Historique
Une existence incertaine avant le milieu du XIVe siècle
Amorcée au XIe siècle, l´urbanisation de la ville se développe entre 1180 et 1230, autour du point de franchissement du Rhône, puis chute jusqu´au XIVe siècle. La construction du pont de la Saône, dans la première moitié du XIe siècle, amène la création de nouvelles parcelles. Un grand lotissement, comprenant les rues Poulaillerie, Dubois et Grenette est créé après 1150. On peut supposer que la halle aux grains existait au moins dès 1193, puisque la rue Grenette, qui porte son nom, est attestée cette année. La majorité des rues de la presqu´île sont établies avant la fin du XIIIe siècle, comme la rue Tupin qui est attestée en 1292. La halle est située à côté d´un axe de communication ancien, la rue Mercière, qui est attestée dès 1195 (GAUTHIEZ). L´urbanisme semble donc indiquer que la grenette était établie au moins dès la fin du XIIe siècle. Cependant, aucune fouille archéologique n´ayant été faite à la grenette à ce jour, cette hypothèse est difficilement vérifiable. Il serait encore plus hardi de se prononcer sur la période antique. Si l´on se réfère aux fouilles archéologiques des parcelles de la rue du Président-Edouard-Herriot, et de la Monnaie, on note que l´implantation du bâti du XVIe siècle suit la même orientation que celle de la période antique. Toutefois, il s´agit dans ce cas d´une orientation est/ouest, alors que la grenette est orientée nord/sud (AYALA p. 47 ; JACQUIN). On peut donc se demander si la grenette est contemporaine de ces secteurs.
Selon un mémoire aux seigneurs les Comtes et Chapitre de l´église de Lyon, écrit en 1765, la maison qui devint par la suite les halles de la grenette existait déjà en 1135 et abritait l´hôtel de ville (AM Lyon : 10 G 903). Au XIIIe siècle, la maison aurait servi à tenir les assemblées publiques et privées d´une ligue formée par les habitants de Lyon, pour lutter contre les oppressions des officiers de l´archevêque (CLAPASSON p.115).
XIVe - XVe : Aménagement d´une halle aux grains
Dès le XIVe siècle, la maison qui devint la halle aux grains fut la propriété de l´archevêque de Lyon et du chapitre. En effet, au Moyen Age, la presqu´île était en grande partie la propriété de l´église. Elle est mentionnée dans un document daté de 1353 sous l´appellation de Granateria : « Tres domos in magno clos de Albergeria in quibus est Granateria juxta domum Johannis dou Plastro, juxta domum nicetü Barbichonis mercatoris, et in ruta Pepin juxta parvas domos qui sunt de furno qui passet et juxta domum Johannis dou Plastro » (AC Lyon Fonds POINTET, p. 3423).
En 1470, l´archevêque Charles de Bourbon fit édifier un bâtiment en forme de halle dans lequel il était coutume de ne vendre que du blé (KLEINCLAUSZ, t1 p. 549). Or, vers 1475, un procès opposa le consulat d´un côté, et l´archevêque et le chapitre de Lyon de l´autre, car ces derniers « s´efforcent de faire vendre dans le nouveau bâtiment qu´ils ont fait édifier et bâtir en forme de halles, les draps et autres espèces de marchandises. » (MAYNARD, p. 298-300 ; AC Lyon : BB 350).
XVIe - XVIIe : Restructuration de la Grenette
Le milieu du XVIe siècle apporta des transformations dans le fonctionnement et l´architecture de la grenette. En effet, en 1551, le consulat demanda au chapitre de Saint-Jean l´autorisation de faire couvrir les halles de la grenette, afin que les cultivateurs puissent y décharger leurs blés (AM Lyon : BB 72). A cette même époque, l´archevêque et le chapitre décidèrent de vendre le bâtiment des halles situé à l´ouest du passage central (nommé rue des halles de la grenette), qui unissait la rue Grenette et la rue Pépin (actuelle rue Tupin) (AM Lyon Fonds POINTET, p. 3423). Ce bâtiment ouest apparaît sur le plan scénographique qui représente Lyon vers 1550. Il prend la forme d´une maison haute et basse, dotées de huit arcades simples en plein cintre, huit fenêtres sans meneau, trois lucarnes et un mur moucheté. L´étude critique du plan en nuance la fiabilité, car même si la rigueur et la précision prédominent, la tentation d´une représentation esthétique et symbolique émerge. (ROSSIAUD). En effet, il semble que la hauteur des immeubles ainsi que leur alignement parfait ne reflètent pas la réalité.
Selon un document du 11 septembre 1614, la partie ouest de la grenette était en ruine en 1614, « moitié en friche ruinée et presque inutile (...) aucun toit ni couvert » (AM Lyon : 933 WP 023). Son état de délabrement ne permettait plus d´abriter les marchands et leurs grains, et tranchait avec la bonne conservation de la partie est qui appartenait à l´archevêque. De plus, les problèmes d´ordures qui infectaient la halle la rendaient nauséabonde. Elle fut rénovée grâce à la volonté de l´archevêque Denis Simon de Marquemont, comte de Lyon et primat de France. Le même document indique que l´archevêque chargea Pierre Marchant, maître chirurgien et citoyen de Lyon, de couvrir la halle « depuis le devant de ladite place du côté de ladite rue de la Grenette jusqu´au dernier côté de ladite rue Pépin » et de la rendre habitable. Une grande liberté fut accordée à Pierre Marchant, de telle sorte qu´il « pourra faire fonder et construire des caves, boutiques, allées (...) chambres greniers et autres agencements et commodités nécessaires pour maisons habitables de telle hauteur que bon lui semble ». Le document suggère quelques recommandations pour sa restauration, à savoir que les fenêtres basses seront munies de barreaux de fer et que des trappes serviront à « l´encavage des voies et autres services, aisances, nettoyage et commodités desdites caves ».
Au début de l´année 1615, le consulat donna alignement à Monseigneur de Marquemont pour reconstruire la maison des halles (MAYNARD, p. 298-300). De cette époque, la grenette conserve actuellement des traces à l´extérieur comme à l´intérieur. En ce qui concerne la façade, la marque du XVIIe siècle se retrouve dans les fenêtres de tout le premier étage et celles des façades nord et sud du deuxième étage. A l´intérieur, le XVIIe siècle est illustré par les ferrures de la porte piétonne. L´intérieur des boutiques révèle aussi la trace du XVIIe siècle puisqu´elles conservent le même emplacement ainsi que leurs voûtes d´arrêtes, encore visibles dans certaines d´entre elles. Mais le plus frappant reste la présence, au niveau du rez-de-chaussée et des entresols, des arcades à bossage du XVIIe siècle. Elles sont cachées en retrait, à 1,5m derrière la façade actuelle, qui date du XIXe siècle (AM Lyon : 321 WP 053).
Pourtant, malgré ces travaux, le consulat se plaignit en 1627 de l´insuffisance des halles, si bien que les cultivateurs étaient contraints de vendre leur blé à ceux qui le survendaient au peuple (AM Lyon : BB 172).
La limitation de l´espace fut un problème récurrent car, en 1674, la Ville intenta un procès à l´archevêque au sujet des « échoppes et ornements » qu´il avait fait construire en usurpant sur le passage public des halles (MAYNARD, p. 298-300).
XVIIIe : Une période importante pour l´aménagement de la grenette
Au cours du XVIIIe siècle, la grenette fut occupée par différents locataires dont les noms sont cités dans plusieurs verbaux de visite, datés du 8 mars 1725 (AD Rhône : 10 G 902), du 1er avril 1743 (AD Rhône : 10 G 902) et du 15 mars 1748 (AD Rhône : 10 G 903). Ils étaient installés dans les étages, les chambres et les greniers, car le rez-de-chaussée était réservé aux boutiques.
Ces états des lieux nous renseignent notamment sur l´agencement des différentes pièces, leur aménagement, les matériaux employés et leur mobilier. Les pièces étaient séparées les unes des autres par des cloisons en bois, que l´on trouve désignées dans les textes sous le nom d´« ais ». Les matériaux utilisés sont le bois, en majeure partie, la pierre, le verre (pour les fenêtres) et le fer (pour un balcon). Le bois, de sapin dans de nombreux cas, servait pour les cloisons, les portes, les planchers, les fermetures, les cadres et les volets des fenêtres, les escaliers, les manteaux des cheminées et les auvents (au rez-de-chaussée). La pierre de taille était réservée aux escaliers, aux rampes, aux jambages des cheminées, aux croisées et au carrelage. Les verbaux de visite mettent en avant la variété des types de pierre et de bois. Cette diversité de matériaux est illustrée par l´emploi de pierre jaune, grise ou blanche pour les cheminées.
La composition et l´état des fenêtres sont détaillés au point que sont mentionnés leurs châssis, fermetures, vergettes, volets et parfois leur emplacement. Une attention particulière a été donnée aux systèmes de fermeture des fenêtres, des boutiques et des portes.
Le verbal de visite du 1er avril 1743 est lié à un bail daté du 8 mars 1743 (AD Rhône : 10 G 902), au nom de Jean Baptiste Laperouse, marchand de dorure et concierge de la grenette, de 1743 à 1749. Ce bail est intéressant car il développe les fonctions du concierge. En effet, celui-ci fut « responsable (...) de tous les événements qui pourront arriver en ladite maison et même du feu », il dut « recevoir tous les grains apportés par les marchands forains et au cas qu´ils ne soient pas vendus de les fermer et être garant de tous les vols », « fermer exactement et ouvrir les portes aux heures accoutumées » et ne put louer aucune pièce à des « gens dont la profession sera de matière combustible comme tourneur ».
Hormis les pièces d´habitation, les verbaux de visite mentionnent la présence d´un charbonnier, d´une farinière, d´une souillarde, d´un pigeonnier et de boutiques. Deux autres documents nous renseignent sur la présence d´autres éléments particuliers, un lavoir et un puits. L´acte capitulaire sur les réparations de la Grenette (AD Rhône : 10 G 903), datant du 27 mars 1773, signale la présence d´un lavoir posé sur le plancher d´une grande salle au deuxième étage. Afin de protéger le plancher de l´eau, le sol fut pavé sur cinq pieds au-devant du lavoir. Un système d´évacuation des eaux en fer fondu fut installé depuis le deuxième étage jusqu´à la rue. Le bail à louage par les comtes de Lyon à Aimé Delaroche (AD Rhône : 10 G 903), fait le 14 juillet 1757, évoque la construction d´un puits et de sa pompe. Le puits serait situé dans l´angle de l´arc du grand escalier et comporterait les dimensions suivantes : « bonne maconnerie (sic) de dix huit pouces d´épaisseur (...) ledit puy (sic) aura dans oeuvre deux pieds et demy (sic) de diamètre sur le grillage, et vingt deux pouces à la margelle ».
Le bail de 1757, et secondairement l´acte capitulaire de 1773, revêtent une grande importance dans la compréhension de l´évolution de l´édifice, car ils font état de réparations et de constructions effectuées, ou à faire, en divers endroits de la grenette (AD Rhône : 10 G 903). Grâce à ces textes, nous comprenons que des transformations majeures dans l´architecture de l´édifice se sont produites au milieu du XVIIIe siècle. Nous nous concentrerons sur les fenêtres et les escaliers, en comparant leur état dans la première moitié du XVIIIe siècle, grâce aux verbaux de visite de 1725 à 1748, et leur évolution dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Les différents états des lieux mentionnent la présence de deux petites fenêtres au niveau des entresols, sur les côtés nord et sud. Cependant, elles n´existent plus de nos jours.
Il semble que, depuis 1743 (date à laquelle les fenêtres sont dénombrables) jusqu´à présent, tout le premier étage dispose du même nombre de fenêtres. En sachant que certains renseignements peuvent avoir été omis à l´époque, on dénombre déjà six à sept fenêtres prenant leur vue côté ouest. Aujourd´hui, on peut voir sept ouvertures, ainsi que deux autres qui n´ont jamais été percées ou qui ont été rebouchées. Il est probable que ces fenêtres datent de la première moitié du XVIIe siècle, au moment où la grenette fut frappée d´alignement. Les deux croisées, des côtés nord et sud, dateraient de cette même époque. Toutes ces fenêtres possédaient des volets et des fermetures en 1743, et étaient dotées de châssis en bois en 1748.
Le deuxième étage offre davantage de changements. En effet, il comportait dans la première moitié du XVIIIe siècle, sur sa façade ouest, au moins six croisées, dotées de châssis en bois en 1743. Puis, le bail de 1757, indique que toute la façade ouest de l´étage sera détruite et reconstruite avec 17 croisées, de quatre par six pieds, en pierre de taille de Couzon (69). De par ces travaux, le nombre de fenêtres fut donc plus que doublé. Les fenêtres de la façade dateraient du milieu du XVIIIe siècle, tandis que les deux croisées des côtés nord et sud, n´ayant pas été touchées par les travaux, appartiendraient au XVIIe siècle. Bien que certaines de ces dernières soient actuellement bouchées, la présence de leur meneau tend à appuyer cette datation.
Le troisième et dernier étage présente également des remaniements, car, le bail de 1757 annonce un exhaussement, jusqu´à une hauteur de sept pieds, afin d´y pratiquer des greniers. De ce fait, toute la charpente serait détruite puis reconstruite en surélévation. La façade ouest fut alors dotée de neuf croisées, de trois par quatre pieds. Il était aussi prévu que les façades nord et sud reçoivent le même type de fenêtre. Par ailleurs, il est mentionné que la façade sud comportait deux fenêtres. Or, actuellement elle en présente trois, qui pourraient dater du XIXe siècle, si l´on s´appuie aussi sur la datation du garde-corps qui limite la terrasse de cette façade.
La grenette disposait de plusieurs escaliers, dont un que nous qualifierons de principal, car il desservait les trois étages du bâtiment, et d´autres, secondaires, qui menaient à une pièce en particulier. Le grand escalier principal était rythmé par trois paliers donnant accès à des appartements, des magasins et des greniers. La première partie de l´escalier, menant au premier étage, était avec certitude conçue en pierre de taille. La deuxième était construite soit en pierre de taille soit en bois. Et, la troisième partie était un « escalier en échelle » fait en bois de sapin, au-dessous duquel se trouvait un charbonnier. En 1757, les comtes de Lyon exprimèrent, dans le bail à louage destiné à A. Delaroche, le souhait de déplacer l´escalier dans le premier arc à côté de son emplacement. Ils projetèrent donc sa démolition et la construction d´un escalier à mur noyau pour lequel ils mentionnèrent toutes les dimensions :
« Sera fait et construit en fondation le mur à droite jusqu´au solide et aura deux pieds d´épaisseur jusqu´au sol du rez de chaussée pour être ensuite élevé jusqu´au dessous du couvert a dix huit pouces d´épaisseur sera aussi élevé depuis le premier étage le mur à gauche jusqu´à la hauteur et avec la même épaisseur que le premier lesquels murs forment la cage dudit escalier. Ledit escalier aura dans oeuvre quatre pieds et demy (sic) de largeur de marches, et seront lesdites marches portées du bout dans les murs en dessus et d´autre bout dans un mur de noyeau (sic) /p.7/ de dix pouces d´épaisseur terminée en ses deux extrémités avec montant de pierres de tailles arrondis sur les arrêtes. Les marches de l´ancien escalier seront mises en oeuvre dans le nouveau. Dans l´ancien mur qui forme la cage actuelle de l´escalier afin de donner le passage au nouvel escalier il sera percé un arc de quatre pieds et demy (sic) de largeur et sera construit entre les deux murs de la cage actuelle un mur de quinze à seize pouces d´épaisseur lequel mur ne sera monté que jusqu´au premier étage. L´arc occupé par ledit escalier sera bouché en maconnerie (sic) de quinze pouces d´épaisseur en observant d´y poser à quatre pieds de hauteur du sol du rez de chaussée une croisée de quatre pieds et demy (sic) de largeur, et sera la hauteur de ladite croisée terminée par ledit arc(...) ».
En ce qui concerne les matériaux, le bail stipule que le passage d´entrée conduisant à l´escalier sera pavé en pierres de Saint Fortunat (69, Saint-Didier-au-Mont-d´Or) et que tous les paliers seront carrelés avec des carreaux de Verdun, de même que le plancher des entresols et des greniers.
Par ailleurs, l´acte capitulaire de 1773 décrit une grande lézarde dans le mur de refend, du deuxième jusqu´au troisième étage, et indique que l´escalier sera reblanchi.
Secondairement, d´autres escaliers contribuèrent à la circulation dans l´édifice. Par exemple, il y avait dans une chambre au premier étage, un « escalier en échelle », fait en bois de sapin, qui menait à une soupente. Le vestibule, situé au deuxième étage, disposait d´un escalier en bois de sapin à huit marches, qui conduisait à un petit cabinet.
Les boutiques, prenant leurs jours sur la rue Grenette et Tupin, possédaient aussi des escaliers qui leur permettaient d´accéder aux caves et aux entresols. Il semblerait que la partie centrale de la grenette fut occupée par le stockage des grains. Au milieu du XVIIIe siècle, l´accès à la cave des boutiques de la rue Tupin se faisait par la boutique située au sud-ouest, par un escalier en pierre de taille. Du côté de la rue Grenette, chacune des deux boutiques disposait d´une cave. La cave de la boutique au nord-est était desservie par un escalier en bois, et celle de la boutique au nord-ouest, par un escalier en pierre. L´accès aux entresols, depuis les boutiques, était pratiqué par des escaliers en bois, dit « à la parisienne » en 1773. Il est mentionné, cette même année, que les briques des voûtes des entresols étaient soutenues par des pierres de taille de Saint-Cyr (69).
Ces deux documents permettent également de faire le point sur l´aménagement de boutiques des côtés nord et sud et sur les grands portails d´entrée. Les boutiques de la rue Tupin étaient au nombre de deux, et composées chacune d´une arcade. Elles étaient construites en pierre de taille et se fermaient au moyen de cloisons coulissantes. La boutique sud-ouest comportait une cave voûtée en berceau. Le côté de la rue Grenette présentait également deux boutiques faites en pierre de taille, constituées chacune d´un arc et séparées par une cloison faite de planches. Elles se fermaient grâce à des cloisons coulissantes et des portillons garnis de serrures et de ferrures. Elles possédaient toutes deux leur cave.
Deux grands portails, situés aux extrémités nord et sud de la rue de la Halle (actuelle rue de Brest), fermaient le passage la nuit et l´ouvraient le jour. Les portes des côtés rue Grenette et Tupin étaient garnies de ferrures, serrures et clefs. Ces deux grandes fermetures disposaient d´un couvert en arcade, jugé en bon état au milieu du XVIIIe siècle. Cependant, n´ayant pas de protection contre le frottement des roues des charrettes, qui rentraient et sortaient des halles, le grand portail du côté de la rue Tupin fut endommagé.
Depuis l´ouverture de la rue Centrale en 1847, il ne reste aucune trace du système de fermeture.
Milieu XVIIIe - XIXe : Reconversion d'une partie de la grenette en imprimerie
A partir du milieu du XVIIIe siècle, la grenette servit d´imprimerie à un grand nombre d´imprimeurs. Cette reconversion fut inaugurée par Aimée Delaroche (De la Roche) (1715-1801) qui fit de la grenette une imprimerie d´excellence.
Fils de Léonard Delaroche et de Marguerite Perrin, il exerça le métier d´imprimeur dès 1736. A partir de 1740 il obtint la charge d´éditer plusieurs périodiques, tel que l´Almanach de Lyon et le Journal de Lyon. Il fut imprimeur de la Ville, de l´académie des Beaux-Arts, des hôpitaux, de l´archevêché, et partagea également l´exercice d´imprimeur du roi avec Jean-Marie Bruyset dès 1784 (Musée de l´Imprimerie : notice pdf en ligne). Il occupa la grenette au moins depuis 1748 si l´on se rapporte à un verbal de visite établit à cette époque (AD Rhône : 10 G 903).
Un mémoire à nos seigneurs les Comtes et Chapitre de l´église de Lyon (AD Rhône : 10 G 903), daté de 1765, montre combien ses responsabilités en tant que locataire principal de la grenette lui tenaient à coeur. Il refusa que l´un des locataires, M. Rollet, ouvrit une porte de communication, dans le mur mitoyen de la maison du chapitre, avec celle des écoles de Saint-Charles.
Aimé Delaroche occupa ses fonctions d´imprimeur jusqu´en novembre 1791, date à laquelle son atelier passa aux mains d´Aimé Vatar (Vatard).
Aimé Vatar, issu d´un père libraire, et plus largement d´une dynastie d´industriels, était le petit-fils d´Aimée Delaroche. Il mourut parmi les insurgés en septembre 1793 (Musée de l´Imprimerie : notice pdf en ligne).
Delaroche et Vatar occupèrent ensemble la grenette au moins dès 1777, si l´on se réfère à la copie conforme de 1838 du bail du 29 mars 1777 (AC Lyon : 933 WP 023). Le bail expirait en 1794 et concernait la totalité de la maison de la grenette excepté « le dessous des voûtes dont le Chapitre se réserve la disposition et qui servent à fermer et retirer les grains et blés des personnes foraines vendant et achetant les dites denrées ainsi qu´il est de coutume». Ce bail attribuait aux deux personnages des fonctions de concierge puisqu´ils « seront obligés de recevoir tous les grains apportés par les marchands forains, en cas qu´ils ne soient pas vendus de les fermer et d´être garants de tous les vols et vexations qui pourraient se faire ». Il « fermeront et ouvriront les portes aux heures ordinaires ».
La grenette fut ensuite vendue, par le chapitre de Saint-Jean, comme bien national à Charles François Millanois en mars 1791, pour la somme de 118.220 francs. Le bref de vente de 1791 (AC Lyon : 933 WP 023) décrit la structure de l´ancienne halle, et l´agencement des propriétés voisines, qui se trouvaient obligatoirement à l´est. La maison située au nord-est (côté rue Grenette) de la halle était la propriété du séminaire Saint-Charles, tandis que celle localisée au sud-est (côté rue Tupin) était habitée par M. Sarcel.
Une réclamation fut lancée contre Charles François Millanois par les exposants des boutiques de la grenette, qui se plaignaient de devoir lui payer un loyer (AD Rhône : 10 G 903). Ils revendiquaient le caractère public des boutiques et la gratuité qui s´y était toujours pratiquée. Depuis leur édification jusqu´à cette époque, les voûtes de la halle abritaient les grains des marchands, dont certains en possédaient la jouissance de père en fils.
La tendance contre-révolutionnaire de Charles François Milannois signa son arrêt de mort en novembre 1793, après qu´il fut dénoncé par le sans-culotte Jean Joseph Destéfanis. Ce dernier se vit attribuer l´imprimerie de la fin de 1793 à la fin de 1795.
La paix sociale revenue, la veuve Millanois rentra en possession de son imprimerie vers 1795-1796. C´est avec Hugues-Jean Ballanche associé à Clément Barret, qu´elle en continua l´exploitation de 1796 à 1802. Ballanche fut d´abord marchand de grains, négociant en draperie puis typographe sous l´impulsion d´Aimé Delaroche. En 1796, il recueillit le fonds de Millanois qu´exploitait Destéfanis. L´imprimerie Ballanche et Barret acquit une rapide renommée et continua d´être le fournisseur des administrations. A la suite d´un scandale, l´atelier n´eut plus le droit d´exécuter les impressions de l´administration centrale et ne conserva plus que la fourniture des imprimés émanant de la municipalité.
Barret quitta l´imprimerie en 1802. Ballanche s´associa alors avec son fils Pierre Simon Ballanche (1776-1847) et continua l´exploitation de l´ancienne imprimerie d´Aimé Delaroche aux halles de 1802 à 1810. C´était, en 1802, l´atelier le plus important de Lyon et le plus prospère. On y imprimait presque tous les périodiques de la ville. Ballanche, imprimeur et philosophe, aurait été aussi l´inventeur d´une machine à composer mécaniquement les textes typographiques. En 1810, Pierre Simon Ballanche quitta son atelier et partit pour Paris.
L´imprimerie conserva le nom de Ballanche mais fut vendue en 1817 à un imprimeur de la ville, Mathieu-Placide Rusand. Il acquit la charge d´imprimeur de l´Eglise et de la Compagnie de Jésus, mais l´atelier avait, à l´inverse des époques précédentes, une mauvaise réputation à cause de la lenteur d´édition et de démêlés avec le gouvernement. Il dirigea l´imprimerie jusqu´en 1834.
La suite fut prise par Jean Benoît Pelagaud (1802-1889), Louis-Alexis Lesne et Jean-Baptiste Victor Crozet de 1836 à1839. L´atelier fut ensuite nommé « Louis Lesne, ancienne maison Rusand » avec à sa tête Pelagaud et Lesne.
Puis, Adolphe Julien François Mougin (1803-1853) reprit l´atelier et l´exploita sous le nom de Mougin-Rusand de 1839 à 1841 (Musée de l´Imprimerie : notice pdf en ligne).
Milieu XIXe : De grandes transformations liées au percement de la rue Centrale (actuelle rue de Brest)
L´ouverture de la rue Centrale (actuelle rue de Brest) en 1847 bouleversa l´apparence extérieure de la grenette. En effet, la rue fut percée de la place Saint-Nizier à la place des Jacobins. Ce tracé englobait donc la rue des halles de la grenette ainsi que le bâtiment ouest des halles. Selon le conseil municipal le projet « porterait l´air et la lumière, le mouvement et la vie dans un quartier extrêmement populeux et établirait par la partie centrale entre le midi et le nord de la ville (...) une communication large et facile, que l´on ne peut trouver aujourd´hui qu´en faisant un assez long détour (...) » (AC Lyon : 321 WP 053). Suite à cette ouverture, le bâtiment ouest fut démoli et la rue des halles de la grenette absorbée dans la nouvelle rue, à l´exception d´une bande de terrain de 1,50m de largeur, longeant le bâtiment est des halles (MAYNARD, p. 299-300). Ces travaux provoquèrent des conflits avec le propriétaire des halles, M. Berthet. En effet, la propriété du sol de cette petite rue donna lieu à un procès entre la Ville, les deux architectes Savoye et Poncet, et ce M. Berthet. Celui-ci en revendiquait la propriété et appuyait ses prétentions sur la vente nationale du 17 mars 1791, laquelle n´aurait réservé à la Ville qu´un droit de servitude sur le passage. Les architectes se chargèrent d´acquérir la propriété du sol de cette ruelle en parvenant à un accord. Le traité, passé le 31 août 1847, entre le maire de Lyon, les deux architectes et M. Berthet, stipule qu´en contrepartie de l´acquisition de la petite rue, la Ville ne réclamerait aucune indemnité de plus-value à M. Berthet, en raison de l´augmentation de valeur de sa maison suite à l´ouverture de la rue Centrale (AC Lyon : 321 WP 053).
Le rapport de M. le Maire, du 29 décembre 1847, nous renseigne sur les dispositions d´alignement de la façade de la partie est de la grenette. Une partie (1,5m de large) de l´ancienne rue des halles de la grenette fut cédée à M. Berthet, afin qu´il y construise la nouvelle façade de la halle. Cette façade fut plaquée devant l´ancienne façade datée du XVIIe siècle, jusqu´à hauteur du plancher du premier étage (AC Lyon : 321 WP 053). Les arcades ainsi que la terrasse, qui possède un garde-corps en pierre ajouré de rosaces, que nous voyons de nos jours, datent donc du milieu du XIXe siècle.
Ce rapport atteste également de l´existence d´arcades en pierre situées aux extrémités de l´ancienne rue des halles, faisant office de portes d´entrée mais « dont la démolition est indispensable ». De même, le traité entre le Maire de Lyon, les architectes MM. Savoye et Poncet et M. Berthet, du 31 janvier 1848, mentionne que « M. Berthet renonce à ses prétentions sur la propriété des 2 arcs en maçonnerie qui sont aux 2 extrémités du passage ». Ce traité révèle aussi des travaux d´« abaissement du sol au-devant de sa maison », à propos desquels « M. Berthet renonce comme propriétaire à ne réclamer aucune espèce d´indemnité » (AC Lyon : 321 PW 053).
A l´issue du percement de la rue, l´architecte C.A. Benoît dit dans son rapport sur la plus-value, le 12 août 1852, que le halle est une « propriété qui se composait de boutiques ou entrepôts (...) élevés de 4 marches, donnant sur un passage étroit, ayant son issue, côté midi, peu accessible, a été transformée en habitations et 9 magasins de détails, les plus vastes de la rue » (AC Lyon : 321 PW 054).
Dans son estimation après l´ouverture de la rue Centrale, faite le 25 janvier 1851, M. Fabre cite une « dépense de 50 000 francs faite en réparations et la construction d´un soubassement en avancement sur la nouvelle rue ». Il mentionne par la suite les différents locataires des boutiques et leur loyer (AC Lyon : 321 PW 054).
Architecte en chef de la Ville de Lyon