La maison R.*, implantée à Saulzet-le-Chaud, commune de Romagnat, présente de nombreuses similitudes avec la maison Marinier[1] située à Bressolles, dans le département de l’Allier. L’une et l’autre sont des œuvres de l’architecte clermontois Michel Mangematin (en collaboration avec Jean Porte). La maison Marinier date de 1970-1973, elle précède de peu la conception de la maison R.*.

Michel Mangematin est connu pour son enseignement dispensé à l’école d’architecture de Clermont-Ferrand de 1969 à 1993. Il a notamment participé aux réflexions sur les liens entre la philosophie et l’architecture. Il est aussi l’auteur d’une trentaine de vastes maisons[2], bâties en Auvergne et dans le reste de la France des années 1960 à la fin du XXe siècle. D’une grande richesse conceptuelle et formelle, ses créations atteignent un niveau de qualité peu fréquent.

Les plans joints au permis de construire de la maison R.* ne rendent pas justice à l’œuvre construite. Peu détaillés et non définitifs, ils ne comportent que les informations indispensables à l’instruction du permis. D’autres dessins, davantage en rapport avec la complexité du bâtiment, sont probablement conservés dans les archives privées de Michel Mangematin.

La maison R.* se trouve un peu au nord de Saulzet-le-Chaud, à environ deux kilomètres au sud de Ceyrat. Desservi par l’ancienne route nationale 89, ce secteur est facilement accessible depuis le centre de Clermont-Ferrand. Dès le début des années 1960, il a connu une évolution périurbaine. Il est de nos jours une zone d’habitation résidentielle peu dense.

La maison R.* profite des qualités paysagères du site. Il s’agit d’un terrain en pente vers l’est qui offre des vues ouvertes sur la Limagne, le puy de Montrognon et le plateau de Gergovie. La maison est implantée sur une longue parcelle rectangulaire orientée est-ouest. Elle se trouve à une soixantaine de mètres de la route qui passe en contrebas. La façade principale fait face à l’est.

Le bâtiment comporte deux niveaux. Un sous-sol partiel semi-enterré, de plain-pied du côté oriental, rachète la dénivellation. Au-dessus, le second niveau apparaît comme un étage du côté oriental, mais il est de plain-pied à l’ouest, ainsi que partiellement au nord et au sud. Le sous-sol abrite un garage (qui forme un avant-corps en façade principale), un vestibule, une salle de jeux, une chaufferie et des pièces de service. Le rez-de-chaussée comporte un séjour-salle à manger, un séjour pour les enfants, un bureau-bibliothèque, une cuisine surélevée (sous laquelle se niche un « coin de feu »), cinq chambres et deux salles d’eau. Un escalier droit intérieur part du vestibule inférieur et débouche face au bureau-bibliothèque. Un autre escalier, plus discret, relie le « coin de feu » à la chaufferie et à la salle de jeux.

Le plan carré de la maison mesure 14 mètres de côté. Il se fonde sur une trame régulatrice composée de carrés de 90 cm de côté. Cette trame ordonne la disposition et les dimensions de la plupart des éléments architecturaux. Elle s’applique notamment à la structure en béton armé du gros-œuvre. Les poutres en béton qui portent le toit-terrasse forment ainsi, à l’intérieur du second niveau, un plafond à caissons carrés, chaque caisson ayant 270 cm de côté (dimension de l’entraxe).

Par ses caractéristiques qui mériteraient une analyse approfondie, la maison R.* s’avère hors normes. Quelques aspects peuvent être rapidement évoqués. Extérieurement par exemple, la maison est un parallélépipède divisé horizontalement en deux registres principaux : les murs blancs et le bandeau en béton gris du toit-terrasse. Des baies vitrées sans châssis dématérialisent trois angles du bâtiment. D’autres baies très étroites, à la jonction des murs et du toit-terrasse, sont fermées par des vitraux colorés. À l’intérieur, la lumière diffusée par ces vitraux magnifie la minéralité des matériaux (sol en briques, parois et structure en béton brut de décoffrage). L’emplacement de la cuisine constitue un autre élément remarquable. Placée au centre de la maison, la cuisine est surélevée et ouverte de trois côtés au-dessus d’éléments de mobilier fixes. Un puits de lumière, protégé par une pyramide vitrée, la domine. De manière inaccoutumée, la cuisine s’affirme comme le pivot visuel de la maison ! Elle protège en outre un « coin de feu » situé sous elle. Avec sa cheminée, ses banquettes et ses rayonnages chargés de livres, ce « coin de feu » semi-enterré constitue un abri douillet et protecteur !

* Par souci de confidentialité, les maisons sont désignées par l’initiale du nom du (ou des) commanditaire(s).

[1] Voir « La maison Marinier, Bressolles », dans Christophe Laurent, Études pour le label Patrimoine du XXe siècle en Auvergne, Maison de l’architecture Auvergne - Direction régionale des affaires culturelles d’Auvergne, 2019, 386 p., p. 365-375.

[2] Une sélection de réalisations est présentée dans l’ouvrage suivant : Michel Mangematin, Chris Younès, Lieux d’être, Paris, Archibooks - Sautereau éditeur, 2011, 152 p.