Dossier d’œuvre architecture IA69000243 | Réalisé par
  • inventaire topographique, Inventaire de la Ville de Lyon
Prison de Perrache, puis prison Saint-Joseph
Œuvre étudiée
Copyright
  • © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
  • © Ville de Lyon

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lyon Confluent
  • Commune Lyon 2e
  • Lieu-dit Confluent
  • Adresse 12 quai Perrache
  • Cadastre 1999 AZ 19
  • Dénominations
    prison
  • Appellations
    prison de Perrache, puis prison Saint-Joseph
  • Parties constituantes non étudiées
    chapelle, tunnel

La prison Saint-Joseph

L'agrandissement de la maison d'arrêt et la construction d'une maison de détention pour l'arrondissement de Lyon en remplacement de la prison de Saint-Joseph sont envisagées par le département du Rhône en 1823, mais le choix de l'emplacement et l'absence de prévision budgétaire en 1824 reportent la discussion à la session de 1825. Le bail de la prison Saint-Joseph, qui occupe d'anciens bâtiments conventuels situés au sud de la place de Bellecour, expire en effet à la Saint-Jean 1828, et sa démolition permettrait de prolonger la grande rue de Bourbon, actuellement rue Victor-Hugo, jusqu´en Bellecour.

En novembre 1823, Louis Pierre Baltard (membre du Conseil des Bâtiments civils envoyé en inspection dans les départements par le ministre de l'Intérieur pour prendre connaissance des constructions publiques en cours d'exécution et des projets de nouveaux édifices) s'adresse ainsi au préfet du Rhône : "C'est aussi avec une étude particulière que je dresserai dans les terrains de Perrache les plans d'une prison de détention en remplacement de la prison de Saint-Michel (sic). C'est peut-être dans cette maison qu'il faudrait réaliser la pensée d'un lieu réservé aux enfants de la correction paternelle et peut-être aussi pourrait-on y entreprendre dans un quartier séparé de ramener par un régime spécial les jeunes condamnés à la pratique du travail, des vertus civiles, et à cette religieuse sagesse, utile sauvegarde contre les excès des passions. J'ai depuis longtemps observé le régime des prisons et je suis peut-être autorisé à penser que sur cet important sujet, d'utiles réformes sont possibles et qu'un régime nouveau pourrait remplacer les pratiques journalières." Baltard a en effet succédé à Dufourny comme architecte des prisons, halles et marchés de Paris ; en 1825, il est chargé des tribunaux et prisons du département de la Seine. Il effectue les travaux de restauration des prisons de Saint-Lazare (1824-1832) et de Sainte-Pélagie (1824-1831) à Paris.

De longues négociations sur l'emplacement de la prison se mettent alors en place entre le département du Rhône et la Ville de Lyon. Le Conseil municipal consent à céder dans la presqu'île Perrache et sur les terrains appartenant à la Ville, un emplacement d'environ 22000 mètres carrés pour la construction d'une maison de détention. Le préfet le souhaiterait en bordure de la chaussée Perrache. Mais la Ville tient une position bien déterminée quant à la situation d'une prison dans le quartier de Perrache : "Ce terrain doit être pris à une distance qui ne sera pas moindre de 130 mètres tant du quai à établir sur les bords de la Saône que du cours du Midi. En effet, il ne convient point que sur un quai, qui deviendra sûrement l'un des plus beaux de la Ville, et le long d'une magnifique promenade qui a coûté des sommes immenses et, qui par sa position et ses distributions, ne peut tarder à être l'une des réunions publiques les plus fréquentées de la ville, l'édifice principal présentât à l'oeil l'aspect toujours hideux d'une prison ; il faut de grandes et vastes cours pour les prisonniers ; il faut aussi que le pourtour des bâtiments soit libre et limité par de larges rues afin que la garde des prisonniers soit facile ; de semblables avantages se trouveront tout aussi bien à quelques pas du quai et du cours que sur le quai et sur le cours lui-même". En contrepartie, la Ville pose comme condition qu'aucune participation financière ne lui soit demandée pour la construction de la prison. Les raisons qui incitent le Conseil municipal à proposer un terrain au département sont de plusieurs ordres. C'est, d'une part, "pour faciliter la formation d'un établissement public aussi important bien qu'il ne soit point à la charge de la Ville". Il s'agit, d'autre part, de "commencer à donner une impulsion propre à faire valoir la propriété qui lui appartient en y dirigeant des établissements publics, qui par leurs constructions, leur remblais qu'ils amèneront dans cette partie, en accroîtront la valeur au profit de la Ville". Mais le rapport fait à la société de médecine de Lyon par la Commission chargée d'examiner l'état sanitaire du quartier Perrache et de la presqu'île de ce nom en août 1825 est sans appel : le quartier de Perrache est insalubre. Le nombre de malades de "la caserne de la manufacture est habituellement plus considérable que les autres" et atteint le quintuple en 1824. "Les maladies sont plus multipliées à Perrache proportionnellement au nombre des habitants que dans les autres quartiers de la ville". On y déplore gastrites, gastro-entérites, colites, dysenteries, fièvres et en hiver, les affections cataractes ; les convalescences y sont plus longues, les rechutes plus fréquentes. Sont incriminées "la nature du sol, les mares qui sont à sa surface, la qualité des eaux à boire : les eaux des deux cours d'eau filtrent au travers de terrains autrefois couverts de marécages et de végétaux en putréfaction ; mais aussi les inondations du Rhône et de la Saône", les remblais constitués "outre une masse énorme de graviers pris sur les îlots du Rhône, de tous les débris des démolitions des maisons et tous les immondices qui ne peuvent être employés comme engrais" ; "le vent du sud qui arrive chargé des effluves marécageux de Pierre-Bénite, de la partie basse d'Oullins." Par conséquent, "il ne conviendrait pas d'y appeler [à Perrache] la population, il serait dangereux de placer de grandes agglomérations d'individus, des manufactures, une maison de travail. Dans ce lieu s'est écrié un membre de la Commission, il faut y planter des arbres ! Tant que le remblai de toute la presqu'île ne sera pas fait, tant que le sol ne sera pas exhaussé au niveau du grand cours et de la chaussée, tant qu'une ceinture de quais n'entourera pas la presqu'île du côté de la Saône jusqu'au pont de la Mulatière, les mêmes causes amèneront les mêmes effets."

L'avis de la commission est respecté. Le préfet propose un site plus rapproché de la Saône ou l'aliénation du premier pour acheter avec le produit de la vente une propriété en dehors de Perrache. Le Conseil municipal s'y oppose de façon catégorique : "Le Conseil municipal ne peut pas discréditer sa propriété en reconnaissant sa prétendue insalubrité ; l'aliénation et donc la subdivision des 22000 m2 en plusieurs propriétés particulières risquerait d'entraver les projets de la Ville". Finalement, le 13 juillet 1825, le Conseil municipal propose, pour tout concilier, une masse en bordure de Saône : "la prison serait en reculement (...) de l'alignement des maisons qui, dans la suite des temps, se construiront le long du quai d'environ 80 mètres. L'espace qui serait au devant la prison formerait une place que la Ville s'engagerait à laisser à perpétuité voie publique".

Mais Saône et insalubrité restent indissociables et le choix d'un autre terrain est bientôt validé par l'ordonnance de Charles X du 26 octobre 1825 : "Le préfet du département du Rhône est autorisé à acquérir et la Commission administrative des hôpitaux de notre bonne ville de Lyon, à aliéner moyennant la somme de cent mille francs, montant de l´estimation, un terrain dit la Ferratière, d´une étendue d´environ onze mille mètres carrés, destiné à la construction d´une nouvelle prison en remplacement de celle de Saint-Joseph".

Le projet de la reconstruction est mis au concours d'après un programme approuvé par le ministre de l'Intérieur. Le concours produit treize projets. Quatre sont distingués par le jury "qui a jugé néanmoins qu'aucun ne satisfait complètement aux conditions du programme. Celui qui a le plus rapproché du but et que le jury a indiqué comme devant être exécuté après diverses modifications est dû à M. Baltard, professeur à l'Ecole royale des beaux-arts et architecte des prisons de Paris. Les trois autres projets dont les auteurs ont aussi fait preuve d'un talent distingué sont ceux de MM. Bourjat de Dijon, Brunet Debaines de Paris et Ennemond Hotelard aîné de Lyon".

Mais de nouveaux rebondissements ne tardent pas à survenir : dans les mois qui suivent "les architectes se sont accordés à reconnaître l'extrême difficulté du terrain à raison de son irrégularité et de ses pentes". Baltard écrit au ministre de l'Intérieur en janvier 1827 : le choix de l'emplacement de la Ferratière changea : des fouilles firent connaître qu'il faudrait dans toute la partie basse du terrain rapproché de la Saône, descendre en fondation au-delà de 7 à 8 mètres". Le site s'avère insalubre.

Enfin, en décembre 1826, le préfet peut se réjouir : "Le Conseil général est donc revenu au projet que je lui avais présenté il y a deux ans et d'après une concession nouvelle et gratuite de la Ville, il a exprimé le voeu que la prison fût établie à l'angle nord-est de la presqu'île Perrache. Cet emplacement est situé sur le Rhône, à une très grande proximité du cours du Midi et il joint immédiatement le nouveau quartier formé à l'entrée de la chaussée Perrache qui se compose de quinze ou vingt habitations et dans lequel il est bien reconnu qu'on n'éprouve aucun effet d'insalubrité". En effet, le 30 août 1826, le rapport du conseil de salubrité sur ce site est rassurant : "Le nouveau terrain est sec et bien aéré ; il ne sera pas vicié par les vents du sud ; l'eau est potable : les rives du fleuve sont formées de graviers qui sont pour ses eaux un filtre naturel très convenable ; le remblai a été imposé aux concessionnaires des terrains de Perrache, il se fera avec méthode et régularité." La conclusion qui tend à balayer toutes les objections éventuelles révèle, sur un autre plan, combien les mentalités d'alors étaient prêtes à s'ouvrir à une révolution industrielle encore à venir : "Enfin s'il existait encore un dégagement d'émanations marécageuses, ces particules délétères seraient neutralisées par les exhalaisons des établissements industriels dont la presqu'île sera couverte". La même phrase, lue cent soixante-quinze ans plus tard, ne peut que laisser perplexe.

Dans la cession du terrain par la Ville au département le 19 octobre 1826, la question des remblais est clairement stipulée : "La Ville de Lyon au fur et au mesure de la construction le long de la chaussée Perrache fera remblayer à ses frais le vide qui existera entre la chaussée actuelle et le nu du mur de face de la prison. De son côté le département fera remblayer dans le délai de deux ans à partir de l'ordonnance royale à intervenir, la moitié des trois rues qui entourent la susdite masse au Nord, à l'Ouest et au Midi".

Le choix de l'emplacement n'est pas le seul à se révéler épineux, le plan aussi donne lieu à un certain nombre de discussions, dans un contexte international de réflexion et de débats multiples sur les prisons. L'emprisonnement devient en 1791 le système de répression remplaçant le supplice qui tenait lieu de forme punitive sous l'Ancien Régime. Un véritable courant philanthropique qui prend ses sources dans le siècle des Lumières, puis les progrès du libéralisme favorisent l'approfondissement de la réflexion sur le système pénitentiaire, s'attachent à améliorer la condition des détenus. Autour de 1830, les Européens s'intéressent vivement aux réalisations américaines, les plus modernes alors avec celles de la Suisse. Deux systèmes y ont cours : le pennsylvanien dans les années 1820 prône un isolement rigoureux où les détenus sont enfermés jour et nuit dans des cellules ; le système auburnien qui s'articule autour de réfectoires et ateliers où les détenus mangent et travaillent en commun, et de cellules individuelles pour la nuit à laquelle peut être imposée la règle du silence. Après des débats assez vifs, la plupart des pays européens se rallient vers 1840 au système pennsylvanien et les architectes développent des variantes du modèle rayonnant panoptique. Le jurisconsulte et philosophe anglais Bentham propose dès 1791 un plan circulaire dans Panopticon ; plusieurs prisons s'inspirent de ce modèle en Grande-Bretagne, La Petite-Roquette à Paris par Hippolyte Lebas est élevée de 1826 à 1836. L'édifice modèle est à Paris la maison d'arrêt de Mazas bâtie par Lecointe et Gilbert : autorisés en 1840 et adjugés en 1842, les travaux ne s'achèvent qu'en 1850 ; (La Santé : 1862).

A Lyon, le contexte local semble difficile : les relations qui président à la construction de l'établissement ne se sont pas déroulées sous un ciel sans nuage, et semblent avoir été tendues entre Baltard et certains acteurs lyonnais ; quelques phrases assassines glanées dans les liasses de la série 1 Y des Archives départementales du Rhône trahissent un antagonisme ressassé. Le 2 août 1839, la Commission administrative des prisons résume ainsi les prémices de l'affaire au préfet : "Cette prison, d'après le voeu formellement exprimé par le Conseil général, devait être construite sur un plan panoptique qui était joint à sa délibération. Le ministère de cette époque, cédant malheureusement aux suggestions du conseil des bâtiments civils, repoussa ce plan et adopta celui qui a été exécuté et qui était dû à l'un de ses membres. La somme votée par le Conseil général fut reçue mais non ses idées ; et M. Baltard fut envoyé ici pour dépenser notre argent en contrariant nos vues. Il a réussi, et dépassé, sous ce double rapport, tout ce qu'il nous était permis de craindre". D'ailleurs, dès la session de 1831, la commission des finances avait couché sur le papier quelques remarques acerbes : "... L'usage de payer 5% d'honoraire aux architectes entraîne probablement de graves inconvénients... Le Conseil général aura à examiner, dans sa sagesse, s'il ne conviendrait pas de réduire ce taux de 5% pour les constructions futures du palais de justice : les architectes qui n'habitent pas Lyon devraient être écartés autant que possible, car ils ne peuvent suivre les travaux ; des obstacles imprévus se présentent et pour les lever il faut ou correspondre avec lui, ou qu'ils descendent à Lyon ; en attendant tout est en souffrance. Sans doute ils confient l'exécution de leur plan à un architecte local [l'architecte Claude-Pierre Dumont fut en l'occurrence chargé de la direction des travaux] qui reçoit à son tour une petite partie de l'honoraire, mais en définitive ils se récupèrent probablement sur le montant des dépenses qui s'élèvent à proportion des travaux dits imprévus".

Baltard en revanche semble prendre un certain soin à analyser l'origine des décisions en évitant de stigmatiser la position des uns ou des autres. En janvier 1827, il s'explique auprès du ministre de l'Intérieur : au sujet du "refus de votre conseil des bâtiments civils d'admettre les plans en forme de panoptique pour la prison de Saint-Joseph, malgré l'opinion générale sur ce système de distribution des prisons et malgré aussi de longues discussions qui ont eu lieu à Lyon sur les plans que j'ai présenté et qui n'avaient été approuvés par le Préfet qu'après un examen attentif des devis et l'assurance positive de pourvoir aux dépenses que tous les bâtiments reconnus indispensables devraient occasionner. Le conseil n'a pas admis la disposition panoptique dans un périmètre rectangle à raison des formes irrégulières des préaux, j'ai donc en admettant les mêmes règles, rédigé un nouveau plan, où je me suis conformé aux mêmes divisions de quartier, proportionnées à la population qu'elles doivent contenir..." Baltard aborde enfin un sujet qui a dû être sensible : "Je n'ai pas entièrement supprimé les communications couvertes car le service dans une prison au milieu des bâtiments détachés ne sauraient être praticables à travers des cours pendant la mauvaise saison, époque où les prisons se présentent sous l'aspect le plus pénible et le plus décourageant pour les employés chargés de ce service. Dans le régime actuel de l'organisation confié entièrement aux soins des soeurs qui doivent veiller à tout et particulièrement aux distributions, il était indispensable de conserver ces communications". En effet, la Commission des finances, dans sa session de 1831 attaque : "... On aurait pu sans doute opérer les mêmes constructions à un prix infiniment moindre, mais l'architecte parisien a voulu un luxe de pierre de taille tel qu'il a augmenté considérablement la dépense ; les galeries surtout sont aussi coûteuses qu'inutiles parce qu'elles interceptent la facilité de la surveillance ; c'est en vain que la commission des prisons a adressé de fréquentes réclamations avant l'adoption des plans, l'architecte a persisté et le plan a été adopté par le préfet et le gouvernement".

Dès 1825, Baltard prend le soin de se justifier dans une lettre à Baboin de la Barollière, vice-président de la commission des prisons :

"... J'avais examiné avec attention les diverses modes de distribution praticables dans une maison de réclusion telle que celle de Saint-Joseph. Celle qui en théorie paraissait la plus gouvernable était d'une part la plus dispendieuse et de l'autre tendait à produire des corps de bâtiments égaux, ce qui s'éloignait des données des états de population des classes de détenus... D'après une répartition aussi inégale à faire par bâtiment séparé il me paraît impossible d'avoir des rayons semblables et de les réunir en un centre commun sans produire des préaux peu aérés ou sans éloigner chaque quartier du point de centre. D'autre part, si l'on plaçait les bâtiments sur une portion de cercle les communications couvertes ne pourraient remplir le but d'une surveillance directe sur une circonférence dont le rayon devrait être de 60 m pour un demi-cercle de 180 m de bâtiment dans lesquels ne sont compris ni l'infirmerie ni la chapelle. La chapelle et le bâtiment de l'administration doivent selon le système [le système panoptique] dont il s'agit être placé au centre et à l'entrée. La prison militaire devant être un jour annexée par de nouvelles constructions à la prison civile, on m'avait prescrit de placer la chapelle de manière à ce que les deux prisons puissent participer ensemble à la célébration du culte... La disposition résultant de deux bâtiments parallèles séparés par une cour m'a semblé la mieux appropriée au besoin de laisser entre les constructions des masses d'air pour les assainir. La communication des quartiers sur la cour est immédiate et facile. Cependant elle donne prise à l'observation concernant la communauté apparente (de la galerie de communication entre les divers quartiers une disposition de détail qui ne nuirait pas visiblement à l'ensemble des dispositions remédierait à cet inconvénient et de plus la fermeture sur la cour de la partie inférieure des arcades en feraient une enceinte intérieure qui aurait aussi l'avantage de séparer plus complètement les classes de détenus entre elles et de leur ôter même accidentellement toute communication avec l'agence ou avec l'infirmerie... les rez-de-chaussée sont entièrement consacrés aux magasins, aux ateliers, parloir, cantine de distribution... j'ai prévu la possibilité d'un accroissement de population dans la prison de telle sorte qu'après avoir usé temporairement du resserrement des lits dans les dortoirs et reconnu la nécessité d'un accroissement permanent il devient facile de pratiquer un étage de plus sans nécessiter de déplacement.

La population s'élèverait au maximum des états adressés au ministère dans les années précédentes à 231 individus hommes, femmes et enfants ; sans trop de rapprochement leur nombre au besoin peut s'élever à 300. Un étage de plus augmenterait ce nombre de 400 à 500".

De façon générale, les recherches pour tenter d'améliorer le système pénitentiaire sont à Lyon le reflet de ce qui se passe en Occident.

Une sorte de lutte pour l'attribution de l'idée même et pour le bon fonctionnement du pénitencier motive encore certaines remarques de la Commission administrative dans son rapport au préfet d'août 1839 : "Néanmoins et sans se laisser décourager par ces obstacles [les choix de l'architecte et du plan], la commission des prisons de Lyon se dévoua à l'oeuvre de la réforme et parvint entre autres améliorations à organiser dans la prison de Perrache, un pénitencier destiné à recevoir les enfants du département". Or nous avons vu que Baltard était également sensible à cette problématique (cf. ci-dessus le deuxième paragraphe : "C'est peut-être dans cette maison qu'il faudrait réaliser la pensée d'un lieu réservé aux enfants de la correction paternelle..., d'utiles réformes sont possibles... ").

La Commission poursuit ainsi : "Ces enfants autrefois instruments et victimes de la débauche et de la corruption, furent entièrement séparés des autres détenus et confiés à la surveillance d'une corporation religieuse établie sous le nom de frères de Saint-Joseph. Ces derniers sont employés en qualité de surveillants, d'instituteur, d'infirmier et même en partie de contremaître dans les ateliers. Leur surveillance est exercée sans interruption depuis le lever jusqu'au coucher, en sorte que les enfants ne sont jamais seuls, excepté pendant la nuit, attendu que chacun d'eux couche isolément dans une cellule séparée et fermée. Ce système de surveillance a le mérite inappréciable de n'être pas exposé à une mobilité fâcheuse, et de n'employer que des sujets éprouvés.

Les efforts de la commission furent bientôt couronnés de succès qui dépassa ses espérances et appela l'attention du gouvernement, lequel voulant étendre autant que possible les bienfaits de cette institution fit envoyer au pénitencier de Perrache les jeunes détenus de plusieurs départements du midi. C'est ainsi que cette prison est devenue tout à la fois une maison correctionnelle et une maison centrale ...

Le principal besoin de la réforme, c'est de mettre les enfants à l'abri de la contagion des prisons ; son devoir le plus sacré, c'est de prendre leur innocence sous sa protection ; son voeu le plus cher c'est de les rendre aussi bons que possible à la Société. ... Libérés ils seront accueillis, dans les bras d'un patron, je dirais d'un père, si c'était assez dire de ceux qu'a su choisir et former notre admirable société de patronage.

Des enfants qui souvent n'ont pas plus de 9 à 10 ans sont mis sous les verrous. Sans pain, sans vêtements, sans asile, sans parents ou bien appartenant, ce qui est pire, à des parents vicieux ou criminels, la maison pénitentiaire leur est plus souvent accordée comme secours et garantie contre la misère et la corruption, qu'elle ne leur est infligée comme une peine.

Mais si le gouvernement n'a rien de mieux qu'une prison, pour recevoir ces enfants, il s'estimera heureux sans doute de la leur donner pure et garantie des turpitudes et de la contagion de la débauche et du crime et telle, qu'à leur rentrée dans le monde, ils n'y apparaissent pas comme des échappés de prison, mais comme les élèves des frères de Saint-Joseph ; afin que l'infamie ne vienne pas leur rendre la vertu inutile et le crime nécessaire".

Il semble également que les autorités aient eu des hésitations sur le statut de la prison. Devait-elle accueillir uniquement les détenus condamnés à moins d'un an de détention, ou comprendre aussi ceux affligés d'une longue peine ? Dans le premier cas, un établissement pouvant accueillir moins de cent individus et se limitant à 10 ou 11 000 m2 pouvait suffire.

Malgré tous ces problèmes inhérents à l'oeuvre d'une telle envergure, le 3 juillet 1828 "les fondations tendent à leur fin, que toutes les tailles soit en pierre de chouin (fournie par les sieurs Nodet, Rigollet, Vivet et Cie) et autres". Le 27 août 1829, le préfet est heureux d'annoncer que "quatre corps de bâtiment (administration, correctionnel, transférés et jeunes condamnés) sont élevés à toute hauteur et couvert ; les autres sont fort avancés et seront terminés à la fin de cette campagne. Il restera ainsi le temps nécessaire pour les agencements intérieurs pour que l'établissement puisse être livré à sa destination au 1er juillet 1830. Un deuxième étage à des bâtiments qui ne devaient en avoir qu'un seul a entraîné une augmentation de 100 000 fr." Les travaux de maçonnerie ont été adjugés à l'entrepreneur Legros, auquel Tabory a été substitué, les travaux de remblai à Guillon, les travaux de serrurerie à Plattier, les ouvrages de charpente et de menuiserie à Peillon, les ouvrages de peinture et vitrerie à Reyneni (?).

Cependant, le conseil de salubrité, qui se déclare plus loin "pénétré de l'esprit de son institution, qui est d'être utile à ses semblables, tout en s'efforçant d'éclairer l'autorité", veille et se voit contraint de déclarer la prison encore inadaptée au transfert des détenus : le plâtre qui revêt les murs et les cloisons date à peine de quelques mois, "et ce qu'il prouve qu'il n'est pas sec, c'est qu'on l'entraîne aisément avec les ongles ... Or si nous simples passagers avons reçu de cet air froid et humide une impression si désagréable, que sera-ce donc à l'égard des malheureux qui y seront plongés jour et nuit ...". Le conseil émet encore "le voeu partagé par la commission administrative des prisons de voir s'effectuer quelques améliorations, qui feraient de la prison de Perrache un établissement digne de figurer à côté de ceux dont se glorifient plusieurs gouvernements étrangers. La méthode des calorifères, pour le chauffage, ne serait-elle pas à la fois plus sûre et plus commode que les poêles de métal, sans entraîner plus de dépenses". Le préfet adopte les conclusions de ce rapport et le bail de la maison Saint-Joseph est prolongé jusqu'au 1er juillet 1831.

En effet, le 4 juillet, Baboin de la Barollière, vice-président de la commission des prisons annonce au préfet : "La nouvelle prison étant actuellement habitée, le moment est arrivé de faire procéder à la réception définitive des travaux". Le total de l'entreprise s'est élevé à 966744,58 fr. L'édifice s'étend sur une superficie d'1ha 04a 16ca.

Le résultat est une réussite aux yeux des institutions de l'époque : le rapport de l'inspection faite en septembre 1830 au préfet par le conseil de salubrité dans le but de constater l'époque à laquelle on pourrait sans danger effectuer le transport des prisonniers est dithyrambique et résume tous les enjeux concentrés par la construction de l'édifice. La visite est faite en compagnie du président de la commission administrative des prisons et de l'architecte : "Je me hâte de le déclarer au nom du conseil parce que c'est une justice que nous nous plaisons à rendre à l'administration, les avantages l'emportent de beaucoup sur les inconvénients. Grâce aux progrès de la civilisation, la question pénitentiaire est aujourd'hui bien comprise. On a enfin senti que la société ne devait pas être plus sévère que la loi ; que l'individu qui a été condamné devient dès qu'il subit sa peine un être en quelque sorte sacré. En retour de la perte de sa liberté, la plus grande de toutes après celle de la vie, le prisonnier désormais incapable de veiller à ses propres intérêts, a droit à la protection de ceux qui sont libres. Quand on a mis en usage ... les moyens légaux de répression et de sûreté, on se rend coupable de l'inhumanité, si, tout en se conformant aux règles d'une sage économie, on ne s'efforce pas d'améliorer son sort. Il ne suffit pas, comme on l'a cru longtemps de pourvoir à ses besoins physiques, il faut encore autant que possible assurer son bien-être matériel et soigner son existence morale...

Dans la prison de Perrache, au contraire, l'amour de l'humanité a présidé à tout ; la bienveillance éclate à l'égard même des grands criminels. On y chercherait en vain des réduits obscurs, humides, infects, tombeaux vivants où l'existence est plus cruelle que la mort, et dans lesquels pendant mon pénible ministère [le rédacteur a été médecin des prisons pendant 8 à 9 ans] je n'entrai jamais sans avoir le corps transi et l'âme déchirée. Aux cachots souterrains, on a substitué dans le rez-de-chaussée des cabinets pénitentiaires, où le prisonnier libre dans son attitude et ses mouvements, voyant le jour, et respirant un air pur, ne sera puni que par son isolement et l'aggravation momentanée de sa captivité.

Six corps de bâtiments destinés aux prisonniers ont été si judicieusement distribués par M. l'architecte, qu'on pourra les partager en deux classes. Chez les hommes, comme chez les femmes, les individus vicieux par inclination ou par habitudes incorrigibles, seront complètement séparés de ceux chez lesquels tout sentiment honnête n'est pas éteint et tout espoir de retour à la vertu détruit.

Une autre division qui nous paraît de la plus haute importance, est celle que la commission administrative a établi entre les enfants et les adultes. Toute communication leur étant interdite, ils seront heureusement à l'abri des mauvais exemples et des discours obscènes. Les précautions ont été portées plus loin encore, chaque enfant occupera une petite cellule où l'oeil du gardien qui circule dans un couloir voisin, pourra à toute heure les observer à leur insu. Il y a même deux bâtiments où cette distribution en cellules a été exécutée pour les adultes, isolement très moral, qui pour le dire en passant devrait être adoptée dans toutes les maisons de détention." Il faudra cependant attendre la loi du 5 juin 1875 prescrivant le régime cellulaire pour les détenus condamnés au plus à un an et un jour d'emprisonnement.

Les considérations hygiénistes ne sont pas absentes du rapport : "Partout les dortoirs ont été sagement placés dans les premiers étages et les ateliers, les salles à manger au rez-de-chaussée, où l'architecte a eu l'attention de faire jeter une couche épaisse de plâtras, afin de garantir de l'humidité du sol. Les chambres sont en général spacieuses, les croisées larges, nombreuses, et placées en face les unes des autres en sorte que l'air circule très librement, et se renouvelle sans cesse. Les bâtiments, d'une hauteur modérée, sont séparés les uns des autres par de vastes préaux, ce qui fait que de tous côtés, et du matin au soir, le soleil vient échauffer l'atmosphère et ranimer les captifs...

Que de raisons pour espérer que les individus que la justice a frappés n'auront dans cet asile à souffrir d'autre peine que celle qui tient à la rigueur salutaire de l'air et que réclame la vindicte publique, et dès lors que de motifs pour souhaiter qu'ils y soient promptement installés.

(...) Si le local qu'on a choisi comme le plus favorable au développement qu'on voulait lui donner est lui-même la source de plusieurs inconvénients, nous convenons qu'on a tout fait pour en diminuer l'intensité".

"Ensuite il est vrai que la morale gagne au cloisonnement des prisonniers, c'est-à-dire à la séparation complète des hommes avec les femmes, à l'isolement des enfants, à la distinction des prisonniers enclins au bien d'avec les pervers, pourquoi n'en ferait-on pas une mesure générale, pourquoi tous les détenus n'auraient-ils pas comme les enfants chacun leur cellule ? Avantage immense puisque rien n'y peut échapper à la vigilance des gardiens et qu'ainsi l'on pourrait sans peine prévenir une foule de complots soit contre les bonnes moeurs, soit contre la sûreté de la maison.

Enfin un dernier souhait que forment avec ardeur tous les cours (sic) généreux, tous les bons philanthropiques, c'est de venir porter la lumière, l'éducation et des principes de morale parmi les hommes que la société a repoussés de son sein, mais qui y rentreraient un jour avec l'amour de l'ordre et du bien. C'est à vous, Monsieur, qu'appartient l'honneur d'un si grand bienfait. Espérons que sous un magistrat si plein de zèle et si éclairé, on verra bientôt se former dans les prisons même des écoles d'enseignement mutuel".

Dans un autre rapport fait au Conseil général en 1831, un constat parallèle est établi : "la salubrité de la prison neuve de Perrache est remarquable, et aucune maison de détention, en France, ne possède certainement cette qualité à un plus haut degré. Il n'y a à proprement parlé pas de malades : tout au moins il n'y a pas de détenus atteints de ces maladies trop souvent inhérentes aux prisons, et aucune maladie de ce genre ne peut surgir : ainsi non seulement les détenus ne restent soumis qu'aux chances ordinaires de la vie, mais encore leur santé, si elle est affectée par une cause naturelle, doit rapidement s'améliorer dans une localité qui réunit toutes les conditions de salubrité. C'est du moins là une compensation bien réelle des sacrifices que le département s'est imposé."

Une fois les détenus installés, leur isolement, qui est un des fers de lance des réformateurs, s'avère encore imparfait : "Dans l'état actuel, une partie des détenus peut communiquer, soit au moyen de signaux, soit de vive voix, avec les prisonniers renfermés dans les préaux voisins, avec le quartier des femmes et même avec des personnes du dehors. L'établissement d'auvents pour masquer une partie des croisées a pour but de parer à ces inconvénients, en empêchant les prisonniers d'avoir vue ailleurs que sur le préau du bâtiment dans lequel ils sont renfermés." Il est aussi proposé "l'établissement de bains à l'usage des prisonniers ; la construction de cellules au premier étage du bâtiment des correctionnels. Ces cellules auraient pour objet de séquestrer, la nuit, les détenus vicieux, et de les isoler des autres prisonniers qu'ils pourraient corrompre. L'utilité de cette dépense toute dans l'intérêt des moeurs, ne peut manquer d'être appréciée".

Très vite, dès 1836, l'extension de la prison vers l'ouest est abordée dans une lettre que le maire de Lyon écrit au préfet. L'auteur reste, à l'instar de son prédécesseur, le défenseur absolu des intérêts de sa ville face aux demandes du département : "Vous me faîtes aussi remarquer ... qu'il est indispensable de prévenir les acquéreurs de terrain à Perrache, que la rue parallèle à la chaussée pourrait être supprimée, cet avertissement n'aurait qu'un effet, celui de faire baisser la valeur des terrains voisins. Une ordonnance royale a arrêté le plan de la presqu'île Perrache : pour modifier le plan, il faudrait nécessairement procéder à une enquête de commode et incommodo (...)".

En 1839, huit ans après son ouverture, la prison souffre déjà de surpopulation qui fait plier tous les beaux principes : "Construite pour un personnel de 200 détenus au plus, elle en renferme aujourd'hui plus de 350 et se trouve encombrée à ce point que les classifications voulues par la loi ne peuvent y être respectées ; à ce point qu'on est contraint de faire coucher les détenus et notamment les femmes dans les couloirs, dans les vestibules, dans les cachots mêmes". En 1840, on compte 120 enfants au pénitencier.

En 1853, l'architecte du département Antonin Louvier présente un projet d'agrandissement de la prison qui doit être effectué à l'intérieur de son enceinte, à l'aide du prolongement des quatre bâtiments nord-est, nord-ouest, sud-ouest, sud-est qui ne s'étendent pas encore jusqu'au mur intérieur du chemin de ronde. L'agrandissement est demandé par le Conseil général surtout afin de déverser au besoin dans la maison de correction le trop plein de la maison d'arrêt [Roanne ?]. Le bâtiment des dettiers doit être surélevé. La démolition de l'atelier des cloutiers est prévue. Le bâtiment E (des ateliers) est presque entièrement reconstruit (les galeries et les voûtes de ce bâtiment, à l'origine consacré aux condamnés aux fers de passage à Lyon, voûté au premier et au second muni d'une galère, sont supprimées pour donner plus de lumière à ce qui devient atelier des adultes). Les travaux d'agrandissement de la maison de correction, commencés en septembre 1856, sont entièrement terminés en décembre 1857. La pierre de taille de Villebois, la pierre de taille de Tournus, les tuiles creuses de Thil font partie des matériaux employés. Les adjudicataires sont Louis Constant Liandier, entrepreneur de serrurerie et charpente en fer, Paris, 78, rue des Marais Saint-Martin ; Pierre Rochette, entrepreneur et maître maçon, Lyon, 8 rue Confort ; Néaud, entrepreneur de charpente, Vaise, 4 rue de la Conciergerie ; Jean-Claude Goboz, menuisier, Lyon, chaussée Perrache ; Antoine Dominique, entrepreneur de travaux en plâtre et peinture en bâtiment, Lyon 10 place Bellecour ; Cochard, travaux en asphalte, 24 quai Fulchiron.

Les rapports annuels rédigés par les architectes du département font état de diverses interventions ou réflexions : en 1882, il est constaté que "ses dispositions générales qui conviennent bien à l´emprisonnement en commun n´ont pu se prêter à sa transformation en prison cellulaire conformément aux prescriptions de la loi du 5 juin 1875. Un tunnel entièrement construit en béton comprimé relie la maison de correction à la maison d´arrêt [Saint-Paul°]". En 1884 et 1887, certaines cours sont pourvues de préaux couverts. En 1893, le transfert de la buanderie de Saint-Paul à la maison de correction (quartier des femmes) est faite. En 1906, il est prévu qu' "un projet sera présenté prochainement pour une grosse réparation de la canalisation d´eau dont l´installation remonte à 1830". En 1908 est assurée la réfection du bureau de l´instituteur. En 1909, "les façades ont été remises en état. Les travaux de construction des 12 cellules d´isolement dans les dortoirs de la prison sont en cours d´exécution. L´important réseau (1 km 200) de canalisation d´eau desservant les bâtiments des deux prisons a été entièrement resuivi et remis à neuf dans ses parties défectueuses." Pourtant, en 1912 et 1913, l'architecte déplore encore que "les canalisations d´eau qui sont très anciennes et ont un développement de près de deux kilomètres, sur lequel fonctionnent six robinets-vannes, 266 robinets de prise et 5 bornes-fontaines sont une cause d´incidents journaliers entre le service d´Architecture, l´Administration pénitentiaire et surtout avec l´entreprise des services économiques (service d´Etat)". En 1910, "le dortoir cellulaire est complètement achevé". En 1917, "le poste téléphonique installé récemment à la prison Saint-Paul et reliés aux postes du directeur et du concierge à Saint-Joseph, rend de très appréciables services". Enfin, en 1918 est créé "un groupe de cabines pour douches dans le bâtiment des bains".

La particularité des problèmes liés à l'organisation des prisons est leur récurrence. Ainsi en 1934, le directeur de la circonscription pénitentiaire de Lyon se réjouit auprès du préfet : "Je peux assurer aux jeunes mineurs retenus à la maison d'arrêt de Lyon de façon permanente un travail d'exécution facile et agréable et en même temps assez rémunérateur, après entente avec M. Fénéon, fabricant d'attrape-mouches. Je suis heureux d'avoir pu ainsi mettre fin au désoeuvrement auquel les mineurs étaient depuis trop longtemps condamnés".

En conclusion

S'il n'est plus à prouver que Saint-Joseph est depuis longtemps devenue inadaptée à la fonction de prison et que les conditions de vie y sont intolérables, la destruction des bâtiments constituerait en revanche une perte importante pour le patrimoine historique et architectural de la ville de Lyon, même si l'on peut concevoir qu'elle puisse être un soulagement pour tous les détenus qui y ont séjourné ainsi que pour leur famille. On a vu combien la naissance de cet établissement a concentré d'enjeux pour la société, combien elle a mobilisé d'énergie, de passions, de discussions, de remise en cause des pratiques antérieures même si les solutions trouvées, comme l'isolement absolu des prisonniers, se sont avérées parfois des tortures pires que les sévices passés. En outre, une restauration fine des bâtiments permettrait de saisir la qualité architecturale de la cour d'honneur, dont on doit l'élégance grave aux proportions mesurées scandées de sobres colonnes, mais aussi des galeries de circulation, de la chapelle et accessoirement des cours secondaires.

Véronique Belle

Les discussions en vue de la réalisation de la prison se déroulent de 1823 à 1829. Les plans sont dus à Louis Pierre Baltard, architecte des Bâtiments civils, et les travaux sont placés sous la direction de l'architecte Claude Pierre Dumont. Les travaux débutent en 1827 et sont achevés en 1831. Les projets d'agrandissement sont présentés en 1853 par l'architecte du département Antonin Louvier et les travaux sont réalisés de 1853 à 1857.

Début mai 2009, les détenus quittent la prison Saint-Joseph pour la nouvelle maison d'arrêt de Corbas (69)

plan symétrique rectangulaire : au centre la geôle et la chapelle (H), à l'est le bâtiment réservé à l'administration (G) ; sur les côtés nord et sud, six corps de bâtiment où les détenus sont répartis selon une classification précise (A : les femmes aux étages, la buanderie au rez-de-chaussée, B : les condamnés pour dettes, C : les jeunes condamnés, D : les forçats, E : les transférés, F : les correctionnels ; à l'ouest, un corps de bâtiment regroupant des services d'intérêt général et l'infirmerie). En ce qui concerne le bâtiment réservé à l'administration, l'élévation sur le quai est en pierre de taille blanche et en moellons de pierre bleue et l'élévation postérieure est en moellons de pierre blanche, jaune, rose revêtus d'enduit. L'élévation antérieure n'est pas sans similitude avec celle du grenier à sel construit également par L. P. Baltard et A. Dumont en 1831 et détruit en 1860. Le bâtiment d'entrée et les bâtiments latéraux sont couverts de toits à longs pans aux pignons couverts ; le bâtiment ouest est couvert d'un toit à longs pans et croupe ; l'ancienne chapelle, aujourd'hui salle de réunion Antoine Ossola du nom d'un ancien directeur de la prison, est couverte d'une coupole soutenue par huit colonnes monolithes en calcaire blanc ; le dôme polygonal est revêtu de zinc. Le bâtiment d'entrée est desservi par deux escaliers identiques placés de façon symétrique ; les deux premiers étages sont en pierre, le dernier en bois et carreaux de terre cuite, la rampe est en fer forgé. La cour d'honneur est ornée de décors en terre cuite réalisés par les détenus en juillet 1985 (cf le dossier en base Palissy)

  • Murs
    • calcaire
    • calcaire
    • enduit
    • bossage
    • moellon
    • pierre de taille
  • Toits
    tuile plate mécanique, zinc en couverture
  • Étages
    2 étages carrés
  • Couvrements
    • coupole
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • dôme polygonal
    • toit à longs pans
    • pignon couvert
    • croupe
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour en maçonnerie
  • État de conservation
    mauvais état, inégal suivant les parties
  • Techniques
    • maçonnerie
    • céramique
  • Représentations
    • colonne
    • fronton
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    chapelle, cour

Eléments remarquables: chapelle, cour, galeries.

Documents d'archives

  • AD Rhône. 1 Y 299. Conseil général. Cession de 1823. Rapport du préfet. Constructions des prisons, 1823

  • AD Rhône. 1 Y 299. Lettre du préfet au maire de Lyon, 22 septembre 1823

  • AD Rhône. 1 Y 299. Lettre de l'architecte Baltard au préfet du Rhône : Aperçu général sur la situation actuelle des principaux édifices de la Ville de Lyon et sur les agrandissements projetés par l'administration municipale et par celle des hospices, 30 novembre 1823

    AD Rhône
  • AD Rhône. 1 Y 300. Lettre du maire de Lyon au préfet du Rhône, 28 août 1824

  • AD Rhône. 1 Y 299. Copie d'une lettre de l'architecte Baltard à monsieur Baboin de la Barollière, 26 mars 1825

  • AD Rhône. 1 Y 299. Lettre de l'architecte Baltard au préfet du Rhône, 31 mars 1825

  • AD Rhône. 1 Y 300. Conseil municipal, session de 1825, séance du 8 juillet 1825, 8 juillet 1825

  • AD Rhône. 1 Y 300. Conseil municipal, session de 1825, séance du 13 juillet 1825, 13 juillet 1825

  • AD Rhône. 1 Y 299. Conseil général, session de 1825, rapport du préfet, 15 juillet 1825

  • AD Rhône. 1 Y 300. Rapport fait à la Société de médecine de Lyon par la Commission chargée par elle sur la demande du préfet du département d'examiner l'état sanitaire du quartier Perrache et de la presqu'île de ce nom, 1er août 1825

  • AD Rhône. 1 Y 301. Ordonnance du Roi, 26 octobre 1825

  • AD Rhône. 1 Y 302. Rapport du Conseil de salubrité sur le nouveau terrain de la presqu'île Perrache où il est question de construire la prison qui doit remplacer celle de Saint-Joseph, adressé au préfet du Rhône, 30 août 1826

  • AD Rhône. 1 Y 302. Cession par la Ville au département d'un terrain à Perrache pour la construction d'une nouvelle prison. Cession par le département à la Ville des bâtiments et terrains de la Ferratière, 19 octobre 1826

    AD Rhône : 1 Y 302
  • AD Rhône. 1 Y 302. Brouillon d'une lettre adressée par le préfet (?) au ministre de l'Intérieur, 16 décembre 1826

  • AD Rhône. 1 Y 302. Lettre de l'architecte Baltard au ministre de l'Intérieur, 22 janvier 1827

  • AD Rhône. 1 Y 302. Délibérations du Conseil général du Rhône. Session de 1827 (ajouté au crayon : 1826). Rapport du préfet. Construction d'une nouvelle prison, 1827

  • AD Rhône. 1 Y 302. Lettre de Dumont, architecte chargé de la direction des travaux de la prison de Perrache au préfet du Rhône, 3 juillet 1828

  • AD Rhône. 1 Y 300. Lettre de l'architecte Baltard au préfet du Rhône, 26 mai 1829

  • AD Rhône. 1 Y 302. Lettre du préfet du Rhône à Messieurs (les conseillers généraux ?), 27 août 1829

  • AD Rhône. 1 Y 303. Rapport du Conseil de salubrité au préfet du Rhône, 20 septembre 1830

  • AD Rhône. 1 Y 302. Lettre de Baboin de la Barollière, vice-président de la Commision des prisons au préfet du Rhône, 4 juillet 1831

  • AD Rhône. 1 Y 302. Rapport fait au Conseil général (par le préfet du Rhône ?). Prison de Perrache. Travaux supplémentaires, 1831

  • AD Rhône. 1 Y 302. Commission des finances. Nouvelle prison dite de Saint-Joseph, 1831

  • AD Rhône. 1 Y 305. Le vice-président de la Commission des prisons de Lyon au préfet du Rhône, 12 août 1835

  • AD Rhône. 1 Y 303. Le maire de Lyon au préfet du Rhône, 18 août 1836

  • AD Rhône. 1 Y 303. La Commission des prisons de Lyon au préfet du Rhône, 2 août 1839

  • AD Rhône. 1 Y 306. Agrandissement de la maison de correction de Lyon : texte explicatif, devis estimatif, courriers au sénateur du Rhône, devis supplémentaire, par l'architecte du département Antonin Louvier, 1853-1858

  • AD Rhône. 104 W 360. Bâtiments départementaux. Rapports annuels, 1884-1918

    AD Rhône
  • AD Rhône. 1 Y 305. Le directeur de la circonscription pénitentiaire de Lyon au préfet du Rhône, 16 novembre 1934

  • AC Lyon. Délibération du Conseil municipal, 27 août 1824

  • BM Lyon : Fonds Coste ms 113 083 (8133). Concours pour le projet de construction d'une nouvelle prison à Lyon

    BM Lyon

Bibliographie

  • AC Lyon. 400 459. Annales de la Société académique d'architecture de Lyon, t. 11, 1893-1894

  • BEAUFORT, Jacques. L'architecture à Lyon. Lyon et le Grand Lyon de 1800 à 2000. Jean-Pierre Huguet, Editeur, tome II, 2001, 308 p.

    p. 22-23
  • BOLZE, Bernard (dir). Prisons de Lyon : une histoire manifeste. Lyon : Editions Lieux Dits. 2013. 224 p.

  • BRUNET, Isabelle, IAFRATE, Franck. Série Y. Prisons et prisonniers dans le Rhône, an VIII-1940. Répertoire numérique détaillé. Lyon, Archives départementales du Rhône, 1998. 170 p.

    p. 9-19, 87-90
  • CARLIER, Christian. Fresnes, prison moderne : de la genèse aux premières années. Paris, Syros, 1998. 270 p.

    p. 40, 87
  • CHALABI, Maryannick, BELLE, Véronique, HALITIM-DUBOIS, Nadine. Service régional de l'Inventaire Rhône-Alpes. Lyon le Confluent "Derrière les voûtes", Cahiers du Patrimoine n° 80, Ed. Lieux Dits, 2005

  • CHARVET, E-L G. Lyon artistique. Architectes. Notices biographiques et bibliographiques. Lyon, Imp. A. Waltener, P. Legendre et Cie successeurs, 1899. 436 p. : ill. ; 28 cm

    p. 11-16, 134
  • GARDES, Gilbert. Lyon, l'art et la ville. Urbanisme - Architecture. Paris : Éditions du CNRS, 1988, 2 vol. 188-253 p. : ill., plans, cartes ; 27 cm

    t.1, p. 72-73, 76 ; t.2, p. 25
  • PELAGAUD, F., SEIVE, F. Lyon en avion. S.l.n.d. [1926]. 21 pl. (BM Lyon : 210529)

    pl. 18

Documents figurés

  • Elévation sur la façade principale du côté du Rhône. Vue générale et intérieure de la prison dite de Perrache à LyonBre Tramblet pinxit et delinearit, Lith. De Treille : [1838 ?]. (Bnf Estampes : Va 69 T12 hH148209)

  • Dossier de plans, par Dumont, architecte, 16 juillet 1829. Plans, coupes, élévation (AD Rhône : 1 Y 299 Prison de Perrache ou de Saint-Joseph à Lyon)

    AD Rhône
  • Dossier de plans, par Dumont, architecte, 28 avril 1831. Plan, coupe, élévation d'un hangar à établir dans l'intérieur de l'enceinte de la prison de Perrache (AD Rhône : 1 Y 303 Prison de Perrache ou de Saint-Joseph à Lyon)

    AD Rhône
  • Dossier de plans, par Antonin Louvier, architecte, 6 mars 1854. Plan, coupes, élévations de l'état actuel et du projet (AD Rhône : 1 Y 306 Prison de Perrache ou de Saint-Joseph à Lyon)

    AD Rhône
  • Vue à vol d'oiseau de la prison de Lyon par Louis Pierre Baltard, 'architecte des prisons'. [1ère moitié XIXe siècle]. Dessin, musées Gadagne, Lyon.

  • Prison pénitentiaire à Perrache. Extrait de Panorama de la ville de Lyon, éd. Louis Perrin. 9 x 11 cm (BM Lyon. Fonds Coste, C 289/9. Vidéralp n°06723)

Documents multimédia

  • BELLE Véronique. “Saint-Joseph et Saint-Paul de Lyon : une architecture carcérale à forte valeur patrimoniale”, Les carnets de l’Inventaire : études sur le patrimoine – Région Rhône-Alpes [en ligne], 29 juillet 2011. URL : <http://inventaire-rra.hypotheses.org/127>

Annexes

  • Pour citer cette étude :
Date(s) d'enquête : 2001; Date(s) de rédaction : 2001
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
© Ville de Lyon