I. HISTORIQUE
Par délibération municipale du 8 mars 1606, les habitants de La Guillotière demandent la fondation d'un couvent relevant du tiers-ordre de Saint-François. Le 9 juillet, Claude Faure, procureur fondé des habitants de La Guillotière, lègue 500 livres à l'ordre pour cette fondation, et le 5 septembre, Charles de Lorraine, duc de Mayenne, et Henriette de Savoie, sa femme, lui donne une "masure et jardin", au lieu-dit la Table ronde (AD Rhône. 8H 171 ; AC Lyon. BB 143). Cette "masure" est cependant décrite par Saint-Aubin dans l'Histoire de la ville de Lyon ancienne et moderne (1666) comme "le reste d'un fort beau palais dont le bastiment étoit magnifique, ayant appartenu au maréchal de Trivulce, gouverneur de Lyon (1529-1532), et dont le duc de Mayenne avoit recueilli la succession ; mais les guerres de religion et les inondations du Rhosne le firent tomber en ruines" (cité par DRIVON, p. 4).
Des lettres patentes d'Henri IV enregistrées au Parlement de Paris, le 26 [21 ?] mai 1607, confirme cette donation et le 2 juillet 1607, l'archevêque de Lyon autorise l'installation du couvent. Les religieux reçoivent plusieurs donations de maisons et de terres au cours des années 1607, 1608, 1609 (AD Rhône. Ibid.), ainsi qu'un don de 300 livres du Consulat pour la construction de leur église (AC Lyon. BB 143, 1609)
On a peu de renseignements sur la construction du couvent. Le 14 septembre 1607, une croix est solennellement plantée à son emplacement (Ibid. 8H 178).
Le 7 novembre 1609, les franciscains demandent au prévôt des marchands et échevins de Lyon de leur accorder quelques charités pour l'érection de leur église dont la première pierre a été plantée solennellement ; le 24 août 1612, ils reçoivent du capitaine châtelain du bourg de La Guillotière l'alignement à donner à la muraille de leur couvent le long de la route de Vienne (Ibid. 8H 171). Ils possèdent également un terrain dit le Clos du Plantier, de l'autre côté de cette route (actuelle rue Claude-Boyer) et, le 20 juin 1614, ils obtiennent l'autorisation de pratiquer un passage voûté en dessous la route pour se rendre directement du couvent dans leur clos (Ibid. 8H 189).
Le 14 septembre 1617, l'archevêque consacre l'autel de la chapelle Saint-Louis, érigée dans l'église du couvent où il a enfermé des reliques des saints Irénée, Georges et Laurent ; parmi les nombreuses reliques reçues par le couvent, il faut signaler quelques parcelles de l'os du bras de saint Louis "prélevées dans la châsse de l'abbaye Saint-Denis à Paris" et transférées le 10 septembre 1612 (Ibid. 8H 178).
Lors des travaux de reconstruction de l'église en 1845, une pierre de fondation, posée par Marin d'Ossaris, fut mise au jour, indiquant la poursuite de l'église en 1619 (cf. annexe). Le témoignage d'Isaac Le Febvre (Nombre des églises qui sont dans l'enclos et dépendances de l'église de Lyon, 1627) laisse à penser qu'à cette date, le couvent est achevée : "Le sieur d'Aussary (échevin en 1612-1613), bourgeois et consul de Lyon, y a fait bastir une fort belle chapelle et le reste du couvent pour le logement des religieux, et à son imitation, plusieurs autres dévots personnages se sont étudiéz à l'embellir" (cité par DRIVON, p. 5).
C'est à la fin du 17e siècle que la population du couvent semble être la plus nombreuse : 51 religieux y demeurent en 1697.
Au début du 18e siècle, les religieux sont sollicités pour ouvrir leur église au culte paroissial. En 1739, sous la contrainte de l'archevêque de Lyon, ils acceptent de céder à la paroisse un corps de bâtiment à l'est de leur couvent, qu'ils restaurent et aménagent en lieu de culte (Ibid. 8H 181).
La disposition du couvent est connue par un plan dressé vers 1785 lorsqu'on envisage de céder une partie de son terrain pour l'installation de l'Ecole vétérinaire (cf. dossier IA69005471) et par l'estimation des bâtiments dressée en 1791, lors de la vente des biens nationaux (AD Rhône. 1Q 83 ; cf. annexes 1, 2).
Le couvent était construit à l'angle sud-ouest de la grande rue de la Guillotière et de la route de Vienne (actuelle rue Claude-Boyer). Il s'étendait le long de la grande rue sur environ 85 m de long et le long du chemin de Merderon (actuelle rue Montesquieu) sur environ 155 m. Les bâtiments occupaient l'est de ce terrain et correspondaient à peu près à l'emplacement occupé aujourd'hui par l'église, le presbytère et la caserne Rochat. A l'ouest s'étendaient des terres, vergers et jardin potagers. L'entrée se faisait par un portail, grande rue de la Guillotière, à l'emplacement de l'actuelle rue de la Madeleine, sur une vaste cour plantée d'arbres sur laquelle ouvrait l'église ; une deuxième clôture permettait d'accéder au cloître et aux bâtiments du monastère.
L'église, de plan rectangulaire, à chevet plat, était flanquée sur le côté nord de trois chapelles (Saint-Louis, de la Vierge et Saint-François), et de la sacristie. Clapasson signale, sans donner de date, que la voûte de l'église "a été peinte par un Français qui avait demeuré longtemps à Gennes ; il y a de bonnes choses en fait de perspective, mais les figures y sont assez maltraitées" (Description de la ville..., 1741, éd. 1982, p. 73). L'inventaire du mobilier dressé en 1791 attire l'attention sur la qualité des lambris, stalles et chaire en bois sculpté (cf. annexe 3).
Au-dessus des chapelles de l'église se trouvait la bibliothèque renfermant deux globes terrestre et céleste (le globe terrestre est actuellement conservé à la bibliothèque municipale de la Part-Dieu ; cf. annexe).
Au sud de l'église se trouvait le cloître entouré à l'ouest et au sud de bâtiments conventuels et à l'est d'une chapelle. Une deuxième cour était bordée par le bâtiment des dortoirs à l'ouest, accueillant également l'apothicairerie, et par celui servant d'église paroissiale à l'est le long de la route de Vienne.
Les religieux de Picpus ne se montrèrent pas hostiles à la Révolution. Les drapeaux de la milice bourgeoise de la Guillotière furent bénis dans l'église du couvent le 29 septembre 1789 (DRIVON, p. 16).
Par arrêté du district du 7 juin 1791, le couvent est divisé : le jardin à l'ouest est attribué à la communauté des habitants, la commune reçoit l'église qui doit devenir église paroissiale, la cour d'entrée du couvent, qu'elle se réserve de transformer en place publique, et les bâtiments conventuels situés à l'ouest du cloître affectés au presbytère. Les bâtiments occupés par la manufacture de cire à l'angle de la grande rue de la Guillotière et de l'entrée du couvent sont vendus au fermier manufacturier Paul Brosse Maron, le 15 janvier 1791 (AC Lyon. 0004 WP 74/10).
Le reste des bâtiments, l'allée d'arbres longeant le couvent à l'est, le jardin triangulaire au nord de l'église et la vigne de l'autre côté de la route de Vienne (actuelle rue Claude-Boyer) sont adjugés aux négociants Janvier et Cie (Vincent), le 18 août 1791 (AD Rhône. 1 Q 328, n° 258) qui y installent une fabrique d'acides ; les deux associés sont déclarés opposants à la Révolution et après l'exécution de l'un et l'émigration de l'autre, leurs biens sont mis sous séquestre (an II).
La municipalité qui avait installé ses bureaux au rez-de-chaussée du clocher et dans deux pièces de la partie réservée du couvent demande à s'agrandir vers le sud en perçant le mur communiquant à l'ancien réfectoire et aux dortoirs. Le directoire lui donne un avis favorable le 12 pluviôse an II (AC Lyon. 0004 WP 74/1). Pendant le siège de Lyon par les armées de la Convention, les bâtiments servent de caserne ; c'est à cette époque que le clocher de l'église qui servait d'observatoire aux assiégeants est bombardé par l'artillerie lyonnaise et abattu (DRIVON. Les anciens hôpitaux de Lyon. Hospice du Tiers-Ordre. Hospice des vieillards de la Guillotière, p. 24). En 1795, on envisage d'installer dans l'ancien couvent, l'Ecole vétérinaire trop à l'étroit dans ses locaux de l'Abondance (AN. F10 / 207. Procès-verbal de visite du couvent de Picpus, dressé par Charles Hubert, architecte, à l'effet d'y établir l'Ecole Vétérinaire, 8 octobre 1794 [29 brumaire an III]. 15 p.).
Au XIXe siècle, le sort des anciens bâtiments du couvent s'organise.
En 1802, la chapelle est affectée à l'église paroissiale (cf. dossier IA69005040).
Le négociant Janvier récupère les bâtiments qu'il avait acquis en 1791, pour preuve un courrier adressé par Janvier à la Mairie demandant l'ouverture d'une rue pour des "raisons de commerce", bâtiments vendus par sentence d'adjudication à Michel Creuzet le 15 messidor an XIII (4 juillet 1805). Creuzet en vend une partie à la municipalité, et l'autre au bureau de bienfaisance pour l'édification d'un hospice de vieillards. Cette partie de bâtiment sera affecté en 1825 à l'Hospice des vieillards (cf. DOSSIER).
Le décret de Schoenbrun du 24 frimaire XIV (15 décembre 1805) affecte à la cure la partie nord des bâtiments claustraux déjà réservés en 1791 mais qui avaient depuis fait partie de la dotation de la légion d'honneur (DRIVON).
En 1805, un décret de Napoléon assure à la commune de la Guillotière la propriété de l'ancien couvent des franciscains avec l'obligation d'y loger le curé de la paroisse.
Par des gravures on connaît les traits principaux de l'ancienne chapelle : composée de deux registres, d'un clocher attenant, d'une porte façade à deux battants décorée d'un fronton au-dessus deux fenêtres rectangulaires, barraudée et surmontée d'une rosace (Canton de la Guillotière en 1840, d'après La France par cantons, publié par T. Ogier lithographe à Lyon.)
Des travaux d'aménagements sont entrepris en 1808, tant pour le presbytère que pour la mairie : adjugés à l'entrepreneur de bâtiment Bernard Primat, ils sont réceptionnés par l'architecte Jean-Antoine Pérenciol, le 5 mai 1809 (AC Lyon. 0004 WP 074/1).
A partir de 1820, la fabrique revendique les locaux occupés par la mairie pour la reconstruction de l'église paroissiale. Mais ce n'est qu'en 1836 que ces locaux seront libérés (cf. DOSSIER Hôtel de ville)