PRESENTATION DE L'OPERATION
En réalisant dès 1995, un inventaire thématique de l´architecture stéphanoise, la Ville de Saint-Étienne et la Direction régionale des Affaires culturelles de Rhône-Alpes ont choisi d´étudier le patrimoine du domaine privé construit depuis la Révolution française jusqu´en 1950 dans le centre-ville. Pendant quatre ans, Cendrine Sanquer, architecte responsable de l´étude, a conduit un travail scientifique sur les édifices stéphanois des XIXe et XXe siècles, avec des partenaires privilégiés, le Service régional de l'Inventaire de Rhône-Alpes, l'architecte des Bâtiments de France, l'Ecole d'Architecture de Saint-Étienne et les établissements municipaux chargés de la conservation et de la valorisation du patrimoine, réunis en comité de pilotage.
L´aire d´étude
Le périmètre de l´aire d´étude est le centre-ville de Saint-Étienne, situé sur les rebords orientaux du Massif central, au sud du département de la Loire, choisi en raison de sa topographie correspondant au fond de vallée et aux collines proches. Il représente un secteur de 3 km² (2 km de longueur nord-sud sur 1,5 km de largeur ouest-est) encerclé par la voie de chemin de fer. L'aire d'étude, délimitée à l'ouest par la gare de Saint-Étienne Le Clapier, au nord par la gare de Saint-Étienne Carnot, à l'est par la gare de Saint-Étienne Châteaucreux, et au sud par l'ancienne limite communale de Saint-Étienne en 1826, comprend 6 895 données cadastrales d´après les sources de l´INSEE.
La réalisation de cette enquête thématique régionale s´est déroulée en plusieurs phases. Premièrement, les sources documentaires ont été dépouillées, notamment les relevés effectués en 1987 et 1989 sur certains immeubles par l´Ecole d´Architecture de Saint-Étienne. Aux archives municipales, départementales et nationales (série F21), les recherches ont porté sur les sources manuscrites et iconographiques, indispensables pour étudier l´environnement urbain, particulièrement les autorisations de bâtir et les permis de construire, les annuaires commerciaux, les séries sur la voirie, les bâtiments communaux, les établissements industriels, et les fonds privés d´architectes. Les sociétés savantes et les fonds d´érudits locaux conservés dans les musées ou les bibliothèques ont également été consultés. Des fiches récapitulatives des documents les plus significatifs ont été rédigées afin de faciliter leur présentation au public. Le recensement des données patrimoniales s´est effectué avec une grille d'enquête construite d´après la méthodologie nationale employée pour les études urbaines, adaptée au contexte stéphanois et validée par le Service régional de l'Inventaire lors d´une étude test en 1994 sur la rue de la République, menée en partenariat avec l´association des Amis du Vieux Saint-Etienne. Le résultat de ce repérage a été présenté le 4 décembre 1996 : 2860 édifices ont été repérés en fonction de leur intérêt architectural, historique ou urbain, donnant lieu à autant de fiches informatiques et de dossiers documentaires classés par rue. Toutes ces données patrimoniales, saisies directement sur un ordinateur portable, ont été stockées tout d´abord aux archives municipales sur une base communale. Elles ont, ensuite, été versées dans la Banque de Données Urbaines de la Ville, offrant ainsi un outil tout à fait nouveau pour la gestion du bâti. Ce système informatique et géographique permet l'édition de nombreuses cartes où figurent les données patrimoniales.
Dans un deuxième temps, de 1996 à 1998, la Ville de Saint-Étienne, la Direction régionale des Affaires culturelles et le comité de pilotage scientifique ont poursuivi leur collaboration afin de mener à bien une analyse architecturale et urbaine permettant de dégager une sélection des ensembles à étudier de manière approfondie faisant l´objet de cette publication.
Tout d´abord, la présentation géographique et historique du site stéphanois (avec bibliographie et chronologie) précise l´évolution urbanistique depuis ses origines jusqu'en 1950. Si le développement urbain est fulgurant pendant le XIXe siècle, la ville a cependant existé antérieurement et a puisé dans ses racines les bases essentielles de son extension. C´est pourquoi l´étude retrace l´évolution de la ville, rapidement des origines jusqu´à la Révolution française, de manière plus détaillée aux XIXe et XXe siècles et se termine en 1950 faute de documents pertinents existants dans les services d´archives au moment de la recherche ou dans les travaux de recherche universitaires dont certains, à venir prochainement, combleront les lacunes.
Ensuite, les critères pour analyser ces données ont été définis en fonction de leur pertinence d´application dans une ville industrielle. Les réseaux viaires, fonciers, hydrologiques, de flux des personnes ou des matières ont été entrecroisés afin de comprendre la structuration de l´espace urbain et l´opposition spatiale existante entre le centre-ville et la périphérie occupée par les industries lourdes. Le développement urbain de Saint-Étienne indissociable de celui de la rivière principale, le Furan qui traverse la ville du sud au nord se lit aussi dans les problèmes de franchissement, d'assainissement et d'adduction d'eau. Pour les industriels ou les particuliers, ces questions sont des facteurs influents sur l´évolution urbaine et parfois des obstacles à son extension en raison de problèmes techniques non résolus à certaine époque. Aujourd´hui souterrains, ces cours d´eau sont néanmoins perceptibles dans l'environnement urbain avec les traces laissées par d´anciens lits empruntés et restitués dans des limites parcellaires spécifiques conditionnant une urbanisation particulière.
L´analyse stylistique, l´examen des sources d´archives et la cartographie des édifices signés par des architectes ont démontré que ces « hommes de l´Art » construisent pour leurs commanditaires aussi bien des réalisations privées que des édifices professionnels vérifiant les rapports étroits que ces notables entretiennent avec la production industrielle locale comme l´a indiqué François Tomas dans l´ouvrage Naissance de la ville industrielle : les Dalgabio en Forez. Il aurait été pertinent d´examiner avec la même attention les grands ensembles industriels mais les limites de l´aire d´étude étant fixées au seul centre-ville et non pas à la ville entière ou encore moins au bassin industriel, le choix du corpus à étudier de manière approfondie s´est porté sur les immeubles et ses variantes typologiques que sont les immeubles-ateliers de passementiers, les immeubles de négociants, les immeubles d'artisans.
Leurs caractéristiques typologiques ont été schématisées et présentées dans des dossiers collectifs. Quelques édifices publics ont néanmoins été étudiés afin de fournir des éléments succincts mais nécessaires, de compréhension du tissu industriel local.