Dossier d’œuvre architecture IA63002727 | Réalisé par
Laurent Christophe (Rédacteur)
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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  • opération ponctuelle, Patrimoine XXe siècle
Pont-du-Château, la maison F.
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • © Clermont-Auvergne-Métropole
  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Clermont-Auvergne-Métropole
  • Commune Pont-du-Château
  • Adresse 9 allée de la Croix-des-Rameaux , 33 rue du Vivier
  • Cadastre 2022 BE 456 Références cadastrales : BE 456 (parcelle de la maison), BE 441, 444, 455, 457, 458 (parcelles liées à la maison) Altitude : 354 m Surface du terrain : 5 191 m2 (en 1975). Surface des planchers : 234 m2 (environ)

Mademoiselle F.*, la commanditaire de cette maison, était une femme d’une quarantaine d’années, célibataire, cheffe d’entreprise et amatrice d’art. Cela mérite d’être souligné car, au milieu des années 1970 (et encore aujourd’hui), les femmes commanditaires étaient rares. En outre, de toute évidence, le projet fut l’occasion d’une fructueuse collaboration entre mademoiselle F.* et son architecte Michel Mangematin. Selon le témoignage de ce dernier dans son livre Lieux d’être, la commanditaire acquit à cette occasion « une culture architecturale classique » [1]. Le plan en croix-grecque du séjour central de la maison serait ainsi « une sorte d’hommage à Palladio en souvenir de sa célèbre villa La Malcontenta ».

Date d’obtention du permis de construire : 24 décembre 1975 (n° 72 337)

Numéro d’ordre dans le Registre communal des permis de construire : n° 1 108

Date de la déclaration d’achèvement des travaux : n. c.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1975, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      MANGEMATIN Michel
      MANGEMATIN Michel

      Michel Mangematin (Soissons, 26 janvier 1928, Clermont-Ferrand, 29 août 2012), architecte DPLG le 21 novembre 1963, inscrit à l’Ordre des architectes (Paris), établi à Issoire (39 rue de Perrier), Paris (36 rue Boissonade), Clermont-Ferrand (3 place Delille), Châtel-Guyon (château de Chazeron).

      Michel Mangematin est un architecte réputé pour les maisons individuelles et les aménagements d’appartements qui constituent le cœur de son œuvre. Sa démarche créatrice était fondée notamment sur une approche philosophique des espaces et des formes. Michel Mangematin a longtemps exercé comme professeur à l’École d’architecture de Clermont-Ferrand. De nombreux étudiants ont été très favorablement marqués par son enseignement.

      Dans les années 1968-1975, Jean Porte a été son collaborateur.

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      architecte attribution par source

Mademoiselle F.* souhaitait « retrouver l’ambiance et la chaleur d’une architecture traditionnelle dans une maison contemporaine ». L’architecture vernaculaire de la Limagne (là où se situe Pont-du-Château) présentait des caractéristiques communes à de nombreuses régions du sud de l’Europe, dont l’Italie. L’élément le plus visible de cet « ensemble stylistique » était bien sûr l’emploi de la tuile creuse. De la Vénétie à la Limagne – comme du XVIe au XXe siècle – des passerelles pouvaient donc s’établir.

Pour Michel Mangematin, la maison F.* fut également une œuvre charnière. Comme il l’expliqua dans Lieux d’être, son « obsession de la structure tramée » se transforma peu à peu en « haine de la symétrie ». Ses œuvres postérieures témoignent de sa « libération de la symétrie » et de sa « nouvelle approche des projets ». Une étude comparative de la maison F.* avec la maison Marinier (Allier, commune de Bressolles) et la maison R.* de Romagnat [2], datant respectivement de 1970-1973 et 1973-1976, montrerait sans doute l’évolution de ce cheminement créatif. Il serait intéressant également d’analyser l’influence de deux paramètres dans cette émancipation : d’une part le dépassement, grâce à une nouvelle perception de l’architecture traditionnelle, des références stylistiques qu’affectionnait jusqu’alors Michel Mangematin, d’autre part le rôle d’une commande émanant d’une femme. Michel Mangematin parle en effet dans Lieux d’être, au sujet de la maison F.*, d’une « forteresse adoucie », d’une « maison protectrice » dotée d’une « porte d’entrée ronde » marquant « résolument l’entrée d’un domaine féminin ». L’identité féminine d’un commanditaire générerait-elle des formes architecturales moins systématiques, plus douces et plus sensibles ?

La maison F.* s’élève sur une grande parcelle partiellement enclavée (fig. 1 et 2). Bordée d’arbres, desservie par une impasse, elle est invisible depuis l’espace public. Son voisinage peu dense se compose de maisons individuelles construites des années 1960 à aujourd’hui. Le terrain est plat, sans accent particulier. La propriété comporte depuis l’origine la maison (qui possède un rez-de-chaussée et un sous-sol partiel), un garage attenant et une piscine (fig. 3 à 11). Les aménagements extérieurs et le jardin sont également l’œuvre de Michel Mangematin (avec les conseils du peintre Rolf Dürig pour le jardin). À l’intérieur comme à l’extérieur, la plupart des espaces sont principalement destinés à une vie sociale conviviale.

Le plan octogonal de la maison (fig. 3 et 4) est régulé par une trame de carrés de 95 centimètres de côté. En élévation (fig. 5), l’on retrouve des multiples du module de 95 centimètres : hauteur des portes 190 centimètres, hauteur des plafonds 285 centimètres. Le plan octogonal génère quatre côtés principaux qui font face aux points cardinaux. La façade principale se trouve au nord (fig. 5 et 8). Les divisions intérieures sont organisées suivant l’axe de symétrie nord-sud. Le porche puis le vaste séjour (58 m2) qui traverse toute la maison matérialisent cet axe. À l’ouest de cet ensemble se trouvent un bureau, une cuisine et une salle « barbecue », à l’est deux chambres et une salle d’eau principale avec sauna. Les circulations se font pratiquement sans aucun couloir. Le séjour est le pivot de la maison. Sa partie centrale bénéficie d’une lumière zénithale dispensée au travers d’un plafond à caissons percés en staff (fig. 11). Le dessin du plafond est « une citation exacte de la maison d’un architecte anglais du XVIIIe siècle ».

L’examen du plan montre comment Michel Mangematin a dessiné des pièces principales de forme régulière (rectangulaires, trapézoïdales, cruciforme) en insérant entre elles des petites pièces secondaires et des placards de formes irrégulières. Dans l’ensemble comme dans le détail, la composition s’avère géométrique tout en demeurant fonctionnelle. La maison F.* est un objet architectural rigoureux mais totalement habitable (au contraire de certaines villas de Palladio…).

Les élévations de la maison sont organisées symétriquement (fig. 5, 6, 8 et 10). Les grands côtés du plan octogonal sont percés de trois baies, les petits côtés d’une ou deux baies. La façade principale comporte en son centre une ouverture en cercle dont la forme cite « un jardin chinois ». L’ouverture donne accès au porche dans-œuvre, lequel abrite la porte d’entrée en bois sertie dans une verrière rectangulaire (fig. 9). Un fronton domine la façade. Il est dessiné par une génoise à quatre rangs de tuiles, génoise qui règne sur toutes les façades. Avec les tuiles rondes qui couvrent le toit, les génoises confèrent un aspect traditionnel à la maison sans pour autant sombrer dans le pastiche « néo-rural ». L’aspect contemporain se fonde pour l’essentiel sur le fort contraste entre les pleins (les pans de murs clairs) et les vides (les baies qui paraissent sombres). Ce contraste est « moderne » parce qu’il est très épuré. Il résulte de l’absence d’huisserie : les portes-fenêtres et les fenêtres en verre trempé sont dépourvues de châssis.

De toute évidence, la maison F.* est une œuvre riche. Elle allie avec bonheur tradition et modernité, mais aussi architecture rurale et architecture savante, ou encore trame régulatrice et qualité d’habiter.

Notes

* Par souci de confidentialité, les maisons sont désignées par l’initiale du nom du (ou des) commanditaire(s).

[1] Michel Mangematin et alli, Lieux d’être, Paris, Archibooks - Sautereau éditeur, 2011, 152 p.. La maison F.* figure dans ce livre sous le titre « Une maison palladienne en Limagne », p. 88 à 95. Les citations en italique à la suite proviennent des pages 90 et 95.

[2] Voir, dans la présente étude, le dossier sur la maison R.* de Romagnat. Voir « La Maison Marinier » dans Christophe Laurent, Architectures remarquables du XXe siècle en Auvergne, Clermont-Ferrand, Maison de l’architecture Auvergne, éditions de la Flandonnière, 2020, 120 p., p. 82-84.

  • Murs
    • béton parpaing de béton
    • pan de béton armé
  • Toits
    tuile creuse
  • Plans
    plan centré
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Typologies
    architecture domestique (3e quart 20e siècle)
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

* Par souci de confidentialité, les maisons sont désignées par l’initiale du nom du (ou des) commanditaire(s).

Illustrations : Les dessins annexés au permis de construire, datés de juillet 1975, ne sont pas définitifs. La maison construite diffère notamment par la forme et la dimension de certaines baies.

Documents d'archives

  • Archives municipales de Pont-du-Château, numéro d’ordre dans le Registre communal des permis de construire : 1 108.

Bibliographie

Annexes

  • Autres maisons à Pont-du-Château
Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
© Clermont-Auvergne-Métropole
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
Laurent Christophe
Laurent Christophe

Historien de l'architecture. Prestataire pour le service régional de l'Inventaire Auvergne, puis Auvergne-Rhône-Alpes, en 2014-2015 puis 2021-

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