DESCRIPTION
Le territoire
Le territoire de la commune de Bourg-Saint-Maurice s´étend sur une superficie de 15 383 ha, étagé sur les deux rives de l´Isère, agrandi du territoire de l´ancienne commune d´Hauteville-Gondon, conséquence de la fusion des deux communes prise le 15 décembre 1964 en vue de mettre en oeuvre le projet de la station de sports d´hiver des Arcs. Sur la rive droite, sur le versant exposé à l´adret, c´est le territoire originel de la commune de Bourg-Saint-Maurice : le bassin du Versoyen en direction du Miravidi (3066 m d´altitude), le vallon des Glaciers conduisant au col de la Seigne (2516 m d´altitude), le vallon des Chapieux conduisant au Cormet de Roselend (2012 m d´altitude), à la Combe de la Neuva et à l´Aiguille du Grand Fond (2920 m d´altitude), celui de la Raja aboutissant au col de la Croix du Bonhomme (2433 m d´altitude),le bassin du Charbonnet dominé par la Pointe de la Terrasse (2881 m d´altitude) et le bassin de l´Arbonne dominé par le Roignais (2995 m d´altitude). Tous convergent vers la cuvette de la vallée de l´Isère où est bâti le chef-lieu de Bourg-Saint-Maurice (800 m d´altitude), surmonté à l´est des hameaux des Échines dessus (1328 m d´altitude), des Echines dessous (1265 m d´altitude) et du Chatelard (955 m d´altitude), à l´ouest de Vulmix (1018 m d´altitude) et la Thuile (1267 m d´altitude). Sur la rive gauche, sur le versant exposé à l´ubac, le quartier de Montrigon dominé par le Signal des Têtes (2356 m d´altitude), et pour tout le reste l´ancien territoire de la commune d´Hauteville-Gondon : le village d´Hauteville, les hameaux de Montvenix, du Bérard et tous les écarts habités, au-dessus desquels ont été édifiées, à l´altitude des anciens alpages des Lanches, de Pierre-Blanche, du Charvet, de Chantel, des Villards et de Charmetogé, les deux stations d´Arc 1600 et d´Arc 1800. Une fois franchie les crêtes des Frettes et le sommet de l´Aiguille Grive (2732 m d´altitude) dont les pentes constituent le domaine skiable de la station, s´étend le vallon suspendu de l´Arc (site de la station d´Arc 2000), dominé au sud par l´Aiguille Rouge (3227 m d´altitude).
Un monde agropastoral
Bourg-Saint-Maurice est le chef-lieu de canton de la haute vallée de l´Isère, lieu d´échange, de passage et de rencontre pour les habitants des communes de Val-d´Isère, Tignes, Seez, Montvalezan, Villaroger, Sainte-Foy-Tarentaise. Bourg-Saint-Maurice a toujours été une région d´élevage. Le mode d´exploitation agropastorale est rythmé par la « remue » des cultivateurs et de leurs bêtes qui suivent la poussée de l´herbe, se déplaçant sur le versant, entre le fond de vallée et les différents « étages » habités de la montagne. Bourg-Saint-Maurice est considéré comme le centre de l´élevage de la race bovine tarine, dont les caractères ont été définis en 1920, garantissant la production du fromage de beaufort assurée par un système coopératif (coopérative édifiée dans l´entre-deux guerre à Bourg Saint-Maurice).
La structure urbaine du bourg
La structure urbaine historique est caractéristique d´un bourg rural : maisons commerçantes, de notables, ateliers d´artisans alignés le long de la rue principale, maisons agricoles dispersées sur les pentes aux limites du bourg ancien, le champ de foire qui réunit plusieurs milliers de bêtes chaque automne. En l´espace de 150 ans, le bourg rural de fond de vallée est devenu la petite capitale de la haute vallée de la Tarentaise à l´économie touristique florissante. Ces mutations économiques se sont inscrites au cours du temps dans l´espace du bourg. À l´annexion de la province de la Savoie à la France en 1860, la commune comprenait 2600 habitants, veille d´une émigration massive vers les villes. Tandis qu´à l´aube du XXIe siècle, la commune accueille désormais près de 7000 habitants installés dans une prospérité économique bien supérieure à la moyenne nationale (taux de chômage de 5%).
L´équipement militaire d´un site devenu stratégique
Situé au pied du Col du Petit-Saint-Bernard (2188 m d´altitude), Bourg-Saint-Maurice a toujours joué un rôle stratégique important. La route du col, commencée en 1854, est achevée en 1864. Après l´annexion de la Savoie à la France, lorsque surgissent à partir de 1870 les difficultés avec l´Italie, le site de Bourg-Saint-Maurice devient une place militaire stratégique qui ne cessera d´être équipé jusqu´à la seconde guerre mondiale. En 1872, le général Séré de Rivière, à l´origine d´un nouveau système de défense militaire des frontières, rappelle que la « route du Petit-Saint-Bernard offre la voie la plus courte en territoire français pour atteindre la vallée de l´Isère ». En 1886, la création de l´armée des Alpes a pour objectif la surveillance des cols frontaliers. En 1888, la fortification de Bourg-Saint-Maurice est engagée par la réalisation de quatre types d´ouvrages tous construits en rive droite de l´Isère, de 1890 à 1894 : la batterie de Vulmix (« ouvrage d´interdiction » construit en fond de vallée à 1065 m d´altitude) avec trois alvéoles de 120 m de long, le Fort du Truc en pentagones et quasi enterré (« ouvrage de protection » construit sur le versant à 1551 m d´altitude pour protéger la batterie de Vulmix), le fort de la Platte (« ouvrage de surveillance » construit sur les crêtes à 1992 m d´altitude), les casernes édifiées aux portes du bourg, du coté ouest. Système défensif complété par la construction de casemates placées en position de couverture aux Veis (1820 m d´altitude), à Séloges (1800 m d´altitude), aux Chapieux (1549 m d´altitude), au col de la Traversette. Le dispositif est encore amélioré en 1913 avec la construction de batteries sur le versant rive gauche de l´Isère (Courbaton à 1582 m d´altitude, les Têtes à 1814 m d´altitude) ; puis en 1934 par les ouvrages Maginot en béton armé du Chatelard (836 m d´altitude), du Versoyen, de la Cave à canon. Le train arrive à Bourg-Saint-Maurice en 1913, justifié d´avantage par un but stratégique (ravitaillement et transport de troupes en cas de conflit avec l´Italie), que par des intentions économiques. Les voies et la gare, terminus de la ligne, s´étalent au pied de la ville en prolongement des casernes militaires.
L´équipement hydroélectrique
L´exploitation de la houille blanche va bouleverser l´économie et l´espace de la commune de Bourg-Saint-Maurice. Dans l´entre-deux guerres, les premiers projets sont ébauchés aussi bien pour exploiter le bassin versant de la haute Isère que les torrents du Beaufortain. L´usine de Viclaire (Société lyonnaise des forces motrices du Rhône), en amont de Bourg-Saint-Maurice, est mise en service en 1924 avec prise d´eau en aval des Brévières (Tignes). C´est le prélude au projet d´un grand barrage à Tignes imaginé en 1930 et mis en oeuvre par Électricité de France de 1946 à 1952. La centrale hydroélectrique est édifiée au pied de la forêt de Malgovert, en limite de la commune de Bourg-Saint-Maurice. L´installation est la plus puissante de l´époque (750 m de chute, 300 MW installés) nécessitant le percement d´un réseau de galeries souterraines pour acheminer les eaux de la retenue de Tignes mais aussi les eaux du massif du Mont-Pourri. La mise en charge de la conduite forcée s´effectue à l´alpage de Courbaton (1582 m d´altitude) où est édifiée une cité pour les ouvriers des chantiers. De 1956 à 1961, l´aménagement du grand complexe hydroélectrique de Roselend (barrage de Saint-Guérin, de la Gittaz et de Roselend) nécessite à nouveau le percement d´un réseau de galeries souterraines pour récupérer les eaux torrentielles des versants adrets de la Commune. La poursuite pendant plus de 15 ans de ces grands chantiers en altitude, aux portes mêmes de Bourg-Saint-Maurice, assure au chef-lieu un rôle de base arrière, garantie d´une animation économique permanente.
Bourg-Saint-Maurice, petite ville
La ville ne cesse de s´équiper et de s´agrandir avec la construction d´une déviation routière le long de laquelle s´alignent résidences collectives, lotissements de villas, infrastructures commerciales et artisanales. En 1937, l´ouverture de la route du col de l´Iseran (2778 m d´altitude), la route la plus haute d´Europe, contribue au développement touristique naissant ; des projets semblables sont envisagés au Col du Bonhomme, restés sans suite.
Aux sortirs de la seconde guerre mondiale, la ville, en partie détruite, s´était engagée dans des programmes de reconstruction assurés par l´architecte Raymond Pantz (1904-1996) installé à Bourg-Saint-Maurice depuis 1936. Il développe une architecture résolument contemporaine exprimée en particulier avec la reconstruction de l´hôtel de ville (édifice inscrit au label XX ème siècle en 2004) composée d´un immeuble d´angle à la façade incurvée, la reconstruction des fermes des Échines-dessous en réinterprétant les colonnes maçonnées comme supports des fermes, le collège en 1963 dessiné sur un plan en arc de cercle tourné vers le soleil.
L´invention du ski à Bourg-Saint-Maurice
À partir de 1935, avec la maîtrise de la remontée mécanique pour skieurs, les pionniers du ski recherchent à équiper les meilleures pentes enneigées pour développer la pratique du ski alpin, de préférence sur les pentes nord, au contact des villages. À Tignes, c´est le projet de remontées mécaniques sur les pentes de l´Aiguille Percée en 1936. À Val-d´Isère c´est l´équipement des pentes de Solaise engagé en 1938. À Bourg-Saint-Maurice, seule la gare sert de transit aux skieurs qui grimpent vers les centres de ski de la haute Tarentaise. Néanmoins, en 1960, la commune relie directement le chef-lieu aux alpages de Courbaton et des Lanches sur le versant ubac en construisant deux télésièges sur une dénivelée de plus de 800 m, profitant des infrastructures liées à l´usine de Malgovert. Bien que la piste soit unique et raide, le ski alpin à Bourg Saint-Maurice est né. Dans le même temps, l´idée d´une station de ski sur les montagnes de l´Arc s´impose, considérée comme une alternative aux grands chantiers hydroélectriques dont l´achèvement est programmé. Le projet est par ailleurs encouragé par le « plan neige » que lance à cette même époque la Commission Interministérielle pour l´Aménagement de la Montagne, forte des succès remportés par les premières stations de sports d´hiver construites « ex-nihilo » à l´altitude des alpages : Courchevel 1850 lancée en 1945 par le Conseil Général de la Savoie (6000 lits), Tignes-le-Lac engagée en 1952 par la Commune avec l´aide du service départemental des Ponts et Chaussées (1000 lits), Méribel-les-Allues (2000 lits), Plagne 2000 débutée en 1961 (5000 lits).
La création des Arcs
Le projet d´une station de sports d´hiver est imaginé et mis en oeuvre à partir de 1960 par le promoteur Roger Godino qui prévoit la création des Arcs en aménageant trois sites (Arc 1600, Arc 1800 et Arc 2000), réunis autour d´un domaine skiable unique, selon le principe de la « station intégrée ». Le projet nécessite la fusion des communes de Bourg-Saint-Maurice et d´Hauteville-Gondon, la construction d´une route d´accès, la mise en place d´un téléphérique reliant la ville à la station d´Arc 1600 et la réalisation pendant trente ans, de 1967 à 1997, de plus de 30 000 lits touristiques. Pour coordonner les équipes de concepteurs des projets d´urbanisme et d´architecture, Roger Godino fait appel à l´architecte Charlotte Perriand, ancienne collaboratrice de Le Corbusier, qui recherche d´emblée des solutions créatives pour loger le plus grand nombre tout en limitant l´impact dans le paysage montagnard. L´ancrage de la station avec la commune est attesté par l´adoption par la commune du logo de la station, dessiné par l´architecte graphiste Pierre Faucheux. La conception de la station devient par ailleurs une référence de renommée internationale en matière de conception de site touristique, confirmée par l´attribution du « label XXème siècle » aux stations d´Arc 1600 et d´Arc 1800 en 2003 par le Ministère de la Culture.
Les Jeux olympiques d´hiver de 1992
Les XVIe Jeux Olympiques d´Albertville en 1992 sont l´occasion pour Bourg-Saint-Maurice de mettre en oeuvre des programmes d´amélioration urbains : agrandissement de la gare de chemin de fer en maçonnerie de pierres flanquée d´une structure en charpente métallique et verre, remplacement du téléphérique des Arcs par un funiculaire connecté directement sur les voies de chemins de fer.
Le Parc national de la Vanoise
Depuis la création du Parc national de la Vanoise en 1963, une partie du territoire de la commune est intégrée à la zone périphérique. L´aménagement de nombreux sentiers de randonnée (GR5 traversée des Alpes, Tour du Mont-Blanc, Tour du Beaufortain...) a conforté les pratiques plus anciennes d´alpinisme, encouragée par la construction en 1978 du refuge de l´Aiguille des Glaciers (dit refuge Robert Blanc, 2750 m d´altitude, A.A.M., Guy Rey-Millet architecte).
Commune et station
Avec le retrait du promoteur des Arcs de toute responsabilité dans le développement et l´aménagement des Arcs, la Commune est confrontée depuis la fin des années 1990 aux interrogations nouvelles en matière de « gouvernance » des stations de tourisme. Face à la complexité des pratiques sociales, la commune est placée devant des responsabilités nouvelles qui nécessitent une gestion totale du territoire communal, le haut comme le bas, en toute saison.
J.-F. LYON-CAEN/C. SALOMON-PELEN
Enseignant à l'école nationale supérieure d'architecture de Grenoble