HISTORIQUE
À la fin du 19e siècle, le pont suspendu de Valence, racheté par l'État en 1885, donnait des signes de fatigue et était devenu insuffisant.
En 1890, le Conseil municipal demandait sa consolidation pour supporter le passage d'un tramway (PLECHE, p. 43). Trop étroit, l'ouvrage ne répondait plus notamment aux besoins du trafic routier. L'ancien pont nécessitait soit une réfection complète, soit son remplacement par un ouvrage plus adapté aux besoins modernes (AD Rhône, 3959W 1778 : Note sur l´historique de l´ouvrage, dressé par l´ingénieur des TPE Bujard, 18 avril 1963 ; MELLIER, p. 381 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51).
En 1900, l´étude d´un nouvel ouvrage est donc entreprise (AD Rhône, 3959W 1778, idem).
La construction d´un pont métallique, utilisant le système Arnodin, lancé à l'emplacement de l'ancien pont suspendu, est primitivement examinée (MELLIER, p. 381-382).
L'idée est écartée et l'étude d'un pont métallique "dans le genre de ceux de Lyon", de nouveau à l'emplacement de l'ancien ouvrage émerge alors. Ce dernier projet est presque parachevé lorsqu'une hausse importante des prix du fer intervient et entraîne son abandon (idem ; PLECHE, p. 43 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51).
On engage alors une nouvelle étude d'un ouvrage entièrement en maçonnerie ; un avant-projet de pont en pierre en aval du pont suspendu voit le jour. C'est ce dernier qui est adopté (AD Rhône, 3959W 1777 et 3959W 1778, idem ; MELLIER, p. 381-382 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170).
Un décret ministériel du 10 décembre 1900 approuve le projet (MELLIER, p. 382 ; PLECHE, p. 43 ; ANTRESSANGLE, p. 187) ; les détails d'exécution sont acceptés par une décision ministérielle du 7 août 1901 (MELLIER, p. 382).
La construction du pont en maçonnerie est adjugée le 7 octobre 1901 à l'Entreprise Fayolle de Grenoble (MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51).
Selon Mellier, l'ouvrage est commencé vers le 15 novembre 1901 (MELLIER, p. 382 et 383) ; les travaux ne débutèrent véritablement que l'année suivante. En mars 1902, des expropriations de terrain sont opérées (AD Drôme, 3S 40 : Chemise 514). Le fonçage du caisson de la culée des Granges est engagé à partir du 1er mai suivant (MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170).
Le 12 octobre 1902 a lieu la cérémonie de pose, par le président de la république Émile Loubet, drômois d'origine, de la première pierre de la culée de la rive gauche du pont (AD Drôme, 3S 40 ; MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51).
Le pont est inauguré le 13 août 1905 par le même Émile Loubet (MELLIER, p. 382 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; PLECHE, p. 43 ; BLANC, p. 64 ; MARREY, p. 133 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51). L'ouvrage était estimé au devis à 1 265 000 F (ANTRESSANGLE, p. 194). Sa construction a demandé trois ans et neuf mois de travaux, de novembre 1901 à août 1905 (MELLIER, p. 383).
La démolition du pont suspendu juxtaposé intervient consécutivement, dans la seconde moitié des années 1910 (entre 1906 et 1908 selon les sources) (AD Rhône, 3959W 1777 et 3959W 1778 ; PLECHE, p. 43 ; ANTRESSANGLE, p. 187).
"Le nouveau pont de Valence est le premier qui ait été complètement édifié en pierre sur le Rhône depuis le Moyen Age" (MELLIER, p. 384 ; et MARREY, p. 133) et le dernier pont en maçonnerie (KIRCHNER, p. 9). Il a été construit sous la direction d'Alphonse Clerc, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées (MELLIER, p. 384 ; MARCOU, p. 50), de son collaborateur, l'ingénieur Auric, et aussi de Valla, conducteur des Ponts et Chaussées, de Fayolle l'entrepreneur et de Pascal, représentant de ce dernier (MELLIER, p. 384).
Établi à environ 30 m en aval du pont suspendu qu'il est destiné à remplacer (AD Drôme, 3S 40 ; AD Rhône, 3959W 1777), le nouveau pont en maçonnerie de 227 m de long (on trouve 595,44 m dans AD Drôme, 3S 40 : Chemise 514 correspondant sans doute à la longueur totale, rampes comprises ; sinon MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51) comprend deux culées de 5,45 m, deux piles de 4,70 m et une pile centrale de 6,70 m (MELLIER, p. 383).
Sa largeur était de 9,20 m avec une chaussée de 5,60 m encadrée de deux trottoirs de 1,50 m (AD Rhône, 3959W 1778 ; MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; ANTRESSANGLE, p. 187 ; BOIS, p. 51), bordés de deux parapets de 0,30 m (MELLIER, p. 383).
Il comportait quatre voûtes surbaissées de près de 50 m de portée (précisément 49,20 m) (AD Rhône, 3959W 1778 ; MELLIER, p. 383 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; KIRCHNER, p. 7 ; GRATTESAT, p. 115) ainsi que d'importantes rampes d´accès. Les trois piles en rivière furent construites à l´aide de caissons métalliques fondés à l´air comprimé et descendus jusqu´à la couche solide de marne bleue située environ à douze mètres en dessous des eaux d´étiage du Rhône (AD Rhône, idem).
Le 16 septembre 1936, le Conseil municipal demande aux pouvoir publics de prévoir l´élargissement du pont suite à la mise en circulation du Tramway électrique et pour cause d'un trafic densifié (ANTRESSANGLE, p. 188).
Le 20 juin 1940, pour freiner l´armée allemande, le Génie Militaire français fait sauter le pont. Le jour même, la société de sauveteurs "Les Enfants du Rhône" assure, avec ses barques, la traversée jusqu´à la mise en service, par les Ponts et Chaussées, d'un bac à traille le 3 août 1940. Ce dernier perdure environ un an (COURANT, p. 151 ; COGOLUENHE, livre 1, p. 49-50 et livre 2, p. 85 ; ANTRESSANGLE, p. 188 ; BOIS, p. 51).
Le pont de bateaux qui avait été lancé par le Génie le 8 juillet 1940 fut emporté par le fleuve avant même son achèvement (ANTRESSANGLE, p. 189).
La pile latérale rive gauche du pont qui fut minée le 20 juin est fortement ébranlée ; la destruction consécutive affecte les deux arches du pont de la rive gauche, côté Valence (AD Rhône, 3959W 1778 : Note 1963 ; KIRCHNER, p. 11 ; ANTRESSANGLE, p. 188 ; BOIS, p. 51) ainsi que la première voûte de la rampe d'accès adjacente (AD Rhône, idem).
Pour rétablir la circulation, deux ponts provisoires métalliques Pigeaud de 50 m de portée (le premier fourni par le 7e Génie d´Avignon, le second par l´Arsenal de Toulon) sont lancés par le Génie sur la pile minée réédifiée, pour franchir la brèche de 100 m. Ils sont établis à un niveau permettant de reconstruire en-dessous l´ouvrage définitif. La mise en service de ce pont provisoire a lieu le 1er mai 1941 (AD Rhône, idem ; ANTRESSANGLE, p. 189).
La reconstruction du pont est entreprise (AD Rhône, 3959W 1777) : les travaux comprennent d'une part l´élargissement des deux voûtes, côté Granges, d´autre part la réfection de la pile latérale rive gauche et la reconstruction des deux voûtes détruites, côté Valence (AD Rhône, 3959W 1778 : Note 1963). L´ouvrage définitif devait livrer passage à une chaussée de 7 m et deux trottoirs de 2 m (AD Rhône, idem).
L´élargissement de l'ouvrage côté Ardèche est achevé en août 1941 (ANTRESSANGLE, p. 189).
À partir de juin 1942, le chantier est ralenti par une décision qui prescrit qu´un pont ménageant mieux les intérêts de la navigation doit être substitué à l´ouvrage prévu (AD Rhône, idem).
En 1944, la reconstruction est presque terminée (AD Rhône, idem ; ANTRESSANGLE, p. 189), quand le pont, à peine achevé, est à nouveau endommagé par faits de guerre.
Mi-août, ce sont les deux arches côté Granges qui sont détruites par un bombardement allié (AD Rhône, idem ; KIRCHNER, p. 9 ; COURANT, p. 161 ; COGOLUENHE, livre 1, p. 50 ; BOIS, p. 51). La première arche latérale rive droite s´effondre et, deux jours plus tard, c'est au tour de la seconde arche rive droite, par suite du basculement de la pile latérale rive droite (AD Rhône, idem). Selon Antressangle, c'est l´explosion d´un wagon de nitroglycérine près de Valence qui cause, le 29 août 1944, par son onde de choc, l´effondrement de la deuxième arche côté Granges touchée le 18 août (ANTRESSANGLE, p. 191 et 193).
Comme quatre ans auparavant, les "Enfants du Rhône" sont mis à contribution pour assurer des passages du fleuve avec leurs barques ; puis on remet rapidement en service le bac à traille le 12 septembre (COURANT, p. 161 ; COGOLUENHE, idem). Ce dernier ayant été coulé par une crue du Rhône, un vieux bateau à vapeur "Le Pilotin" est employé pour franchir le Rhône (COURANT, p. 161).
Quant au pont, sa destruction totale étant à craindre dans le cas d´un basculement de la pile centrale, il est décidé de relier la pile à la culée rive gauche par des câbles mis sous tension (AD Rhône, idem).
Ensuite, et après la construction d´une pile métallique sur les restes de la pile de droite, le double pont Pigeaud de la rive gauche, qui avait également été touché, est réparé, démonté et ripé à la place des deux arches démolies, pour permettre le franchissement de la brèche côté Granges (AD Rhône, idem ; ANTRESSANGLE, p. 191 et 193).
La circulation est rétablie le 15 mars 1945 (AD Rhône, idem ; ANTRESSANGLE, p. 193 ; BOIS, p. 51). Cet ouvrage provisoirement relevé est utilisé jusqu'au 14 février 1949, date de la mise en service de la "passerelle provisoire" de Valence (ANTRESSANGLE, p. 193).
En 1946, pour permettre la reconstruction définitive de l´ouvrage, il avait été en effet décidé d'édifier un pont suspendu provisoire à l´emplacement du pont suspendu de 1830. Après l'achèvement de ce pont provisoire (février 1949), il est finalement procédé à la destruction de l´ouvrage de 1905. Ce dernier ne laissait "malheureusement pas de passe très large pour le navigation", c'est pourquoi, il n'est pas reconstruit dans sa forme ancienne (KIRCHNER, p. 9).
La démolition du pont, qui laisse subsister les appuis dans le fleuve, est opérée de juillet 1950 à décembre 1951 (AD Rhône, idem).
Le dérasement des piles n'intervient qu'en 1964 (AD Rhône, 3959W 1778), quand est entreprise l'édification d'un nouvel ouvrage, le futur pont Frédéric Mistral, se substituant à la passerelle provisoire.