Bien que l'exploitation de l'alpage de Sales remonte au Moyen-Âge sous le contrôle de l'Abbaye de Sixt (Commune de Sixt-Fer-à-Cheval), cet inventaire thématique s'intéresse à l'étude des chalets reconstruits après 1860. La logique d’inventaire du patrimoine bâti a été appliquée à la montagne de Sales dans la commune de Sixt-Fer-à-Cheval de 2017 à 2019 puis 2022. Il est en est ressorti plusieurs observations. Depuis 2011, l’Unité Archéologie et Patrimoine bâti procède à un repérage des structures pouvant témoigner de l’exploitation de cet alpage. En septembre 2016 à août 2017, un premier repérage avait été réalisé. Des numéros provisoires allant de 1 à 29 ont été attribués à chaque édifice en lien avec le plan cadastral de 2016. Un travail de cartographie a permis, d’une part, de repositionner la mappe sarde et les cadastres historiques[1] et, d’autre part, de noter les incohérences entre le cadastre actuel et le terrain. Ces indications s’appuient aussi sur les travaux réalisés par Christophe Guffond, Alain Mélo et en partie sur l’étude ethnographique réalisée fin d’année 2017 sur ce territoire.

Les maisons rurales qui sont étudiées sont donc désignées sous le vocable de chalet. L’usage de ce qualificatif provient d’un « terme suisse romand désignant à l’origine des constructions édifiées sur des défrichements isolés ou sur des pâturages de moyenne et haute altitude »[2]. Dérivation de la locution cala, il signifiait place abritée [3]. La tradition écrite veut que Jean-Jacques Rousseau fût le premier à diffuser ce mot dans la littérature française et savoyarde. Il écrit : « chalet, sorte de maisons de bois où se font les fromages et diverses espèces de laitage, dans la montagne. »[4] Loin de l’image de carte postale véhiculée par les brochures touristiques, cet édifice n’a pas une fonction liée à la plaisance, mais bien au travail agricole.

Le village de Sales n’est pas perturbé par des bâtiments modernes à part les trois bâtiments du refuge, mais il a perdu plus de la moitié de sa substance. Les éléments bâtis témoignant de ce passé se concentrent au centre de la montagne sur un replat ensoleillé. Se trouvant au centre de l’alpage, le village de Sales est éloigné des couloirs d’avalanches, mais il se trouve sur l’axe d’écoulement d’une rivière souterraine. Une trentaine de bâtiments sont répartis sur trois grandes terrasses avec quelques paliers intermédiaires. Depuis la croix de Sales qui ouvre sur l’alpage jusqu’au bassin au pied de Barme Froide, un chemin nord-sud traverse ce bâti. Située à 160 mètres au nord des premiers chalets, la croix de Sales ouvre sur un premier replat situé à 1 870 m d’altitude, le GR5 qui en constitue le seul accès passant par des vestiges fouillés par l’équipe de l’Unité Archéologie et Patrimoine bâti. L’observation des environs permet de distinguer plusieurs vestiges d’anciens bâtiments sur les différents paliers du village.

Ces cabanes d’estive restent avant tout fonctionnelles. Comme indiqué, la désignation de ce bâti rural en chalet est une définition contemporaine et évoque généralement une vision champêtre ou romantique. La grange ou l’étable désignent au mieux cette dépendance agricole. Il s’agit du point de vue architectural du même modèle de cabane qui va être décliné en différentes dimensions. Ce mode de construction se justifie par le fonctionnement en communauté de l’alpage et par la difficulté d'y acheminer des matériaux. Les cellules avec des dimensions réduites sont donc préférées aux grands chalets maçonnés. Généralement, cette grange de plan carré (rectangulaire) repose sur un soubassement en pierres sèches. Ce dernier s’agrippe en partie ou en intégralité sur les parois du lapiaz. Une structure en bois composée de poteaux et des éléments de la charpente sont montés sur ce soubassement. Les pièces de bois sont emboîtées sur le sol avant d’être positionnées sur les murs. Aucune indication historique ne permet d’affirmer si les matériaux sont prédécoupés puis équarris sur l’alpage. Cette ossature est protégée par des planches clouées horizontalement à la structure. Ces lattes sont débitées dans les scieries hydrauliques de la vallée. L’essence de bois la plus utilisée est l’épicéa.

Le travail d’inventaire a donc consisté à relever les points de convergence et de divergence entre ces différents bâtiments pour les catégoriser du point de vue de la fonction initiale, des éléments architecturaux, des transformations opérées sur leurs enveloppes. Il en ressort un état des lieux diversifié sur une architecture vernaculaire du XIXe siècle, Il est surtout important de noter que peu de bâtiments restent dans leur état d’origine. Le chalet démonté dans les années 1960 et entreposé dans les réserves du Mucem constitue la typologie la mieux préservée.

[1] Certaines planches du cadastre français dressé 10 juillet 1922 ont été numérisées et vectorisées. Il est possible de comparer l’ancien cadastre à l’actuel. Les bâtiments anciens et les parcelles anciennes ont fait l’objet d’une saisie qui a permis entre autre de calculer les surfaces des bâtiments de ce document historique. Le report des vestiges identifiés sur le terrain et la vectorisation du cadastre de 1922 a permis de géo référencer une partie de la mappe sarde réalisée elle-même entre 1728-1738 (AD 74, 1 Cd 205, copie).

[2] Sylvain Malfoy, Dictionnaire historique de la Suisse, Bern. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F11001.php.

[3] Idem.

[4] J. J. Rousseau, Lettre de deux « amans, habitans » d’une petite ville au pied des Alpes ou Julie ou la Nouvelle Héloïse, Amsterdam : Marc-Michel Rey, 1761. Dans la réédition de 1843 publiée par la Librairie de Firmin Diderot et Frères, la définition du chalet apparait à la page 96.