I. HISTORIQUE
Les textes de la 1ère moitié du XIXe siècle distinguent le quartier neuf, au nord de l´actuel cours de Verdun, et la presqu´île Perrache au sud.
A partir de 1824, les consultations se multiplient entre la Ville et le gouvernement au sujet de l´utilisation des terrains de la presqu´île. Le maire dresse la liste des établissements à y établir devant le conseil municipal : une école royale d´artillerie, avec arsenal, atelier de charronnage et fonderie de canons ; une caserne de cavalerie et un champ de manœuvres ; une prison civile ; les abattoirs publics (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 4 juin 1824, p. 155). Le ministère de la guerre souhaite installer l´arsenal dans le quartier neuf de Perrache ; le conseil municipal s´y oppose car les îlots choisis sont déjà construits. En revanche, il reste favorable aux installations dans la presqu´île (casernes de cavalerie, d´artillerie à cheval et à pied, magasin à fourrages, champ de manœuvre de 600 m de long sur 300 de large, magasin à poudre isolé au centre), sous réserve que cela ne gêne pas les constructions civiles projetées (prison, abattoir, entrepôt des vins et autres liquides, manège, moulins à vapeur) (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 27 août 1824, p. 232). Un plan non daté présente ce projet d´aménagement de la presqu´île en deux parties : la partie nord offre un plan quadrillé autour d´une place centrale rectangulaire (îlots destinés à l´habitat ?), et la partie sud est consacrée aux activités militaires : champ de mars, arsenal, casernes (fig. 27). Dans sa séance du 13 juillet 1825, le conseil municipal arrête les premières prescriptions de voirie, en vue du plan de distribution de la presqu´île (annexe 1).
Cependant le maire Lacroix-Laval a d´autres ambitions pour ce secteur dont il souhaite faire le pôle industriel de la ville. Dans la séance du conseil municipal du 16 décembre 1825, il présente la soumission qu´il a reçue de MM. Perrier, de Paris, et Bodin frères et Gonon, de Lyon, qui demandent deux masses de terrain le long de la Saône pour "l´établissement de moulins à moudre le blé, mis en mouvement par des pompes à feu, d´après le système perfectionné des moutures anglaises" (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, p. 424 ; cf. DOSSIER Minoterie, puis usine de produits alimentaires). Le conseil arrête alors qu´une commission, présidée par Basset de la Pape, proposera un plan total de distribution des terrains de la presqu´île, qu´aussitôt après l´adoption de ce plan, le maire sera invité à faire ouvrir sur-le-champ les rues, percées, places, quais et promenades, qu´il fera planter "en fortes pièces de bois de chêne" des poteaux indicatifs de la direction et des dimensions des rues ; enfin la commission devra également rapporter sur les établissements publics à implanter dans ce nouveau quartier (annexe 2).
Deux plans sont présentés au conseil municipal le 20 janvier 1826 (annexe 3 ; CLERC, p. 41 ; fig. 28 et 29). Le nouveau plan de distribution est figuré en surimpression sur les réalisations antérieures. La municipalité opte d´abord pour un projet sans gare d´eau, puis à la demande du ministre de l´Intérieur adopte le second projet : la moitié nord est divisée en lots réguliers ("masses") de 130 m x 92 m ; une gare d´eau ovale est dessinée au sud (cf. DOSSIER Gare d´eau). Ce projet est organisé autour de la jonction entre les voies de transport traditionnelles, Rhône et Saône, et le nouveau chemin de fer mis en place par les frères Seguin à partir de Saint-Étienne, jonction qui devrait se faire à hauteur de la gare d´eau.
Dès le mois de février, l´architecte de la ville Flacheron dresse un devis pour dresser le plan du quartier et implanter des haies délimitant les espaces et des piquets marquant les rues (AM Lyon : 1040 WP 007) ; le voyer Jean-François Terra et le géomètre Claude Cathenod sont nommés pour faire le tracé du nouveau quartier, et les premières adjudications sont passées entre mars et mai (AM Lyon : 1040 WP 007).
Une convention est signée entre la Ville et la Compagnie Seguin le 31 mai 1826, suivie d´un traité présenté au conseil municipal le 2 juin 1826 (annexe 4 ; fig. 31 ; CLERC, p. 16.), et approuvé le 16 juin 1826 (annexe 5) : la Ville cède 283 000 m² de terrains à la Compagnie qui se charge de construire la gare d´eau, de remblayer à ses frais l´ensemble des voies comprises dans son lot, d´établir dans cette gare quatre ponts pour assurer les communications, d´y faire venir le futur chemin de fer (cf. DOSSIER Gare du Bourbonnais) par le pont de la Mulatière (cf. DOSSIER Pont de la Mulatière) et d´y implanter quatorze usines dans les quinze ans.
A cette date, trois masses, le long de la Saône, ont déjà été concédées par la Ville à des industriels, MM. Perrier, Bodin frères et Gonon, marchands de fer (cf. DOSSIER Minoterie, puis usine de produits alimentaires) ; Claude Perret a édifié son usine le long du Rhône (cf. DOSSIER Usine chimique dite vitriolerie). Dans le même temps, le ministère de la guerre abandonne l´idée d´une forte implantation logistique dans la presqu´île, car Lyon est dépourvu de fortifications ; les implantations se réduisent à un quartier de cavalerie et un magasin à fourrages (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 14 juillet 1826, p. 531).
Le 15 juillet 1826, le programme de distribution de la presqu´île Perrache est édité par la mairie, en plusieurs langues, afin d´être largement diffusé en France et dans les pays voisins (annexe 6).
Dès l´été 1826, plusieurs industriels soumissionnent pour s´installer au sud du cours du Midi. Leur contrat d´acquisition précise la hauteur de façade sur rue (26 m), l´obligation de respecter les alignements de niveaux (cordons de soubassement, fenêtres, corniches), mais les laisse "libres quant à l´ordre architectural" ; les soumissionnaires seront tenus de remblayer la moitié des rues alentour des masses concédées, la Ville étant chargée du remblais des artères principales (chaussée Perrache, cours Charlemagne) (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 4 août 1826, p. 302). Dans le même mois, le conseil municipal décide de l´emplacement de la prison Saint-Joseph (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 29 août 1826, p. 567 ; cf. DOSSIER Prison Saint-Joseph).
Le plan de la 1ère masse, levé par J.-F. Terrat le 17 septembre 1826, montre la superposition des édifices déjà construits le long du Rhône avec le nouveau plan de distribution (fig. 32).
En décembre 1826, J.-F. Terrat présente un premier plan de nivellement et de distribution de la presqu´île, au nord de la concession Seguin, avec un projet de grande place rectangulaire au centre du quartier (annexe 7 ; fig. 33) ; ce plan approuvé par le maire le 23 avril 1827 (annexe 8 ; fig. 34) ne porte pas encore les modifications apportées par l´ordonnance royale du 7 mars 1827, élargissant de 26 à 33 mètres l´axe principal nord-sud (actuel cours Charlemagne), et ouvrant une voie est-ouest aussi large (actuel cours Suchet) pour délimiter la partie nord consacrée à l´habitat, du sud réservé à l´industrie (annexes 9 et 10). L´ordonnance prévoit en outre un emplacement pour une église et pour le marché. Le 30 avril 1827, Terrat annonce le placement définitif des bornes aux angles des rues projetées, placement dont rend compte le plan du 18 juin 1827 (annexe 11 ; fig. 35) ; enfin le plan officiel de la distribution de la presqu´île Perrache est approuvé par le maire le 7 septembre 1827 (fig. 36, 37).
Ces modifications touchent non seulement des constructions antérieures à 1825 et qui doivent être déplacées (cf. DOSSIER Hôtel de voyageurs, 3 rue Dugas-Montbel), mais aussi des constructions neuves qui doivent être reconstruites pour se conformer au nouvel alignement : c´est le cas par exemple des constructions réalisées par le brasseur Groskopp en bordure du cours Charlemagne (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 7, séance du 15 juin 1827, p. 107).
Le 8 janvier 1829, David Baize, propriétaire d´une maison à l´angle sud de la rue du Bélier et du quai Perrache, et Etienne Macon, propriétaire de la maison voisine, protestent auprès du maire Lacroix-Laval, contre les dommages que les remblais réalisés dans la presqu´île font subir à leurs propriétés : les remblais ferment les issues de leurs caves et y font s´écouler les eaux ; les difficultés d´accès poussent leurs locataires à partir ; les requérants demandent un dédommagement qui ne leur sera pas accordé (AM Lyon : 0331 WP 001). Au contraire, la situation ne cesse d´empirer, et en 1836 les demandes renouvelées des riverains de la rue du Bélier conduisent à un rapport contradictoire du voyer de la ville (cf. annexes 12, 13).
A partir de la fin de 1828, l´aménagement de la presqu´île est déterminé dans ses grandes lignes : le tracé des voies est arrêté (cf. DOSSIER Voirie) ; les masses de terrain ainsi délimitées vont être peu à peu vendues par la Ville : ce sont 242 878 m² que la ville va ainsi vendre par voies d´enchères selon l´ordonnance royale du 14 mai 1828 qui interdit le procédé de vente par soumissions que la Ville avait d´abord adopté (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 7, séance du 21 mars 1828, p. 264 ; AM Lyon : 321 WP 119).
Le remblai se poursuit : en 1827-1828, plusieurs traité sont passés avec des entrepreneurs (AM Lyon : O1 112 bis ) : avec Aguettant, le 11 juin 1827, pour la construction d´un pont de bois, au niveau du cours du Midi (cours de Verdun actuel), pour remplacer le transport par bateau de Gastaldi ; avec Forobert, installé au niveau du cours Suchet ; avec de Chazourne, installé au niveau du chemin des Etroits.
Cependant les Lyonnais se plaignent toujours des pestilences du quartier : en dépit des remblais effectués, de nombreuses mares subsistent à l´intérieur des îlots et les contemporains craignent également les effets polluants des industries chimiques (DUPASQUIER, A. Rapport..., p. 5-11). Les soldats casernés dans l´ancien hôpital près du pont de la Mulatière, ainsi que Claude Perret récemment installé quai Perrache, se plaignent des fièvres occasionnées par l´eau non potable et l´humidité (des plaques indiquant la présence de fontaines d´eau non potables subsistent encore dans quelques cours d´immeubles, fig. 58). A cela s´ajoute la pollution des usines : les peupliers plantés le long de la chaussée Perrache ne résistent pas aux émanations de la vitriolerie Perret (cf. DOSSIER Quai Perrache).
Le 12 mai 1828, le conseil municipal arrête le tracé de la voie de chemin de fer arrivant dans la presqu´île (cf. DOSSIER Gare du Bourbonnais ; annexe 14), et décide l´élargissement d´un certain nombre de voies (annexe 16). La première locomotive à vapeur est lancée dans la presqu´île le 7 novembre 1829 ; mais les autres travaux s´enlisent ; la masse des terrains à vendre reste importante ; la Compagnie Seguin ne peut réaliser toutes les constructions prévues par le traité (A.D. Rhône : VII S) ; la digue n´est pas achevée en 1830 (AM Lyon : séance du conseil municipal du 29 mars 1830).
Le nouveau traité passé entre la Ville et la Compagnie réduisant le nombre des constructions à réaliser ne peut éviter la faillite des frères Seguin qui doivent vendre leurs terrains à la Compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, le 1er décembre 1831.
L´aménagement de la presqu´île va se poursuivre dans la première moitié du XIXe siècle selon le plan de 1826 plus ou moins adapté aux circonstances. En 1858, l´implantation de la nouvelle gare de chemin de fer modifiant le tracé des rues conduit à un nouveau plan d´aménagement (cf. DOSSIER Secteur urbain dit Presqu´île Perrache).
II. DESCRIPTION
Les préoccupations urbanistiques de la Ville concernant le nouveau quartier sont multiples. Dès l´origine, l´accent a été mis sur la volonté de l´administration municipale et de son maire Lacroix-Laval de faire de ce secteur un quartier industriel sur le modèle anglais, "Birmingham" pour Chambet aîné en 1855 ou "Manchester lyonnais" pour F. Rivet. Cette préoccupation est certes fort présente, aussi bien dans le traité passé avec les frères Seguin, qu´avec les premiers industriels qui ont acquis des terrains et dont les soumissions prévoyaient qu´ils devaient construire des usines dans des délais comptés (cf. annexe 16). En effet, le nouveau quartier accueille en priorité les équipements que la ville rejette ou qui nécessite de vastes surfaces : la prison Saint-Joseph en 1831 (cf. DOSSIER), l´usine à gaz (cf. DOSSIER), le marché aux bestiaux (cf. DOSSIER) et les abattoirs en 1840 (cf. DOSSIER), l´entrepôt des liquides en 1839 (cf. DOSSIER), l´arsenal en 1843 (cf. DOSSIER), divers entrepôts et usines (vitriolerie, usine de plâtre, fabrique de couvertures..., cf. DOSSIERS).
Mais la Ville a aussi pour ambition de faire de ce quartier une zone de promenade et de détente pour les habitants : à l´instar de la chaussée Perrache bordée d´arbres dès la fin du XVIIIe siècle, les rues principales doivent être plantées ; des mesures incitatives sont prises en faveur d´Arban qui doit implanter une salle de bal, avec des bois d´agrément, des "montagnes françaises", des salles de tir, le 6 octobre 1826 (son établissement fonctionne jusqu´à l´explosion survenue vers 1840 , fig. 45 ; il est alors déplacé dans le quartier de la Guillotière). Plusieurs brasseurs de bière y installent leur usines qu´accompagnent restaurants et débits de boissons. La municipalité souhaite faire de l'hippodrome (cf. DOSSIER Place de l´Hippodrome) un lieu de promenade fréquenté et encourage l'établissement de guinguettes, cabarets, jeux de boules ; cependant la lenteur des remblais freine cette évolution : en 1847 encore, COMBE et CHARAVAY, dans leur Guide de l'étranger à Lyon, écrivent à propos du cours du Midi (cours de Verdun actuel) : "Planté de six magnifiques allées d'arbres..., le cours Napoléon est la plus belle promenade de la ville, et en serait la plus fréquentée, si elle était plus au centre, et si les eaux pluviales n'y séjournaient pas, faute d'écoulement".
La municipalité se préoccupe également des bâtiments qui doivent être construits le long des nouvelles rues. Dès 1825, elle refuse que la façade de la prison règne sur le cours du Midi "qui est devenu l´une des plus belles promenades de la ville" (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 6, séance du 13 juillet 1825, p. 323). Le parti des élévations doit être approuvé par une commission et un plan-type de gabarit pour les immeubles bâtis au sud du cours du Midi est donné le 2 décembre 1826 (AM Lyon : 1040 WP 007, fig. 39). La Ville prévoit que le long des places (place Charles X), le rez-de-chaussée soit aménagé en arcades formant galeries publiques (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 7, séance du 6 avril 1827, p. 53) ; enfin dans la même séance, elle vend un terrain au sculpteur Legendre-Hérald pour qu´il établisse "une maison élégante et ornée de sculptures". Le 3 août, elle accepte la soumission de Brunéel pour établir un tir à l´arquebuse sur un terrain précédemment loué à Arban sous condition qu´il construise le long du cours Charlemagne une "belle maison d´habitation" (cf. DOSSIER Immeuble, 1 cours Charlemagne ; fig. 54) ; la délibération du conseil municipal précise "l´avantage que trouve M. le maire à cette vente, c´est d´avoir sur-le-champ, tant du côté d´orient que d´occident de la rue Charlemagne, un commencement de beaux édifices" (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances publiés par la municipalité, t. 7, séance du 3 août 1827, p. 136 ; annexe 17). L´intérêt de la Ville se porte également sur les bâtiments industriels : en 1826, dans la soumission de la Compagnie Mure-Latour, il est prévu : "Les murs extérieurs de la façade du principal établissement sur une longueur de 26 m et sur une profondeur de 13 m seront en fer fondu ; des colonnes en fer entreront nécessairement dans la construction." (Ville de Lyon. Conseil municipal. Procès-verbaux des séances, t. 6, séance du 4 août 1826, p. 541 ; non réalisé).
Le Nouvel indicateur des habitants de 1832 (p. 7) donne une image positive de la presqu´île : "...La presqu´île Perrache peut être considérée comme un nouveau quartier, destiné à devenir une ville industrielle... On y a tracé de grandes et larges rues. Plusieurs utiles établissements, tels que moulins à vapeur, fonderies, etc., s´y élèvent sur plusieurs points. On doit y construire un abattoir. Dans le centre de la presqu´île on creuse une gare circulaire qui offrira un port sûr et commode pour l´embarquement et le débarquement des marchandises..."
Le cadastre napoléonien levé en 1831, complété par ses matrices achevées en 1837, fournit une connaissance précise de la presqu´île à cette date, et un témoignage sur la rapidité des mutations du sol (AD Rhône 3P 123 ; AM Lyon : 0310 WP 1261 ; doc. 1-3). Il permet de dresser une carte des parcelles bâtis et non bâties en 1834 précisant la nature ou la fonction des terrains (93 jardins et pépinières et 2 vignes sont encore exploités) et des édifices (des. 4-9) ; il met en évidence l´importance des propriétés communales et de la concession de la Compagnie Seguin (des. 10-11). Le dépouillement des matrices indique 70 maisons de pierre de 2 à 4 étages, 32 maisons en pisé de 2 étages, 17 maisons de brique et de bois de 1 ou 2 étages, 9 maisons de bois de 1 étage (AM Lyon : 0310 WP 1261 ; des. 18-23). 44 cabarets accueillent la population (des. 12-14). 22 usines et ateliers sont répertoriés : outre la vitriolerie, l´usine à gaz et les grands moulins de Perrache, une fabrique de couvertures (cf. DOSSIER), une plâtrière (cf. DOSSIER), une tannerie et une corderie se sont implantées dans ce secteur, ainsi que des ateliers de menuiserie ou de charpenterie (des. 15-17) ; des moulins bateaux sont amarrés sur le Rhône et la Saône : moulins à blé, laminoir, ou plate de blanchissage ; des cartes postales du début du siècle permettent de se représenter le type de ces bateaux (fig. 46-49)
Les investisseurs se répartissent de la façon suivante :
- Activités liées à l´origine du quartier : six pépiniéristes et jardiniers, un marinier, un teneur de plate ;
- Activités industrielles (- polluantes : vitriolerie ; - liées à l´eau : tannerie, fabricant de couvertures ; - nécessitant de la place : corderie...) ;
- Chantiers permettant de déposer des produits pondéreux (27 marchands de charbon) ;
- Activités liées aux transports par route, par voie d´eau ou par rail (voituriers, carrioleurs, charrons, maréchal-ferrant...) ;
- Activités plus particulières : trois brasseurs Groskopf, Kuhné et Hoffher (=fabrique de bières et restaurant), dont le seul représentant subsistant est la brasserie Georges, cours de Verdun (cf DOSSIER) ;
- Cabaretiers, restaurateurs, gargotiers, cafetiers (55 cabarets, cafés, restaurants, débits de boisson ou vide-bouteille sont recensés dans les matrices de 1830 (des. 12-14).
Un artificier Simon Arban tenant salle de bal et montagnes françaises s´installe à Perrache, au nord du cours Charlemagne (Après un accident survenu vers 1840, fig. 45, il déménage à la Guillotière)
Depuis 1841, il y a une paroisse à Perrache, et le culte est célébré dans une chapelle provisoire au sud de la place de l´Hippodrome (AM Lyon : 0003 S 0125). La gare du Bourbonnais est construite à partir de 1843, en remplacement de l´embarcadère de 1827 (cf. DOSSIER).
III CONCLUSION
En dépit des modifications apportées au quartier depuis le milieu du XIXe siècle, l´esprit du plan d´aménagement de 1826, héritier de celui d´Antoine-Michel Perrache, est encore bien présent. Une grande partie de la trame urbaine, entre la gare de Perrache et la rue Casimir-Perier, reste en place, avec les axes forts nord-sud (quai Rambaud, cours Charlemagne et quai Perrache) et les deux grands cours est-ouest (cours Suchet et cours Bayard) ; dans cette partie de la presqu´île, si l´ouest a été plus perturbé par l´implantation de la gare Perrache II, l´est du cours Charlemagne a conservé la disposition des masses d´origine, recoupées pour une série d´entre elles par la rue Quivogne (cf. DOSSIER Voirie).
Une grande partie des édifices publics ou industriels prévus par le plan de distribution ont été créés (marché, église, casernes, moulins...) ; peu d´entre eux sont dans leur situation ou leur état d´origine : la prison Saint-Joseph et la maison directoriale de l´entrepôt des liquides conservent leur parti d´architecture ; des vestiges plus ou moins conséquents des moulins à blé et de l´arsenal étaient encore en place au moment de l'enquête, mais seule une friche industrielle marque l´emplacement de l´usine à gaz ; la place de l´Hippodrome maintient le souvenir de l´ancien champ de courses / champ de manœuvres, tout comme la brasserie Georges perpétue la tradition des anciens établissements de brasseurs (cf. DOSSIER).
En ce qui concerne l´habitat, les traces sont encore plus ténues. L´urbanisme s´étant effectué du nord vers le sud, l´implantation de la gare de Perrache a supprimé la plupart des constructions qui avaient pu être édifiées selon les prescriptions de la municipalité. L´immeuble construit par l´armurier Brunéel, 1 cours Charlemagne (fig. 55) va disparaître dans la création de la place des Archives. On ignore si les galeries publiques encore demandées en 1838 place Louis Philippe (emplacement de l´actuelle place de l´Hippodrome) n´ont jamais été construites. Les grandes arcades subsistant au rez-de-chaussée de certains immeubles du cours de Verdun en sont-elles un vestige ? (fig. 53). L´immeuble à l´angle de la rue Delandine et du cours de Verdun est précisément daté de 1826, mais sur le plan qu´en présente son commanditaire Tabory en 1826, les rez-de-chaussée sont déjà fermés (cf. DOSSIER immeuble, 26 cours de Verdun ; fig. 51, 56).
A côté de ces immeubles prestigieux, l´administration municipale préconisait la construction de maisons d´habitation en maçonnerie composées d´un rez-de-chaussée et d´un étage. Un ensemble de ce type subsistait encore, au moment de l´enquête, à l´angle du quai Perrache et de la rue Marc-Antoine-Petit ; frappé de démolition, il a été détruit après inventaire (cf DOSSIER immeuble, 19 quai Perrache, fig. 57).
Enfin, la partie sud de la presqu´île, à l´entour ou à l´intérieur de la gare d´eau, renfermait, à côté des entrepôts et des usines, de petites maisons de marchands de charbon : l'une d´entre elles a pu être repérée (cf DOSSIER maison, 124 cours Charlemagne ; fig. 58).
Flachéron s'écrit parfois Flacheron. L'architecte lui-même signait avec ou sans accent