"Projet d'assainissement de la presqu'île lyonnaise dans la partie comprise entre la place des Cordeliers et la place Bellecour", L´œuvre de Gaspard André. Introduction par Édouard Aynard. Lyon : A. Storck et Cie, imprimeurs-éditeurs, 1898, p. 73-76
Dès 1882, Gaspard André, avec la collaboration de MM. Carrel et Bissuel, proposait un remaniement des quartiers du centre de la ville que les plus modestes exigences de salubrité publique ne pouvaient laisser subsister.
"Les maisons resserrées dans les massifs mal construits et malsains de la rue Grôlée, de la rue de la Monnaie et de la rue des Templiers forment sur le plan de notre ville comme trois grosses tâches qui contrastent péniblement avec les parties voisines ouvertes à l'air et à la lumière."
C'est en ces termes que, dans la notice qui accompagnait le plan, les auteurs résumaient l'exposé des motifs de leur initiative.
La retouche proposée était grandiose. L'art et l'hygiène y étaient également intéressés.
Les auteurs du projet avaient taillé en plein drap. Ils affirmaient, à juste titre, que "dans bien des cas la rénovation d'une ville doit s'attaquer à son centre, pour de là, rayonner sur son pourtour, si l'on ne veut rendre plus coûteuses les améliorations du pourtour et garder un centre immobile et sacrifié. L'expérience a montré que le bénéfice d'un remaniement partiel bien conçu s'étendait à toute la ville, qu'en créant un quartier neuf dans de bonnes conditions on provoquait un double mouvement dans la population, mouvement qui, d'une part, facilitait les opérations à entreprendre dans d'autres vieux quartiers insalubres, qu'une partie de leurs habitants délaissait pour chercher l'air et la lumière dans les nouveaux quartiers, et qui, d'autre part et par contre-coup, produisait un élan de construction dans les quartiers excentriques, où se déversait une partie de la population expropriée cherchant des habitations plus espacées et plus saines que ses anciennes demeures du centre. Il est à remarquer que ce double mouvement, rendu plus facile que jamais par les nombreux moyens de transport récemment établis, arriverait à point pour répondre à l'élan d'accroissement qu'ont pris et que garderont les quartiers situés sur la rive gauche du Rhône."
MM. André, Carrel et Bissuel avaient pris comme base de leur tracé une rue transversale de vingt mètres de largeur, réunissant par les ponts, auxquels elle aboutirait, le quartier Saint-Jean à la Guillotière, et laissant apercevoir d'un coup d’œil les quais du Rhône et de la Saône, le palais de Justice et la Préfecture projetée. C'était le véritable trait d'union des anciens et des nouveaux quartiers qui en eussent tous deux bénéficié. C’était une superbe vue d'ensemble, telle qu'on devrait toujours en concevoir lorsqu’on met la main à des retouches, devenues inéluctables, et qui, destinées à durer des siècles, doivent non seulement satisfaire à toutes les exigences du présent, mais prévoir encore celles de l'avenir. Une fois de plus on a procédé par portions, par petits paquets, sans coordination générale. Quelque jour, on regrettera d'avoir manqué d'audace, d'autant qu'on était déjà résolu à éventrer les taudis voisins de la place de la République.
Le centre de la ville eût eu, par l'exécution de ce projet, l'aspect monumental et homogène qu'on tentera désormais vainement de réaliser, et la percée qui eût relié Bellecour à la rue Centrale eût détourné un peu, au profit du côté ouest, la circulation toute acquise à la partie est de la presqu'île.
La disparition des bouges de la rue des Templiers et de la Monnaie s'impose, mais peut-être est-il trop tard pour y rappeler un mouvement de plus en plus porté vers le Rhône par la rue du Président-Carnot et les nouveaux quartiers de la rive gauche ; et la déchéance des rues Mercière et Centrale ira s'accentuant.
Un examen rapide du plan que nous donnons nous dispense de nous étendre davantage sur la largeur de la conception et les regrets que son abandon inspire.
Nos lecteurs y trouveront en outre un nouveau renseignement sur les monuments artistiques dont André a doté notre ville. Trois d'entre eux sont compris dans son périmètre. Ce sont : le temple protestant, le théâtre des Célestins, la fontaine des Jacobins.
La reproduction de ce document se rattachait par là doublement à notre œuvre.
Photographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, site de Lyon