Dossier d’aire d’étude IA63002754 | Réalisé par
Fougère Félicie (Rédacteur)
Fougère Félicie

Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Valorisation du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

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  • inventaire topographique, La ceinture des boulevards de Clermont-Ferrand
La ceinture des boulevards de Clermont-Ferrand
Auteur
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Clermont-Auvergne-Métropole
  • Adresse
    • Commune : Clermont-Ferrand
      Adresse : avenue d', Italie, boulevard, Fleury, boulevard, Cote-Blatin, boulevard, Jean-Jaurès, boulevard, Aristide-Briand, boulevard, Duclaux, boulevard, Berthelot, boulevard, Lavoisier, boulevard Jean-Baptiste-Dumas

1. Forme et nomenclature

« Le nom même dit la chose », écrit François Loyer1, avant de préciser : « fortification terrassée de la fin du Moyen-Âge, le boulevard est d’abord une plate-forme destinée à recevoir des canons. Il se transformera peu à peu en promenade de bord de ville et se couvrira d’ombrage. » Si cette définition correspond en effet aux grands boulevards parisiens qui sous Louis XIV, par « le dérasement des fortifications de Paris, à la jonction entre la ville close et ses faubourgs, crée le système des boulevards »2 la ceinture de boulevard clermontoise, postérieure de près de deux siècles à l’arasement de l’enceinte de la ville3, s’inscrit en un cercle concentrique par rapport à une première voie circulaire en partie aménagée sur le tracé de l’ancienne fortification. Ce premier cercle est constitué de voies de typologies diverses (cours Sablon, place Delille, boulevard Trudaine, rue Montlosier, avenue des Etats-Unis…) enserrant la butte. Cette absence d’un grand boulevard structuré sur l’ancien tracé des fortifications est le reflet de la topographie contrainte de la ville qui entrava longtemps le transport des marchandises. « Chazerat fit étudier la question par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Lomet qui présenta rapport et plan le 25 mars 1780. Dans son rapport, il insiste sur les difficultés d’accès à la ville ; en arrivant de Riom, il faut d’abord utiliser la rue des Jacobins (plus raide et plus étroite que de nos jours), puis un chemin (moins large que notre rue Montlosier) que Trudaine avait fait en partie pavé, dominé d’un côté par la place d’Espagne et bordé de l’autre par un véritable précipice (là où seront bâtis les Grands-Escaliers) ; ce chemin ne débouchait pas sur la place Saint-Pierre, il remontait à travers ce qui sera le square Blaise-Pascal presque jusqu’à la Poterne d’où il redescendait ensuite vers la place Saint-Pierre. Les avenues remplaçant les remparts étaient larges, mais non pavées et difficilement carrossables si bien que les liaisons entre les routes aboutissant à Clermont ne pouvaient se faire que par l’intérieur de la ville. » (MANRY, Histoire de Clermont-Ferrand). Dans son ouvrage Les villes en Auvergne, Bénédicte Renaud-Morand cite l’objet que se donne le projet de Lomet en 1780 : « faciliter l’entrée et la sortie qui en quelque façon est une énigme pour tous étrangers ou un labyrinthe dont on ne peut sortir qu’avec le tems et avec les guides ».

Peut-être est-il plus prudent d’adhérer à la définition protéiforme que donne Bernard Gauthiez (« L’affirmation du sens du mot boulevard est un processus inachevé ») et de retenir dans l’article qui est consacré à ce terme de « boulevard » les traits qui correspondent à notre terrain d’étude : « Artère, généralement plantée d’arbres, établie théoriquement de façon concentrique autour du centre d’une agglomération » précisant que le boulevard de ceinture4« n’est pas généré par une ligne de fortification ou un octroi ; sa vocation est essentiellement de constituer une artère concentrique dans une voierie organisée ». Si l’on doit opérer un lien entre les boulevards de ceinture clermontois et l’ancienne fortification, il se fait par la reprise d’un tracé selon un rayon supérieur à celui de l’enceinte. En cela, ils correspondent à « une voie d’évitement » reliant les grandes voies d’accès à la ville en les détournant d’une traversée du centre-ville.

2. Boulevards autour de la butte clermontoise

Cela ne vaut que pour le tracé circulaire s’établissant autour de la butte de Clermont à l’exclusion du centre ancien de Montferrand. Certes, le plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension de Clermont-Ferrand5 prévoit le percement de voies de contournement des deux buttes, formant une excroissance orientale débouchant sur les boulevards de ceinture clermontois, réseau qui fut en grande partie réalisé, mais qui n’apparait pas historiquement connecté au tracé que nous entendons traiter. Les boulevards de ceinture apparaissent comme un tout cohérent parce qu’ils s’établissent en fonction d’un élément urbain gage de modernité au XIXe siècle, à savoir la gare. Le premier élément du tracé circulaire est ouvert dans le quartier de la gare (avenue de l’Esplanade, actuelle avenue d’Italie, acquisition des terrains à partir de 1878) débouchant sur l’esplanade de la gare sur laquelle s’ouvre l’avenue des Paulines menant au cheminement méridional des boulevard Lafayette, de Gergovia, des Salins (actuel boulevard Pasteur) se poursuivant à l'ouest par les boulevard Duclaux et Berthelot. Cet ensemble devait former "sur près des deux tiers" du pourtour de Clermont, "une ceinture de magnifiques promenades "6. Ainsi s’ébauche, en 1893, l’idée d’un système circulaire autour de la ville, au moyen d’un premier tracé plus restreint que l’actuel. L’ouverture de l’avenue de l’Esplanade est donc suivie, conformément au premier plan prévu en 1880, de celle des boulevards Duclaux et Berthelot (d’abord dénommés Pasteur, premières acquisitions de terrains en 1904) puis des boulevards Lavoisier et Jean-Baptiste-Dumas (d’abord simplement qualifiés de boulevard de ronde, premières acquisitions en 1911). Les boulevards Fleury (décision d’ouverture en 1913, acquisition des terrains en 1921), Cote-Blatin, Jean-Jaurès (premières acquisitions de terrains en 1918) et Aristide-Briand (première acquisition de terrains en 1926) viendront élargir et parachever la ceinture. La gare est perçue, jusque dans les années 1920 comme un cœur qui animerait le flux de circulation du réseau de contournement de la ville, alors même que s’affirme la concurrence de l’automobile7. La délibération du conseil municipal du 21 avril 1926 portant sur le vote du budget nécessaire aux travaux de voirie et aux expropriations du « boulevard sud » (du boulevard Fleury à la jonction avec Duclaux), précise encore qu’il aura pour avantage de faciliter « la circulation depuis la gare ».

Cet exposé chronologique laisserait penser que la ceinture des boulevards fut conçue comme une grande œuvre parfaitement planifiée avant que d’être réalisée. Ce beau linéaire régulier aurait ainsi été mené de bout en bout selon le tracé des plans parcellaires. Or, en dehors d’une chronologie s’établissant non par dates mais par fourchettes qui laisse imaginer des atermoiements et des négociations parfois difficiles, l’étude plus précise des plans nous indique des anomalies, traces d’un rythme d’édification plus syncopé qu’harmonieux. Sur un plan daté de 1925, on observe un pan du boulevard Cote-Blatin non raccordé au boulevard Fleury au nord-est et qui s’achève abruptement au débouché de la rue Ledru à l’ouest. Concernant la progression de la réalisation des boulevards nord, perceptible grâce à un plan parcellaire qui compile en 1920 au fond de plan daté de 1910 les limites de portions déjà édifiées et celles qui ne le sont pas encore, l’inachèvement ne se matérialise pas par le manque d’un tronçon final : les parties à ouvrir s’intercalent entre celles déjà faites.

3. Le regard et la ville

La délimitation de l’aire d’étude épouse le contour des parcelles riveraines de la ceinture des boulevards constituée, en partant de la place des Carmes, par l'avenue d'Italie, le boulevard Fleury, Cote-Blatin, Jean-Jaurès, Aristide-Briand, Duclaux, Berthelot, Lavoisier et Jean-Baptiste-Dumas. L'évolution morphologique des parcelles est documentée par superposition des feuilles du cadastre dit napoléonien (1831) et de l'actuel. Nous assistons globalement à un fractionnement parcellaire issu du lotissement d'anciennes grandes parcelles agricoles. L’idéal qui prévaut au percement ou ouverture des grandes voies urbaines s’établit sur un principe d’alignement parcellaire le long des rives de la voirie avec adoption du pan coupé pour les carrefours. Or, le mode d'urbanisation accuse des variations perceptibles par l'observation de terrain (relevé systématique de ce que Mickaël Darin nomme des "fausses notes" ou, pour parler de façon plus neutre, des ruptures de rythme). Ainsi, plutôt que de nous conformer au découpage nominal des différents boulevards par la création de dossiers d'aire d'étude pour chacun d'entre eux, il s'agira de discriminer des formes d'urbanisme récurrentes qui feront l'objet de dossiers thématiques. Un urbanisme régulier, par strict alignement ou par retrait d'alignement, ou à contrario un urbanisme rendu irrégulier par une discontinuité du bâti de rive, (allées ou passages) ou par une implantation sensiblement erratique des édifices, peut intervenir en n'importe quel espace du périmètre sans se superposer à la nomenclature de la voierie. Ainsi, nous espérons contourner le caractère aléatoire des noms de boulevard pour croiser des phénomènes urbains les reliant entre eux. Ceci s'établit selon une méthode régressive qui, partant de l'observation des éléments en place, nous mènera vers la consultation d'archives par lesquelles les phénomènes observés pourront trouver une source similaire ou distincte. Tenter de caractériser et de déceler les tenants des anomalies que le terrain révèle nous permettra d’entrer dans la « ville imparfaite » (Darin Mickaël, La comédie urbaine), reflet d’une élaboration urbaine collective.

1LOYER F., Histoire de l’architecture française, de la Révolution à nos jours, Mengès, Editions du Patrimoine, 1999. Citation note 295.2Pour une magistrale synthèse de l’évolution des boulevards parisiens et leur progressive insertion dans le tissu urbain, voir Michaël Darin, La comédie urbaine, Infolio éditions, collection archigraphy, Paris, 2009, p. 515-5283Commencé à la fin du XVIIe siècle, la disparition de l’enceinte se fait de façon très progressive pour s’achever un siècle plus tard. 4Nous trouvons pour le boulevard nord (Lavoisier – Jean-Baptiste Dumas) et les boulevards sud (de Fleury à Aristide Briand inclus) l’appellation « de ronde » dans les archives contemporaines de leur percement510 mars 1925, par Morel, ingénieur. Voir RENAUD-MORAND B., Placer la première loi de planification urbaine (1919-1924) dans la réflexion actuelle : le cas de l’Auvergne6Rapport lu en commission municipale du 28 décembre 18937Il est à noter que l’idée héritée du XIXe siècle de promenades allant et venant de la gare sous la forme de boulevards plantés persiste alors même que le boulevard sud est également perçu, en 1926, comme un moyen d’éviter les congestions de circulation automobile dans le centre-ville (notion également présente dans le rapport cité).

En COURS

EN COURS

Documents d'archives

  • AC Clermont-Ferrand, série 1O231, expropriations, quartier de la gare et quartier Saint-Joseph, Rapport lu en commission municipale du 28 décembre 1893,

    AC Clermont-Ferrand : 1O231

Bibliographie

  • DARIN Mickaël, La comédie urbaine, Infolio éditions, collection archigraphy, Paris, 2009

    CDP Clermont-Ferrand : ARC.519
  • Ministère de la Culture et de la Communication. Direction de l'Architecture et du Patrimoine. Espace urbain. Vocabulaire et morphologie. Réd. Bernard Gauthiez. Paris : Centre des Monuments nationaux / Monum, Éditions du patrimoine (coll. "Principes d'analyse scientifique"), 2003.

    CDP Clermont-Ferrand
  • Inventaire général. Service régional de l'Inventaire d'Auvergne. Les villes en Auvergne. Fragments choisis. Réd. RENAUD-MORAND, Bénédicte. Lyon : Lieux dits (Cahiers du patrimoine ; 109), 2014.

  • LOYER François, Histoire de l’architecture française, de la Révolution à nos jours, Mengès, Editions du Patrimoine, 1999

    CDP Clermont-Ferrand : ARC.099 (3)
  • MANRY, André-George, Histoire de Clermont-Ferrand, La Française d’édition et d’imprimerie, 1990

    CDP Clermont-Ferrand : CDP M053

Documents figurés

  • AC Clermont-Ferrand, série 1 O 53, Alignements: quartier des Bughes et de Montlosier, chemise boulevard nord. Boulevard de ronde (nord), projet de construction de la partie comprise entre le lot déjà exécuté aux Portes d'Argent et le chemin de St-Alyre et des petites Bughes et la route nationale n°9. Plan parcellaire 1910, tracé édifié et à édifié 1920. Ech: 0,002 m/m, tirage sur papier.

    AC Clermont-Ferrand : 1 O 53

Documents multimédia

  • RENAUD, Bénédicte. Placer la première loi de planification urbaine (1919-1924) dans la réflexion actuelle : le cas de l'Auvergne. [en ligne]. 2010 [référence du 25 septembre 2013]. Accès Internet : <URL : http://www.auvergne-inventaire.fr/Les-inventaires/Villes-en-Auvergne/Articles>

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Fougère Félicie
Fougère Félicie

Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Valorisation du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

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