Dossier d’opération IA63002574 | Réalisé par
Renaud-Morand Bénédicte (Contributeur)
Renaud-Morand Bénédicte

Chercheure à l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes.

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  • opération ponctuelle
Présentation de l'opération ponctuelle "Muraille de Chine" (de Clermont-Ferrand)
Copyright
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, ADAGP

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Auvergne-Rhône-Alpes
  • Adresse
    • Commune : Clermont-Ferrand
      Lieu-dit : Plateau Saint-Jacques

Cahier des clauses scientifiques et techniques

1) Contexte institutionnel et objectifs

En séance du conseil municipal de Clermont-Ferrand du 14 avril 2017 a été votée la déconstruction de la barre dite Muraille de Chine du quartier Saint-Jacques nord (ainsi que le 1-3 allée des Dômes, immeuble situé sur le même site)1. Cette décision a été prise dans le cadre du Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) qui concerne trois sites dit d'intérêt national. Le quartier Saint-Jacques nord y est présenté comme cinq fois plus dense que le reste de la ville, avec 88 à 89 % de logement social. Il a été observé par ailleurs que le quartier manque d'un espace public structurant. C'est ainsi que l'objectif affiché du programme de rénovation urbaine est d'enrayer un processus récent de paupérisation, d'y maintenir donc la mixité sociale, de promouvoir également une mixité fonctionnelle, d'améliorer cadre et conditions de vie. Concernant plus précisément la décision de démolir, les raisons invoquées sont principalement la structure fragile de l'immeuble dit Allée des Dômes, qui n'aurait pas permis d'envisager une réhabilitation (affaissement des planchers dû à un ferraillage déficitaire du béton), ainsi que l'obsolescence des appartements de la Muraille de Chine. Par exemple, les T3 présentent une surface de 55 m2 alors que les constructions récentes adoptent une surface minimale de 66 m2 ; on y rencontre aussi des problèmes d'isolation thermique et phonique2.

La Muraille de Chine est assez connue des Clermontois pour que, d'une part la décision municipale soit aussitôt relayée dans la presse, et pour que d'autre part, le service de l'Inventaire général du patrimoine culturel se saisisse du dossier avant déconstruction. L'un des objectifs affichés par André Chastel, fondateur de l'Inventaire général, étant en effet de "réunir une documentation sérieuse sur les édifices [...] plus ou moins légitimement voués à disparaître". Le bailleur social, Logidôme devenu entre-temps Assemblia, via un Comité technique spécifique, se propose d'accompagner l'opération de relogement et de déconstruction en ouvrant une "Maison du projet" in situ, à partir de l'automne 2017. Des étudiants de l'École des Beaux-Arts ont pour charge de collecter la mémoire des habitants. Le travail de l'Inventaire général complètera la collecte d'informations du point de vue de l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme.

2) Descriptif de l'opération

a) Délimitation de l'aire d'étude

La barre est partie intégrante, voire la pièce majeure d'un grand ensemble implanté au lieu-dit Saint-Jacques, au sud de la commune de Clermont-Ferrand. Le plateau Saint-Jacques est constitué d'une coulée volcanique qui sépare Clermont de la commune d'Aubière. La barre -la "Muraille"- longue de 320 mètres et haute de huit étages est construite au bord du plateau, dominant la ville de Clermont.

Ce plateau était quasi désertique dans les premières années du XXe siècle. L'Office municipal des HBM (habitations à bon marché) est à l'origine des premières constructions livrées sous la forme de cités jardins (38 maisons construites en 1922-23, 126 en 1924-25, 180 logements en 1931-32 d'un programme de 400 interrompu à cause de la crise économique). Sur le Plan d'extension de la commune datant de 1925 (plan produit en application de la première loi de planification urbaine en France, dite loi Cornudet, de 1919, complétée en 1924) un projet de développement du réseau de voirie quadrille le secteur. En 1954 on y compte alors 4170 habitants. En 1962, à la fin de la construction de la première tranche du grand ensemble on en dénombre 10 302. Une deuxième tranche de travaux complète l'ensemble jusqu'à ce qu'il soit décidé au début des années 1970 qu'en parallèle d'une troisième tranche de travaux, une ZUP (zone d'urbanisation prioritaire) serait créée au nord du territoire communal. Juste avant cela un viaduc avait été construit, ouvert en 1967, de façon à gommer l'abrupt qui séparait la ville du plateau Saint-Jacques (où se situe également le nouvel hôpital universitaire).

La Muraille de Chine est un marqueur territorial fort. De plus, elle s'intègre dans l'un des grands ensembles que l'État avait choisi de soutenir sous l'appellation Secteur industrialisé. Il s'agissait de construire dans des délais rapides un grand nombre de logements en exploitant au mieux les ressources de l'industrie. Elle est représentative à ce titre d'une manière de concevoir l'édifice comme la répétition d'un même module presque à l'infini (ici, 14 fois), en utilisant le plus rationnellement possible la préfabrication (ici, le procédé Costamagna).

b) Les enjeux scientifiques

Le service de l'Inventaire général du patrimoine culturel s'est peu investi, pour ce qui concerne l'ex-région Auvergne, dans l'étude des immeubles du XXe siècle qui marquent pourtant fortement, comme ailleurs, les silhouettes urbaines3. Par exemple, on note que vue de loin (depuis le promontoire des Hauts-de-Hurlevent) Vichy n'offre comme repères urbains que ses immeubles du XXe siècle (en contrepoint en quelque sorte de la rivière Allier) : à l'évidence, la fonction thermale n'est plus perceptible à cette distance et les tours de logements standardisés l'emportent.

Il semble donc que l'élaboration d'une monographie de la Muraille de Chine se justifie, a fortiori en orientant les recherches sur le thème de l'immeuble-repère dans le paysage. En d'autres termes, comment un édifice devient-il marqueur territorial ? La vulgate est celle d'un édifice dessiné par un architecte parisien jamais venu sur le site qui ne se serait pas rendu compte de l'effet monumental produit par la barre dans le paysage, un article paru dans la presse locale en 2011 dans le cadre d'une série de pleines pages consacrées précisément à la Muraille de Chine en témoigne4. Il paraît donc intéressant d'enquêter sur les responsabilités : quelle est la part de l'architecte dans ce dessin, celle de l'État -qui le recrutait, dans le cadre du Secteur industrialisé-, celle de la municipalité, celles des différentes instances consultées comme la Commission des permis de construire et la Commission départementale d'urbanisme, voire celle des habitants, consultés lors de l'enquête d'utilité publique ?

c) les modes d'approche et leur application

L'approche adoptée sera celle d'une monographie succincte sur l'immeuble proprement dit. Néanmoins, l'immeuble étant partie constituante d'un grand ensemble, ce dernier fera l'objet d'une fiche de présentation.

Pour ce dernier, la démarche adoptée ne sera ni strictement régressive (partir de l'observation des bâtiments et espaces urbains réalisés afin d'en détecter les différentes phases de constitution), ni strictement progressive (dresser un historique du territoire des origines à nos jours) mais c'est la maquette d'origine du projet qui orientera l'observation de la réalité. Certes il ne s'agit pas de défendre aveuglément les architectes et urbanistes de ce grand ensemble mais il nous semble important, pour la compréhension de ce qu'ils nous ont légué, de tenter de mettre en lumière les limites entre volontarisme et gestion effective de ce projet ambitieux, typique de cette période.

d) Le contenu et le calendrier des différentes phases

-avril 2017 : courrier d'information (sur le fait que le service de l'IGPC entreprend une étude avant déconstruction de la Muraille de Chine) à la mairie de Clermont-Ferrand et prise de contact avec Logidôme, le bailleur social, afin d'obtenir une aide à la visite (rendez-vous est pris pour l'automne 2017, la déconstruction n'étant programmée qu'à partir de 2020)

-mai 2017 : pré-repérage aux archives (municipales, départementales) ; Centre des archives d'architecture du XXe siècle (Paris)

-juillet 2017 : prise de contact avec Julien Defillon, chercheur au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de la région Bourgogne-Franche-Comté, en charge d'une étude sur les grands ensembles de l'ex région Bourgogne5

-début automne 2017 : reprise de la recherche (archives, bibliographie, terrain) ; ouverture des trois dossiers (présentation de l'opération, le grand ensemble du quartier Saint-Jacques, l'immeuble Muraille de Chine)

-hiver 2017 : interruption provisoire de l'étude

-hiver 2020 : reprise de l'étude ; mise en ligne du dossier d'opération

-2021 : mise en ligne des deux autres dossiers (le grand ensemble Saint-Jacques et l'immeuble Muraille de Chine).

3) Moyens scientifiques et techniques

-une chercheure : 2 mois ETP sur l'année 2017 ; 2 mois ETP sur 2020-2021

-un photographe : 1 semaine ETP sur 2020-2021 (vues de situation, vues sur le paysage découvert depuis l'intérieur de la Muraille de Chine, vues des parties communes et des différents types d'appartements)

-une dessinatrice-cartographe : 1 semaine ETP sur 2021 (plan du grand ensemble et des différentes campagnes de construction, mise en relation des différents projets de l'architecte par rapport aux travaux effectivement réalisés)

4) Suivi et évaluation

Les dossiers électroniques seront validés suivant la procédure habituelle (relecture d'un membre du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel).

1Voir le dossier complet attaché à la délibération du conseil municipal, dans ce dossier, à la rubrique "Liens web". La même décision concernant l'immeuble du boulevard Winston-Churchill semble avoir été prise plus tard. 2Sur l'histoire des démolitions des logements sociaux, voir Berland-Berthon, Agnès. La démolition des immeubles de logements sociaux. Histoire urbaine d'une non-politique publique. Paris : éd. du CERTU, 2009. (Non consulté.)3La barre thiernoise des Jaiffours a fait l'objet d'une fiche de recensement avant destruction.4"La Montagne", 17 septembre 2011, p. 19. Assertion reprise dans une édition du 18 mars 2016.5Cette étude a abouti à la publication en octobre 2019 de l'ouvrage "Divers cités. Les grands ensembles. Bourgogne et Chalon-sur-Saône", dans la collection nationale des "Cahiers du patrimoine" (n°118).
Date(s) d'enquête : 2017 - 2021 ; Date(s) de rédaction : 2020
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Renaud-Morand Bénédicte
Renaud-Morand Bénédicte

Chercheure à l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes.

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