1. Quelques éléments de connaissance historique
2. Les deux états principaux de la chapelle
La chapelle de l’hôtel-Dieu se situait dans le corps de bâtiment nord du Refuge (établissement également appelé « Maison du Bon pasteur »)1. En effet, elle avait été à l’origine la chapelle du Refuge, et ce n’est que quelques temps après le rattachement de cette institution à l’hôtel-Dieu (26 novembre 1793) qu’elle devint la chapelle de l’hôtel-Dieu2. Aménagée probablement entre 1775 et 1781, elle fut profondément remaniée vers 1850-1854, et en grande partie détruite en 1982-1983. Dans ce dernier état (encore visible en 2014), elle n’était plus qu’une banale salle « oecuménique » de dimension réduite.
Quelques éléments de connaissance historique
Les archives renferment très peu d’informations sur la création de la chapelle vers 1775-1781 et sur son remaniement vers 1850-1854. Dans le fonds des « Religieuses du Bon pasteur » (archives départementales du Puy-de-Dôme, 90 H 7), l’on trouve quelques mention sde paiement de travaux exécutés dans la sacristie et la chapelle entre 1775 et 1781. Selon l’historien Pierre-François Aleil3, l’évêque de Clermont François de Bonal aurait béni la première pierre de la chapelle en 1777. Quatre ans après, monseigneur de Bonal aurait procédé à la consécration. Sur le Plan géométrique de Clermont-Ferrand levé et lavé par Augustin Loriette en 17914, la chapelle est bien repérée par une croix (à l’instar des autres lieux de culte de la ville).
L’important remaniement réalisé vers 1850-1854 est encore moins bien documenté : aucun dessin, aucune pièce comptable ne sont répertoriés dans les archives. Et curieusement, aucune mention n’en est faite dans les registres des délibérations de la commission administrative des hospices de Clermont-Ferrand5. En revanche, dans ces registres, l’on peut lire de nombreuses décisions concernant le projet de construction de la chapelle de l’hôpital général6, projet autrement plus important envisagé dès 1845 et exécuté d’août 1850 à novembre 18557. En fait, il est quasi certain que ces deux projets ont été menés concomitamment. L’on retrouve les mêmes artistes et la même période, comme l’attestent les signatures et les dates de 1851, 1854 et 1855 visibles sur les vitraux et les peintures murales de la chapelle de l’hôpital général et de celle de l’hôtel-Dieu. Une hypothèse peut être formulée pour expliquer l’absence de pièces d’archives sur le réaménagement de la chapelle de l’hôtel-Dieu. Afin de faciliter leur financement et leur paiement, ces travaux pourraient avoir été sciemment « passés sous silence » et confondus avec le chantier de construction de la chapelle de l’hôpital général. Mais seul un long examen des pièces comptables relatives à l’édification de la chapelle de l’hôpital général permettrait de démontrer ou d’invalider cette hypothèse.
En 1981, peu avant la destruction quasi complète de la chapelle de l’hôtel-Dieu (1982-1983), le Service régional d’Auvergne de l’Inventaire général du Patrimoine culturel a procédé à un inventaire d’urgence. Lors de cette opération, l’architecture extérieure et intérieure de la chapelle a été photographiée, ainsi que les peintures du choeur, les vitraux, le mobilier et les objets cultuels. Un plan schématique a également été levé. Ces documents,consultables au centre de documentation du Service régional (Clermont-Ferrand, hôtel de Région), sont désormais de précieux témoins de la chapelle dans son état issu du réaménagement de 1850-1854. Enfin, en 2014, à l’occasion de la présente étude, quelques photographies ont été prises des rares vestiges laissés par les travaux de 1982-1983.
Les deux états principaux de la chapelle
Les plans du Refuge (y compris la chapelle) peuvent être attribués à l’architecte Antoine Deval (1741-1808). Par son emplacement et ses dispositions, la chapelle se conformait aux fonctions du Refuge : il s’agissait du lieu de culte d’un établissement regroupant une « maison de force », un pensionnat et une communauté religieuse. Tout élément ostentatoire était donc inutile. Dans son état primitif (dont témoigne un relevé anonyme des années 1825-18308), la chapelle occupait déjà la majeure partie du corps de bâtiment nord. Elle se situait au-dessus d’un étage de soubassement voûté. Son volume se développait sur la hauteur du rez-de-chaussée et du premier étage. De plan rectangulaire, orientée, elle mesurait environ 22 mètres de longueur et 7,50 mètres de largeur (soit toute la largeur du corps de bâtiment). Elle était éclairée par dix fenêtres au nord et par sept au sud. Un maître-autel se dressait dans sa partie orientale.
Extérieurement, la chapelle ne présentait pas de formes architecturales distinctes du reste de l’édifice. Seule une large porte, située presque au centre de la façade nord, l’ouvrait sur l’espace public. Quant à l’intérieur, sur lequel nous ne disposons pas d’informations précises, il devait probablement être d’apparence très sobre.
La campagne de travaux des années 1850-1854 conféra à la chapelle davantage de prestance. Elle fut menée très probablement par l’architecte des hospices Hugues Imbert (1807-1876), auteur notamment des plans de la chapelle de l’hôpital général. À l’extérieur, les modifications se résumèrent à la pose de nouveaux chambranles moulurés pour la porte de la chapelle et les deux portes qui perçaient les pseudo avant-corps latéraux de la façade nord de l’ancien Refuge. En revanche, l’intérieur fit l’objet d’un profond remaniement.
La chapelle fut agrandie vers l’est d’environ 7,50 mètres en prenant la majeure partie de la sacristie qui occupait l’extrémité orientale du corps de bâtiment nord. Une abside put ainsi être créée pour donner davantage de profondeur au choeur. Côté ouest, l’on perça de nouvelles ouvertures dans un mur qui séparait la chapelle de plusieurs salles, et l’on créa au-dessus de ces ouvertures – toujours aux dépens de salles contigües – une tribune.
L’intérieur de la chapelle ainsi remodelée reçut un décor d’architecture en staff. Des pilastres cannelés soulignaient les travées créées par les fenêtres nord et sud, par les ouvertures situées à l’ouest et par les cinq baies de l’abside (deux feintes et trois d’axe ouvrant sur la sacristie). Dans le choeur, deux colonnes cannelées supportant une poutre moulurée s’apparentaient à un arc-triomphal. Chacun de ces supports fictifs possédait une base moulurée et un chapiteau ionique agrémenté d’oves et de guirlandes. Des corps de moulures et des corniches soulignaient le soubassement et le sommet des murs, ainsi que le bas et le haut des baies. Le plafond de la nef possédait trois rosaces percées à retombée pendante : des lustres devaient à l’origine y être suspendus.
Dans le choeur, le plafond comportait sur son pourtour un large cavet de plan en U, et en son centre une grande rosace moulurée, ornementée et colorée (en or, vert, bleu et rouge carmin). L’ensemble, toujours en staff, constituait une sorte de cul-de-four précédé d’une travée droite. Le large cavet était divisé en dix-huit panneaux, douze grands et six petits alternés. Chaque panneau recevait une toile peinte, sans doute marouflée. L’artiste biterrois Augustin Régis (1813-1880) peignit en 1854 ces toiles, peu avant d’exécuter les peintures murales de la chapelle de l’hôpital général. Le conservateur régional de l’Inventaire Renaud Benoit-Cattin, dans une étude de cet ensemble9, l’estima « d’une qualité technique modeste ». Mais il souligna que son intérêt résidait dans « la complexité de son programme et [dans] la diversité des sources iconographiques utilisées et réinterprétées » par Augustin Régis.
Les trois baies d’axe du choeur ainsi que les fenêtres nord et sud étaient closes par des vitraux, oeuvres (comme à la chapelle de l’hôpital général), du maître-verrier clermontois Émile Thibaud (1806-1899). Neuf vitraux historiés dataient de 1854, les autres, à composition décorative, dataient de 1851. Enfin, dernier élément notable (en-dehors du mobilier et des objets cultuels), le choeur possédait une clôture en ferronnerie.
De style classique, bien composé, le décor d’architecture de la chapelle de l’hôtel-Dieu constituait un ensemble cohérent, comparable à celui de la chapelle de l’hôpital général.
Les travaux de 1982-1983 furent exécutés dans la continuité de la construction, à l’est de l’ancien Refuge, du centre d’hépato-gastro-entérologie10. Le corps de bâtiment nord subit à cette occasion un remaniement complet. La chapelle, depuis longtemps sans grande utilité, fut divisée en trois niveaux afin de créer des salles (côté nord) et des couloirs (côté sud). Le nouveau rez-de-chaussée accueillit principalement la morgue. Au premier étage, à côté de pièces attribuées à l’aumônerie, subsista une « salle de réunion - chapelle ». Elle mesurait environ 12 mètres de longueur et 5 mètres de largeur (en incluant une petite sacristie), et se développait sur la hauteur de deux niveaux (les nouveaux premier et deuxième étages). Elle était éclairée au nord par sept fenêtres. Ces dernières, inchangées par rapport à l’état antérieur,comportaient encore des vitraux créés en 1851 et 1854 (dont trois historiés), les autres ayant été déposés au début du chantier et dispersés. Ultime élément conservé mais déplacé, la clôture de choeur servait de garde-corps pour un balcon ouvert sur la chapelle et accessible depuis le couloir du deuxième étage. En revanche, dans cette chapelle réduite, rien ne subsistait du décor d’architecture en staff.
Christophe LAURENT, historien de l'architecture, juin 2016
Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-