• enquête thématique régionale, Stations de sports d'hiver
Station de sports d'hiver Les Arcs
Œuvre repérée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Dénominations
    station de sports d'hiver
  • Appellations
    Les Arcs
  • Parties constituantes non étudiées
    école primaire, salle de spectacle, hôtel de voyageurs, galerie marchande, centre de loisirs, maison, immeuble

Historique de la station

Les trois stations des Arcs, comprenant 30 000 lits touristiques en 2005, furent réalisées en une vingtaine d´années, sur les pentes de l´Aiguille-Grive (2732 m d´altitude), au-dessus de Bourg St-Maurice et d´Hauteville Gondon pour les deux premières. De 1968 à 1973, c´est Arc 1600, considérée comme le laboratoire, et à partir de 1974, Arc 1800. Puis Arc 2000 sera fondée à partir de 1978, au coeur de la vallée de l´Arc, au pied l´Aiguille Rouge qui culmine à 3226 m.

L´équipe des pionniers

Le projet de la station des Arcs naît de la rencontre de plusieurs acteurs dont il faut rappeler les parcours : Au cours des hivers 1959/1960 et 1960/1961, les architectes-urbanistes Guy Rey-Millet (1929) et Gaston Regairaz (1930) profitent de leurs week-end pour explorer et analyser les sites possibles dans la vallée de la Tarentaise en vue de la création ex-nihilo d´une station de sports d´hiver. Ils ont rejoint Denys Pradelle (1913-1999), fondateur de l´atelier d´architecture à Courchevel, respectivement en 1957 et en 1960, et ont constitué ensemble à Chambéry, avec Philippe Quinquet et Henri Mouette architectes, l´Atelier d´architecture en montagne.

À Courchevel 1850, le guide de haute montagne et moniteur de ski, Robert Blanc (1933-1980), fait découvrir à Guy Rey-Millet (architecte-urbaniste et résidant à Courchevel 1850 depuis 1957) les alpages de la commune d´Hauteville-Gondon où il gardait, étant enfant, les vaches du troupeau communal dont ses parents avaient la charge, car il imagine que pourrait être édifiée là, une nouvelle station de ski. Roger Godino (1930), ingénieur polytechnicien, chambérien d´origine, enseigne depuis 1959 le management d´entreprise en région parisienne (Institut européen de l´administration des affaires, INSEAD à Fontainebleau, l´une des premières écoles de marketing françaises). Sous la pression de ses étudiants, il cherche alors à mettre en application les principes et les théories développées auprès d eux, en cherchant à créer une station de sports d´hiver nouvelle en Tarentaise, alternative économique au développement de la vallée de la Tarentaise après l´achèvement des grands chantiers d´équipements hydroélectriques (centrale de Malgovert, barrage de Tignes, puis le complexe autour de Roselend), qu´il conçoit d´emblée comme une « station entreprise ». À Courchevel 1850, il a fait connaissance avec Robert Blanc qui lui enseigne le ski et avec Guy Rey-Millet par l´intermédiaire de Gaston Regairaz, camarade de lycée de Roger Godino à Chambéry. Ensemble, ces quatre hommes vont constituer le noyau initial de l´équipe qui va créer la station des Arcs.

Le repérage du site

L´histoire retient que l´idée d´une station sur les pentes de la montagne des Arcs naît dans la tête des frères Blanc, habitués depuis leur enfance à parcourir les alpages aux côtés de leurs parents, en charge de l´alpage communal d´Hauteville-Gondon. Pour rester au pays, chacun d´entre eux a choisi de s´investir l´hiver dans le ski (pisteur, secouriste, moniteur, entraîneur), tout en imaginant qu´un jour l´alpage communal puisse accueillir une station de ski équivalente à celles dans lesquelles ils partent travailler l´hiver (Val d´Isère, Courchevel 1850). Le site est repéré au cours de l´hiver 1959/1960 par Guy Rey-Millet et Gaston Regairaz sous la conduite de Robert Blanc et de son frère Delphin. L´hiver suivant, en 1961, les responsables de la Commission Interministérielle pour l´Aménagement de la Montagne (les ingénieurs des Ponts et Chaussées Maurice Michaud et Vincent Cambau, accompagnés du skieur Émile Allais, en charge de la mise en oeuvre du « plan neige »), guidés par Robert Blanc et l´équipe de l´Atelier d´Architecture en Montagne, en présence de Denys Pradelle, parcourent le site. Ils découvrent le domaine de ski comprenant la vallée suspendue de l´Arc au-dessus de Bourg-Saint-Maurice, inclus dans le territoire de la commune d´Hauteville-Gondon. Ils reconnaissent immédiatement le site comme un « site de classe internationale » : « en résumé, le complexe « vallée de l´Arc ... versant ouest de l´Aiguille Grive » peut soutenir la comparaison avec tous les sites déjà équipés en France. Bien plus il apportera dans l´éventail des stations françaises un nouvel aspect original celui d´une station édifiée dans un site riant et agréable aussi bien en été qu´en hiver, au milieu des aroles et des pins noirs, mais à proximité immédiate d´un cadre de majestueuse montagne glaciaire. Les contemplatifs seront comblés quant aux skieurs si les débutants auront à leur disposition les pistes les plus faciles toujours dans un cadre de grande allure, les meilleurs pourront descendre des pentes très difficiles et présentant en plus des caractéristiques très haute montagne ».

La station entreprise

Par ailleurs Roger Godino, intéressé à développer une « station entreprise » comme alternative aux difficultés économiques de la vallée, encouragé par Jérôme Monod responsable de la Délégation à l´aménagement du territoire et à l´action régionale (D.A.T.A.R) à agir pour inverser le courant de déprise économique de la vallée de Bourg-Saint-Maurice, réalise une première étude de marché sur la pratique des sports d´hiver intitulé « le marché de la neige ». Celle-ci prévoit, pour la France, 1 million de skieurs en 1968 et 5 millions en 1980 alors que le diagnostic n´en évalue que 100 000 en 1958. Ces prévisions le convainquent de lancer un projet d´aménagement d´une station de sports d´hiver en Tarentaise. Ses contacts avec l´équipe de l´Atelier d´architecture en montagne et ses liens avec Robert Blanc le conduisent sur le site des alpages des montagnes de l´Arc. En 1961, Roger Godino s´associe avec Louis Mangin et crée la Société d´Études de la Vallée de l´Arc (S.E.V.A.). Une convention est signée le 3 Octobre 1961 avec Antoine Bimet, maire de la commune d´Hauteville-Gondon qui possède la plus grosse partie des terrains nécessaires à l´équipement de la station au-dessus de 1600 mètres. Il est prévu par l´aménageur une reconnaissance détaillée des sites pouvant être lotis, l´étude des principes d´accès, un projet de plan neige cohérent, un chiffrage des besoins financiers et la définition d´une stratégie de mise en valeur du site. En échange, la Commune d´Hauteville-Gondon s´engage à mettre à disposition gratuitement les terrains communaux et à confier l´exclusivité de l´aménagement et de l´exploitation des remontées mécaniques pendant trente ans. Enfin préoccupés par la maîtrise du développement de l´ensemble du versant, les pouvoirs publics cherchent à constituer un syndicat intercommunal entre les communes de Peisey-Nancroix, Landry, Villaroger, Bourg-Saint-Maurice et Hauteville-Gondon.

L´étude du projet d´ensemble

Les études préliminaires sont conduites par Guy Rey-Millet et Gaston Regairaz avec l´aide de Robert Blanc. Ils délimitent le domaine skiable qui prendra naissance à l´altitude des alpages, au-dessus des forêts, s´étendra sur les pentes de l´Aiguille Grive (2 732 m) et atteindra le sommet de l´Aiguille Rouge (3 227 m). Les territoires des deux communes de Bourg-Saint-Maurice et d´Hauteville-Gondon sont concernés par le projet. Trois « zones préférentielles » sont sélectionnées pour l´implantation des stations, vers lesquelles convergent les pistes de ski. Chacun des trois sites offre des caractéristiques différentes, permettant d´imaginer des « villages » dont les dimensions et les vocations d´accueil résidentielles sont déterminées par le site :

- Arc 1600 (1967-1975) : le plateau de Pierre Blanche (aux Lanches) à l´altitude de 1600 m environ, plateau situé à l´aplomb de Bourg-Saint-Maurice, dans un site relativement boisé, réputé pour son très bon ensoleillement mais de dimension réduite, permettra l´accueil d´un village de 2 500 lits ; le développement d´Arc 1600 correspondra au lancement du site, avec une station imaginée pour une clientèle de pionniers assez aisée, audacieuse et enthousiaste, avec hôtels et logements destinés plutôt à la vente ;

- Arc 1800 (1974-1989) : les grands plateaux du Charvet, de Chantel et de Charmetogé d´une superficie évaluée à plus de 40 ha, en balcon au-dessus de la vallée de l´Isère, aux altitudes comprises entre 1700 et 1750 m environ ; le développement d´Arc 1800 correspond à l´essor des loisirs de masse, s´adressant à une clientèle moins aisée, avec acquisition d´un logement en formule multipropriété ou location ;

- Arc 2000 (1978-1989) : dans la vallée suspendue des chalets de l´Arc, boisée de pins arolles face au Mont-Blanc, on prévoit 5 000 skieurs installés à la convergence naturelle de toutes les pentes, à l´altitude de 2000 m ; la station d´Arc 2000 correspond à une clientèle de sportifs et restera inachevée en raison de la crise financière de l´immobilier de loisirs ;

Les choix initiaux des concepteurs s´étaient portés sur l´équipement et l´aménagement du site des chalets de l´Arc à 2000 m d´altitude en raison d´une maîtrise foncière plus aisée (terrains communaux d´Hauteville-Gondon) et d´une situation isolée privilégiée au coeur du vallon de l´Arc. Mais les réalités économiques et financières ont bouleversé cette première programmation. Le coût plus élevé de la route d´accès ainsi que l´éloignement de toute base de vie permanente ont convaincu Roger Godino de démarrer par le site de Pierre Blanche à 1600 m d´altitude, malgré les difficultés d´acquisition foncière. La réalisation d´une première opération aux chalets de l´Alpe aurait pu entraîner aussi des développements non maîtrisés en contrebas, comme ce qui s´est passé à Saint-Bon-Tarentaise, où le succès de Courchevel 1850 a multiplié les initiatives particulières en contrebas, nuisant au projet d´ensemble. Ce premier projet, établi le 31 Octobre 1962 sur le site des chalets de l´Arc, d´une capacité de 6000 lits contient tous les principes d´aménagement qui seront repris et approfondis lors de la mise en oeuvre du premier site à Arc 1600 : maîtrise foncière, assurer la desserte routière disposée à l´arrière des zones d´habitat séparant les voitures des piétons et des skieurs, recherche des meilleures conditions ensoleillement et de vues proches et lointaines pour les résidences, choix de résidences collectives afin de limiter les infrastructures, respect de la végétation et du site dont la valeur est considérée « inestimable » pour « les citadins qui ne viennent pas seulement se loger et « faire » des pistes, mais aussi se détendre au contact de la nature ».

Le projet innovant

Pour s´assurer que l´innovation soit permanente, Roger Godino s´entoure d´une équipe pluridisciplinaire qui intègre les fonctions de maître d´ouvrage, de maître d´oeuvre et de gestionnaire. Dès les premières études d´urbanisme et d´architecture en 1965-1966 conduites par l´Atelier d´Architecture en Montagne, les choix se portent sur un projet composé de trois tours et d´une route d´accès, inspiré en partie des principes retenus à la station de Plagne 2000 (ouverture Noël 1963). En optant pour la construction de tours, l´équipe de concepteurs respecte ainsi les exigences du promoteur préoccupé par une économie rigoureuse de la construction. Malgré les vues bienveillantes des services de la Commission Interministérielle pour l´Aménagement de la Montagne qui considèrent les options de Plagne 2000 comme le modèle de référence en matière de composition de station d´altitude, Roger Godino ne se satisfaisait pas de ces premiers projets pour Arc Pierre Blanche (« un plan d´urbanisme agrémenté de trois tours et d´une route d´accès »).

« Il rêvait d´une prise de possession des lieux et d´une architecture plus novatrice » (Charlotte PERRIAND. Une vie de création, p. 135). Si l´équipe de l´AAM a la confiance de Roger Godino pour mener à bien les études et les projets, il souhaite qu´elle s´associe à une personnalité de renom qui assurerait un rôle de « chef de file ». À l´AAM, l´équipe d´architectes urbanistes ne souhaite pas rééditer l´expérience de Flaine (1962-1965), où la collaboration souhaitée par le promoteur Eric Boissonnas, entre l´architecte américain Marcel Breuer et les architectes urbanistes spécialistes de la montagne, Denys Pradelle, Laurent Chappis et Gérard Chervaz, n´a pu aboutir. Denys Pradelle suggère la collaboration de Charlotte Perriand, qui venait de coordonner la publication d´un numéro spécial de la revue l´ Architecture d´Aujourd´hui consacré à l´architecture de montagne (n° 126, juin/juillet 1966). « Il connaissait Charlotte Perriand et l´avait rencontrée à Méribel à son chalet pour la mise au point du parc national de la Vanoise, et très récemment à l´occasion du numéro spécial de l´Architecture d´Aujourd´hui, consacré à la montagne. Il nous dit un jour, où nous lui confions nos soucis : « pourquoi pas Charlotte Perriand, je pense qu´elle est intéressée par ce qui va se faire en montagne ? » Nous la connaissions et l´admirions pour ses réalisations avec Corbu. Godino et le temps nous pressaient [...] je lui donnais son adresse à Paris pour qu´ils se rencontrent. Là encore le « courant » passa très vite. Le soir même du rendez-vous, Roger me téléphonait : « amènes tes plans des 3 Arcs, et prends date avec madame Perriand à Paris pour envisager une collaboration ». (Gaston REGAIRAZ. Les 30 ans des Arcs, 1998). Dès les premiers échanges qui ont lieu en 1967, Charlotte Perriand (1903-1999) insuffle sa philosophie faisant évoluer le projet aussi bien sur le plan de l´urbanisme que sur celui de l´architecture. La composition des Arcs est alors inspirée des réflexions de Le Corbusier sur la cité moderne, et de la philosophie architecturale de Charlotte Perriand qui va consacrer vingt ans de sa vie de création à la conception de la station.

L´équipe de conception des Arcs

Autour de Charlotte Perriand se rassemble un groupe de concepteurs qui développent ensemble leurs réflexions au cours d´un premier « séminaire » d´été qu´elle anime dans une maison d´alpage (le chalet de l´Aiguille Grive) à Arc 1800 au cours de l´été 1969. Ce groupe formera désormais l´équipe de concepteurs des Arcs, imprégnés chacun d´une même conviction quand aux idées développées par le mouvement moderne (les CIAM pour l´urbanisme, Le Corbusier pour l´architecture). Ils étaient tous rompus aux principes de la fonctionnalité et ils partageaient au départ une unité de pensée : l´équipe des architectes urbanistes de l´Atelier d´Architecture en Montagne, Gaston Regairaz, Guy Rey-Millet, Philippe Quinquet, Alain Bardet sous l´influence de Denys Pradelle (coauteur en 1955 du « manifeste » « contribution à une architecture de montagne ») ; les collaborateurs et amis de Charlotte Perriand regroupés dans l´agence FTR, tous issus de l´atelier Le Corbusier : l´architecte et graphiste Pierre Faucheux (1924-2000) qui conçoit la Coupole (Arc 1600) dont la charpente en bois lui inspire le logo de la station, les architectes Robert Rebutato et Alain Tavès ; le charpentier menuisier Bernard Taillefer (1931-2002) qu´elle découvre à Val d´Isère ; l´ingénieur Jean Prouvé, « complice » de Le Corbusier et de Charlotte Perriand avec qui il collabore depuis plus de vingt ans. Ensemble, ils recherchent l´intégration au site, concentrant l´implantation des constructions pour en réduire l´impact dans le paysage. Ils font le choix de la station sans voitures, dont le tracé des chemins piétons structure l´organisation urbanistique des commerces, des équipements, et des entrées résidentielles. Certains immeubles sont disposés en peigne, perpendiculairement à la pente, laissant le plateau libre pour les pratiques sportives de ski en hiver et de golf en été. Malgré la grande densité des programmes, et les contraintes de la préfabrication, chaque logement est conçu comme une cellule individuelle dont l´organisation est déclinée sans cesse différemment, tout en répondant à des exigences de surfaces draconiennes, grâce aux recherches sur l´art d´habiter la montagne, absence de vis-à-vis entre logements, terrasses isolées, coursives collectives personnalisées, salles de bains cabines et mobiliers adaptés.

La création en site vierge d´une station de sports d´hiver obligeait les concepteurs à gommer les frontières entre urbanisme et architecture, à l´identique des pensées développées autour des premières réflexions pour les villes nouvelles, recherchant à articuler fonctionnalité et situation topographique. Sous l´influence de Charlotte Perriand, les projets recherchent une maîtrise complète du domaine bâti, « du plan de masse à la petite cuillère » pour reprendre un e expression de Charlotte Perriand, programmant tout l´équipement intérieur. La conduite des projets et des chantiers à Arc 1600, réalisés sur un rythme moyen d´une centaine d´unités locatives par an a pu être maîtrisé de 1967 à 1974, par l´équipe des architectes urbanistes de l´A.A.M. grâce à leur expérience de la construction en montagne et du fait de leur présence sur place en Savoie. Mais à partir de 1974 avec le lancement d´Arc 1800, le rythme de réalisations est multiplié par 4, voire 5 (400 à 500 unités locatives par an). Si l´ouverture du premier village du Charvet à Arc 1800 est assurée par l´équipe de l´A.A.M. qui travaille alors dans des conditions difficiles, ils décident, face à l´ampleur des programmes à venir et au début de « fissuration de l´esprit d´équipe » d´abandonner toute responsabilité professionnelle pour la suite des réalisations. Roger Godino choisit de constituer une équipe nouvelle, une « équipe intégrée d´architectes et d´ingénieurs », regroupée au sein de la Cogem, bureau d´études de la Société des Montagnes de l´Arc, qu´il installe sur le site même. L´équipe d´origine est partagée. Bernard Taillefer (admis comme architecte en 1981) dirige alors la partie architecture où il sera assisté d´André Chedal technicien de la construction et du dessinateur Stançulesco. Ils conduiront ensemble l´essentiel des projets d´architecture des programmes résidentiels aux quartiers des Villards et de Charmetogé à Arc 1800. Bernard Taillefer aura la responsabilité du plan de masse d´Arc 2000 et de la plupart des programmes d´Arc 2000. L´équipe des architectes urbanistes de l´A.A.M. choisit de rester à Chambéry pour poursuivre les engagements de leur atelier aux Arcs et ailleurs. Ils continuent à participer activement à la conception générale et à la préparation des programmes, notamment avec des missions d´urbanisme à Arc 1800 (dossiers de Z.A.C. et plans de masse du Charvet et des Villards) et Arc 2000 (dossier de Z.A.C.) et des missions d´architecture à Arc 1600, Arc 1800 et Arc 2000. Charlotte Perriand continuera son mandat, travaillant à Paris, réglant en accord avec Roger Godino, chaque projet dont la mise en oeuvre est conduite par Bernard Taillefer. Ces collaborations cesseront à partir de 1987.

Le montage financier

Roger Godino constitue en 1966 la Société des Montagnes de l´Arc, chargée de réaliser toute la station, depuis l´acquisition des terrains jusqu´à l´animation culturelle et sportive, en passant par l´installation des remontées mécaniques, l´aménagement du domaine skiable, la construction des immeubles résidentiels et leur commercialisation. Pour remédier à l´absence de fonds propres nécessaires à la construction de la station, Roger Godino crée la même année le CIMARC, le « Club des Montagnes de l´Arc », constitué principalement d´épargnants parisiens qui souscrivent des actions de 20 000, 00 francs en échange de la garantie d´achat, à prix coûtant, d´appartements dans les constructions futures. Il réunit ainsi 20 millions de francs auprès de 600 personnes, tout en conservant le pouvoir sur l´entreprise. Les sommes recueillies permettent à la S.MA. de procéder aux acquisitions foncières, d´implanter les premières remontées mécaniques et de réaliser la première opération immobilière à Arc 1600, la résidence des Trois Arcs. Sur la base du projet particulier d´exploitation et d´animation de la station, la S.M.A. attire d´autres capitaux plus intéressés par les capacités d´hébergement que par de l´immobilier à vendre, permettant la réalisation et l´exploitation de milliers de lits de type banalisés qui assurent un bon rendement de la station. La forte inflation jusqu´au milieu des années 80 aura permis pour une part le fonctionnement de ces montages financiers.

Les évolutions

À la crise immobilière et la fin de la croissance apparues dès 1981 (diminution de l´inflation, baisse des ventes de 80% en 4 ans), s´ajoute la stagnation de la fréquentation des stations de sports d´hiver, aggravées par plusieurs hivers de mauvais enneigement (1987 - 1991). plusieurs mesures sont prises pour ouvrir le capital de la S.M.A. à d´autres partenaires (abandon de la responsabilité de la ZAC 2000 au profit de la Société d´Aménagement de la Savoie, engagement de la Commune de Bourg-Saint-Maurice). En 1987, pour remédier à l´évolution financière, la S.M.A. doit ouvrir son capital en passant de 33 millions à 103 millions de francs, avec l´arrivée de trois établissements bancaires (Crédit Lyonnais, Caisse des Dépôts et Consignation par l´intermédiaire de la C3D et le Crédit Agricole) et de groupes industriels (Saint-Gobain). En 1988, ceux-ci revendiquent les rênes de l´entreprise et Roger Godino doit quitter les responsabilité de direction de la S.M.A. Désormais la direction de la S.M.A. dépend de gestionnaires engagés dans d´autres secteurs économiques de la société, modifiant les objectifs d´origine et le mode de gouvernance mis en place à l´origine. La prise de contrôle de la S.M.A. par la Compagnie des Alpes / C3D introduit un changement de culture et de stratégie d´entreprise. La station intégrée va se désintégrer : la C3D vend les activités hôtelières de la SMA (hôtel du Golf à Arc 1800 et hôtel de la Cachette à Arc 1600), les activités de gestion et de commercialisation des résidences de tourisme, pour ne conserver que la gestion. Ainsi « en confiant chaque morceau à une société professionnellement compétente et nouvelle » (Roger GODINO. Construire l´imaginaire, p. 61), la S.M.A. réalise la désintégration de la station.

De cette conduite éclatée naît une gestion désordonnée de l´espace de la station sans une attention suffisante aux principes fondateurs de l´urbanisme et de l´architecture. De cette époque surgit une direction fragmentée de la station, prenant effet notamment dans les aspects liés à l´urbanisme et à l´architecture. Les droits à construire et les terrains constructibles réservés jusque là dans les opérations d´urbanisme sont négociés successivement par la S.M.A. à des promoteurs immobiliers qui imposent à la collectivité publique des choix d´urbanisme et d´architecture (implantations en vis-à-vis, toitures double versant couvertes en lauzes, appareils de pierres plaqués sur les maçonneries de béton, menuiseries en bois découpé...) rompant avec la pensée originelle des créateurs des Arcs : Chantel-Haut avec le groupe MGM à partir de 1999, Arc 1950 avec le groupe Intrawest en 2004. Les inquiétudes sur le devenir de la station sont partagées aussi bien par les pionniers de la station que par une clientèle fidèle à la réputation des Arcs, tous conscients que l´identité des Arcs est en jeu. En l´absence d´une maîtrise d´ouvrage structurée, le débat est ouvert sur un nouveau mode de « gouvernance » à imaginer pour la station par association des différents partenaires économiques et sociaux autour de la collectivité locale, sorte de pari pour retrouver une maîtrise d´ouvrage consciente des enjeux, capable de valoriser la dimension patrimoniale de la station et apte à interroger une maîtrise d´oeuvre de qualité, poursuivant ainsi l´aventure créative des Arcs. Le départ dans les années 1990 du fondateur des Arcs a morcelé la gestion de la station entre plusieurs partenaires, fragilisant le maintien de l´exceptionnelle cohérence architecturale et urbaine, qui a fait des Arcs un repère essentiel dans l´évolution de l´aménagement en montagne au XX° siècle.

J.-F. LYON-CAEN/C. SALOMON-PELEN

Les trois stations des Arcs, comprenant 30 000 lits touristiques, furent réalisées en une vingtaine d'années, sur les pentes de l'Aiguille-Grive (2732 m d'altitude), au-dessus de Bourg-Saint-Maurice et d'Hauteville-Gondon pour les deux premières. De 1968 à 1973, c'est Arc 1600, considérée comme le laboratoire, et à partir de 1974, Arc 1800. Puis Arc 2000 sera fondée à partir de 1978, au cour de la vallée de l'Arc, au pied l'Aiguille Rouge qui culmine à 3226 m. Grâce à R. Blanc (1933 - 1980), berger dans son enfance sur la montagne des Arcs, moniteur de ski à Courchevel et guide de haute montagne, R. Godino, jeune manager en développement, découvre le site en 1961. Il s'engage dans la création d'une station de sports d'hiver qu'il conçoit d'emblée comme une entreprise. Il constitue en 1964 la Société des Montagnes de l'Arc, chargée de réaliser toute la station, depuis l'acquisition des terrains jusqu'à l'animation culturelle et sportive, en passant par l'installation des remontées mécaniques, l'aménagement du domaine skiable, la construction des immeubles résidentiels et leur commercialisation. Godino s'assure que l'innovation soit permanente en s'entourant d'une équipe pluridisciplinaire qui intègre les fonctions de maître d'ouvrage, de maître d'ouvre et de gestionnaire. La composition des Arcs est inspirée des réflexions de Le Corbusier sur la cité moderne, et de la philosophie architecturale insufflée par Ch. Perriand (1903 - 1999), qui, à la demande de D. Pradelle (1913-1999), consacre 20 ans de sa vie de création de 1967 à 1987 à la conception de la station. Autour d'elle se rassemble un groupe de concepteurs qui partagent les mêmes convictions autour du mouvement moderne et des idées développées par les CIAM et Le Corbusier : l'équipe de l'AAM, composée des architectes-urbanistes D. Pradelle, G. Regairaz, G. Rey-Millet, P. Quinquet, A. Bardet, J.-G. Orth, le graphiste P. Faucheux qui conçoit la Coupole, dont la charpente en bois lui inspire le logo de la station, le charpentier menuisier B. Taillefer, qui s'exprime comme architecte, les architectes R. Rebutato et A. Tavès et l'ingénieur J. Prouvé qui conseille l'équipe à de nombreuses reprises. Ensemble, ils recherchent l'intégration au site, concentrant l'implantation des constructions pour en réduire l'impact dans le paysage. Ils font le choix de la station sans voitures, dont le tracé des chemins piétons structure l'organisation urbanistique des commerces, des équipements, et des entrées résidentielles. Certains immeubles sont disposés en peigne, perpendiculairement à la pente, laissant le plateau libre pour les pratiques sportives de ski en hiver et de golf en été. Malgré la grande densité des programmes, et les contraintes de la préfabrication, chaque logement est conçu comme une cellule individuelle dont l'organisation est déclinée sans cesse différemment, tout en répondant à des exigences de surfaces draconiennes, grâce aux recherches sur l'art d'habiter la montagne, absence de vis-à-vis entre logements, terrasses isolées, coursives collectives personnalisées, salles de bains cabines et mobiliers adaptés. Le départ en 1990 du fondateur des Arcs a morcelé la gestion de la station entre plusieurs partenaires, fragilisant le maintien de l'exceptionnelle cohérence architecturale et urbaine, qui a fait des Arcs un repère essentiel dans l'évolution de l'aménagement en montagne au XX° siècle.

Bibliographie

  • ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA SAVOIE. CENTRE D'ARCHITECTURE DU XXE SIECLE DE LA SAVOIE. Inventaire des archives de l'Atelier d'Architecture en Montagne à Chambéry (1945-1985) / Franck Delorme. Chambéry : Conseil général de la Savoie, 2001. 297 p. 30 cm

  • Pierre Faucheux, le magicien du livre. Editions du Cercle de la Librairie, 1995

  • Les Arcs / SMA (Société les Montagnes de l´Arc) et AFAA (Association des Fondateurs et des Amis des Arcs). Bourg-Saint-Maurice : L´Edelweiss, 1998

  • CLAPIER, Jacky, PERRIER, Bruno. L´aménagement touristique de la montagne. Le cas des stations intégrées, une urbanisation de l´exception. Étude de deux réalisations : Flaine-Les Arcs. Grenoble : Université des Sciences Sociales, novembre 1972

  • GODINO, Roger. Construire l´Imaginaire ou le management de l´innovation. Presses de la Cité - Solar, 1979

  • GODINO, Roger. Construire l´Imaginaire ou la quête inachevée d´un aménageur. H. I. D., 1996

  • PERRIAND, Charlotte. Une vie de création. Odile JAMob, 1998

Périodiques

  • Architecture française, n°389, février 1975

  • GODINO, Roger. La station des Arcs. Technique et architecture, n°333, décembre 1980

Documents figurés

  • Relevés des chalets de l'alpage des Arcs. Fiches, Photographies et relevés sur calques. [vers 1965] (AD Savoie. 6J 2352-2353)

Date(s) d'enquête : 2000; Date(s) de rédaction : 2002
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
© Ecole d'architecture de Grenoble