Dossier d’œuvre architecture IA73002794 | Réalisé par
  • enquête thématique départementale, Patrimoine hydraulique des Pays de Savoie
Forges de Bellevaux dites usine du martinet actuellement vestiges
Œuvre repérée
Copyright
  • © Assemblée des Pays de Savoie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays de Savoie - Châtelard (Le)
  • Hydrographies Chéran ; bassin-versant du Chéran
  • Commune École
  • Lieu-dit
  • Adresse Les grosses pierres
  • Cadastre 2012 C 135

Le site est fondé en 1654 par Louis Turinaz (originaire de Giaveno, Piemont) sur les terres du prieuré des Bénédictins de Bellevaux, au bord du Chéran. Pour la somme de vingt florins par an, Louis Turinaz est autorisé à utiliser la force du cours d’eau et à couper le bois nécessaire à l’alimentation de son établissement. A l'origine, il comportait deux martinets, une martinette alimentés par un haut-fourneau situé un peu plus en aval, sur la rive droite du Chéran à proximité du pont de Carlet (IA73003948, commune de Jarsy). A la mort de Louis Turinaz, le site est exploité par sa veuve Suzanne Pochat, puis par ses neveux, Antoine et Sébastien Turinaz. En 1677, la veuve Turinaz épouse en secondes noces Valentin Geny, originaire d'Ugine. Après sa mort en 1687, son fils Jean Geny mentionné comme bourgeois de Montmélian, devient maitre de fabriques (Académie salésienne, Ugine. Notes d'histoire, 1930.). Il continue à verser au prieuré un loyer de 1600 florins par an. Le site est revendu en 1707 à Jean François Revil de Montmélian, qui s’associe en 1708 à Philibert Rosset de Conflans. Par la suite, le site est exploité par Philibert Rosset seul, puis par son fils.

Entièrement dépendant des moines pour le combustible, le site est finalement cédé au prieuré de Bellevaux en 1732 pour la somme de quinze mille livres de Savoie. A cette époque, il est visible sur la mappe sarde ("fabrique à fer" : parcelle 573). Dirigé par les moines qui disposent des bois et des cours d’eau, le site de Bellevaux prospère. A cette période, il peut produire entre 300 et 500 tonnes de fer par an. Le minerai qui provient de Saint-Georges-d’Hurtières est amené à dos de mulet par le col du Frêne. Les coulées de fer ont lieu tous les trois ou quatre ans en raison de l'éloignement de la matière première (FR.AD073, C555). Toutefois, les moines restent soumis à l'épuisement des ressources en bois. Ce paramètre influe considérablement sur la production de l'établissement dès les années 1780. En 1788, le site est exploité par M.Truchet (FR.AD073, C559).

Lors de la Révolution, les forges et fonderie de Bellevaux deviennent un bien national. Un inventaire établi à cette époque rapporte que le site comporte à cette date « un grand fourneau à couler la mine, un martinet avec ses marteaux, leur enclume et leur dame en gueuse ainsi qu’une meule à aiguiser et un fourneau avec soufflet, luiseau de cuivre et trompe ; une martinette ; des artifices à piler les scories et à en séparer les loupes ; des magasins de fer et de gueuse, des étaux et des regraines ». Il existe également une scierie à proximité des martinets (FR.AD073, 1FS2445). Le site est acensé le 19 brumaire de l'an II (30 octobre 1792), en même temps que les fonderies de Tamié (commune de Seytenex, Haute-Savoie) et d’Aillon (IA73002859), à Pierre Antoine Marquet, Luc Nicolas Guillermin et Jacques Baile, pour la somme de deux cent mille francs. Les trois associés se heurtent à des difficultés d'approvisionnement en combustible car les forêts alentours ont été rachetées par des investisseurs privés. Ils ont également du mal à se procurer du minerai et du fer car les stocks ont été réquisitionnés pour la défense nationale.

Le 1er fructidor de l'an IV (18 août 1796), le site est exploité par Pierre Joseph Guerraz, originaire de Lescheraines. Par acte du 12 pluviôse de l'an V (31 janvier 1797), il est revendu à Pierre Joseph Guerraz, Jacques Bertion et Gaspard Plattet, maire d'École (FR.AD073, 1FS2445). Dans la maison de ce dernier, il existe une plaque de cheminée portant l'inscription : « Le Sieur Gaspard Plattet, maire de la commune d'École, maître des forges de Bellevaux, m’a fait faire en 1813 ».

Au début du XIXe siècle, des coulées ont lieu tous les cinq ans et produisent chacune cinq mille quintaux de gueuse environ. Cette masse de fonte est convertie sur place en barres et en verges crénelées par le martinet et la martinette. Afin de diminuer les coûts du minerai et de son transport depuis Saint-Georges-d'Hurtières, on exploite le gisement de fer de Portaz, situé entre Arith et Saint-François-de-Sâles (certaines sources avancent que ce gisement était déjà exploité par les Romains dans l’Antiquité). Après le décès de Gaspard Plattet, en 1819, le site est exploité par son fils Joseph Marie Plattet jusqu'en 1829. Il est alors repris par sa veuve, Joséphine Pollingue (fille de Pierre Louis Pollingue). A cette date, le haut-fourneau est éteint mais le martinet et la martinette sont toujours en activité. Joséphine Pollingue aménage un logement au-dessus du martinet. Elle se remarie avec un banquier de Chambéry, Antoine Anthonioz (feu Amédée). Celui-ci loue le site de Bellevaux à M.Malot. En 1851, Antoine Anthonioz demande l'autorisation d'ajouter une scierie à coté du martinet (FR.AD073, 1FS2445).

En 1853, Antoine Anthonioz rompt le bail avec M.Malot et fait dresser un état des lieux du site qui précise qu'il est au bord de la ruine (FR.AD073, 6E14693). A cette époque, il comporte toujours un martinet, une martinette, un étau et une scierie. Entre 1855 et 1862, le martinet est loué à Joseph Loye, originaire du Doubs qui fabrique des clous et du matériel agricole. En 1866, Charles Anthonioz, obtient l'autorisation de maintenir le site en activité. Il s'agit alors d'une scierie, d'une soufflerie et d'un martinet. Le procès verbal de récolement du 24 octobre 1869 précise que le barrage de prise d'eau de l'installation a été emporté par une crue en 1866 et n'a pas été rétabli.

Le site est toujours visible sur le premier cadastre français de 1877 au nom de Charles Anthonioz (section C, feuille 1, parcelle 3). En 1898, il est en ruine. Il semblerait qu'il appartienne à Antoine David, forgeron à École. Le 6 octobre 1919, Alexis Boccon-Liaudet demande l'autorisation de réunir les dérivations du martinet de Bellevaux et celles de deux autres artifices situés en aval (IA73002795 et IA73002796) pour construire une petite centrale hydroélectrique. Finalement le projet ne verra pas le jour.

Actuellement, de nombreux vestiges de bâtiments sont toujours visibles à l'emplacement des forges de Bellevaux. Le haut-fourneau qui se trouvait sur la commune de Jarsy n'existe plus (IA73003948).

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 17e siècle
    • Principale : 2e quart 18e siècle
    • Principale : 3e quart 19e siècle
  • Dates
    • 1654, daté par source
    • 1729, daté par source
    • 1853, daté par source
    • 1869, daté par source

Le site se trouve entre le chemin rural dit de Coutarie et le Chéran (rive gauche) dans un méandre formé par le cours d'eau. D’après les archives du XIXe siècle, la prise d'eau sur le Chéran était constituée d'un barrage en poutres. La dérivation était également alimentée par la source des Chaudannes. Le canal de dérivation se divisait en deux afin d'alimenter d'une part la scierie et d'autre part le barillet contenant l'air servant au martinet. Actuellement, le site est à l'état de vestiges. Les contours de plusieurs bâtiments en pierre sont toujours identifiables. Dans l'un d'eux, deux caves voûtées sont toujours en place. Le prieuré de Bellevaux qui se trouvait non loin du martinet est également détruit.

  • Murs
    • pierre
  • Énergies
    • énergie hydraulique produite sur place
  • État de conservation
    vestiges
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Sites de protection
    parc naturel régional

La commune d'École se trouve dans le PNR des Bauges. L'ancien établissement de Bellevaux se situe non loin du hameau du Carlet, au bord de la route, il est facile d'accès. Il s'agissait d'un site majeur de la métallurgie dans les Bauges avec celui d'Aillon (IA73002859). Celui de Bellevaux qui est le plus ancien, était très réputé dans la région pour sa production. A noter : la présence de plaques de communion en métal dans l'église d’École qui proviennent probablement des fonderies de Bellevaux. Elles ont été inscrites au titre des Monuments Historiques en 2009.

Documents d'archives

  • FR.AD073, C555, Fonds de l'Intendance générale de Savoie. Mines, usines, carrières, etc., 1647-1790.

    AD Savoie : C555
  • FR.AD073, 3F21, Fonds BALMAIN : famille CASTAGNERY de CHATEAUNEUF et familles diverses ; exploitation des mines des Hurtières et forges d'Argentine, Famille Castagnery de Châteauneuf. Pièces concernant la propriété de ces établissements et leur exploitation par la famille de Châteauneuf, 1726-1844.

    AD Savoie : 3F21
  • FR.AD073, C4860, Déclaratoires pour les biens de l’ancien patrimoine de l’Église dans la province de Savoie-Propre. 2e volume. Lettres E à O, 1731-1741.

    AD Savoie : C4860
  • FR.AD073, C2787, Cadastre de 1728 dit Mappe Sarde, Ecole, Vue 3, 1732.

    AD Savoie : C2787
  • FR.AD073, C559, Fonds de l'Intendance générale de Savoie. Mines, usines, carrières, etc. Affaires diverses. Mémoires concernant des fourneaux " à couler de la gueuse, " établis au lieu dit à Furbis, territoire d'Arvillard. Lettre de la comtesse de Piolenc, envoyant un échantillon d'un gisement de marne qu'on avait découvert dans ses domaines, du côté d'Yenne ; de M. de Grégory, de Turin, priant l'intendant général de Chambéry, de chercher parmi les employés étran gers, attachés aux mines en exploitation dans le duché de Savoie, un homme capable d'aller examiner la valeur de la découverte qu'on venait de signaler au gouvernement, d'une mine d'or, dans une montagne de la vallée d'Aoste. Lettre d'un sieur Bourgeois, au sujet de l'inventaire des fonderies du prieuré de Bellevaux en Bauges ; pour l'envoi de deux experts chargés de faire un rapport sur des tourbières découvertes dans la commune de Bossey. Mine de sel d'Arbonne, commune de Bourg-Saint-Maurice : projets de travaux. Lettres faisant connaître que les habitants de la région voisine allaient y recueillir du sel en contrebande, art préjudice des gabelles, ce qui décida le gouvernement à faire boucher les galeries commencées et à rendre l'accès de la mine impossible. Certificats de visite des abords de la mine, par des secrétaires de communes, desquels il résulte qu'on essayait souvent de rouvrir clandestinement les galeries, pour y prendre du sel ; etc. 1741-1792.

    AD Savoie : C559
  • FR.AD073, C155, Fonds de l'Intendance générale de Savoie, Secrétariat général, Minutes de lettres adressées aux ministères et aux autres administrations centrales, à Turin, par l'intendant général, sur toutes les affaires de son ressort : donnant avis à M. de Serraval de l'arrivée, au Pont-de-Beauvoisin, de la comtesse d'Artois, qui devait s'arrêter au Mont-Cenis, en allant à Turin ; au sujet de l'exercice du droit de seigneuriage appartenant aux finances, sur les minéraux affinés dans les fonderies de la Savoie ; droit à l'encontre duquel des observations avaient été présentées par les grands propriétaires d'usines et de hauts-fourneaux, l'abbaye de Tamié, la chartreuse de Saint-Hugon, le prieuré de Bellevaux, la Compagnie des Hurtières, la baronne de Châteauneuf, etc. ; au comte Granéry, à propos d'une fabrique de chocolat qu'un industriel voulait établir à Chambéry, et sur les fabriques de ce genre qui existaient déjà en Savoie ; rendant compte de la fête religieuse et des réjouissances publiques, par lesquelles on avait célébré, à Moûtiers, l'anniversaire de la naissance du Roi (29 juin) ; pour obtenir la continuation d'une gratification de 300 fr., par laquelle le Roi avait récompensé les services d'un professeur de dessin de Chambéry, nommé Gringet, "vu le zèle avec lequel il s'efforçait de former des élèves dans un art qui est la base de l'architecture, de la peinture et de la sculpture" etc., 1789-1792.

    AD Savoie : C155
  • FR.AD073, 1FS2445, Fonds de l'intendance générale de Chambéry. Endiguements divers, canalisations, dérivations, travaux hydrauliques. Dérivations, scieries, moulins, endiguements divers, dans l'ordre alphabétique des cours d'eau. Chéran, 1815-1860.

    AD Savoie : 1FS2445
  • FR.AD073, 1FS712, Fonds de l'intendance générale de Chambéry, Industrie et commerce, Métallurgie, usines et affaires diverses, 1815-1860.

    AD Savoie : 1FS712
  • FR.AD073, 6E14693, Minutes. Humbert Burgos, notaire Châtelard, acte d'état des usines de Bellevaux, 1853.

    AD Savoie : 6E14693
  • FR.AD073, 45SPC4, Ponts et chaussées, service hydraulique : École : scierie-soufflerie-martinet Antonioz (Chéran, 1862-1866) ; scierie Descorps (Chéran, 1875-1880) ; moulin Bourgeois (Chéran, 1897-1898), 1862-1898.

    AD Savoie : 45SPC4
  • FR.AD073, 81S42, Service hydraulique, École : Affaires diverses (1865-1958). Usines : Antonioz (Chéran, 1862-1866), scierie Descorps (1875-1880), moulin Bourgeois (1898), usine hydro-électrique (intéresse aussi Jarsy) sur le Chéran (demande Boccon-Liaudet, 1920-1921), 1862-1958.

    AD Savoie : 81S42
  • FR.AD073, 80S6, Fonds de la Préfecture, Statistiques. Statistiques diverses pour les arrondissements de Moûtiers et Albertville, 1862-1898.

    AD Savoie : 80S6
  • FR.AD073, 3P 7124, Premier cadastre français, Ecole, Section C, feuille 1, 1877.

    AD Savoie : 3P 7124
  • FR.AD073, S1364, Exploitation des cours d'eau : Usines et entreprises : renseignements, statistiques et inventaires 1898-1924 ; Demandes de concessions 1929-1943 ; Prises d'eau sur divers cours d'eau 1908-1941 ; Application du décret du 22 mai 1937 sur les entreprises d'hydraulique agricole 1937-1938, 1898-1941.

    AD Savoie : S1364
  • FR.AD073, 3P 7125, Cadastre rénové, Ecole, Section C, feuille 1, 1963.

    AD Savoie : 3P 7125
  • FR.AD073, J1706, Inventaire des moulins de Savoie. Association des amis des moulins savoyards. Nicole Gotteland, Louis Crabières, commune École, 1999.

    AD Savoie : J1706

Bibliographie

  • Académie salésienne, "Ugine. Notes d'histoire", Mémoires & documents, Tome 48, Imprimerie commerciale, Annecy, 1930.

    p.303.
  • E.Chabrand, Histoire de la métallurgie du fer et de l'acier en Dauphiné et en Savoie, Xavier Drevet, Grenoble, 1899.

  • N.Garioud, Histoire et archéologie des mines de fer et des installations métallurgiques du massif des Bauges (Antiquité-milieu XIXe siècle), mémoire de maîtrise d'histoire de l'art et archéologie, Grenoble, 1997.

  • F.Gex, La clouterie en Bauges, Revue de géographie alpine, vol.21, 1933.

    p.175-220
  • MORAND, Laurent. Les Bauges : histoire et documents. Vol. II : Seigneurs ecclésiastiques. Chambéry : Imprimerie savoisienne, 1890.

  • MORAND, Laurent. Les Bauges : histoire et documents. Vol. III : Peuple et clergé. Chambéry : Imprimerie savoisienne, 1891.

  • Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, Les maîtres de forges en Bauges, n°129, mars 1998.

  • VERNEILH-PUIRASEAU, Joseph de. Statistique générale de la France, département du Mont Blanc. Paris : Testu, 1807.

  • N.Garioud, Sites d'extraction et de transformation des métaux : massif des Bauges et vallée de la Maurienne, Rapport campagne 1999, Prospection thématique, Opération n°99/071, Programme 25 : Histoire des techniques de la protohistoire au 18e s.et archéologie industrielle, 1999.

    CDP Savoie
    p.8-11.

Documents figurés

  • Ancien martinet de Bellevaux / MORAND, Laurent. Les Bauges : histoire et documents. Vol. III : Peuple et clergé. Chambéry : impr. savoisienne, 1891. 1 impr. photoméc. (reproduction imprimée de photographie argentique).

Annexes

  • Extrait d'un texte de F. Pison du Galland, 1788.
  • Accord passé entre les maitres de forges du Mont Blanc pour s'opposer à l'augmentation du prix du minerai de Saint-Georges-d'Hurtières, 1807 (FR.AD073, 3F21).
  • Réponse aux renseignements demandés sur les forges et minerais du Département du Mont Blanc, sans date (FR.AD073, 4B508).
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2013, 2016
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
© Assemblée des Pays de Savoie