L’histoire du vieux pont est liée à celle de la maison forte de Marclaz qui est inscrite au titre des Monuments Historiques par arrêté du 12 juillet 1995. Il est difficile d’en retracer toutes les étapes de reconstruction, tant les sources historiques sur cet ensemble sont lacunaires. « La maison-noble de Marclaz appartenait à la famille de Ravais au XVème siècle et était rattachée à la seigneurie de Chamoisy. Le premier membre de la famille est cité au XIVème siècle comme époux d’Agnès d’Allinges. Le château de Marclaz est cité dans une reconnaissance de 1499 avec d’autres biens, dont Lauzenette et Anthy. La demeure passe ensuite aux mains de la famille de Vidomme de Chamoisy, amie de Saint-François de Sales qui séjourne plusieurs fois à Marclaz.»[1] Le franchissement qui lui fait face est un passage stratégique entre Genève et Thonon.
Dans son étude sur les villas gallo-romaines du Chablais, C. Marteaux explique qu’avant « l’établissement de la route napoléonienne de Genève à Milan par le Simplon »[2], devenue route nationale n°5, « existait une route ducale appelée en 1540 le grand chemin de Lestrat »[3]. Il semblerait que ce tracé, emprunté depuis le Moyen-Âge, ait une origine romaine. L’auteur précise que le pont de Marclaz « a succédé à un pont médiéval, que la voie et la vieille route franchissaient au point encaissé le petit torrent appelé au XIIIème siècle nant de Marclaz »[4], puis ruisseau de Lension et ruisseau du Pamphiot.
Les documents d’archives consultés, ne permettent pas de retracer l’histoire du pont médiéval. Sur la mappe sarde de la paroisse de Thonon réalisée entre 1728 et 1738[5], ce franchissement est figuré au lieu de Marclaz. Pour la visite du roi dans les provinces de Savoie, l’Intendance du Chablais décide de rectifier, en 1766, le chemin allant du pont du Redon, situé plus à l’ouest dans la paroisse de Margencel, au pont de Marclaz. L’architecte Cheneval est chargé d’établir un état des lieux de cette section afin d’en définir les travaux de rectification[6].
Plusieurs ponts qui se succèdent sont construits en différents points, d’amont en aval, au gré des différentes crues du torrent de Marclaz, qui ménagent une gorge encaissée à cet endroit. Le pont de pierre est fragilisé par une crue du torrent vers 1773[7]. L’ancien pont en pierre est hors d’usage. Il lui manque des fondations que le ruisseau a attaqué en partie. Comme le roi doit visiter les provinces de Savoie, il est décidé de le sécuriser dans l’attente de le reconstruire. André Girard, Joseph Genoud et François Perrond, trois charpentiers habitant de Thonon, sont chargés d'étayer cet ouvrage et de le dédoubler avec la construction d'un pont provisoire en bois vers 1775[8].
En 1784, la rampe d’accès du pont est modifiée au moment du chantier de la tour du château Saint-Michel à Marclaz[9]. Le pont reste dans un état assez précaire malgré les confortements dont il a fait l’objet. Cette solution provisoire est maintenue jusqu’en 1781. Un nouveau pont maçonné est construit au nord. Ce dernier ouvre sur un nouvel alignement de la route provinciale allant de Genève à Thonon[10]. « La somme totale des ouvrages à faire en exécution du pont de Marclaz revient à deux mille huit cent trente livres et cinq sols moyennant laquelle l’entrepreneur qui sera chargé de leur exécution sera tenu de tout faire et fournir toutes choses quelconques »[11]. Une nouvelle rectification de la route est décidée en 1788[12].
Pendant le premier Empire, la route qui emprunte ce pont devient impériale. En 1846, les pentes d'accès du pont sont jugés dangereuses. Un projet de rectification de la route de Genève dans la traversée de Marclaz est étudié. Il consiste à réutiliser les rampes de l’ouvrage pour créer un exhaussement. Au niveau du torrent du Pamphiot, l’ouverture du pont serait élargie avec la construction d’une nouvelle voûte et de nouvelles culées reposant sur un radier. Le projet ne sera pas validé[13].
La route allant de Genève à Thonon est tout aussi stratégique après le rattachement de la Savoie à la France en 1860, devenant la route nationale n°5 avec l’avènement de la 3ème République. Dans la troisième moitié du XIXème siècle, la section est reprise avec la construction du Viaduc de Marclaz en amont du vieux pont. Les deux ouvrages cohabitent avec la survivance de l’ancienne voie devenue un chemin secondaire. En 1977, les travaux d'élargissement de la route nationale n°5 entre Thonon-les-Bains et Douvaine (Haute-Savoie) sur les sections comprises entre Massongy et Sciez, d'une part, et entre Bonnatrait et Marclaz d'autre part, sont réalisés.
La route départementale D 2005 correspond depuis au tracé historique de la RN5. La déviation de Thonon-les-Bains avec le contournement de la route départementale D 1005 est mise en service le 1er juillet 2008. Elle est depuis entièrement déclassée en voie communale sur sa traversée de 7,8 km. Depuis le 23 août 2021, et suite aux inondations du printemps et de l’été, des travaux sont engagés sur l’actuel pont de Marclaz se trouvant en amont. Le vieux pont est laissé à la végétation depuis de nombreuses années et il est fermé à la circulation piétonne. Plusieurs parties se sont effondrées.
Il renferme cependant les réseaux qui communiquent entre les communes d’Anthy-sur-Léman et de Thonon-les-Bains. Les travaux, réalisés par les équipes d’Enedis, GRDF et Thonon Agglomération, sont réalisés du 23 août au 29 octobre 2021 et devraient aboutir à la destruction du vieux pont qui menace de s’effondrer.
[1] D’après la fiche d’inventaire de la maison forte de Marclaz réalisée dans le cadre du projet européen AVER par le Service archéologie et patrimoine bâti du Département de la Haute-Savoie.
[2] Dans Jean-Claude BERTHELET, Étude sur les villas gallo-romaines du Chablais, Thonon et ses environs, dans Revue savoisienne, Annecy : Académie Florimontane, 1918, p.64.
[3] L’auteur précise qu’il tient cette information d’une publication de l’Académie Chablaisienne : « A. Duplan, Inventaire bernois, 1906, XX ; via publica tendens de Thonus versus Gebennas, dans les Chartes ».
[4] Jean-Claude BERTHELET, Étude sur les villas gallo-romaines du Chablais, p.65.
[5] ADHS 1Cd16-COPIE, Copie de la mappe sarde de la paroisse de Thonon. 1728-1738.
[6] ADHS 1 C 2 art.84, Chablais, Commission au Sieur Architecte Cheneval du 15 mai 1766 concernant l’ancien chemin entre le pont de Rhedon et celui de Marclaz et concernant ainsi le nouveau chemin entre ces deux ponts. 1766
[7] ADHS 1 C 2 art.84. L’Intendant conservateur des gabelles et du tabellion pour Sa Majesté. 4 mars 1773.
[8] ADHS 1 C 2 art.84. Devis estimatif en instruction pour la construction d’un pont provisionnel en bois à la grande route sur le ruisseau de Marclaz. 12 mars 1775.
[9] ADHS 1 C 2 art.84. Différents prix faits datant de 1784 attestent de cela.
[10] ADHS J 2651. Construction d’un pont à Marclaz : photocopies de devis et plant de 1781. 21 décembre 1781.
[11] Idem.
[12] ADHS 1 C 2 art.84.
[13] ADHS 10 FS 51. Projet de rectification de la route de Genève dans le traversée de Marclaz en utilisant le pont actuelle au moyen d’un exhaussement convenable pour adoucir. 1846.