Historique
En 1180, Barret-de-Lioure est signalé comme « lo castel e la villa » (M.-P. Estienne, 2004), traduisant une situation en deux pôles séparés. Effectivement, si le village est accroché à l'extrémité orientale de son échine rocheuse, le site castral était implanté sur l'éperon opposé, à côté du cimetière, et dominant l'ancien habitat antique du Génisseau. Trois plate-formes castrales terrassées y sont d'ailleurs encore nettement visibles.
Au 14e siècle, ou au début du 15e siècle, le village se fortifie avec une enceinte en maisons-rempart. La construction de ce grand bâtiment, dont la maçonnerie est plus soignée que celle de l'enceinte villageoise, semble avoir été faite assez rapidement après, voire concomitamment. Cette construction s'inscrit dans le prolongement de l'enceinte nord du village, et vient fermer son angle nord-ouest. Elle semble devoir être comprise comme une participation seigneuriale à la défense du village par la création d'un ouvrage défensif à l'arrivée de la route de Montbrun et de la vallée du Rhône.
Dans l'hypothèse d'un abandon du site castral oriental à l'occasion de la fortification du village, cette nouvelle construction a probablement été aussi un nouveau logement pour le seigneur, souvenir que la tradition orale semble perpétuer en nommant cet ensemble fortifié « le Château ».
Cette question du logis seigneurial est posée par un acte de 1658, cité par A. Lacroix (1901), qui indique que « le seigneur habite une maison en face de l'église, donnant sur la place et la grand'rue et confrontant la maison de la viguerie ». L'auteur précise que « cette demeure existe encore » en 1901, « mais modifiée ou reconstruite au XVIIIe siècle », et que « d'après des titres plus récents, elle aurait été reliée au rempart du nord-est et par lui à la maison qui se trouve à gauche du village, en entrant par la porte de Montbrun ». Or cette description ne s'applique pas à la maison ici étudiée, mais semble bien correspondre à la dernière façade ruinée qui fait encore face au pignon de l'église, ancienne maison de maître manifestement datable de la seconde moitié du 18e siècle.
L'explication réside peut-être dans le partage du fief, en 1620, en une co-seigneurie. Cette situation a peut-être amené à l'édification d'un nouveau siège de pouvoir et de résidence.
Il faut également mentionner l'existence d'un autre « quartier du Château » (G. Picron, 2007), mentionné dans les actes du 19e siècle, situé au sud-est de l'église, même si cette appellation peut simplement indiquer le départ du sentier menant à l'ancien site castral.
Quoiqu'il en soit, l'aspect défensif de la construction est indéniable. I. Magnaudeix (2015) relève dans le cadastre de 1788 le toponyme « Ravelin », situé près du chemin de la fontaine du Terron. Ce terme, dont la définition est « un ouvrage de fortification en demi-lune », paraît désigner la tour semi-circulaire encore visible aujourd'hui.
Sur l'état des sections cadastrales de 1824, les parcelles concernée sont mentionnées comme « maison et cour », l'une appartenant à « Roux Joseph, dit Tailleur » (parcelle 792) et l'autre à « Beauchamp Sauveur Melchior, notaire à Barret » (parcelle 793).
Localisation sur le plan cadastral de 1813.
La lecture des élévations et l'observation de clichés anciens montrent que le bâtiment a été modifié plusieurs fois, y compris dans ses dispositions intérieures. Il a été surbaissé d'un niveau à la fin du 19e siècle ou au début du 20e siècle, sans doute en même temps que le percement de la grande porte charretière, au premier niveau de l'élévation ouest.
Vue d'ensemble, dans les années 1930. Vue prise du sud (photographie noir et blanc). Elévation nord, dans les années 1950 (photographie noir et blanc).
Description
Ce bâtiment occupe l'angle nord-ouest du village de Barret-de-Lioure, dont il compose l'extrémité des tronçons nord et ouest du rempart. Adossé à la forte pente, il comportait à l'origine un grand étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble.
Aujourd'hui, seul subsiste le premier étage de soubassement. Très haut, il est couvert par une voûte en berceau plein-cintre, soigneusement appareillée en moellons équarris et clavés, dont la flèche culmine à près de 5 mètres du sol.
Etage de soubassement, grande pièce nord-ouest. Vue de volume prise de l'est. Sol en lauze sur l'extrados de la grande pièce nord-ouest.
De l'étage supérieur, il ne reste que les vestiges d'un sol en lauzes, maçonné sur une chape couvrant l'extrados de la voûte, et des fragments de corniches en gypserie. Cet étage était couvert par un plancher sur solives.
L'angle nord-est du bâtiment est renforcé par une tour de plan semi-circulaire, en maçonnerie pleine. Seul son dernier niveau était occupé par un pièce, que les photographies anciennes désignent comme pigeonnier, et qui était accessible par un escalier adossé au mur nord. D'après G. Picron (2007), cet escalier était en pierre de taille, et il a été pillé dans les années 1960. Cet auteur précise que la hauteur originelle de cette tour était d'environ 16 mètres, pour un diamètre de 2,2 mètres.
Tour, vue d'ensemble prise du nord-ouest. La tour, dans les années 1970. Vue prise du nord-ouest (photographie couleur).
Le bâtiment est assit sur le rocher en place. Il est construit en maçonnerie de moellons équarris en calcaire, avec quelques blocs de brèche calcaire, montée en assises régulières. Les arrachements de l'élévation nord permettent de noter une fourrure dense, avec une tendance à la disposition en appareil oblique. A l'extrémité orientale de l'élévation nord, on remarque une pierre de taille creusée destinée à l'évacuation des eaux (de toiture ?).
La tour nord-ouest montre une continuité de maçonnerie avec les élévations nord et ouest.
Les photographies anciennes montrent que le bâtiment était à l'origine couvert par un toit à longs pans et croupes, orienté est-ouest et englobant la tour nord-ouest. La couverture était en tuile creuse, et l'avant-toit était constitué d'un larmier en lauze calcaire.