Dossier thématique IA63002771 | Réalisé par
  • recensement du patrimoine thermal, La station thermale de Royat-Chamalières
Points de vue sur le paysage thermal
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  • © Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Précisions
  • Aires d'études
    Clermont-Auvergne-Métropole

La commune de Royat et sa station thermale se caractérisent par un ensemble d'architectures et d'édifices qui vient "marquer" le paysage urbain. Ses architectures relèvent soit de l'activité thermale (hôtels et maisons de villégiatures) ou bien de la commune (hôtel de ville et église) et agissent comme des repères dans l'aménagement urbain. Le clocher de l'église Saint-Léger de Royat, juchée sur un apic de lave où s'est développé le bourg médiéval, est facilement visible depuis les rives de la Tiretaine en contrebas. De même, l'ancienne résidence du docteur Petit "Le Paradis" installée au début du XXe siècle sur les flancs du puy Chateix, offre un point de vue1 privilégié à la fois sur le bourg et l'église et sur la station installée en contrebas.

L'organisation urbaine de la commune de Royat peut être considérée comme bipolaire. Alors que le bourg médiéval est historiquement installé à l'ouest en amont de la Tiretaine, la station thermale s'est développée dans la seconde moitié du XIXe siècle dans la vallée de la Tiretaine, enserrée entre les deux puys Chateix et Montaudoux. Cette double polarisation a entraîné une réflexion sur l'aménagement afin de réunir la station et le centre-bourg mais aussi en favorisant les points de vue, les lignes de vision entre ces deux entités. Cette importance des vues et de la lisibilité de l'aménagement urbain sont des caractéristiques de la villégiature balnéaire et thermale. Les architectures liées à la villégiature sont pensées afin d'offrir une vue sur la station ou bien sur la nature environnante, et d'être vu, que ce soit par les baigneurs ou bien les habitants. Certains édifices deviennent donc des repères dans l'espace urbain de villégiature, des "marqueurs dans le paysage pour tous"2. La résidence du Paradis en est un exemple significatif. Construit en hauteur, répondant à une idée et à un programme d'un individu, le Paradis est désormais un repère architectural de Royat, visible de l'ensemble de la commune et offrant un point de vue sur le panorama de la station.

En reprenant ces principes inhérents au programme de l'architecture de villégiature, la station thermale de Royat offre un panel de propositions architecturales associant points de vue et lignes de vision, construits à partir d'édifices emblématiques de la commune. La construction des points de vue sur le paysage thermal peut alors s'envisager à partir de trois compositions urbaines : l'aménagement des architectures en fonction des pentes des deux puys qui façonnent le paysage urbain de Royat ; la mise en place d'un lien architectural et urbanistique entre la station et le bourg ; et enfin une ligne de vision particulière qui se créée entre l'église fortifiée Saint-Léger et la structure de Paradis qui s'apparente à une fortification néo-médiévale.

Des architectures adaptées aux pentes de Royat

Implantée sur la faille de la Limagne et à proximité des reliefs du plateau des Dômes3, la station de Royat s'est développée entre le puy Montaudoux (au sud) et le Puy Chateix (au nord). Cette localisation, entraîne une urbanisation étagée sur les flancs des deux puys, qui se développe surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle. Alors que les industries prennent la suite des moulins sur les rives de la Tiretaine, les maisons de villégiature et les hôtels sont construits le long des pentes, nécessitant plusieurs travaux de déblayages et de terrassements. Déjà bien aménagé pour la construction du viaduc en 1878, le flanc sud du puy Chateix est particulièrement "amputé" voir déblayé dès les années 1880 afin d'y aménager la large avenue de Royat. On remarque l'importance des travaux réalisés et l'aménagement de cette pente particulièrement abrupte sur certaines cartes postales d'époque : l'hôtel Bristol est adossé à la pente, comme construit dans la roche (IVR84_20236301169 et IVR84_20236301173). Progressivement, d'autres édifices s'implantent autour de cet hôtel, en épousant progressivement la pente et s'alignant sur la voie de l'avenue de Royat. Cet alignement répond à l'alignement en vis-à-vis sur l'autre rive de la Tiretaine formé par les hôtels le long du boulevard Vaquez.

Contrairement au puy Chateix qui est directement intégré dans le paysage de Royat, le puy Montaudoux a une plus grande envergure et son point culmintant est plus au sud, éloigné du centre urbain de Royat. Ainsi la pente est moins perceptible sur la rive droite de la Tiretaine. Elle est cependant indiquée par le réseau des voies : le boulevard Vaquez et le boulevard Barrieu forment à l'origine une rue, le boulevard Barrieu, qui est tracée en lacet afin d'épouser la pente. Entre sa partie inférieur et supérieure, ont été progressivement construits différents hôtels, du Métropole au Continental, et qui sont alignés le long du boulevard dès les premières constructions. L'agrandissement du Splendid en 1908 avec l'ajout d'un corps de bâtiment en retrait sur la partie haute devenant alors le Royat-Palace, forme à la fois une rupture et une continuité. Rupture dans l'alignement des hauteurs des façades et continuité dans la structure de l'édifice qui fait corps avec la pente. Cet agrandissement en retrait illustre l'importance du mariage entre les nouvelles parties et la morphologie du terrain. L'architecte ne surélève pas l'hôtel, contrairement au Métropole quelques années plus tard, mais ajoute un nouveau corps de bâtiment en retrait. Le toit-terrasse de l'ancien hôtel Splendid est conservé et est désormais accessible pour les résidents de ce nouveau bâtiment. Le terme "terrassement" prend ici toute son importance : l'architecte s'est approprié la pente afin de faire un palace dont la façade en retrait marque l'importance du terrain originel. Cette appropriation passe également par l'ajout d'une seconde terrasse au rez-de-chaussée du second corps de bâtiment. Ce deuxième niveau de retrait renforce cette impression générale de dénivelé, rappelant l'importance de la pente. En résidant et en déambulant dans le Royat-Palace, les baigneurs font donc directement l'expérience de la pente : le système d'ascenseurs entre les corps de bâtiments, les différentes terrasses et les entrées sur les deux façades permettant d'accéder au boulevard supérieur ou inférieur participent de ce sentiment. L'expérience est d'autant plus palpable avec le percement d'une ruelle en escalier sur la façade latérale ouest, creusée dans la roche permettant d'accéder aux deux parties du boulevard Bazin.

Plus à l'ouest deux autres architectures se font face : le Paradis est juché sur le flanc du puy Chateix, culminant presque et dont l'ensemble de la structure épouse la pente. Les différentes terrasses (toits-terrasses au nord et au sud) ainsi que les balcons aux différents niveaux illustrent cet étagement général de l'édifice qui semble s'être construit dans la pente. Les différentes hauteurs de toits forment un escalier qui répond au dénivelé du puy Chateix. L'édifice fait aussi corps avec le puy, puisque l'ensemble des pierres utilisées dans la première moitié du XXe siècle sont issues de la carrière du puy Chateix, dont le terrain a été également acheté par le docteur Petit. De l'autre côté de la Tiretaine, l'hôtel de ville construit cinquante en plus tard semble répondre dans son propre vocabulaire à la pente. Il est construit sur un terrain en léger dénivelé et qui surplombe aujourd'hui le parc thermal, dans la vallée. Depuis le Paradis, on peut observer comment le plan rectangulaire de l'hôtel de ville se prête au jeu du relief. Le rez-de-chaussé agit en façade postérieure, celle donnant sur la vallée, comme un premier étage : un niveau de soubassement est donc plus particulièrement visible sur la façade postérieure. Cette dernière est visible depuis le Paradis et la couleur du décor d'origine (briques rouge et ocre) rappelle la pierre d'arkose utilisée pour la demeure du Docteur Petit. L'importance de cette façade postérieure, qui offre une vue imprenable sur le puy Chateix et le Paradis, interroge également la structure de ce bâtiment quadrifont.

Faire du lien entre station contemporaine et bourg médiéval

Le relief de la ville conditionne les points de vue4 et les édifices sont donc construits en conséquence, comme l'illustre la ville de Thiers. La morphologie géologique de Royat a entraîné une bipolarité de la commune. En amont, autour de l'église Saint-Léger et le bourg médiéval, se sont développés le centre de la commune et les habitations contemporaines. En aval de la Tiretaine, à proximité des sources et des bains gallo-romains dans le creux de la vallée, se sont installés la station thermale de la fin du XIXe siècle et aujourd'hui la plupart des commerces et des entreprises du secteur tertiaire. Les différentes industries implantées autour du cours d'eau jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle ont aujourd'hui été remplacées par un espace vert sur les bords aménagés de la Tiretaine. Les différents escaliers et pas-d'âne menant au bourg ont été conservés, afin de lier les deux pôles de Royat. La pente a donc été aménagée afin de garantir l'accès entre ces deux entités.

La nécessité de lier Royat-bas et Royat-haut n'est pas une idée nouvelle. Dès les années 1920, la municipalité transfère les services de la mairie vers une maison modeste, l'ancien restaurant "À ma campagne", situé idéalement sur le boulevard Bazin supérieur, à l'emplacement actuel de l'hôtel de ville. Vers 1938, la réflexion municipale se poursuit, autour du plan d'Aménagement et d'Extension de la commune. L'idée d'un agrandissement de l'hôtel de ville est soulevée : l'emplacement est conservé mais il est nécessaire d'adapter l'édifice aux besoins d'une commune en pleine croissance. Le Bureau de Poste est déplacé de la vallée pour être installé à proximité de l'hôtel de ville. Le boulevard Bazin supérieur (futur Boulevard Barrieu) devient un axe privilégié afin de relier l'ancien bourg et la station thermale. L'architecture de l'hôtel de ville construit en 1971, surplombant la vallée et visible depuis l'espace vert, agit comme un véritable repère, à mi-chemin entre les deux centres de la commune. L'hôtel de ville est accessible par un escalier, et un chemin, ancienne rue des usines, qui mènent au cœur du parc de la Tiretaine. De plus, l'hôtel de ville offre un point de vue stratégique certes sur la vallée, mais aussi sur le Paradis et à l'ouest sur le clocher de l'église romane Saint-Léger. C'est une véritable ligne de vision qui est mise en place, participant à relier les architecture entre elles, et par là les différents pôles de la commune, le bourg et la station.

Les architectures fortifiées

Déplacer les infrastructures municipales est un des aménagements réalisés afin de mieux relier les deux centres de la commune. Mais le lien entre le bourg et la station se définit également par les liens qu'entretiennent les édifices entre eux. Certains se répondent, que ce soit par leur position stratégique (en vis-à-vis par exemple) ou bien par leur architecture qui permettent de les associer dans le paysage. Parmi ces architectures, le dialogue s'opère entre deux édifices qualifiés de "fortifiés" : l'église Saint-Léger et le Paradis. Bien que l'allure militaire de la première se justifie par son histoire et des éléments architecturaux explicites, cela va moins de soi pour le second.

Le projet du docteur Petit est à l'origine un sanatorium qui se transforme ensuite en véritable résidence pour lui et ses proches avant de devenir progressivement un lieu de divertissement et d'après-cure ouvert aux baigneurs. Bien que la destination évolue, les différents plans du projet semblent toujours emprunter au registre du château néo-médiéval et donc au vocabulaire militaire, avec des tours d'angles, des terrasses circulaires rappelant des barbacanes ou encore des corps de bâtiments en avancé et des escaliers en fer-à-cheval. La disposition originelle du plan a évolué, mais le Paradis conserve encore aujourd'hui cette allure particulière : à l'origine maison de villégiature, sa forme s'impose comme un unicum parmi les villas du début du XXe siècle.

Aucune archive n'atteste du véritable projet du docteur Petit concernant l'idée de bastion. Sa localisation semble néanmoins donner un indice. Dans la tradition locale, le puy Chateix accueille au VIIIe siècle un château, résidence de Waiffre duc d'Aquitaine, qui aurait été incendié par Pépin le Bref. Le Royat mérovingien se serait alors déplacé du puy Chateix vers l'ouest, autour du prieuré, aujourd'hui l'église Saint-Léger. Bien que l'étymologie du nom Chateix rappel cette légende, aucun vestige n'atteste assurément de l'existence d'une telle implantation sur les flancs du puy. Cette histoire demeure ancrée dans les traditions locales, citées par Ambroise Tardieu notamment. Le docteur Petit, érudit et grand connaisseur de l'histoire de Royat, aurait donc pu envisager la construction de sa résidence aux allures de château-fort afin de rappeler les origines mérovingiennes du puy Chateix. Quoiqu'il en soit, le Paradis répond à partir des années 1910 au clocher néo-roman fortifié qui coiffe l'église médiévale depuis la moitié du XIXe siècle. Ce jeu de lien architectural est perceptible à la fois depuis le centre du bourg et de depuis la terrasse du Paradis. Cette dernière est orientée stratégiquement vers le sud-ouest, offrant un panorama vers le bourg, dont le clocher d'arkose est mis en valeur.

Vers d'autres repères du paysage thermal...

La commune de Royat et sa station thermale offre donc des exemples explicites de structuration du paysage, par des édifices emblématiques de la station et les liens visuels et architecturaux qu'ils entretiennent entre eux. L'aménagement progressif de la station et la réflexion conduite à partir des années 1920 autour du plan de la ville, démonte d'une véritable volonté de marquer et de structurer le paysage avec des repères architecturaux qui se répondent. La sélection réalisée pour cette étude n'est pas exhaustive. Il serait intéressant de mettre en valeur l'architecture urbaine au-delà des années 1970 qui vient s'imposer dans ce paysage et les différents points de vue telle que la tour d'immeuble d'habitations à loyers modérés "Résidence Le Cheix" qui incarne également, dans un vocabulaire plus contemporain et fonctionnel, l'ambivalence du "voir et être vu".

1Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, GAUTHIEZ Bernard (dir.), Espace urbain, vocabulaire et morphologie, Paris, Monum' Editions du patrimoins, 2003, p. 281. 2Citation issue d'une intervention de CUEILLE Sophie et LAROCHE Claude, "Les villas, un programme, des écritures", septembre 2023.3ASTIER Michel, FALVARD Alain, MIALLIER Didier, Clermont-Ferrand. La chaine des puys et la grande Limagne. Regards sur un patrimoine, Portet-sur-Garonne, Nouvelles éditions Loubatières, 2013, p.15. 4CERONI Brigite, Thiers suivre la pente, Paris, Silvana édition, collection des Cahiers du Patrimoine, n°97, 2012, p. 16.

Documents d'archives

  • AD Puy-de-Dôme. M60907. Demande du bourg de Royat d'obetnir une commune particulière, distincte de Chamlières, 1827 - 1831

    AD Puy-de-Dôme : M60907

Bibliographie

  • MATHEVET Claude (et alii), Royat, entre sources et volcans. 2000 ans d'histoire, Royat, impr. Maury, 2006.

    Région Auvergne-Rhône-Alpes, SRI, site de Clermont : CDP M098
  • Inventaire général. Service régional de l'Inventaire d'Auvergne. Les villes en Auvergne. Fragments choisis. Réd. RENAUD-MORAND, Bénédicte. Lyon : Lieux dits (Cahiers du patrimoine ; 109), 2014.

Documents figurés

  • AD du Puy-de-Dôme, fonds iconographique, 11 Fi 10, 'Hôtel Bristol et Etablissement thermal', Collection Jules Sigaut.

    AD Puy-de-Dôme : 11 Fi 10
  • AD du Puy-de-Dôme, fonds iconographique, 517 Fi 273, 'Vieux Royat, le Paradis et le Puy de Dôme', Ed. GJ., Collection Alexandre Petit.

    AD Puy-de-Dôme : 517 Fi 273
  • AD du Puy-de-Dôme, fonds iconographique, 517 Fi 288, 'Panorama pris de l'Observatoire', Collection Alexandre Petit.

    AD Puy-de-Dôme : 517 Fi 288
  • AD du Puy-de-Dôme, fonds iconographique, 517 Fi 348, sans titre, Collection Alexandre Petit.

    AD Puy-de-Dôme : 517 Fi 348
  • AD du Puy-de-Dôme, fonds iconographique, 545 Fi 5992, 'Vue prise à Royat', Album des Puydomois, vers 1900.

    AD Puy-de-Dôme : 545 Fi 5992
Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023
© Région Auvergne-Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel