1. 1 - Un nombre impressionnant de nouvelles maisons
Les 21 communes adhérentes de nos jours à Clermont Auvergne métropole (fig. 3) regroupaient 151 127 habitants en 1946, 263 791 habitants en 1975 et 295 787 en 2021. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (voir l'Annexe 8) [1], en 2021 le territoire de Clermont Auvergne métropole comptait 169 012 résidences principales, dont 107 054 logements abrités dans des immeubles et 61 958 maisons individuelles de tous types [2]. Sur cet ensemble, 9 331 maisons étaient antérieures à 1946 (15 % du total), environ 15 154 maisons avaient été bâties de 1946 à 1974 (24,5 %) et 37 473 de 1975 à 2021 (60,5 %). Malheureusement, les statistiques de l’Insee ne distinguent pas les maisons singulières des maisons construites sur plan-type, au coup par coup ou en série. En se fondant sur les permis de construire consultés au cours de la présente étude, l’on peut toutefois estimer que les maisons singulières représentent un cinquième de toutes les maisons construites de 1945 à 1975 (soit environ 3 000 réalisations).
Quoi qu’il en soit, ces chiffres montrent que près d’un quart des maisons (tous types confondus) de Clermont Auvergne métropole datent des Trente glorieuses. Cette période de forte croissance a été décisive dans la formation de l’agglomération clermontoise telle que nous la connaissons aujourd’hui. La multiplication des maisons a été une cause majeure de l’expansion périurbaine. Les maisons construites de 1975 à nos jours, 2,5 fois plus nombreuses que celles des trois décennies précédentes, ont conforté ce phénomène en poursuivant la consommation des espaces et en densifiant les secteurs précédemment conquis. Le tissu périurbain de type pavillonnaire est désormais l’un des principaux éléments constitutifs du territoire de Clermont Auvergne métropole.
Dans le domaine de l’habitat, les communes de Clermont Auvergne Métropole n’affichent pas toutes le même visage. Clermont-Ferrand, Chamalières et Royat possèdent davantage de logements en immeuble que de maisons. Ces communes constituent en effet le cœur le plus anciennement et le plus densément urbanisé de l’agglomération. Beaumont et Aubière, qui comptent presque autant de maisons que de logements en immeuble, appartiennent également à cet ensemble (elles ont été gagnées par l’urbanisation au cours de l’Entre-deux-guerres). Les seize autres communes, que l’on peut qualifier de périphériques, possèdent toutes davantage de maisons que de logements en immeuble. Leur périurbanisation n’a commencé qu’après la Seconde guerre mondiale, et pour certaines après le milieu des années 1960. Leurs noyaux historiques souvent denses (villages ou bourgs) ne recèlent de nos jours qu’une infime partie de leur habitat. La plupart présentent une proportion dominante de maisons individuelles et ont un caractère résidentiel très affirmé. À Aulnat, Cournon-d’Auvergne, Gerzat, Lempdes, Pont-du-Château et Romagnat, la part des maisons est moindre, Cournon-d’Auvergne possédant même les caractéristiques d’une « ville nouvelle » où maisons et immeubles de logements récents se mêlent de manière plus équilibrée.
De 1945 à 1975, les cinq communes du premier ensemble urbain ont tout de même vu la construction de 7 091 maisons, dont 4 762 à Clermont-Ferrand. Ce dernier chiffre doit être mis en rapport avec la superficie de la commune clermontoise : ses 43,04 km2 représentent près du double de la surface cumulée des communes d’Aubière, Beaumont, Chamalières et Royat (22,1 km2). De leur côté, les seize communes périphériques ont accueilli 8 063 maisons neuves. La part du premier ensemble s’élève à 47 % du total, celle du second à 53 %. Cela signifie que sur le créneau chronologique étudié, les cinq communes du cœur de l’agglomération ont concentré un nombre encore très important des nouvelles maisons. Après 1975, la situation a évolué : le nombre de mises en chantier de maisons a fortement baissé dans le premier ensemble et a sans cesse augmenté dans le second. La plus grande disponibilité et le moindre coût des terrains à bâtir dans les communes périphériques expliquent cette inversion de tendance.
1. 2 - Les raisons fondamentales d’un succès
Le nouvel essor de l’agglomération clermontoise après la Seconde guerre mondiale a rapidement fait l’objet de statistiques et d’études. Pour une synthèse réalisée « sur le vif » de ce phénomène, le lecteur pourra se reporter au long article du géographe Pierre Estienne, « La banlieue de Clermont-Ferrand, étude sur l’évolution de l’espace urbain », paru en 1970 dans la Revue d’Auvergne [3].
Il convient simplement de rappeler les raisons socioéconomiques fondamentales de cette croissance. Dans le cadre général du développement et de la diversification tous azimuts qui a caractérisé les Trente glorieuses, la région clermontoise a connu une forte croissance dans des domaines essentiels : la démographie, l’emploi, le niveau de vie moyen de la population, l’éducation, les transports, le logement. Sur ce dernier point, le début de la période a été marqué par une profonde crise. Sa résolution a engendré un puissant mouvement de construction de logements neufs, avec une nette accélération à partir du début des années 1960. Le déséquilibre entre la demande de logements et la pénurie de l’offre est toutefois resté fort jusqu’aux années 1970.
Le cumul de ces facteurs explique le succès de la maison individuelle au cours de la période, dans la région clermontoise comme ailleurs. De nombreux habitants ont voulu quitter le parc immobilier ancien concentré dans le centre ville et les bourgs. Ce parc, numériquement très insuffisant, était majoritairement composé de logements vétustes, privés des équipements sanitaires de base, étriqués et surpeuplés [4]. De plus en plus d’habitants de la région clermontoise, implantés depuis longtemps ou récemment arrivés, ont eu les moyens de construire une maison. Situées en ville, dans les zones périurbaines ou dans les campagnes environnantes, ces maisons étaient la promesse d’un cadre de vie plus confortable.
1. 3 - Rappel historique sur la constitution de l’agglomération clermontoise
Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que le territoire de Clermont Auvergne métropole ne couvre pas toute l’agglomération clermontoise (fig. 3 et 4). Au sud-est et au sud, une partie non négligeable de la banlieue relève de la communauté de communes de Billom et de « Mond’Arverne communauté ». Au sein de ces collectivités, les communes de Chanonat, Les Martres-de-Veyre, Orcet, La Roche-Blanche, Pérignat-sur-Allier et Veyre-Monton ont été touchées à partir de la fin des années 1960 par l’essor de la maison individuelle. Au nord-ouest, les communes de Chanat-la-Mouteyre et de Sayat, membres de la communauté d’agglomération « Riom Limagne et Volcans », ont connu un phénomène comparable dès le milieu des années 1960. Dans le cadre d’une étude plus approfondie des maisons singulières de l’agglomération clermontoise construites entre 1945 et 1975, ces communes devraient donc être prises en compte.
Par ailleurs, les limites de l’agglomération clermontoise se sont bien évidemment élargies sous la poussée de la croissance urbaine. Les services de la statistique, les urbanistes et les géographes n’ont pas tous défini simultanément le même périmètre. Les critères de définition ou les contraintes administratives ont alimenté ces différences, mais surtout la rapidité de l’expansion de l’agglomération a constamment remis en cause les délimitations fixées par les uns ou les autres !
Dans son étude sur l’agglomération clermontoise parue en 1970, Pierre Estienne brosse un état des lieux. Après avoir rappelé que Clermont-Ferrand est restée longtemps une ville moyenne dépourvue de banlieue, mais entourée d’une couronne de villages populeux, il indique les périodes d’entrée des communes dans l’agglomération (fig. 5 et 6). Chamalières et Royat ont ainsi formé avec Clermont-Ferrand une première entité dès la fin du XIXe siècle. Aubière et Beaumont l’ont rejoint dans l’Entre-deux-guerres. À ce premier ajout en segment de cercle allant du sud à l’ouest, sont venues se greffer dans la première moitié des années 1960, du nord-ouest à l’est, Durtol, Ceyrat, Romagnat, Cournon d’Auvergne, Lempdes, Aulnat, Gerzat et Cébazat. De 1965 à 1970, onze communes supplémentaires ont été absorbées par la banlieue (ce qui ne signifie pas qu’à cette date il existait une continuité bâtie entre elles et le cœur de l’agglomération). Du nord à l’est, il s’agit de Châteaugay, Blanzat, Nohanent, Pérignat-lès-Sarliève, Le Cendre et Pont-du-Château, ainsi que Sayat, Les Martres-de-Veyre, Orcet, La Roche-Blanche et Veyre-Monton. En revanche, dans sa définition de la banlieue clermontoise, Pierre Estienne exclut Orcines et Saint-Genès-Champanelle. Selon lui, même si ces deux communes ont enregistré une forte progression de leur population depuis 1950, elles ne présentent encore que des hameaux épars et un grand nombre de résidences secondaires sans structuration.
1. 4 - Trois principaux critères de choix des lieux d’implantation
Le trajet domicile-travail a été l’un des critères déterminants du processus d’installation en nombre des maisons individuelles sur les communes de l’agglomération. Les lieux d’implantation des maisons ont été principalement choisis en fonction de la distance à parcourir, de la facilité, de la durée et du coût de ce type de trajet. Ces critères ont d’abord profité prioritairement aux communes du centre de l’agglomération, là où se concentraient les lieux de travail, en particulier les sites industriels.
Selon Pierre Estienne, « c’est à l’explosion de l’emploi, en même temps qu’à la généralisation des moyens de transports individuels, que la banlieue [a dû] le plus clair de son expansion » [5]. Une étude de 1971 sur Le Logement dans la région clermontoise relève aussi que « l’automobile [a permis] de gagner des zones de peuplement moins denses, au contact de la nature » [6]. Les automobiles, de plus en plus nombreuses, mais également les mobylettes, très utilisées dans cette période, ont en effet considérablement contribué à l’allongement des trajets domicile-travail. Les transports en commun ont également joué un grand rôle, tant le réseau public de lignes d’autobus que les services de « ramassage » organisées par les grandes entreprises privées, notamment Michelin (fig. 7).
L’offre foncière, avec son coût et ses délimitations, a été le deuxième critère fondamental pour l’installation en masse des maisons. Du point de vue économique, pour les terrains à bâtir, la période a connu la classique répartition entre des prix plus élevés au centre de l’agglomération et des prix de moins en moins élevés en s’éloignant du centre. Des distinctions localisées ont bien sûr existé, selon l’emplacement précis, le quartier, les secteurs plus ou moins recherchés, la desserte. Globalement, la hausse du prix des terrains a été forte. L’étude sur le logement parue en 1971 mentionne une augmentation « de l’ordre de 15 à 20 % par an depuis une dizaine d’années ». Dans le centre, selon la même étude, les prix ont été multipliés par 20 entre 1952 et 1964, passant en moyenne de 35 francs au mètre carré à 710 francs (ces prix doivent être appréciés en fonction de l’inflation au cours de la période). Les prix pour les secteurs les mieux situés ont atteint de 1 000 à 1 250 francs. Dans le même temps, les terrains constructibles aux abords immédiats du centre sont passés de 24 francs à 290 francs au mètre carré, et de 12 francs à 115 francs dans les secteurs périphériques plus éloignés. Ces chiffres expliquent la relative rareté des nouvelles maisons construites dans le centre ville de Clermont-Ferrand et dans les secteurs recherchés de Chamalières et de Royat (principalement le long des grandes avenues). Ils révèlent aussi l’attractivité économique des secteurs périphériques, où les terrains à bâtir étaient de six à dix fois moins onéreux que dans le centre, voire davantage (en 1965, sur la commune de Saint-Genès-Champanelle, les terrains se vendaient de 4 à 5 francs au mètre carré).
La délimitation du foncier constructible a également beaucoup compté. Les parcelles de grande dimension en centre ville étaient rares et très coûteuses, elles ne pouvaient donc convenir à l’installation de maisons. En revanche, et notamment dans la plaine à l’est de l’agglomération, de grandes parcelles directement issues de l’agriculture ont été loties pour recevoir des maisons. Elles ont accueilli des ensembles de maisons-types construites en série, tel le lotissement Les Pègues à Gerzat (1961), ou des ensembles de pavillons stéréotypés, tel le lotissement Le Grand Champ au Cendre (1974). Ces opérations ont pu générer des groupes comptant de quelques dizaines de maisons à près de deux cents.
Des terrains de superficie moyenne, parfois constitués de plusieurs parcelles réunies à l’occasion d’une opération immobilière, ont reçu des petits lotissements le plus souvent privés. Ce type d’ensemble abonde partout dans l’agglomération, sauf – pour la période 1945-1975 – sur les communes d’Orcines et de Saint-Genès-Champanelle où l’habitat individuel dispersé a primé. Comme pour les grandes opérations mentionnées ci-dessus, ces terrains ont été partagés en lots de forme et de surface plus ou moins régulières mais bien adaptées à l’implantation de maisons de type « pavillons ».
Toutefois, la majorité des maisons construites au cours de la période, et parmi elles la plus grande partie des maisons singulières, sont sorties de terre sur des terrains non concernés par des lotissements petits ou grands. Ces implantations « par saupoudrage » ont donc relevé de l’initiative privée individuelle. Dans ce type d’opération, les vendeurs et les acheteurs ont été plus spécialement confrontés aux problèmes de l’accessibilité, de la forme et de la surface de la parcelle à bâtir. La desserte de la parcelle par une voie d’accès carrossable existante ou à créer, à partir d’une route ou d’un chemin, a pu constituer un écueil ou un atout important. Une parcelle trop grande et mal desservie ne convenait pas, pas plus qu’une parcelle trop petite, trop étroite ou de forme trop irrégulière.
Or, justement, l’essentiel de la région clermontoise, en particulier les secteurs situés sur les coteaux allant de Lempdes à Châteaugay en passant par l’ouest, possédait un parcellaire issu de la viticulture (qui était en voie rapide d’abandon). Généralement très morcelé entre de multiples petits propriétaires, ce parcellaire présentait le plus souvent un découpage en lanières. Pour obtenir un terrain à bâtir de forme et de surface adaptées à la construction d’une maison, il fallait donc fréquemment fusionner plusieurs petites propriétés appartenant à des personnes différentes [7]. Des caractéristiques du tissu pavillonnaire visible aujourd’hui résultent de cette situation : des alignements de parcelles « en bande » (de forme rectangulaire très allongée), des maisons implantées l’une derrière l’autre par rapport à la rue (la maison à l’arrière étant desservie par un chemin privé perpendiculaire à la rue), des successions de lotissements ne comptant que quelques maisons desservies par des impasses rectilignes.
1. 5 - Quelques critères de choix complémentaires
Le choix d’un site d’implantation d’une maison individuelle a pu répondre à d’autres critères communément partagés (les raisons plus personnelles, voire d’ordre individuel, échappant à notre échelle de lecture).
L’existence et la proximité des équipements publics et collectifs ont probablement joué un rôle. Là encore, le centre de l’agglomération présentait en ce domaine tous les avantages. Toutefois, les communes limitrophes et périphériques n’étaient pas totalement dépourvues. La plupart disposaient de bureaux de postes, d’écoles primaires (de nombreuses écoles furent construites au cours de la période), parfois de garderies municipales de nourrissons. La présence de ces deux derniers équipements pouvait fortement influer sur les choix des commanditaires des maisons, le plus souvent des pères de famille. Par ailleurs, l’offre culturelle et de loisirs n’était pas inexistante : certaines communes disposaient depuis les années 1930 de terrains de sports et de salles de réunion pouvant accueillir entre autres des bals (telle celle de Cébazat, rue Jaurès, Albéric Aubert architecte, 1932). Des cinémas existaient également, par exemple L’Aiglon à Gerzat (26 rue Bonnet-Tixier, 1948, détruit).
Des nuisances ont vraisemblablement eu un rôle dissuasif dans le processus d’implantation des maisons. La pollution est l’une d’entre elles. En raison des vents dominants venant de l’ouest, les communes situées à l’est de l’agglomération subissaient une forte pollution de l’air. Selon Pierre Estienne, celle-ci provenait des usines, « de l’anarchie des moyens de chauffage et de la combustion de débris de pneumatiques dans la zone industrielle de Ladoux ou à Gerzat » [8]. En outre, ajoutait le géographe, certaines de ces communes recevaient depuis l’ouest les évacuations des eaux usées qui aboutissaient « à des ruisseaux insignifiants, cloaques redoutables que [l’on cherchait] à faire recouvrir ».
Les données climatiques ont pu également influer sur les choix, en particulier la situation contrastée entre la plaine de la Limagne et le plateau des Dômes. Pierre Estienne l’évoque en ces mots : « le plateau des Dômes offre un avantage climatique puisqu’il échappe à l’inversion des températures et à la pollution. Mais il est beaucoup plus froid et plus humide [ce qui impliquait davantage de dépenses de chauffage], avec du verglas fréquent, de la neige et des congères pendant la mauvaise saison ».
Les commanditaires des maisons ont sans aucun doute recherché un cadre de vie plus agréable. Dans le tissu urbain dense, ce type d’habitat permettait souvent de réduire les inconvénients de la ville (notamment le bruit et la promiscuité). Ailleurs, il offrait en outre la possibilité d’avoir de plus grandes surfaces foncières et habitables, de disposer de jardins d’agrément et potagers, de jouir de belles vues et d’un milieu plus naturel. En la matière, le territoire de l’agglomération clermontoise regorge de possibilités. La moitié occidentale est riche de sites à fortes valeurs paysagères et environnementales, notamment les coteaux qui bordent du nord au sud-est le bassin de Clermont. Mais la moitié orientale, avec le cours de l’Allier (à Cournon et Pont-du-Château) et les puys de Bane et d’Auzelle, présente aussi de l’intérêt. Seuls Gerzat et Aulnat, ainsi que les secteurs de La Plaine, Flamina - Les Vergnes et Sarliève, souffrent de paysages peu avenants. Cette large bande sans relief, orientée nord-sud, sépare les parties ouest et est de l’agglomération. Elle a concentré au fil du développement urbain les aménagements à fortes nuisances : voies ferrées, grands axes routiers, aéroport, zones industrielles et commerciales (fig. 8).
1. 6 - La planification et la réglementation urbaines
L’implantation des maisons a dû se conformer à la réglementation urbaine et aux plans d’urbanisme. Cette question complexe nécessiterait à elle seule un long développement qui dépasserait les limites de notre étude. Nous nous bornerons à évoquer les cinq grands cas de figure qui se sont présentés de 1945 à 1975 dans l’agglomération clermontoise (comme dans d’autres agglomérations françaises). Les conditions fixées par ces cas de figure ont été prises en compte lors de l’instruction des permis de construire [9].
1. 6. 1 - Avant la Seconde guerre mondiale, Clermont-Ferrand, Chamalières, Royat, Beaumont, Aubière, Ceyrat et Durtol ont élaboré ou ébauché des plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension prescrits par la loi Cornudet (14 mars 1919, modifiée et complétée le 19 juillet 1924). Ces plans présentaient notamment un « zoning » embryonnaire, avec des espaces réservés à la construction de différents types d’habitations. Ils furent partiellement appliqués jusqu’aux années 1950 à Clermont-Ferrand (plan adopté le 30 novembre 1926), Chamalières (plan adopté le 15 mars 1932), Royat (plan adopté le 29 avril 1935), ainsi qu’à Beaumont et Aubière (même si les plans de ces communes ne furent pas officiellement adoptés). Quelques centaines de maisons furent construites en les respectant (par exemple la maison P.* à Aubière et la maison M.* à Royat). Les directives de ces plans complétaient la réglementation locale existante. Ainsi, encore au début des années 1950, les permis de construire délivrés à Clermont-Ferrand faisaient référence au Plan d’extension et d’aménagement de la ville approuvé en 1926, ainsi qu’à des lois, décrets, arrêtés et règlements nationaux, départementaux et municipaux instaurés de 1884 à 1905.
1. 6. 2 - Un Groupement d’urbanisme de Clermont-Ferrand a été constitué le 10 juin 1944 par un décret gouvernemental. Outre la commune de Clermont-Ferrand, ce groupement comprenait les communes d’Aubière, Aulnat, Beaumont, Blanzat, Cébazat, Ceyrat, Chamalières, Cournon d’Auvergne, Dallet, Durtol, Gerzat, Lempdes, Malintrat, Nohanent, Orcines, Pérignat-lès-Sarliève, Pont-du-Château, Royat et Sayat [10].
Pour ce Groupement, les urbanistes élaborèrent un « projet d’aménagement intercommunal » et des « projets d’aménagement communaux », bientôt renommés « plan d’urbanisme directeur du Groupement d’urbanisme » et « plans d’urbanisme directeur » des communes. Au fil des années et selon les cas, ces documents furent remaniés et complétés par des « plans d’urbanisme directeur complémentaires » (pour certaines communes) et des « plans d’urbanisme de détail » (pour certains quartiers). En matière d’habitat, ces divers plans comportaient principalement un périmètre d’agglomération et des zones, dont une « zone rurale », une « zone de construction en ordre discontinu » et une « zone de construction en ordre continu ». Il existait aussi la possibilité d’avoir, entre la zone « en ordre discontinu » et la « zone rurale », une « zone intermédiaire » qui devait tenir compte du flou des limites entre la ville et la campagne.
Ces plans, leurs variantes et leurs compléments connurent une application anticipée plus ou moins littérale du début des années 1950 au milieu des années 1970 (fig. 9 à 23) [11]. Au cours de cette période, ils furent à plusieurs reprises remis en cause. Les municipalités, directement confrontées à l’essor exponentiel des constructions, les trouvèrent souvent inadaptés et trop contraignants. Après 1975, ces documents furent peu à peu remplacés par les premiers Plans d’occupation des sols (les Pos, créés par la Loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967) [12].
1. 6. 3 - Avant 1975, les communes encore perçues comme « rurales » (Châteaugay, Le Cendre, Saint-Genès-Champanelle) ne semblent pas avoir appliqué de plans d’urbanisme couvrant l’ensemble de leur territoire [13]. De même, des parties des communes périphériques comprises dans le Groupement d’urbanisme n’ont pas été englobées dans les périmètres d’agglomération successivement définis sur les plans du Groupement d’urbanisme. Dans ces communes et parties de communes, la réglementation dominante a été celle du Code civil, augmentée par le Code de l’urbanisme et de l’habitation (créé par le décret du 26 juillet 1954, remplacé par le décret du 8 novembre 1973) et par le Règlement national d’urbanisme (instauré par le décret du 29 août 1955, remplacé par les décrets du 30 novembre 1961 et du 8 novembre 1973).
1. 6. 4 - Plusieurs secteurs de l’agglomération ont été concernés par des Zones à urbaniser par priorité (Zup, décret du 31 décembre 1958) et des Zones d’aménagement concerté (Zac, loi du 30 décembre 1967) qui ont pu englober des terrains affectés à la construction de maisons. Ainsi, les quartiers clermontois de Croix-de-Neyrat et de Flamina - Les Vergnes ont été développés dans le cadre d’une Zup créée par un arrêté du 10 juillet 1965. Ils comportaient notamment des secteurs pavillonnaires en partie dédiés à l’accession à la propriété.
1. 6. 5 - Enfin, dans toutes les communes, les lotissements petits ou grands, privés ou publics, ont eu obligatoirement un règlement validé par l’arrêté préfectoral autorisant le lotissement. Ces documents très usuels définirent notamment des règles d’implantation. Ils préconisèrent aussi le respect de caractéristiques esthétiques basiques, par exemple des enduits extérieurs « d’aspect rustique et ocrés dans la masse » et des « menuiseries vernies ou peintes dans des tons discrets ».
1. 7 - Quelques exemples de critères réglementaires
Dans le cadre du Groupement d’urbanisme de Clermont-Ferrand, un règlement du Plan d’aménagement des communes de Clermont-Ferrand, Aubière, Beaumont, Chamalières et Royat fut proposé en 1951. Il prévoyait des règles de construction différentes dans chacune des zones définies [14].
La « zone de constructions en ordre discontinu » concernait principalement les secteurs urbains peu densément bâtis, davantage susceptibles d’accueillir un grand nombre de nouvelles maisons. Dans cette zone, en « secteur résidentiel normal », le règlement autorisait à construire sur 50 % de la surface du terrain (ce qui conduisait à des parcelles contenant au minimum de 150 à 200 m2), et sur 20 % du terrain en « secteur résidentiel aéré » (ce qui menait à des parcelles de 350 à 400 m2). Dans les deux secteurs, la hauteur des bâtiments était limitée à 10 mètres ou à trois planchers habitables superposés. L’alignement par rapport à la rue devait se faire selon un recul de 4 mètres, sauf exception ou dérogation.
La « zone rurale » était définie comme la zone non urbanisée qui, en raison de son éloignement, ne pouvait être desservie par les services publics de distribution d’eau potable, d’évacuation des eaux usées, de ramassage des ordures ménagères, etc. Elle comprenait des secteurs ruraux « de transition » et « normaux » dans lesquels des « habitations de plaisance » pouvaient êtres édifiées. Dans le « secteur de transition », le pourcentage construit pouvait s’élever à 1/10e de la surface du terrain (ce qui conduisait à des parcelles mesurant au moins de 700 à 1 000 m2), et à 1/20e dans le « secteur normal » (soit des parcelles couvrant au minimum 1 500 à 2 000 m2). En outre, aucun bâtiment ne devait se trouver à moins de 15 mètres d’un autre en « secteur de transition », et à moins de 30 mètres en « secteur normal » [15].
Des exemples de mesures plus générales – qui s’appliquaient indifféremment partout en France dans des secteurs concernés ou non par des plans d’urbanisme – sont fournis par le règlement créé par le décret du 29 août 1955 [16]. Plusieurs dispositions concernaient la viabilité (assainissement, adduction d’eau, voirie). Le permis de construire pouvait ainsi être refusé si le terrain à bâtir n’était pas accessible « dans des conditions répondant à l’importance et à la destination » du bâtiment prévu. Cette disposition excluait entre autres la construction de maisons sur des terrains desservis par un sentier ou un chemin non carrossable.
L’un des critères les plus importants pour obtenir un permis de construire était l’accès à l’eau potable. D’après les règlements sanitaires, chaque nouvelle habitation devait bénéficier d’une alimentation suffisante. Or, dans les années 1940-1960, la plupart des communes (dont celles de l’agglomération clermontoise) subissaient des pénuries d’eau. Les réseaux de distribution étaient trop peu étendus et d’une capacité insuffisante. Indéniablement, les difficultés techniques et la charge financière de l’extension des réseaux freinèrent l’étalement urbain (fig. 24 et 25).
La maison F.*, à Clermont-Ferrand, illustre de manière originale cette question. Commandée en 1968 par un notaire, cette demeure cossue devait être implantée sur le flanc oriental du puy de Montaudoux (au sud-est de Clermont). Le site, incliné et peu bâti, séparé du reste de la commune par la voie ferrée Clermont-Ferrand-Volvic, se trouvait à l’intérieur du périmètre d’agglomération, en « secteur discontinu normal ». S’il était réglementairement constructible, en revanche le site ne disposait pas de canalisation d’eau potable. Son altitude (500 mètres environ au niveau de la propriété F.*) était trop élevée par rapport aux capacités du réseau municipal existant. Le commanditaire de la villa obtint cependant le permis de construire en prouvant qu’il existait sur sa propriété un puits capable d’alimenter son foyer en eau potable. De nos jours, la maison F.* bénéficie toujours d’une situation isolée dans un secteur désormais inconstructible [17].
L’on comprend aisément, à la lecture de ces quelques exemples, les difficultés qui pouvaient naître des règles d’urbanisme et de construction [18]. Mais force est de constater que dans l’agglomération clermontoise (comme ailleurs), la réglementation mise en œuvre entre 1945 et 1975 n’a empêché ni la densification hétérogène, ni l’étalement urbain désordonné, ni le mitage des paysages ruraux.
Malgré tout, au crédit de cette réglementation, il faut inscrire la quasi préservation de vastes zones naturelles sur les deux tiers du pourtour du bassin clermontois (les coteaux de Lempdes, Cournon, Aubière, Pérignat, Romagnat, Montrognon, Montaudoux, l’escarpement ouest du plateau des Dômes, les côtes de Clermont et le puy de Chanturgue jusqu’à Blanzat et Cébazat, les coteaux de Châteaugay). Il est vrai aussi qu’en raison de leur relief escarpé, beaucoup de ces secteurs se prêtaient mal à l’urbanisation.
1. 8 - Le processus d’installation des maisons
Dans les lieux déjà densément bâtis (le centre de Clermont, certains quartiers de Beaumont, Chamalières et Royat, parfois les bourgs des communes périphériques), des maisons ont encore été construites de 1945 à 1975. Ainsi, à Clermont-Ferrand, la maison B.* est sortie de terre en 1946 sur un terrain de la rue d’Amboise, au cœur de la ville. La maison V.* à Clermont-Ferrand (48 bis rue Dolet, 1961), les maisons D.* et V.* à Beaumont (74 et 76 avenue du Mont-Dore, 1948 et 1950), ou encore la maison M.* à Royat (11 avenue Jean-Heitz, 1950) témoignent d’implantations aux abords immédiats des centres anciens. Insérées dans un tissu un peu plus aéré, ces réalisations ont contribué à la densification urbaine. Cependant, par rapport à l’ensemble des maisons construites, ce type d’emplacement s’est avéré au fil des années de plus en plus minoritaire.
De fait, ce sont les faubourgs, et surtout les zones périurbaines et rurales, qui ont accueilli le plus grand nombre de maisons neuves. Bien souvent, en colonisant des espaces vides, ces maisons ont été le moyen concret de la jonction entre les communes de l’agglomération. Le processus de leur installation a pu revêtir plusieurs formes, soit simultanément, soit par phases successives. Il n’a pas débuté partout au même moment : généralement – et de manière logique – les communes proches du centre de l’agglomération l’ont connu plus précocement que celles plus éloignées (par exemple Le Cendre).
L’implantation de nouvelles maisons a souvent débuté au sein et dans le prolongement des faubourgs, à proximité des bourgs ou des hameaux, le long des voies d’accès, notamment en bordure des routes de liaison. Avec ce schéma de développement, très commun, des agrégations et des ramifications se sont organisées autour des noyaux existants. Fréquemment, ces maisons ont eu pour commanditaires des habitants des anciens bourgs viticoles devenus des « villages-dortoirs » de la banlieue (notamment Blanzat et Cébazat).
Le « bourgeonnement » a été un autre scénario très répandu. À partir d’une route existante, des ensembles de maisons ont vu le jour souvent à une plus grande distance des noyaux anciens. Ce sont typiquement les petits lotissements, desservis soit par une impasse soit par une voie en boucle.
Les grands lotissements, privés et publics, ont souvent constitué soit des bourgeonnements soit des réalisations quasi isolées. Implantés sur d’anciennes grandes propriétés voisines des bourgs, voire sur des terres agricoles en rase campagne, ils ont généré une urbanisation « en poches » successives. La poursuite du développement pavillonnaire après 1975 a souvent comblé les vides qui les entouraient.
L’étalement périurbain doit aussi beaucoup à l’initiative individuelle, au gré des mises en vente de terrains à bâtir. Une première maison, puis une autre à proximité, encore une autre : ce développement « spontané » a d’abord provoqué le mitage des sites. Dans la plaine et sur les coteaux, la discontinuité de ces implantations a été résorbée par l’afflux continu de nouvelles maisons. Toutefois, le tissu urbain qui en résulte s’avère fortement désordonné et déstructuré. Et, dans les zones encore de nos jours semi-rurales (Orcines, Saint-Genès-Champanelle), près des hameaux ou à l’écart, l’on rencontre de nombreux petits groupes de maisons assez étrangères à leur milieu d’implantation.
Enfin, même si cet aspect apparaît très marginal, le processus d’implantation a produit aussi des maisons totalement isolées dans la campagne. Deux villas exceptionnelles de notre étude en témoignent. La première (la maison T.*, à Saint-Genès-Champanelle, 1971) s’élève sur une butte de l’escarpement bordier du plateau des Dômes, au centre d’une propriété de 4,7 hectares. La seconde (la maison F.*, à Royat, également de 1971) occupe un site similaire à proximité du puy de Gravenoire. Dans les deux cas, les plus proches voisins habitent à plusieurs centaines de mètres !
Ce rapide examen global, à l’échelle de l’agglomération clermontoise, du processus d’urbanisation généré par l’implantation en nombre des maisons, laisse songeur. De toute évidence, ce phénomène de masse n’a pas produit (ou n’a pas contribué à produire) une structuration urbaine à la hauteur des enjeux. Au cours de la période 1945-1975, le tissu périurbain pavillonnaire ne s’est progressivement constitué que par l’addition d’opérations plus ou moins circonscrites, y compris les grands lotissements dont l’importance numérique reste limitée par rapport à l’ensemble du corpus. La relative homogénéité qu’offre certains secteurs doit davantage à la répétition d’une typologie spécifique qu’à la réussite d’une planification urbaine à l’échelle de l’agglomération.
1. 9 - Les lieux d’implantation privilégiés des maisons singulières
Les critères que nous venons d’évoquer montrent la complexité qui a pu présider au choix des lieux d’implantation des maisons singulières. Dans notre étude, l’échantillon de 48 réalisations présentées dans un dossier apparaît numériquement bien faible par rapport aux multiples cas de figure. Toutefois, quelques grandes tendances peuvent être relevées.
La première reflète la distinction bien connue entre la moitié orientale et la moitié occidentale de l’agglomération clermontoise, la première s’avérant davantage « prolétarienne », la seconde plus « bourgeoise ». Cette caractérisation sociologique recoupe la géographie des lieux, avec à l’est la partie essentiellement située dans la plaine de la Limagne, et à l’ouest la partie principalement constituée de coteaux.
Sans aucun doute, les communes où les maisons singulières s’avèrent plus rares sont Aulnat, Gerzat et Le Cendre. Ce sont des communes de la plaine, placées dans la bande nord-sud à dominante industrielle ou à sa marge. Les prix moins élevés du foncier ont davantage attiré des ménages économiquement modestes. Les nuisances et les paysages moins attractifs déjà évoqués ont pu rebuter les ménages plus riches. Le fait que, pour diverses raisons, les commanditaires moins fortunés se sont davantage orientés vers des maisons à plan-type stéréotypées, explique la rareté des maisons singulières dans ces communes [19]. Sous une forme moins accusée, l’on retrouve la même situation dans certaines parties d’autres communes, soit situées dans la plaine (Cébazat, Cournon d’Auvergne, Lempdes, partiellement Pont-du-Château et Clermont-Ferrand), soit dans les larges vallées de l’Artière (Aubière, Romagnat) et du Bédat (Blanzat), soit sur les plateaux d’Aubière et Beaumont (Saint-Jacques, Les Cézeaux, Le Masage). Pour les raisons précédemment évoquées, tous ces secteurs ont accueilli la plupart des lotissements moyens et grands, lieux privilégiés des maisons à plan-type construites en série ou au « coup par coup ».
Ce constat général mérite évidemment d’être nuancé. Même si elles sont plus rares, des maisons singulières existent dans tous ces secteurs (par exemple la maison B.-C.* à Aulnat, la maison B.* à Cournon, la maison A.* à Lempdes, les maisons G.* et I.* à Gerzat, les maisons F.* et P.* à Pont-du-Château). Même dans les lotissements « à architecture libre mais réglementée », lieux favoris des maisons sans originalité, l’on peut en trouver, telle la maison B.* à Le Cendre.
L’ouest de l’agglomération, et plus précisément le centre et l’arc de cercle qui l’entoure du sud au nord, possède une plus grande abondance de maisons singulières. Cette concentration se fonde sur d’évidentes logiques socioéconomiques. Elle reflète les lieux où le nombre des ménages aisés (voire très aisés) a proportionnellement le plus augmenté depuis 1945. L’attractivité géographique a fortement joué : les coteaux déjà évoqués, les flancs des vallées à Ceyrat et Nohanent, le plateau des Dômes, offrent presque toujours un environnement agréable (naturel, calme, moins pollué, etc.), des positions dominantes, des vues dégagées (fig. 26 et 27). En outre, les terrains en pente de ces secteurs se prêtaient mieux à des compositions architecturales plus spécifiques, à la fois pour adapter techniquement les maisons au relief et pour obtenir davantage d’agréments. Bien sûr, les implantations sur des terrains en pente entraînaient des surcoûts (terrassements importants, fondations spéciales, murs de soutènement, etc.), ce qui constituait un autre critère sélectif (voire ségrégatif) pour les commanditaires et les types de maisons.
Une dernière raison explique la plus grande fréquence des maisons singulières dans les zones déjà densément bâties, en particulier au centre de l’agglomération. Là, ce sont les contraintes réglementaires et matérielles de l’insertion dans l’existant qui ont joué. Pour bâtir une maison sur une parcelle à fortes particularités, sur l’alignement d’un front bâti, à côté d’un ou de plusieurs bâtiments, ou encore adossée à une ou des constructions, il fallait des plans spécifiquement étudiés. Les maisons clermontoises B.* (1 rue d’Amboise) et V.* (48 bis rue Dolet) offrent de bons exemples de ce type de réalisation.
Notes
[1] L’annexe 8 indique notamment le nombre de résidences principales construites de 1949 à 1974 dans chaque commune, en détaillant les maisons et les logements en immeubles. La période de 1945 à 1949 ne bénéficie pas de statistiques suffisamment précises. Mais au cours de ces années de l’immédiat après-guerre, peu de maisons ont été bâties. Le recensement de 1954 indique qu’entre 1940 et 1949, 653 maisons ont été construites dans l’agglomération clermontoise, dont 425 à Clermont-Ferrand et 72 à Chamalières.
[2] En 2021, le territoire de Clermont Auvergne métropole comptait 2 226 maisons ayant le statut de résidences secondaires.
[3] Pierre Estienne, « La banlieue de Clermont-Ferrand, étude sur l’évolution de l’espace urbain », Revue d’Auvergne, volume 84, n° 442, 1970, p. 257 à 335. Pierre Estienne a dirigé une dizaine de mémoires de maîtrise de géographie ayant pour sujet l’évolution des communes de la région clermontoise de 1900 à 1980.
[4] D’après le recensement de 1954, 37,2 % des ménages clermontois vivaient dans des logements trop petits. Sur les 36 721 logements clermontois occupés en résidence principale, 83,7 % avaient l’eau courante à l’intérieur, mais seulement 11,9 % possédaient une baignoire ou une douche. 39,5 % des logements avaient des toilettes à l’intérieur et 42,3 % des toilettes communes. La situation dans les communes voisines n’était pas meilleure.
[5] Pierre Estienne, op. cit. note 3.
[6] Le Logement dans la région clermontoise, n. d., n. p., 1971, bibliothèque du Patrimoine de Clermont Auvergne métropole, cote A 13 668.
[7] Dans son étude de 1970 (op. cit. note 3), Pierre Estienne a relevé l’une des incohérences liées aux difficultés posées par l’extrême morcellement du parcellaire, tant aux pouvoirs publics qu’aux particuliers. Parce que c’était plus facile, les vastes parcelles encore exploitées des quelques grandes propriétés viticoles ont été loties en premier (par exemple le domaine de Tocqueville à Romagnat), Au contraire, la plupart des vignes morcelées en friche sont longtemps restées inutilisables pour la construction de maisons. En supprimant d’abord les exploitations encore viables, ce processus a contribué à la disparition du vignoble de la région clermontoise.
[8] Pierre Estienne, op. cit. note 3. Les citations à la suite proviennent également de cet article.
[9] En France, le permis de construire a été instauré par la loi d’urbanisme du 15 juin 1943 (Journal officiel de l’État français, 24 juin 1943). Son existence a été confirmée par l’ordonnance du 27 octobre 1945 (Journal officiel de la République française, 28 octobre 1945).
[10] Décret n° 1877 du 10 juin 1944, Journal officiel de l’État français, 6 juillet 1944, p. 1723. Peu auparavant, un arrêté du 4 mai 1944 avait prescrit la révision du Projet d’aménagement de la ville de Clermont-Ferrand (Journal officiel de l’État français, 15 juin 1944, p. 1516). Le Groupement d’urbanisme comprenait 21 communes dont Dallet, Malintrat et Sayat, qui ne font pas partie de nos jours de Clermont Auvergne métropole. Il excluait Le Cendre, Saint-Genès-Champanelle et Châteaugay, communes actuellement membres de Clermont Auvergne métropole. Au sujet des groupements d’urbanisme, voir aussi les décrets du 31 décembre 1958 et du 23 septembre 1959 (Journal officiel de la République française, 4 janvier et 23 septembre 1959), ainsi que le livre de Pierre Rousillon, Les Plans d’urbanisme communaux et intercommunaux, Paris, Berger-Levrault, 1960, 272 p., figures, cartes, plans.
[11] Les projets d’aménagement de Clermont-Ferrand, Aubière, Beaumont, Chamalières et Royat, présentés en 1951, furent semble-t-il « pris en considération » (sic) par décision ministérielle à partir de septembre 1953. Le Plan d’urbanisme directeur du Groupement d’urbanisme de Clermont-Ferrand fut rendu public le 20 décembre 1962. Il fit l’objet d’une enquête publique du 16 au 30 juillet 1963. Douze communes avaient approuvé ce projet et neuf avaient émis un avis favorable sous conditions. Finalement, le plan fut approuvé par l’arrêté préfectoral du 16 avril 1971. Il devint caduc à partir du 1er juillet 1978. Au niveau des communes, seule la commune d’Aulnat alla jusqu’au bout du processus : son Plan d’urbanisme directeur complémentaire fut approuvé par l’arrêté préfectoral du 30 décembre 1966.
[12] Bien évidemment, les plans successifs tentèrent aussi d’organiser la circulation et les transports de l’agglomération. Ce fut en particulier l’objet du Schéma de structure de l’agglomération clermontoise (présenté en 1966), puis du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (le SDAU, prescrit le 7 septembre 1970, approuvé par le décret interministériel du 24 mars 1977).
[13] Le 2 mai 1961, un arrêté préfectoral prescrivit l’établissement d’un plan d’urbanisme directeur pour une partie de la commune de Châteaugay. Un plan pour Le Cendre semble également avoir été mis à l’étude en 1964.
[14] Voir Bénédicte Renaud, Les villes en Auvergne, fragments choisis, Cahiers de l’Inventaire n° 109, Lyon, éditions Lieux dits - Service régional de l’Inventaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes, 2014, 176 p. (p. 134).
[15] Un règlement plus détaillé se trouve dans le document suivant : Plan d’aménagement et de reconstruction de la commune de Clermont-Ferrand, avant-programme d’aménagement, ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, 1947, n. p. (bibliothèque du Patrimoine de Clermont Auvergne métropole, A 15 980).
[16] Décret du 29 août 1955, Journal officiel de la République française, 3 septembre 1955, p. 8816-8817.
[17] Pour une illustration des problèmes d’accès à l’eau potable, voir Les Mémoires de l’eau, Beaumont, hydrogéologie, hydrologie et hydraulique, par Christophe Laurent, Jean-Pierre Couturié, Jean-Marcel Morel et Pierre Vincent, commune de Beaumont, 2009, 28 pages. Voir aussi le témoignage d’Arsène Boulay (1910-2001), maire de Romagnat de 1945 à 1985, reproduit en illustration (n° 21).
[18] En la matière, à l’époque, outre le Code de l’urbanisme et de l’habitation (1re édition en 1954, 200 p.), les ouvrages usuels les plus répandus chez les urbanistes et les architectes étaient très certainement ceux de Georges Liet-Veaux : La profession d’architecte : statut juridique (Paris, Conseil supérieur de l’Ordre des architectes, 1re édition en 1954, 531 p.), Législation de la construction (Paris, Massin et Cie, 1re édition en 1960, édition de 1961, 511 p., mise à jour annuellement), et Le Droit de la construction (Paris, Librairie technique, 1re édition en 1970, 372 p.).
[19] Cette répartition socioéconomique des commanditaires de maisons à plan-type et de maisons à plans singuliers mériterait une étude statistique. En l’état des connaissances, elle ne doit pas être employée de manière manichéenne.
Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-