La Société Française des Electrodes est fondée en 1898 par un groupe lyonnais. Elle s’installe à côté de la Verrerie Ouvrière, sur un terrain acheté aux Hospices Civils de Lyon, le long de la rue de l’Industrie.
Elle s’est principalement consacrée à la fabrication des électrodes en anthracite destinées à l’électrothermie (carbure, alliages, acier) notamment pour les fours électriques, ainsi que des électrodes de carbone amorphe, utilisés soit comme conducteurs de courant, soit comme réfractaires destinées à l’industrie électrothermique. Elle fournit également tous appareillages de pièces en carbone pour cuves, sols et revêtements des fours utilisés en électrométallurgie. Ses produits de haute qualité sont utilisés pour l’industrie de l’aluminium et pour équiper les chaudières marines. L’usine abrite un laboratoire et un bureau d’études et d’entreprise pour la construction de fours électrochimiques ou électrométallurgiques.
Elle acquiert un « excellent renom pendant la guerre de 1914-1918 où ses techniques lui permettent d’être citée en exemple par les services de Défense nationale » (Cf : brochure de l’entreprise). La société explique dans une publicité des années cinquante que « les services éminents qu’elle rend pendant la guerre de 1914-1918 la classent sur le marché mondial » (P. Videlier, Banlieue Sud : Vénissieux entre-deux guerres). En 1917, l’usine fabrique plus de 9000 tonnes d’électrodes. Après un ralentissement la production se maintient à un niveau élevé jusqu’en 1929.
En 1920, la Société d’électrochimie et la société des carbures métalliques fusionnent et deviennent la Société des Électrodes de Savoie (SES), filiale de la Société d’Electrochimie d’Ugine. Elle fait partie des larges fusions des entreprises de métallurgie savoyardes qui conduisent à la création de la SECEMAEU* en 1922.
La Société Française des Electrodes emploie de nombreux ouvriers immigrés, des Egyptiens notamment. Ils habitent dans les cantonnements construits rue de l’Industrie. Afin de justifier les constructions d'habitations en cours, Société Française des Electrodes écrit, à la fin de l'année 1929, dans une lettre adressée à la municipalité : « nous avons achevé […] deux bâtiments comportant vingt-huit chambres garnies pour célibataires, plus un logement pour un ménage dont la femme occupe les fonctions de gardienne… » (sources Corbel Maurice,(AC Vénissieux, carton 4M203).
Jusqu’en 1929, l’entreprise produit 8 à 10 000 tonnes par ans d’électrodes en carbone amorphe. Puis elle est mise en difficulté par la crise.
En 1932, la société Française des Electrodes cède son usine à la Société d’Electrochimie d’Ugine qui reprend l’entreprise pour sa filiale la Société des Electrodes de Savoie. Celle-ci concentre sa production sur la seule usine de Notre-Dame-de Briançon, les fours de cuisson de Vénissieux ne constituent qu’un modeste appoint. En revanche, la fabrication encore semi-industrielle de produits réfractaires non carbonés de l’usine de Notre-Dame-de-Briançon est transférée à Vénissieux.
A Vénissieux la Société des Electrodes et Réfractaires Savoie produit des cathodes en carbone et en graphite utilisées dans les cuves d'électrolyse de l'aluminium. Elle fabrique également des briques réfractaires qui sortent du domaine courant, soit par les matières premières utilisées, corindon, bauxite, chromite, etc., soit par leurs méthodes de production (fabrication en continu de briques réfractaires légères isolantes uniques en Europe) et leurs performances (la mullite et la spinelle synthétiques pour les fours d’aciérie). L’usine de Vénissieux produit 200 tonnes de produits réfractaires en 1933. Cette production s’élève à 1100 tonnes en 1935 et 4700 tonnes en 1940. En 1939, l’usine démarre un atelier de fabrication de pâte « Soderberg » pour l’aluminium. La production de cet atelier atteint 6600 tonnes en 1940.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’usine des Electrodes de Vénissieux est presque entièrement détruite par les bombardements aériens de 1944. De nombreux dégâts ont endommagé l’usine mais la remise en état des ateliers commence presque aussitôt. L’architecte M. Thiollier établit des plans de reconstruction en 1948.
En 1948, l’usine se modernise avec la mise en route du premier four-tunnel pour cuisson de produits réfractaires blancs. Jusque-là les produits réfractaires étaient cuits dans les anciens fours de fabrication des électrodes. Les fours plus modernes vont permettre d’assurer une meilleure production des réfractaires spéciaux. La production s’élève à 8800 tonnes en 1948 contre 5500 en 1942.
En 1971, la Société des Electrodes et Réfractaires Savoie devient membre du groupe Pechiney. L’année suivante, les Sociétés Péchiney et Ugine-Khulmann fusionnent ce qui se traduit par l’apport à la SERS de l’activité graphite de Péchiney. La même année, un laboratoire de recherche est construit sur le site de Vénissieux.
En 1994, la Société des Electrodes et Réfractaires Savoie devient Carbone Savoie et Pechiney annonce sa privatisation. Trois ans plus tard, la société Carbone Savoie, qui regroupe les usines de Notre-Dame-de-Briançon et de Vénissieux, est achetée à 70 % par le groupe UCAR S.N.C. et reste à 30 % dans le groupe Pechiney.
En 2006, la société Carbone Savoie est rachetée (hors atelier usinage graphite) par le groupe Alcan, qui en possédait déjà 30%. Puis l’année d’après, en octobre 2007, Alcan s'unit à Rio Tinto pour former le leader mondial de l'aluminium sous le nom de Rio Tinto Alcan. De 2009 à 2013, Carbone Savoie reste le leader mondial de la cathode.
Le 30 janviers 2015, le Directeur du Groupe Saint-Gobain et Michèle Picard, Maire de Vénissieux inaugurent une nouvelle ligne de produits réfractaires utilisés dans les fours verriers dans l’usine Saint-Gobain Savoie Réfractaires. Celle-ci permet de recycler les revêtements en céramique usagés des fours de l’industrie verrière. En effet, en fin de vie, ces derniers sont contaminés par du chrome 6, une matière dangereuse. Les revêtements usagés seront tout d’abord décontaminés (dans une usine de Bollène) et réduits en poudre. La poudre est ensuite transportée à Vénissieux en fûts, pour être compactée en grains, lesquels seront transformés en volumes rectangulaires. Ces « briques » trouvent un nouveau cycle de vie, installées dans un four qui chauffe du sable à 1 500°C afin de produire du verre.
En avril 2016, après presque un mois de grève, Carbone Savoie est reprise par Alandia Industries et enclenche une phase de réindustrialisation.
En juillet 2020, la société Carbone Savoie est vendue au groupe japonais Tokai Carbon Japonais. Elle devient Tokai Carbon Savoie et la firme supprime le chamois du logo. L’année suivant, elle est rebaptisée Tokai Cobex Savoie. L’entreprise se diversifie avec le lancement de production de Graphite Synthétique pour batteries de véhicules électriques exclusivement sur les sites français.
* La Société d’Electrochimie, d’électrométallurgie et des Aciéries Electriques d’Ugine (SECEMAEU) nait de la fusion des anciennes Sociétés d’électrochimie, la Volta, la Société Electro-chimique du Giffre, la Société des Carbures Métalliques et la Société des Forges Aciéries Electriques Paul Girod.
Dessinateur-cartographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2021