AC Lyon, 321Wp/010. Lettre de l'ingénieur en chef, Ville de Lyon, voirie urbaine, à Monsieur le Sénateur, Lyon, le 9 juillet 1862, objet : 2e division, Rue des Archers, Prolongement.
Monsieur le Sénateur
Le prolongement de la rue des Archers jusqu'à la rue St Dominique [actuelle rue Emile-Zola] est très vivement sollicité par les habitants du quartier des Célestins et par ceux du nouveau quartier que la Ville vient de créer sur l'emplacement de l'ancienne préfecture. Ce prolongement est commandé par deux intérêts également légitimes, quoique d'un ordre différent. Il mettra en communication directe, par le passage Couderc, le quartier des Célestins avec les trois rues principales du centre de Lyon, savoir : la rue Centrale [actuelle rue de Brest], la rue de l'Impératrice [l'actuelle rue Président-Edouard-Herriot] et la rue Impériale [actuelle rue de la République] et il permettra d'achever la partie de la rue Centrale comprise entre la rue de l'Impératrice et la place Bellecour [actuelle rue Gasparin].
Il est presque superflu d'expliquer ici combien il est important de faire cesser l'isolement qui pèse aujourd'hui sur la prospérité du quartier des Célestins. La rue dont nous proposons l'ouverture figure depuis plus de 20 ans sur les plans d'amélioration de cette partie de la ville. Depuis cette époque elle n'a cessé d'être réclamée par les habitants de la place des Célestins et de ses abords. Son intérêt est trop évident pour qu'il soit nécessaire de le défendre.
Il est non moins essentiel de hâter l'achèvement de la rue Centrale [toujours l'actuelle rue Gasparin]. Les terrains qui forment le côté est de cette rue ont été vendus à un prix fort élevé. Ils sont aujourd'hui couverts de constructions de premier ordre, tandis que la rue demeure bordée à l'ouest, de murs qui ne sont percés d'aucune ouverture et qui déprécient la rue entière. Il est indispensable de provoquer la démolition de ces murs et la construction sur leur emplacement de façades en rapport avec celles des autres maisons de cette rue. Or on ne peut y parvenir qu'en faisant cesser la situation provisoire qui pèse aujourd'hui sur ces immeubles et qui entrave toute amélioration.
J'ai donc l'honneur de vous proposer de faire déclarer l'utilité publique du prolongement de la rue des Archers jusqu'à la rue St Dominique, mesure qui nécessite l'expropriation des maisons de Fleurieu et Cailhava portant les n°s 7 et 9 sur la rue St Dominique. Mais autant il est indispensable de réaliser cette amélioration, autant il me paraîtrait contraire aux règles d'une sage économie, de prolonger soit dans le présent soit même dans l'avenir la rue d'Amboise qui étant parallèle à la rue des Archers et n'en étant distante que de 58 mètres ferait double emploi avec elle. J'ai donc l'honneur de vous proposer d'abandonner définitivement ce projet et d'autoriser le sieur Meaudre à construire une façade définitive suivant les alignements approuvés de la rue Centrale et à des conditions à débattre avec lui. Il est évident, en effet, que le but que l'administration se propose d'achever immédiatement la rue Centrale, ne serait pas rempli si un mur devait continuer à régner sur toute la longueur de la maison appartenant au Sr Meaudre.
Enfin, j'ai l'honneur de vous proposer de traiter à forfait ave le sieur Feuga architecte et entrepreneur de travaux à Lyon pour l'exécution du prolongement projeté aux conditions suivantes :
1- La Ville fera prononcer l'expropriation des maisons de Fleurieu et Cailhava
2- Dans le cas où les indemnités à payer aux sieurs de Fleurieu et Cailhava ne pourraient pas être réglées à l'amiable, l'affaire sera portée devant le jury, mais le Sr Feuga sera dûment prévenu et défendra devant le jury à ses risques et périls.
3- L'indemnité en argent à payer au Sr Feuga est fixée à forfait à 360.000 francs. La VIlle lui livre en outre vingt-cinq mètres carrés de terrain qu'elle devra acquérir du département au prix de 365 francs le mètre carré et qui représentent à ce prix une somme de 9.125 francs. L'indemnité totale à payer à M. Feuga se trouve donc portée à 369.125 francs et elle fait revenir le prix du mètre carré à 961 francs. Nous avons à examiner si ce prix est convenable.
Le prix courant des terrains nus dans ce quartier est de 600 francs le mètre carré. Mais les maisons qu'il faudra démolir pour ouvrir la rue nouvelle sont en excellent état surtout du côté de la rue St Dominique, et elles sont parfaitement habitées. Ce n'est évidemment pas trop que de payer une plus value de 373 fr pour le prix des constructions qu'il faudra raser, et des indemnités locatives que les expropriants seront tenus de payer, et que j'estime à plus de 50.000 fr bien que les trois quarts des baux soient échus. Il est incontestable que la Ville aurait à payer des indemnités bien plus considérables si elle laissait renouveler les baux et faire des réparations importantes aux maisons qu'il s'agit d'exproprier.
En résumé, je suis d'avis qu'il y a lieu :
1-d'approuver les alignements du prolongement de la rue des Archers jusqu'à la rue St Dominique.
2-de faire déclarer l'utilité publique de l'ouverture immédiate de cette rue.
3-d'approuver le traité passé avec le Sr Feuga pour son exécution.
4-d'abandonner définitivement le projet du prolongement de la rue d'Amboise comme faisant double emploi avec la rue nouvelle, et d'autoriser le sieur Meaudre à reconstruire une façade sur l'emplacement de la nouvelle rue.
Je suis avec respect, Monsieur le Sénateur, votre très humble et très obéissant serviteur, l'ingénieur en chef, signature.