Le programme de concours pour un "monument aux Combattants de la Grande Guerre et aux enfants de la commune morts pour la France" est établi en 1922. Il s’agit d’élever ce monument dans le square des Grammonts, installé à l’époque depuis une quarantaine d’années sur l’emplacement du jardin des grammontains, au nord-est du centre ville ; ce square est rebaptisé square de Verdun à la suite de l’installation du monument, inauguré le 5 août 1923. Le lauréat du concours est l’architecte thiernois Gabriel Deroure, chargé de l’exécution générale du projet, tandis que les sculptures sont confiées à un sculpteur de Boën (Loire), Joanny Durand, classé deuxième au concours.
Le devis fourni par Deroure le 25 mai 1922 spécifie que "c’est à l’emplacement actuel de la fontaine du square des Grammonts, au pied de l’escalier donnant accès à la Place aux Arbres [actuelle place Duchasseint], que sera situé le monument. Il se détachera sur un fond constitué par les murs de l’escalier et sera encadré par les masses sombres des arbres d’essence résineuse actuellement existants" 1. Une certaine mise en scène est donc déjà envisagée. Si la pente n’est pas expressément citée dans ce devis, elle n’en reste pas moins présente en filigrane, puisqu’est évoquée la présence de l’escalier d’accès à la place située en contre-haut. En cet endroit, le dénivelé entre le square et cette place est particulièrement important ; un peu plus d’une dizaine de mètres, en moyenne, sépare le niveau de la rue des Grammonts de celui de la place Duchasseint (situées à une cinquantaine de mètres à vol d’oiseau l’une de l’autre) et c’est par une rupture pratiquement à la verticale, au fond du jardin, que se fait le passage d’un espace à l’autre, marqué par un immense mur de soutènement.
Le square lui-même, installé en longueur parallèlement à la rue, présente une légère déclivité transversale nord-sud, nécessitant quelques marches pour y accéder, lorsqu’on entre par la rue des Grammonts. On monte donc vers le monument qui fait face à l’entrée, ce qui, en le rendant plus imposant, participe déjà à sa mise en scène. La date de construction de l’escalier montant à la place aux Arbres, qui a donc préexisté au monument sans que l’on sache sous quelle forme exactement, n’est pas connue ; il n’apparaît sur aucun des plans dont nous disposons, avant le cadastre actuel : ni sur le plan de la ville du milieu du 18e siècle, ni sur l’atlas des propriétés du chapitre de Saint-Genès en 1768, ni même sur le plan cadastral de 1836. La question se pose même de savoir si, au 18e siècle, la déclivité n’était pas plus progressive - mais forcément très importante -, sans maçonnerie de soutènement. Sur le plan de 1836 figurent cependant à la fois un double trait longeant la partie nord des propriétés des grammontains, qui pourrait signifier la présence d’un mur de soutènement et un autre escalier permettant d’accéder à la place aux Arbres par son extrémité est depuis la rue de Lyon, escalier toujours existant sous une forme plus récente.
L’accès direct à la place haute depuis le jardin public a donc été très probablement conçu entre 1836 et la Première Guerre mondiale, afin d’éviter le large détour par la rue de Lyon, mais il a été remanié pour le nouveau projet : démolition des anciennes marches et reconstruction de nouvelles. Le bassin de l’ancienne fontaine évoquée dans le devis a lui aussi été vraisemblablement détruit - il a en tout cas disparu.
Il semblerait que lors de la genèse du projet, Gabriel Deroure ne songe qu’à adosser sa construction à l’escalier existant, puisqu’il n’est question que de "fond constitué par les murs de l’escalier" ; cette structure préexistante sera finalement réutilisée. Le projet réalisé intègre en effet au monument la symétrie de trois volées doubles d’un escalier rampe sur rampe. Les murs d’échiffre de chacune de ces volées, retravaillés pour l’occasion, deviennent les supports d’inscriptions directement en rapport avec la guerre de 1914-1918 : en l’occurrence y sont inscrits tous les toponymes des lieux où se sont déroulées les grandes batailles. À l’avant, la partie principale du monument décline, outre les noms des soldats morts au front (plus de 500), les symboles habituels du genre, coq, personnages éplorés, couronnes et, figure moins répandue, un solide Gaulois tenant sous sa protection un Poilu.
L’originalité du projet réside donc pour l’essentiel dans l’utilisation de l’arrière-plan qui, avec le jeu symétrique des volées déployées, donne toute son ampleur à l’ensemble 2. Les grilles et les plantations d’arbres de la place supérieure elles-mêmes, qui couronnent le tout à la manière d’un attique, sont mises au service de la monumentalité. De cette façon, sont magnifiés à la fois le monument aux morts, qui gagne ainsi une nouvelle dimension en devenant partie prenante de l’urbain, et tout l’ensemble urbain du square et de la place qui prend, lui, un aspect monumental.
Ce monument est inscrit au titre des Monuments historiques depuis le 10 avril 2019.
Architecte thiernois, auteur en particulier du projet général du monument aux morts du square de Verdun, à Thiers.