La maison vigneronne dans la littérature
Si l’évolution du vignoble, de la production et des pratiques viticoles a été assez bien étudiée, en revanche le bâti et l’architecture liés à cette activité n’ont pas suscité autant d’intérêt de la part des chercheurs.
Une des spécificités de la maison vigneronne est d’associer sous un même toit famille, récolte et instruments de travail. De plus, son implantation se fait selon le relief du village, en s’adaptant aux contraintes de la pente et du manque de place dans les centres-bourgs, suscitant le plus souvent une superposition des éléments, habitat et fonctions viticole et agricole, parfois très en hauteur dans certaines communes. On trouve dans certaines communes des maisons disposées en bande le long des rues ou en grappe autour d’une cour ou encore imbriquées avec des différences de niveaux entre l’avant et l’arrière de l’édifice, l’existence de niveaux semi-enterrés.
On trouve dans la littérature des descriptions de maisons vigneronnes du 17e siècle tirées de documents d’archives (pour les références, voir la bibliographie) : le cuvage est en rez-de-chaussée, avec cave en-dessous où se trouvent, alignés, les tonneaux contenant les vins de l’année, et à laquelle on accède par une trappe et un escalier de pierre ; le jus obtenu par fermentation du moût dans la cuve passant aux tonneaux dans la cave par simple gravitation. La maison peut être associée à une “grange[1]” à côté, qui peut accueillir un pressoir, servir d’étable... Les maisons possèdent un étage avec habitation, et un grenier ou galetas qui sert notamment de séchoir pour les aulx, oignons, noix, raisins, et la conservation des fruits comme les pommes ou les poires, et/ou de colombier. La maison en bourg est parfois associée à un cuvage/grange et cave situé en périphérie du village : il est possible que ce soit par manque de place dans le village ou en raison des nécessités d’agrandissement au fil du temps et de l’évolution, du développement de l’activité viticole demandant plus de locaux et de matériel.
Pour le vigneron la cave et le cuvage sont le cœur de la maison. Le cuvage abrite l’outillage nécessaire aux travaux viticoles (notamment l’outillage à bras : pioches, bêches, faucilles, serpes, hottes…), le pressoir, éventuellement des cuves. Les voûtes des caves sont en plein cintre, celles des cuvages en arêtes ; ces locaux possèdent un orifice d’aération. Il peut exister une ouverture en partie basse du mur de façade du cuvage pour y faire passer le vin ou le raisin. Cave et cuvage peuvent être juxtaposés et non superposés, dans ce cas l’accès à la cave est toujours plus bas.
Le puits est intégré dans un mur, dans la cave, la remise ou un coin de cour.
Au premier étage du bâtiment principal serait située la salle commune (qui comporterait alors un lit à rideaux) ou une cuisine (la souillarde) avec évier de pierre et une chambre, mais une seule cheminée (dans la pièce commune ou la cuisine). L’accès s’y fait souvent par un escalier extérieur, le plus souvent parallèle à la façade, qui aboutit à un perron-balcon (l’estre ou aistre) protégé par un auvent (le courcour) ; perron-balcon qui surmonte et protège l’accès au cuvage ou à la cave. Sous la volée d’escalier se trouve une resserre ou un toit à cochon, et éventuellement lapins ("l’assou"). Dans les premiers temps, la rampe d'appui de l’escalier est maçonnée, au 19e siècle elle est de plus en plus souvent constituée de barreaux métalliques.
Lorsqu’il existe, le second étage accueille des chambres, anciennement accessibles par un escalier en bois intérieur. Parfois le grenier a été aménagé en chambre, souvent postérieurement. Le toit est à faible pente et couvert de tuiles rondes.
Ce schéma théorique peut connaître de nombreuses variantes et évolutions : actuellement, les escaliers extérieurs sont peu fréquents dans les centres bourgs d’origine médiévale aux chaussées étroites, après avoir été élagués afin de faciliter la circulation et de régulariser les fronts de rue, et les caves sont parfois reportées en périphérie, à flanc de coteau, dans les communes où la nappe phréatique affleure (Aubière, Ceyrat…). Par ailleurs, parfois des cuvages en partie enterrés font aussi office de cave.
Les matériaux employés (pierre en moellons ou de taille, chaux, plâtre, mortier, tuiles, briques), sont d’extraction et de fabrication locale.
Tous les niveaux sociaux sont concernés par cette architecture, de la modeste maison de journalier à la maison bourgeoise ou de maître ; cette dernière se développe notamment dans le courant de la seconde moitié du 19e siècle et accompagne l'amélioration perceptible des conditions de vie dans le vignoble auvergnat à cette époque. La maison gagne alors en volume, et on utilise la lave - ou pierre de Volvic - pour les encadrements, les chaînes d'angles et les corniches.
Chronologie du patrimoine bâti
Les vestiges les plus anciens des cas retenus remontent au 12e siècle, mais il semble s'agir de remplois : des chapiteaux de l'ancien couvent Saint-Pierre de Beaumont incorporés dans des maisons vigneronnes, et une maison de Nohanent, 12 rue du Vieux-Bourg, avec des remplois de ce siècle. Et Montferrand possède deux maisons vigneronnes montrant des arcades du 13e siècle, rues de Beaujeu et de Valmy.
Eléments 12e siècle (Beaumont, 8 place Saint-Pierre)
Si le 15e siècle est représenté de manière un peu moins anecdotique (8 cas ont été trouvés avec des dispositions de la fin du Moyen Âge [1]), c'est avec le 16e siècle que les occurrences deviennent plus nombreuses (42), siècle de croissance et de grande construction partout en France. On distingue le cas de Montferrand (20 exemples, soit la moitié des cas recensés) des autres communes concernées, moins représentées : 3 exemples à Royat, 2 à Aubière, Aulnat, Beaumont, Blanzat, Châteaugay ou Nohanent, 1 seul à Pont-du-Château et Chamalières.
Le 17e siècle est peu présent au niveau de l'habitat, ce qui peut surprendre si l’on considère l’importance que la vigne a revêtu à cette époque. Seulement cinq dates portées l'attestent, qui correspondent aux cinq premières maisons vigneronnes datées : à Châteaugay (1664, impasse des Basses-Cours [IA63002696], et 1690, rue Antoine-Lannes), Beaumont (166?, 5 rue du Commerce), Blanzat (1621, 2 rue de la République) et Romagnat (1699, rue des Vignes). Encore ces dates doivent-elles être interprétées avec précaution : si le rez-de-chaussée à Blanzat apparaît bien ancien, ainsi que des détails à Beaumont (maison avec deux autres dates, du 18e siècle), on ne voit pas très bien ce qui pourrait dater du 17e siècle dans les dispositions actuelles des exemples à Châteaugay (maison impasse des Basses-Cours avec deux autres dates, du 19e siècle, et celle rue Antoine-Lannes très remaniée).
Dernier siècle de l'Ancien Régime, le 18e présente un nombre de cas sans commune mesure avec les périodes précédentes : 92 pour des exemples posant souvent moins question sur la datation que les exemples du 17e siècle. La commune aux témoins du 18e siècle les plus fréquents est incontestablement Beaumont (17 édifices), suivi ensuite de Clermont-Ferrand (Montferrand) et de Blanzat (13) ; puis en retrait Aubière (7 exemples, proportion d'autant moindre rapportée au grand nombre de cas retenus dans cette commune), Cébazat (7), Nohanent (5), puis 4 cas à Châteaugay, Ceyrat et Romagnat, 3 à Pérignat et Lempdes, 2 à Gerzat, 1 à Pont-du-Château, Durtol, Le Cendre, Chamalières (maison détruite).
Ces résultats témoignent, nous semble-t-il, certes d'une moindre érosion du temps pour un siècle plus récent, mais surtout du début de l'expansion que connut le vignoble auvergnat à cette époque, attestée dans les études historiques, et annonçant, préparant, la croissance remarquable du 19e siècle. Les exemples du 18e siècle présentent la particularité d'être assez regroupés, plutôt vers le 4e quart ou la fin du siècle, et surtout vers la limite entre le 18e et le 19e siècle. Les exemples du début - 1ère moitié du 18e siècle - sont rares, et concentrés à Beaumont (rue du Commerce, rue et place Nationale) et à Cébazat (impasse de la Libération [IA63002694]).
De ce qui précède, il ressort que les datations hautes, d’Ancien Régime, très majoritairement ne touchent pas - ou peu - les lieux où ont été trouvées le plus de maisons vigneronnes et notamment Aubière... sauf l'exception notable de Beaumont où 21 édifices datant de l'Ancien Régime ont été trouvés [2] : Beaumont, qui est la ville des vestiges les plus anciens (12e siècle, avec Nohanent) et LA ville du 18e siècle de l'agglomération pour notre sujet. Une mention particulière doit être décernée également à la commune de Blanzat, seconde ville la plus concernée par le 18e siècle, et où l'on a trouvé des dispositions caractéristiques des maisons vigneronnes sur certains édifices datant du 15e siècle (2 sites), du 16e siècle (2 cas) et du 17e siècle (2 cas). Et dans une moindre mesure à la commune de Nohanent (dispositions du 12e siècle, du 15e siècle, du 16e siècle et 5 du 18e siècle). Et bien entendu, mais ce n'est pas là une surprise, à la ville de Clermont-Ferrand (Montferrand), pour des dispositions du 16e siècle (20 cas), du 18e siècle (12 cas) et 2 du 13e siècle. Comparativement donc, proportionnellement au nombre d'édifices retenus, Aubière ne montre que peu de dispositions pouvant dater de l'Ancien Régime (17 % du tout) : 2 cas du 16e siècle et 6 cas du 18e siècle. Son bâti est donc globalement plus récent...
Sur les 784 fiches d'œuvres repérées, 684 datent - au moins partiellement - du 19e siècle, soit 87 % (presque 89 % si l'on ôte du total les objets, statues, croix). Soit une très grande majorité des édifices liés à l’activité vinicole du territoire de Clermont Auvergne Métropole.
Graphique du cumul des éléments repérés par époque
Durant ce siècle, les exemples pouvant être précisément datés des années 1800-1824 (1er quart) sont déjà nombreux (76 occurrences), ils le sont encore plus pour le second quart du siècle (99 cas). Les édifices de la première moitié du siècle sont assez largement majoritaires puisqu’ils concernent 378 fiches, et même 440 si l’on incorpore les cas limite 18e-19e siècles et ceux du milieu du 19e siècle. Cela revient à dire que plus de la moitié (presque 58 %) des éléments bâtis du corpus datent de la première moitié du 19e siècle, et les deux-tiers d'une première moitié du 19e siècle élargie (entre fin 18e siècle et milieu 19e siècle).
Les exemples d'ailleurs se raréfient plus le siècle avance : 35 maisons ont pu être datées précisément du milieu du 19e siècle, 32 du 3e quart, 28 du 4e quart, puis seulement 3 de la limite 19e-20e siècles... L'ensemble des cas couvrant la seconde moitié du 19e siècle correspond à 126 fiches, contre 378 rappelons-le pour la 1ère moitié de ce siècle, soit exactement 3 fois moins.
Au sein de cette évolution générale, on distingue des communes aux édifices de la 1ère moitié du 19e siècle franchement majoritaires : Chamalières (83 %), Beaumont (74 %), Blanzat et Aubière (65 %), Ceyrat (62 %). Et les communes laissant plus de place aux exemples de la seconde moitié du 19e siècle : Pérignat (tout autant des deux moitiés du siècle), Aulnat et Gerzat (davantage de la seconde moitié du siècle, mais il est vrai pour des corpus limités). A Romagnat et Clermont-Ferrand, le bâti de la 1ère moitié du 19e siècle est moins nettement majoritaire et concerne moins d’1 site sur 2. A Châteaugay et à Cournon, les datations s’équilibrent [3]. Une commune comme Aubière dont 95 % des édifices viticoles présentent des dispositions du 19e siècle illustre bien la place générale particulièrement dominante occupée par ce siècle dans le corpus.
Édifices datés (sélection)
Pour aider à l’analyse de l’architecture de l’habitat vigneron clermontois, sujet assez neuf et peu étudié, nous avons collecté tous les édifices datés (dates portées souvent) pour discerner des évolutions ou des dispositions spécifiques. Il a été trouvé 105 éléments datés, dont 93 concernent des maisons vigneronnes (ce qui représente 13 % des maisons recensées). Présentation ci-dessous d’une sélection, en un déroulé chronologique de la maison vigneronne clermontoise.
Édifices anciens, dispositions médiévales et du 16e siècle
-le manoir des Lebrun à Gerzat (rue de l’Horloge), 15e s., très remanié ; cave et cuvage, porte avec blason, escalier en vis ; a perdu son échauguette.
-maison à tourelle du 16e siècle à Aulnat (14 place du Fort) avec sa tourelle [IA63002691]. Maison vigneronne ou simple maison de notable avec cave ?
Exemple de dispositions anciennes (Aulnat, 14 place du Fort)
-maisons de Beaumont, 8 place Saint-Pierre, assises sur des structures fin 12e s. et 13e s. (arcatures à chapiteaux à feuillages) de l’ancienne abbaye Saint-Benoît qui occupait les lieux, maisons plutôt 1ère moitié 19e s.
-maison 11 rue de l’Arcade à Royat : partie basse 16e siècle, étage plutôt 19e siècle ; avec fenêtre en accolade et grande cave.
-vestiges d’une maison 16e siècle à Chamalières (1 place du Champgil) avec caves et escalier en vis y menant.
Si ce n’est par la présence des caves occupant une place importante, ces édifices, parfois fort remaniés et difficiles à interpréter-analyser, diffèrent globalement peu de l’habitat civil de cette époque, signe que le type “maison vigneronne” n’a probablement pas encore été réellement défini. Les exemples de la place Saint-Pierre à Beaumont sont plutôt des maisons de la première moitié du 19e siècle posant sur des structures plus anciennes. Le site de Chamalières, en ruines, pose la question de l’usage de ces structures qui semblent avoir été organisées autour des caves.
-Montferrand recèle certaines des plus belles bâtisses médiévales ou Renaissance du département. Les maisons vigneronnes ne font pas exception, avec notamment celle située à l’angle des rues Zola et Valmy. Maison d’un grand volume massé dont le rez-de-chaussée est presque entièrement occupé par un cellier (avec cave ?, accès rue Valmy) et la façade sur rue Zola comporte toujours des arcs gothiques recoupés plus ou moins aléatoirement par des ouvertures plus récentes (19e s. ?).
Dispositions anciennes (Montferrand, 8 rue de Valmy / rue Emile-Zola)
A signaler : une des maisons repérées à Montferrand (35 rue de la Rodade, angle rue Boissière) porte un cartouche avec la date 1586, sans que l’on sache à quoi elle se rapporte pour une maison complexe, dont l’arc de l’accès à la cave est daté par ailleurs de 1892. Maison probablement plus “bourgeoise” ou de commerçant (magasin sur rue), que de vigneron.
17e siècle
Pour ce siècle nous nous sommes appuyés sur trois cas datés.
Le premier exemple daté se trouve à Blanzat (date portée sur linteau : 1621), 2 rue de la République. Il s’agit d’une petite maison d’angle avec large escalier latéral maçonné en façade, moulurations rappelant celles de la fin du Moyen Age en rez-de-chaussée, accès à la cave sur le côté (le niveau inférieur est assez bas d’élévation) et étage type fenil sous combles. Le volume est massé. L’escalier de façade est probablement un des éléments anciens de la demeure.
Date portée : 1621 (Blanzat, 2 rue de la République)
La seconde date portée - 1664 - intéresse une maison de Châteaugay (impasse des Basses-Cours [IA63002696]), qui se révèle être un cas complexe car elle montre deux autres dates (1815 et 1881), ce qui n’est pas sans poser la question de la datation des dispositions actuelles. La disposition générale (hors escalier) et les étages supérieurs paraissent cependant anciens : l’étage d’habitation est au-dessus d’un haut rez-de-chaussée comportant cuvage et surmonté d’un étage sous combles de type fenil. L’ensemble se développe en largeur sur trois travées. Cette maison est toujours occupée par un vigneron, une des mémoires du village
Une des dates portées : 1624 (Châteaugay, impasse des Basses-cours)
Le troisième et dernier cas, datant de 1668, est encore plus compliqué à interpréter puisqu’il comporte sur ses parties latérales deux autres dates, 1706 et 1737. Situé au 5 rue du Commerce à Beaumont, il apparaît comme un exemple plus “urbain”, procédant d'un même alignement que les maisons mitoyennes, sans escalier extérieur, avec porte piétonne centrale et larges accès latéraux (cave et cuvage initialement ?), habitation à l’étage sous un demi-étage sous combles.
Une des dates portées : 1668 (Beaumont, 5 rue du Commerce)
18e siècle
Les cas sont plus nombreux. L’exemple du 2 place Nationale à Beaumont, date de 1737, paraît peu remanié. Il s’agit d’une grande bâtisse d’angle avec cave et cuvage occupant tout le rez-de-chaussée, chaînes d’angle, deux étages d’habitation et étage sous combles de type fenil. L’architecture est simple mais de qualité (pierre).
Date portée : 1737 (Beaumont, 2 place Nationale)
Une maison de Lempdes - maison d’angle - montre la date 1753 sur l’arc menant à la cour (2 rue Notre-Dame). Elle présente un large escalier latéral, une descente de cave inscrite dans une avancée (disposition appelée "encavage saillant" localement), un étage d’habitation et un étage sous comble, des bâtiments agricoles/viticoles donnant sur une petite cour. Son volume est massé. Oculus ovale au-dessus de la porte.
Date portée : 1753 (Lempdes, 2 rue Notre-Dame)
A Aubière, l’exemple daté 1765 (maison d’angle 20 rue du Verger) se développe en hauteur : maison assez étroite sur un côté, de deux étages plus fenil sous combles, l’accès au cuvage étant sur le grand côté et la porte piétonne sur le petit. Hormis l’enduit récent, l’ensemble paraît bien conservé et montre un décor exceptionnel aux fenêtres dont le linteau est délardé (fleurettes et têtes d’angelots).
Date portée : 1765 (Aubière, 20 rue du Verger)
Retour à Beaumont pour une grande maison d’angle de plan massé datée 1779 (18 rue Pasteur), bien conservée, avec accès (2) aux caves semi-enterrés et rez-de-chaussée surélevé, un étage d’habitation, un demi-étage au-dessus, plus étage de combles. Construction soignée (chaînes d’angle en pierre de taille…), mais qui est probablement plutôt une maison bourgeoise de notable avec cave qu’une maison vigneronne.
Date portée : 1779 (Beaumont, 18 rue Pasteur)
Le dernier exemple daté montrant des dispositions du 18e siècle (1780) se trouve à Pérignat-lès-Sarliève, 5 rue Marcel Sembat. L’enduit actuel ne permet pas de l’apprécier pleinement. Elle comporte un escalier droit de façade menant à un palier avec resserre (soue ?) en-dessous, et deux étages, le dernier sous combles.
Date portée : 1780 (Pérignat, 5 rue Marcel Sembat)
On ajoutera deux cas non datés mais représentatifs de la fin du 18e siècle, assez différents.
-Le Cendre (8 rue de l’église [IA63002635]) : petite maison. Escalier en pierre avec départ de rampe d'appui orné d'une boule en pierre et cave en-dessous, corniche à gargouille saillante.
Fin du 18e siècle (Le Cendre, 8 rue de l'église)
-la maison au 15 place Vercingétorix à Nohanent montre toutes les dispositions propres à l’architecture bourgeoise de la fin du 18e siècle (grandes fenêtres…) mais annonce déjà par la régularité de la composition de façade, ce que deviendra la maison vigneronne au 19e siècle.
Maison bourgeoise fin 18e siècle (Nohanent, 15 place Vercingétorix)
1er quart 19e siècle
Le premier exemple, très tôt dans le 19e siècle (1803) se trouve à Beaumont, à l’angle du 4 de la place Saint-Pierre. Exemple intéressant, peu remanié, se distinguant de moins en moins des autres maisons de ville. L’accès à la cave est latéral (rue Saint-Pierre), les ouvertures sur la place (un étage plus un étage fenil-sous combles) correspondent à l’habitat (2 portes d’entrée ; maisons jumelles ?). Son architecture est simple et de qualité, caractéristique de la césure 18e-19e siècles (tendance néo-classique).
L’exemple daté suivant, toujours à Beaumont (1804, 11 place Saint-Pierre) développe la même logique mais dans un volume plus ample et avec davantage d’ostentation. Maison bourgeoise avec cave et souci du paraître : en façade balcon filant et emmarchement.
Date portée : 1804 (Beaumont, 11 place Saint-Pierre)
Les maisons de la commune de Beaumont portent souvent des dates. Comme celle située 8 place Nationale, datée 1816. Bien conservée, en hauteur (2 étages plus niveau sous combles), avec large accès au cuvage dont la clef d’arc s’orne d’une large feuille stylisée (marque de la maison vigneronne ?). Petit escalier droit avec palier en façade. Un des angles de la façade est arrondi, comme souvent à Beaumont.
Date portée : 1816 (Beaumont, 8 place Nationale)
Celle de même date (1816) trouvée 2 rue Chemin Blanc à Cournon d’Auvergne propose un tout autre type : prise dans la pente et adossée aux “crozes”, elle montre certes un accès au cuvage en étage de soubassement, mais un seul étage carré, plus fenil, et une cour arrière desservant des bâtiments agricoles et remises ; exemple type de la maison de bourg (mais en périphérie) témoignant de la polyactivité - agri-viti - des occupants.
Date portée : 1816 (Cournon, 2 rue Chemin Blanc)
La commune voisine d’Aubière propose un cas intéressant de peu postérieur (1817), 11 rue Saint-Antoine : 2 grands accès au(x) cuvage(s) (haut rez-de-chaussée) sont surmontés d’un escalier avec palier formant balcon supporté par des consoles, et avec quartier tournant (resserre en dessous). Deux étages dont un sous combles. Importance des parties réservées à l’activité viticole dans le bâti.
Date portée : 1817 (Aubière, 11 rue Saint-Antoine)
L’exemple daté 1818 repéré à Ceyrat (40 rue Henri Coquelut) montre un type diamétralement différent, dont peu d’exemples ont été vus : celui des maisons jumelées (6 cas recensés). Jumelées mais complémentaires semble-t-il, puisque la cave paraît être sous la maison de droite et le cuvage sous celle de gauche, avec porte couverte d'un linteau pour le cuvage, et porte couverte d'un arc plein cintre pour l'accès à la cave. Le palier, formé de dalles particulièrement fines, est commun, mais avec accès distincts rejetés latéralement. Deux étages, l'un carré, l'autre de comble. Probablement doit-on y voir les maisons de deux membres d’une même famille.
Date portée : 1818 (Ceyrat, 40 rue Henri Coquelut)
L’exemple daté suivant (1819) annonce un type amené à se développer, notamment à Aubière (ici 25 rue Chambon), celui des bâtiments en hauteur simples à très hauts rez-de-chaussées avec cuvage : architecture simple et efficace. Deux étages carrés plus étage sous comble (balconnet d’axe au 2e étage), corniche couronnant la façade. Escalier droit à quartier tournant et grand palier menant à une porte piétonne au piédroit commun avec celui de la fenêtre attenante.
Date portée : 1819 (Aubière, 25 rue du Chambon)
Toujours à Ceyrat l’exemple daté 1820 est assez différent : type massé (1 étage plus fenil), escalier droit à deux volées et deux paliers ; en étage de soubassement, large accès au cuvage dont la porte couverte d'un arc en plein cintre présente une clef sculptée d’une feuille.Date portée 1820 (Ceyrat, 9 allée des Noyers)
L’exemple daté 1823 à Beaumont, situé au 37 rue du 11 Novembre, est du type en hauteur (2 étages-carrés plus étage de comble) ; la porte d'entrée du logis se trouve dans la cour, les ouvertures vers le cuvage et la cave sont sur la rue, et utilisent un détail d’architecture courant à Beaumont dans ces années, le piédroit en pierre de taille commun à deux ouvertures. Appuis chantournés aux fenêtres du 1er étage.
Date portée : 1823 (Beaumont, 37 rue du 11 novembre)
Si le corps d’habitation est comparable, à la même date et toujours à Beaumont pour cette maison rue Pasteur, la disposition des caves et cuvages, avec toujours ce détail d’architecture du piédroit commun, est bien différente, les deux étant rejetés sur l’arrière, au 16 rue Nationale. Premier exemple daté de distanciation physique des ensembles cave/cuvage et habitat.
Date portée : 1823 (Beaumont, 16 rue Nationale)
2e quart 19e siècle
Peu après et toujours à Beaumont, l’exemple daté 1825 au 39 rue du 11 Novembre se développe en largeur et laisse une place/part moins importante à la fonction habitat en réservant un large accès (central) au cuvage et un grand accès latéral à la cave, l’habitat n’occupant qu’un étage carré (et un niveau de combles) limité par le haut du cuvage.
Date portée : 1825 (Beaumont, 39 rue du 11 novembre)
Autre exemple de la séparation des fonctions habitat et cave/cuvage, toujours à Beaumont, en 1827, 7 rue d’Assas où l’on ne Autre exemple de la séparation des fonctions habitat et cave/cuvage, toujours à Beaumont, en 1827, 7 rue d’Assas où l’on ne trouve que ces derniers, en 2 accès (comme à l’habitude couvert d'un arc cintré - ici en plein cintre - pour la porte cochère menant à la cour, et couvert d'un linteau - pour celui vers la cave) de chaque côté d’une porte piétonne.Date portée : 1827 (Beaumont, 7 rue d'Assas)
Aubière compte nombre de maisons en hauteur, dont celle située 132 rue Saint-Antoine datée 1828 : cuvage en rez-de-chaussée (la cave est rejetée à un autre emplacement, nappe phréatique oblige) : 2 étages plus fenil, petit balcon (peut-être plus récent) au-dessus du cuvage, porte piétonne latérale et travée d’escalier intérieur ; maison en angle à pan coupé, corniche de baie, corniche saillante.
Date portée : 1828 (Aubière, 132 rue Saint-Antoine)
La maison située 13 rue des Ramaclès à Aubière porte deux dates : celle de 1830 au rez-de-chaussée sur l’accès à la cave (accès en contrebas), et celle de 1870 à l’étage avec balcon (2e étage), qui s’ouvre sous un fenil. Maison étroite en hauteur, avec porte piétonne rejetée latéralement.
Dates portées : 1830 et 1870 (Aubière, 13 rue des Ramaclès)
Si les maisons d’Aubière sont majoritairement en hauteur, il en existe d’autres ailleurs, comme celle datée 1835 à Beaumont (28 rue du 11 Novembre), qui se développe sur deux étages plus fenil sur une seule travée de largeur, et dont un second cuvage occupe un bâtiment annexe mitoyen. Nouvelle illustration de la dissociation des fonctions. Pas de porte piétonne apparente, l’accès à l’habitation devant se faire via le cuvage.
Date portée 1835 (Beaumont, 28 rue du 11 novembre)
L’exemple de Ceyrat daté 1837 (22 rue de la Varenne) est plus “traditionnel” (les exemples en hauteur étant plutôt le fait d’Aubière et dans une moindre mesure de Beaumont et Montferrand) : 2 étages carrés et un étage de comble), 2 travées en largeur (latéralement), grand escalier droit perpendiculaire avec grand palier/balcon, surmontant un cuvage et/ou cave.
Date portée : 1837 (Ceyrat, 22 rue de la Varenne)
Retour à Aubière, avec un exemple daté de 1846 (15 rue de la République), toujours pour un modèle en hauteur (2 étages plus fenil) pour cette maison d’angle avec cuvage en rez-de-chaussée, mais cette fois-ci avec grand escalier droit à quartier-tournant sur mur d'échiffre et palier, avec resserre en dessous.
Date portée 1846 (Aubière, 15 rue de la République)
3e quart 19e siècle
La maison située à Aubière, 12 rue Saint-Antoine [IA63002644] et datée 1851 ne paraît pas avoir subi de modifications notables depuis lors, son petit balcon pourrait être un des premiers datés. Elle reprend le type fréquent à Aubière dont un prototype a été signalé en 1818 dans ce village même, celui de la grande maison en hauteur au (très) haut rez-de-chaussée avec cuvage. Maison de 2 étages plus fenil, 1er étage marqué par des bandeaux. L’accès piéton est rejeté latéralement. On y voit encore des appuis de fenêtre chantournés, mais plus simples, moins arrondis que les exemples plus anciens.
Date portée : 1851 (Aubière, 12 rue Saint-Antoine)
Lorsque le fonds le permet, le type en hauteur propre à Aubière peut s’accompagner d’un escalier en façade, comme au 5 rue de Romagnat, vers 1865, lequel surmonte le cuvage et le haut rez-de-chaussée, et de par ce fait peut prendre une certaine ampleur/hauteur. 2 étages plus fenil, petit balcon, corniche de baie, bandeau marquant le 1er étage. La façade se développe en fond d'une cour sur rue.
Date portée : 186. (Aubière, 5 rue de Romagnat)
Fin 19e siècle - 1900
Mais ce type assez aubiérois laisse la place ailleurs à des dispositions moins spécifiques, plus simples, comme à Gerzat en 1889 (34 rue de l’Horloge) : volume simple avec cave et cuvage en rez-de-chaussée, habitat à l’étage, étage de fenil, chaîne d’angle. Exemple où l’on a réussi à “caser” trois ouvertures (porte piétonne latérale, accès cave et cuvage) en rez-de-chaussée dans une largeur limitée (piédroits communs).
Date portée : 1889 (Gerzat, 34 rue de l'Horloge)
Le type ancien traditionnel persiste d’ailleurs encore fin 19e siècle. Au 18 rue de la Gare à Durtol, l’élévation est classiquement à deux niveaux, le large escalier à quartier-tournant mène à un balcon-terrasse avec resserre et porte de cave en dessous. Dans quelle mesure d’ailleurs la date portée au linteau de la porte piétonne (1895) ne porte-t-elle pas plutôt témoignage d’une réfection / mise au goût du jour d’une façade antérieure ?
Date portée : 1895 (Durtol, 18 rue de la Gare)
Le déroulé chronologique des cas datés s’achève avec l’année 1900 (le bâti vigneron du 20e siècle n’est ni fréquent ni très caractéristique) et avec un exemple trouvé à Ceyrat (2 rue de la Varenne) assez étonnant, mêlant dispositions vigneronnes types (cave et cuvage en rez-de-chaussée assez élevé, escalier droit latéral menant à l’habitation à l’étage…) mais interprété à la façon d’une maison typique 1900 dans sa construction, avec petit auvent en bois, balcons individuels avec ferronneries dans le goût Art Nouveau…
Date portée : 1900 (Ceyrat, 2 rue de la Varenne)
Le bâti vigneron typique du Clermontois déjà peu fréquent pendant le 4e quart du 19e siècle a cessé d’exister avec le 20e siècle. Si la maison située 32 rue Kléber à Montferrand montre un décor au pochoir de pampres pouvant dater de cette même période, il résulte semble-t-il là aussi d’un réaménagement d’une maison plus ancienne.
Synthèse sur la chronologie du bâti
Notre corpus témoigne de la mise en place du type de la maison de vigneron vers la fin du 18e et le début du 19e siècle, dans les centres bourgs anciens, ce qui entraîne des réemplois, l’utilisation ou la transformation de bâtiments déjà existants. Il se pourrait que le manque de place, notamment, ait conduit dans certains cas à déporter les fonctions utilitaires dans de petits bâtiments annexes éloignés de la demeure de quelques rues et parfois regroupés dans un secteur. Le développement du travail du vin, activité principale ou faisant partie d’une exploitation agricole plus large rend nécessaire la construction d’ensembles se développant autour de cours. Dès le milieu du 19e siècle et dans sa 2e moitié, le plein essor de l’économie de la vigne entraîne l’apparition de nouveaux bâtiments dont la forme, les dimensions et l’architecture témoignent de l’ascension sociale de leurs propriétaires. De véritables maisons bourgeoises très soignées, comportant de vastes espaces consacrés à la production et à la conservation du vin (plusieurs niveaux de caves voûtées par exemple, chais), accompagnées de grands bâtiments d’exploitation.
De maison villageoise ou bourgeoise vigneronne l’on passe, pendant le 19e siècle, à la maison vigneronne villageoise ou bourgeoise, la fonction étant plus distinguée (voire séparée) et son intégration avec la partie habitat plus réfléchie. Les escaliers extérieurs, s’ils existaient parfois anciennement (maison de 1621 à Blanzat) ne semblent pas avoir été la règle jusqu’au début du 19e siècle, notamment lorsqu’ils touchent des maisons anciennes implantées en centre bourg. Ils sont plus fréquents à partir des années 1810, et témoignent parfois de l’adaptation de façades plus anciennes à un nouveau modèle et du besoin de ménager davantage d’espace aux pièces de production en rez-de-chaussée.
Le second quart du 19e siècle voit cette tendance se continuer et s’accentuer : les rez-de-chaussée ménagent plus de place aux cuvages notamment et gagnent en hauteur, les fonctions viticoles étant parfois rejetées - tout ou partie - séparément de la maison principale d’habitation, en mitoyenneté ou bien plus loin.
Toutes tendances continuées et accentuées pendant les décennies suivantes et jusqu’à la fin du siècle, en étant associées à une rationalisation plus "bourgeoise" des dispositions : séparation stricte des pièces dédiées à l’activité de l’habitat, multiplication des pièces de la demeure qui comporte maintenant fréquemment cuisine et salle à manger, plusieurs chambres, cabinet de toilette, et un balcon extérieur. De plus en plus établies en marge des centres bourg à cette époque, les façades sont composées de manière plus régulière. Enfin, dans le contexte d'une séparation plus stricte entre espace public et espace privé, conjuguée à la volonté de la part des édiles de faciliter la circulation, les escaliers extérieurs sont plus rarement prévus dans les nouveaux programmes de construction.
Éléments permettant d’attribuer des datations
NB : certaines caractéristiques architecturales peuvent être trouvées hors des périodes définies de façon isolée (par exemple un canon de gouttière en 1835)
Éléments qui évoquent une datation haute (avant 1800) et qui, combinés, permettent une datation à la 2e moitié ou à la fin fin du 18e siècle
Ex. Maison 8 rue de l’Église au Cendre [IA63002635]
-corniche moulurée simple (une seule grosse moulure)
-canon de gouttière (gargouille)
-appui incurvé (au moins un)
-au moins un arc segmentaire / délardé
-si escalier : escalier à rampe pleine, large et main courante plate.
Éléments de datation autour de 1800-1830
Ex. Maison 6 impasse du Barry à Aubière
-corniche moulurée (une seule grosse moulure)
-canon de gouttière (gargouille)
-appui incurvé (au moins un)
-si escalier, plutôt léger (vide dessous), à rampe métallique (tiges métalliques fixées sur le limon)
-embrasure à ressaut, linteau droit fenêtres
Éléments de datation autour de 1830-1840
-corniche moulurée
-corniche à cuvette (parfois en forme d’entonnoir)
-appuis incurvés
Éléments de datation autour de 1850-1870
Ex. Maison 12 rue Saint-Antoine à Aubière [IA63002644]
-corniche moulurée plus complexe (plusieurs moulures)
-corniche à cuvette (parfois en forme d’entonnoir)
-petite corniche moulurée au-dessus de certaines fenêtres (souvent au 1er étage) et/ou de la porte d’entrée
-bandeau plat en pierre de taille séparant visuellement les niveaux sur la façade
-chaîne d’angle
-appuis incurvés parfois
-appuis droits, parfois inclus dans le bandeau séparant les niveaux
-souvent présence d’un balcon.
Éléments de datation autour de 1880-1900
Peu d’exemples, pas très facile à caractériser. Ex. Maison 13 impasse des Vignerons à Romagnat
-linteaux et appuis droits, non moulurés
-organisation plus rigoureuse de la façade
-toujours des corniches plus ou moins moulurées, plutôt avec des ressauts que des moulures parfois.
-si corniche au-dessus fenêtres ou porte, elle est souvent rattachée à l’encadrement par une « table » en pierre de taille.
[1] 2 cas à Blanzat (sur 50) et Royat (sur 6), et une seule à Cébazat (sur 30), Chamalières (sur 18), Gerzat (sur 21), Nohanent (sur 36).
[2] Dont 15 hors datations limite 18e-19e s.
[3] A Châteaugay, 34 et 28,5 %, à Cournon 32 % pour chaque moitié du 19e siècle.
Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )