La confluence de la Deisse et du Sierroz à Grésy-sur-Aix, connue sous le nom de Cascade de Grésy, à l'entrée des gorges du Sierroz, offre un emplacement idéal pour l’aménagement d’artifices hydrauliques.
D'après l'ouvrage du comte de Loche sur l'histoire de Grésy, ce site est occupé dès le XIVe siècle par des artifices appelés « moulins de Salauz » (Sâles », « Salouz »). Il fait mention d'un acte du 5 juillet 1367 par lequel le seigneur de Grésy alberge le moulin à Pierre d'Orlier, seigneur de Saint-Innocent, "pour cent florins d'or d'introge et huit florins d'or de servis annuel" (Comte de Loche, Histoire de Grésy-sur-Aix, 1874). Le comte de Loche mentionne d’autres actes concernant le moulin de Salauz dont un en lien avec l’abbaye de Hautecombe.
Le moulin apparait sur la mappe sarde de 1728 (parcelle 2208). A cette date, il appartient à Guillaume d'Orlier, marquis de Saint Innocent. La parcelle voisine est occupée par un verger de noyers (parcelle 2207).
A partir du XVIIIe siècle, le site des moulins devient un lieu d'excursion fréquenté par les curistes d’Aix-les-Bains qui viennent admirer les cascades. En 1813, lors d’une visite de la reine Hortense, son amie, la baronne de Broc se noie dans le Sierroz à proximité des moulins. La reine fait édifier une stèle à la mémoire de la baronne à l’emplacement du drame. Cet événement renforce l’attrait des visiteurs et des artistes pour les gorges. Le site devient l’un des premiers hauts lieux du tourisme alpin. Il est mentionné dans de nombreux guides d’excursions du XIXe siècle.
En 1832, Alexandre Dumas visite le site. Le 28 août 1860, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie se rendent aux moulins en compagnie du préfet de la Savoie.
Le premier cadastre français de 1880 fait apparaître qu'à cette date la configuration du site a considérablement évolué (Section A, feuille 4). Il se compose désormais d'une scierie, d'un moulin, d'un pressoir à huile et d'un battoir exploités par la famille Collomb. Le cadastre montre également qu'un barrage a été établi en aval, à l’emplacement d’un petit barrage acheté quelques années plus tôt. En effet, quelques années plus tôt, Jean-Marie Collomb (propriétaire-mécanicien) achète à la famille Curtillet un moulin en ruine au lieu-dit le Pont Pierre sur la rive droite du Sierroz, en aval des moulins de la Cascade.
Le 16 juillet 1881, les Collomb déposent une demande officielle pour rétablir le barrage qui mesure un mètre de haut. Ils expliquent qu'il souhaitent remettre le moulin en ruine en activité et créer une retenue d’eau permettant la circulation d'un bateau à vapeur destiné à la visite des gorges. Le projet prévoit un barrage en maçonnerie formant un déversoir sur toute sa longueur, soit 16 mètres. En réalité, à cette date, le barrage est déjà construit et la navigation a commencée. Le barrage fait l'objet de plusieurs réclamations de riverains, de propriétaires de moulins en aval (les Sieur Gaillard et Daviez) et même de l'établissement thermal d'Aix-les-Bains.
Le 26 juin 1883, la Société des Gorges du Sierroz qui exploite le site, est autorisée officiellement à faire circuler un bateau à vapeur dans les gorges. Les visiteurs embarquent au niveau du barrage au moyen d'un embarcadère construit en rive droite. Le bateau remonte le Sierroz jusqu'à un débarcadère où les visiteurs accèdent à des passerelles en bois construites en 1882, qui remontent les gorges jusqu'aux moulins de la Cascade. Ceux-ci sont aménagés d'un belvédère qui offre une vue sur le cours d'eau. Les visiteurs peuvent également se rendre prés de la stèle de la baronne de Broc. Dès les premiers jours de la navigation, il apparaît que la hauteur de la retenue ne permet pas d'accéder aux passerelles longeant les gorges. Le barrage est alors surélevé de 0,77 mètre au moyen d'une hausse fixe en charpente. Un procès-verbal de visite des lieux daté du 26 mai 1884, précise que le barrage mesure 7 mètres de hauteur et comporte deux vannes de fond. Le règlement d’eau autorisant officiellement l’établissement du barrage est finalement signé le 4 janvier 1886.
En 1909, Léon Jacquier et François Poncet deviennent propriétaires des Gorges du Sierroz. Afin d'éviter les accidents, ils réparent les passerelles et remplacent l'exhaussement du barrage en charpente par un mur en ciment armé. Cela suscite de nouvelles protestations des usiniers aval (FR.AD073, 81S46). Par pétition du 26 juin 1909, M.Jacquier et Poncet demandent la modification du règlement d’eau pour régulariser l’exhaussement du barrage.
Le 29 juin 1909, Léon Jacquier et François Poncet demandent le classement des Gorges comme site naturel de caractère artistique. Cette demande est soutenue par le député Théodore Reinach (FR.AD073, T165). La demande est instruite en même temps que d'autres dossiers : le classement du chemin des Charmettes, celui de la cascade de Couz et celui du lac d'Aiguebelette. Le classement des Gorges est accordé le 21 mai 1910 par le ministre des Beaux Arts. L'autorisation d’exhaussement du barrage est accordée par arrêté préfectoral du 26 août 1910.
En 1934, le site est exploité par la veuve de François Poncet (FR.AD073, T165). En 1944, elle est toujours propriétaire du site (FR.AD073, T424).
La visite en bateau des Gorges se poursuit jusqu'en 1971, date à laquelle une nouvelle réglementation impose aux embarcations accueillant du public d'être insubmersibles. En 1978, la ville d’Aix-les-Bains achète le site.
En 1999, par mesure de sécurité, le barrage est étêté de 1,70 mètre. Actuellement, le site n'accueille plus de visiteurs mais un projet de réhabilitation porté par la Communauté d’agglomération du Lac du Bourget et l'association "Au cœur des Gorges du Sierroz" est en cours pour revaloriser les gorges et les moulins.