l’édifice puisque celui-ci est vu sous un angle que l’architecte n’avait pas privilégié. Globalement, l’effet produit s’avère assez déroutant.

2. Architecture

Issue d’un projet lancé en 1963, la chapelle de la Borie Darles s’avère conforme à la réforme liturgique préparée et promulguée par le Concile Vatican II (1962-1965). Pourtant, aucun des textes élaborés dans le cadre du Concile ne comportait d’indications précises et exhaustives sur la conception ou les formes architecturales des nouvelles églises. Seuls l’agencement du chœur et du sanctuaire, la forme et la disposition des éléments présents dans ces espaces (autel majeur, ambon, etc.) firent véritablement l’objet d’instructions détaillées. Mais l’un des points cruciaux de la réforme suffisait à modeler profondément l’architecture des nouvelles églises : celui de la « participation active des fidèles à l’action liturgique »[3]. La « participation active » avait pour corollaire l’unification des espaces intérieurs des églises, une plus grande proximité entre les places occupées par les fidèles et le chœur, le dégagement des vues en direction du sanctuaire et la concentration de l’attention de l’assemblée sur l’autel majeur.

Sur ces aspects comme sur d’autres, le Concile Vatican II ne fit que valider une grande partie des évolutions que l’Église catholique connaissait depuis des décennies. Il serait donc très réducteur de ne percevoir la chapelle de la Borie Darles qu’à la lumière des concepts promulgués par le Concile. En réalité et plus globalement, cet édifice s’inscrit dans le mouvement de renouveau de l’architecture religieuse à l’œuvre depuis le début du XXe siècle. Par exemple, le positionnement sous la nef de locaux d’animation pastorale est le fruit d’une évolution typologique apparue dès 1925. De même, le caractère innovant du plan et des élévations de la chapelle procède d’expérimentations liturgiques et architecturales remontant au milieu des années 1930[4].

L’ensemble conçu par Guy Bion se distingue par sa volumétrie très géométrique animée par des avancées et des renfoncements anguleux. Il comprend deux bâtiments accolés : d’une part la chapelle avec en sous-sol les locaux d’animation pastorale et de catéchisme, d’autre part la sacristie et le logement (fig. 12 à 35)[5].

Le petit bâtiment de la sacristie-logement (fig. 10 à 12 et 23) se dresse au nord de la chapelle, un peu en contrebas du parking. Nettement moins élevé que la chapelle, il possède un plan en L (au niveau inférieur) et un plan polygonal (au rez-de-chaussée et à l’étage). La sacristie assure la transition avec le sanctuaire. Elle donne accès à deux escaliers, l’un conduisant à la nef, l’autre au sous-sol où se trouvent un garage puis les locaux d’enseignement et d’animation. La partie « logement » abrite une salle de réunion, une cuisine, un séjour et quatre chambres (dont une « chambre de bonne »). Des parements en pierre et des revêtements en bois embellissent les élévations. Le toit à un versant, incliné en direction du sud, conduit le regard vers la chapelle.

La chapelle est orientée vers le nord-ouest. Elle comporte deux niveaux : un rez-de-chaussée de plan hexagonal[6] et un sous-sol partiel semi-enterré de plan rectangulaire avec un angle coupé (fig. 13 et 14). Le sous-sol abrite quatre salles pouvant être réunies en une seule grâce à des cloisons mobiles[7]. Du côté ouest, ces salles ouvrent de plain-pied vers l’extérieur (fig. 23). Du côté est, elles sont distribuées par un long couloir. Un terre-plein s’étend au-delà du mur oriental du couloir. Le rez-de-chaussée de la chapelle mesure environ 28 m du nord-ouest au sud-est et 36 m du nord-est au sud-ouest. Sur son axe de symétrie, du sud-est au nord-ouest, prennent place successivement un porche, un baptistère, la nef et le chœur. La capacité d’accueil de la nef est de 450 places.

Le porche (fig. 15 et 21) forme au sud-est une galerie accessible par deux escaliers, l’un situé au nord-est, l’autre au sud-ouest. Il abrite une partie du baptistère qui forme un avant-corps central de plan triangulaire (fig. 22). Les deux grandes portes principales de la chapelle s’ouvrent de part et d’autre de l’avant-corps.

La nef et le chœur se développent sur un plan d’apparence nettement triangulaire (un triangle isocèle dont les trois sommets auraient été coupés ; fig. 14). Le chœur s’inscrit dans un plan trapézoïdal qui génère un sanctuaire hexagonal et une abside à trois pans. La nef et le chœur constituent un seul espace continu qui converge vers l’autel majeur (fig. 24 à 27). Tout le dispositif architectural vise à « faciliter la participation active, consciente et communautaire des fidèles à l’action liturgique »[8]. Les rangées des chaises des fidèles sont disposées en éventail face au sanctuaire[9]. Aucun obstacle ne gêne la vue vers l’autel majeur. Le sanctuaire est surélevé de la hauteur de deux marches. Une dernière marche (ou marchepied) délimite l’estrade hexagonale où se trouve l’autel majeur. Ce dernier est « suffisamment élevé pour être visible de tous », mais pas trop afin de ne pas « paraître isolé de l’assemblée ». En outre, l’autel majeur, détaché du mur de l’abside, fait « face au peuple » et l’on peut tourner autour. Il constitue un « centre […] d’ordre psychologique » qui « doit s’imposer à l’attention des fidèles ». En arrière, toujours sur l’axe principal de symétrie et adossé au mur de l’abside, le tabernacle forme un point haut dominant. Il repose sur une tablette portée par quatre fragments d’orgues basaltiques. Enfin, à gauche du sanctuaire, l’on trouve le siège de présidence lui-aussi surélevé (mais un peu moins que le tabernacle).

Symboliquement placé au plus près des entrées de la chapelle, le baptistère répond symétriquement au chœur (fig. 28). Trois marches délimitent son espace et abaissent son sol sous le niveau de celui de la nef. Sorte de théâtre miniature, le lieu « se prête aux célébrations communes » et vise à affirmer « la dignité du sacrement de baptême ».

Globalement, les dispositions décrites ci-dessus délimitent et hiérarchisent les composants cultuels sans pour autant créer des barrières à la vue ou aux circulations.

À l’extérieur comme à l’intérieur, l’architecture de la chapelle associe plusieurs matériaux de construction. Une pierre ocre jaune prédomine : elle est employée en appareil de revêtement irrégulier notamment pour les murs en maçonnerie fourrée sud, sud-est et est, ainsi que pour le chevet. Les chaînages harpés, ainsi que des pans de murs et des piliers en assises irrégulières, sont bâtis avec une pierre plus claire. Le béton armé est utilisé pour certaines structures plus ou moins visibles du gros-œuvre (planchers, piliers, poutres, chaînages, etc.). De manière plus affirmée, il constitue les minces « piliers-meneaux » qui forment les remplages des baies éclairant le chœur, le baptistère et la sacristie. Quelques murs sont revêtus d’un enduit au ciment, par exemple en façade ouest, entre les baies du sous-sol et du rez-de-chaussée. À l’intérieur, un crépi ocre recouvre les murs sous appui ouest et nord. Des dalles carrées en terre cuite rouge revêtent les sols. Enfin, le bois s’avère très présent dès l’extérieur. Le porche, en particulier, possède des poteaux et une charpente en bois.

La toiture de la chapelle est l’élément prépondérant de la composition architecturale (fig. 1, 2, 15 à 20, 23). Elle apporte un degré supplémentaire de complexité. Couverte de tuiles, elle se compose de quatre versants en pente douce indépendants les uns des autres. Les versants sud-est et nord-ouest sont de plan pentagonal, les versants ouest et nord de plan rectangulaire. Les premiers ne se touchent au faîte du toit que par un de leurs sommets. Les seconds, séparés l’un de l’autre par le versant sud-est, s’étendent en contrebas des premiers. Par leur disposition, les versants soulignent l’orientation principale de la chapelle et donnent l’illusion qu’il existe des bas-côtés. En outre, de manière assez originale, de grandes verrières verticales ferment les espaces séparant les versants pentagonaux des versants rectangulaires (fig. 23). Pour compléter l’effet ascendant de l’ensemble, une flèche en charpente alternant des volumes pyramidaux et des vides se dresse au centre du toit. Sur le versant sud-est, une grande lucarne triangulaire répond par sa forme à la flèche (fig. 21).

La charpente en bois sur laquelle repose la toiture s’avère également remarquable. Laissée visible à l’intérieur de la chapelle, elle contribue fortement à la structuration spatiale de la nef et du chœur (fig. 20, 24 à 27, 29 à 31). Elle se compose de poutres treillis en bois massif assemblées entre elles de manière traditionnelle. Deux fermes principales prennent appui sur quatre piliers (deux de part et d’autre du sanctuaire, un à côté de chaque porte principale). Orientées nord-sud et est-ouest, les fermes forment une croix-de-Saint-André au-dessus de la nef. Trois poutres secondaires, parallèles à la façade d’entrée, supportent le versant sud-est. La plus longue repose sur deux piliers supplémentaires en béton armé. Elle renforce la charpente au niveau de la lucarne, tandis que les deux piliers encadrent le baptistère. Au-dessus du chœur, trois poutres secondaires orientées sud-est / nord-ouest soutiennent le versant nord-ouest du toit. Enfin, les versants rectangulaires nord et ouest sont l’un et l’autre portés par trois poutres habillées de lambris teintés. Ce revêtement crée des surfaces pleines, plus sombres, bien différentes de la transparence offerte par les poutres treillis. Il constitue une sorte de cadre pour le chœur plus éclairé et il dirige ainsi les regards vers l’autel majeur. Le lambris qui revêt la totalité des faces intérieures des versants joue un rôle identique en contrastant avec la pierre claire des murs.

La lumière naturelle est le dernier élément – mais non le moindre – de l’architecture de la chapelle. Guy Bion a fait preuve en ce domaine d’une grande maîtrise. Il a évité soigneusement les contre-jours, les éclairages trop vifs ou trop directs, et bien évidemment il a privilégié le chœur en le parant de la lumière la plus forte.

La nef bénéficie principalement d’un éclairage zénithal dispensé par les verrières et la lucarne déjà mentionnées (fig. 21, 23, 27, 31). De plus, de longues fenêtres-bandeaux, horizontales et obliques, se trouvent au sommet des façades sud, sud-est et est, juste en-dessous de la naissance des versants (fig. 19, 26 et 32). Les verrières et les fenêtres-bandeaux sont fermées par des plaques d’altuglas transparentes, bleu clair et bleu foncé. En façades ouest et nord, au niveau du regard, des vitraux en dalles de verre serties dans du ciment diffusent une lumière chatoyante mais modérée (fig. 32 et 33). Le baptistère est éclairé sans excès par des vitraux en altuglas (fig. 28). Les « piliers-meneaux » qui maintiennent ces vitraux sont orientés parallèlement au point de vue principal. En revanche, les « piliers-meneaux » des deux grandes baies du sanctuaire sont placés perpendiculairement par rapport à l’axe de symétrie de la chapelle (fig. 25 et 27). Ils s’opposent ainsi au contre-jour qui pourrait gêner les fidèles regardant le chœur davantage éclairé. Là-encore, des vitraux en altuglas fermaient les baies du chœur. Trop abîmés, ils ont été remplacés en 2009 par des vitraux en verre émaillé (fig. 34).

Les vitraux d’origine en altuglas sont l’œuvre de Bernard Mandeville, un plasticien auvergnat. Ils se composent de plaques d’Altuglas translucides sur lesquelles sont collées de pièces découpées en Altuglas coloré. Des rehauts peints de couleur noire apportent des contrastes supplémentaires. Dans le baptistère, les vitraux comportent de grandes pièces rouges et jaunes aux angles arrondis (fig. 28). La lucarne sud-est est fermée par des plaques translucides agrémentées de pièces horizontales rouges (fig. 31). Sur les vitraux de la sacristie sont collées de petites pièces translucides, jaunes et bleues (fig. 35).

Les vitraux d’origine du chœur, également créés par Bernard Mandeville, ne sont pas assez documentés pour être commentés[10]. Ceux en place depuis 2009 ont été créés par l’atelier brivadois dirigé par Emmanuel Barrois. Ils présentent des silhouettes d’anges rouges et bleus qui semblent descendre du ciel pour rejoindre le sanctuaire (fig. 34).

Enfin, les vitraux en dalles de verre sont une réalisation de l’Atelier monastique de Saint-Benoît-sur-Loire. Fabriqués en 1968, ils présentent des compositions en arabesque garnies de dalles de verre multicolores (jaune, brun, terre de sienne, vert, violet, etc.) et entourées de dalles de verre à dominante bleue (fig. 32 et 33).

3 - Quelques éléments de conclusion

La chapelle de la Borie Darles constitue un ensemble bien conservé, fort et cohérent. Son architecture, avec en particulier le plan trapézoïdal et la toiture complexe, est représentative de la recherche de formes nouvelles qui distingue de nombreuses églises des années 1960. Toutefois, en concevant cette œuvre, Guy Bion a innové avec modération. Il a écarté notamment la technique du bois lamellé-collé, matériau souvent utilisé à cette époque pour créer des charpentes de toitures aux formes virtuoses. Il a préféré employer une charpente traditionnelle et il l’a associée à la pierre « du pays ». Cette association confère à la chapelle une certaine « ruralité », au sens où elle semble attachée à un terroir spécifique, celui du Brivadois.

Le département de la Haute-Loire ne compte pas beaucoup d’églises du XXe siècle. L’une d’elles bénéficie d’une protection monument historique qui lui a conféré une certaine célébrité. Il s’agit de l’église du Val Vert au Puy-en-Velay, construite de 1961 à 1963 suivant les plans de l’architecte Jacques Prioleau. La chapelle de la Borie Darles est moins connue que l’église ponote, mais aucun élément objectif ne justifie cette discrétion. En effet, l’œuvre de Guy Bion s’inscrit parmi les meilleures réalisations auvergnates contemporaines du Concile Vatican II ou légèrement postérieures. Elle peut notamment être comparée à l’église Notre-Dame du Perpétuel-Secours de Clermont-Ferrand (1969-1973, Paul Faye et Michel Tournaire architectes) avec laquelle elle partage un caractère à la fois inventif, accompli et maîtrisé[11].

Notes

[1] B. Touzain, directeur de la Direction départementale de l’Équipement de la Haute-Loire, lettre à L. de Hoÿm de Marien accompagnant l’envoi de l’avant-projet de chapelle, 8 juillet 1964, Dossier de permis de construire, Archives paroissiales de Saint-Julien de Brioude.

[2] La surface de 6 330 m2 indiquée sur le permis de construire était celle du terrain donné à l’Association diocésaine et ne comprenait pas la surface réservée pour le lotissement. De nos jours, le bien-fonds est divisé en quatre parcelles (parking, presbytère, église et terrain au sud-ouest), pour un total de 7 087 m2.

[3] L’article 124 de la Constitution de la Sainte Liturgie (promulguée le 4 décembre 1963 par le Concile) indique que « dans la construction des édifices sacrés, on veillera à ce que ceux-ci se prêtent à l’accomplissement des actions liturgiques et favorisent la participation active des fidèles ». Le 26 septembre 1964 fut publiée l’Instruction pour l’exécution de la Constitution sur la liturgie « Inter œcumenici ». Ce texte comporte un chapitre intitulé « Comment construire les églises et les autels pour obtenir la participation active des fidèles ». Mais, là encore, les indications sur l’architecture sont lapidaires. Voir la revue La Maison-Dieu, n° 80, 4e trimestre 1964, comportant le texte de l’instruction et des commentaires par Pierre Jounel. Voir également Le renouveau liturgique et la disposition des églises. Directives pratiques, Commission épiscopale de liturgie, Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France, Association épiscopale liturgique, 20 juillet 1965, 18 pages.

[4] À partir du milieu des années 1950, ce processus créatif a débouché sur la construction d’églises de plans circulaire, ovale, carré, trapézoïdale, triangulaire, etc., et dotées de couvertures aux formes très variées, souvent sculpturales voire spectaculaires. À ce jour, l’ouvrage le plus complet sur le sujet est celui de Christine Blanchet et Pierre Vérot : Architecture et arts sacrés de 1945 à nos jours, Paris, Archibooks + Sautereau éditeur, 2015, 615 p.

[5] La chapelle de la Borie Darles n’étant pas l’église principale d’une paroisse, le mot « presbytère » est inadéquat.

[6] Dans le Devis descriptif des travaux (30 mars 1965), Guy Bion écrit : la chapelle « est construite sur un plan inscrit dans un carré orienté sur une des diagonales nord-sud comme axe de la nef. Les deux sommets correspondants étant tronqués pour ménager à une extrémité, le sanctuaire ; à l’autre, l’accès à l’édifice » (Dossier de permis de construire, Archives paroissiales de Saint-Julien de Brioude). La revue L’Art sacré a publié de novembre 1956 à mai 1957 une série de quatre numéros sur « Les églises récentes de France ». Le numéro 5-6 de janvier-février 1957, titré « À la recherche d’un plan », présente et analyse différentes formes de plans.

[7] Les plans du permis de construire qui illustrent notre étude ne sont pas les plans définitifs. Ils présentent quelques différences de détail avec les plans exécutés. Notre description correspond à l’état réalisé.

[8] Le renouveau liturgique et la disposition des églises […], op. cit. note 9. Les passages entre guillemets qui suivent proviennent aussi de ce document.

[9] Sur les plans du permis de construire, un autel mineur et quelques bancs sont disposés perpendiculairement au mur sud de la nef. Cet autel n’existe pas de nos jours ; il n’a visiblement pas été mis en place.

[10] Les fragments déposés ont été soigneusement entreposés au sous-sol de la chapelle.

[11] Le cadre limité de notre étude ne permet pas une analyse comparative. Le lecteur pourra cependant consulter deux ouvrages récents : Maryannick Chalabi et Violaine Savereux-Courtin, Églises XXe du diocèse de Lyon, éditions Lieux Dits, 2019, 352 p., et Christophe Laurent, Architectures remarquables du XXe siècle en Auvergne, Maison de l’architecture Auvergne - éditions de la Flandonnière, 2020, 120 p. (chapitre VI « Édifices cultuels »).

  • Murs
    • béton béton armé enduit
    • pierre appareil mixte
  • Toits
    tuile
  • Plans
    plan massé
  • Étages
    sous-sol, 1 étage carré
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
  • Typologies
    architecture religieuse (3e quart 20e siècle)
  • État de conservation
    bon état
  • Précision dimensions

    Édifice de culte de plan hexagonal (environ 28 x 36 m) comportant deux niveaux, complété par une sacristie-logement de plan polygonal comportant trois niveaux.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une association diocésaine, Propriété de l'Association diocésaine du diocèse de Puy-en-Velay
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Etude SRI : architecture XXe - Modernisation et mutations de l’Auvergne, 1945-1985 : dix réalisations architecturales et urbaines emblématiques - Étude pour le Service Patrimoines et Inventaire de la Région Auvergne-Rhône-Alpes - Christophe Laurent, historien du Patrimoine, 2021-2022 (suivi scientifique Nadine Halitim-Dubois chercheure Inventaire général)

Annexes

  • Références documentaires
Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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